Réflexions sur les droits de l’exploitant de mines en droit camerounais »

Résumé
L’attribution d’un titre d’exploitation, en l’occurrence, d’un permis d’exploitation, d’un permis d’exploitation de petite taille, d’une autorisation d’exploitation artisanale, confère à son titulaire un ensemble de droits sur la mine, objet de l’exploitation. Le régime juridique de ces droits varie selon que la mine est appréhendée au sens strict ou selon qu’elle est considérée sous l’angle de ses dépendances. Au sens strict, l’exploitant est titulaire d’un droit de jouissance temporaire sur les gisements incorporés au sol, l’Etat étant propriétaire exclusif des gisements naturels et artificiels. L’exploitant est cependant propriétaire des gisements extraits encore appelés produits, du fait de son activité. En même temps qu’il conserve la propriété des dépendances de la mine, c’est-à-dire, des installations, constructions et industries érigés pour les besoins de son activité, pendant la période de validité du titre d’exploitation. A la cessation des droits miniers, en l’absence de dispositions formelles du Code minier, et à défaut d’une disposition conventionnelle, les différentes installations reviennent, tantôt à l’Etat, tantôt aux propriétaires du sol, ou aux détenteurs fonciers coutumiers ou d’occupation, selon que les travaux sont déclarés d’utilité publique ou non, par voie d’accession par incorporation.
Mots-clés
Droit minier-exploitant minier-mine-gisement-droit réel immobilier-droit de propriété-usufruit-amodiation-permis d’exploitation-autorisation d’exploitation artisanale-emphytéose.

Introduction

1. L’activité minière au Cameroun est conditionnée par l’obtention d’un titre minier ou d’une autorisation. Ces derniers constituent des actes administratifs à portée individuelle qui confèrent à leurs titulaires, un ensemble de droits subjectifs à caractère patrimonial connues sous l’appellation de droits miniers. Les droits miniers s’entendent du droit de rechercher ou d’exploiter des substances minérales à la surface du sol ou dans le tréfonds. La recherche et l’exploitation constituent donc les deux aspects de l’activité minière. Il s’agit là de deux phases juridiquement distinctes, et les droits qui en permettent l’exercice diffèrent autant par leur contenu que par leur régime. S’agissant particulièrement des droits d’exploitation, ils ne peuvent résulter que d’un titre d’exploitation, en l’occurrence le permis d’exploitation , le permis d’exploitation de petite mine , ou d’une autorisation d’exploitation artisanale .
2. Au sens de notre étude, l’exploitant de mines est toute personne qui entreprend ou conduit des travaux d’exploitation sur la mine. Par travaux d’exploitation, on entend tous travaux permettant de transformer la masse propre à être livré à l’industrie. Ainsi, une mine est considérée en exploitation, lorsque les travaux considérables ayant été entrepris, l’intention d’exploiter est incontestable . Mais qu’est-ce qu’une mine ? La mine est l’objet de l’exploitation. En pratique, elle peut désigner les gites de toutes substances minérales non classés dans les carrières y compris les gites géothermiques, les eaux minérales et thermo minérales. Il s’agit en d’autres termes, de tout gisement de substances minérales ou fossiles que, en raison de leur valeur, la loi les a déclarés distinct du sol quant à leur régime de propriété . Par gisement on entend, tout gite naturel de substances minérales exploitables dans les conditions économiques du moment . On distingue généralement deux types de gisements : les gisements miniers naturels et les gisements miniers artificiels. Les premiers désignent toute concentration anormale et naturelle des substances minérales à la surface ou à la profondeur de l’écorce terrestre, exploitable de manière rentable dans les conditions économiques du moment . Le gisement artificiel, lui, s’entend de toute concentration artificielle des substances minérales à la surface provenant de l’exploitation des mines et/ou des rejets découlant du traitement minéralurgique et métallurgique, exploitable de manière rentable dans les conditions économiques du moment .
3. Juridiquement, la mine est « un domaine crée dans un gisement minier ». En effet, avant l’octroi du titre d’exploitation, il n’existe qu’une masse de substances minérales. La mine est juridiquement créée à partir du moment où l’acte de puissance publique délimite un certain volume à l’intérieur de l’écorce terrestre . Mais ce volume en soi ne la constitue pas, parce ce que le droit de l’exploitant ne s’étend pas à la portion de l’écorce terrestre délimitée par son titre. Il ne porte à l’intérieur de celle-ci que sur les substances qui font l’objet de son titre d’exploitation . Ainsi, sur cette portion vont s’exercer concurremment le droit minier avec ses accessoires et le droit du propriétaire du sol. L’exploitant n’aurait pas le droit d’utiliser les vides qu’il dégage à des fins futures, et il ne pourrait y poursuivre des travaux qui n’auraient pas de rapport avec son exploitation . Cependant, le droit de l’exploitant n’est pas limité aux seuls gites naturels reconnus avant la délivrance du titre d’exploitation, et en vue duquel il a été institué. La mine comprend donc en réalité, toutes les poches naturelles de minerais situées à l’intérieur d’une portion de l’écorce terrestre, qu’elles soient attenantes ou séparées .
4. Cette analyse est cependant parcellaire, parce qu’elle ne permet pas, compte tenu de la réalité complexe de l’exploitation minière, d’appréhender la notion de mine dans tous ses contours. C’est la raison pour laquelle elle a fait l’objet d’un élargissement pour y inclure les « dépendances », c’est-à-dire, les différentes installations et industries liées à l’exploitation minière. On distingue traditionnellement le « fond », le « jour et dépendances légales », et « les industries annexes ». Le « fond » comprend les installations situées au-dessus du sol. Il n’en est pas de même pour les autres éléments de la mine. Selon un auteur, il faut distinguer, tout en leur reconnaissant le même régime, le « jour des fosses » des « dépendances légales », que l’on englobait par le passé toutes deux sous cette dernière rubrique . Le « jour de fosse », comprend les installations situées au-dessous et à proximité des puits, en rapport immédiat avec l’exploitation : chevalements et machines d’extraction, installations de lavage et de triage connexes aux fosses, lampisteries et douches du personnel et bureau de vote, etc. Les dépendances légales quant à elles se distinguent des industries annexes. En droit comparé, notamment en France, cette distinction est fondée sur une pratique administrative. Ainsi on entend par « dépendances légales », les engins d’extraction et les installations qui se rattachent à l’exploitation, en constituent techniquement la suite directe et indispensable, et dans lesquelles s’effectuent des opérations nécessaires pour amener le produit brut extrait, à ce premier état hors duquel il n’est pas encore marchand . Ces dépendances conditionnent en réalité l’exploitation matérielle de la mine. Elles ne peuvent donc exister à l’état d’industrie distincte effectuée par un tiers, car elles ne seraient pas en elles-mêmes rémunératrices. Elles ne se distinguent donc pas juridiquement de la mine elle-même, et le droit minier doit leur être applicable.
5. Ces extensions sont-elles démesurées, au point d’admettre d’une part, les constructions érigées par l’exploitant minier, dans le but de loger ses ouvriers, et d’autre part les industries annexes ? S’agissant des habitations, on répondrait a priori par la négative, dans la mesure où elles semblent n’avoir aucun rapport avec le droit minier. Mais, parce qu’elles existent pour les besoins de l’exploitation, elles devraient faire corps avec la mine. Dans tous les cas, la distinction ne sera pas aisée, et sera certainement l’œuvre de la jurisprudence. Quant aux industries annexes, elles correspondent à des opérations ayant pour objet de traiter un produit déjà utilisable en l’état. Elles pourraient très bien être effectuées par des tiers et relèvent non de la législation minière, mais du droit commun industriel .
6. Dans une acception large, le terme mine vise donc en premier lieu le gisement minier, naturel et artificiel. En second, les usines de traitement ou de transformation y compris les installations et matériels mobiliers et immobiliers affectés à l’exploitation, toutes les industries qui se rattachent à l’activité minière du titulaire, dont les installations d’habitation et autres à caractère social, à l’exclusion des industries annexes. C’est d’ailleurs cette approche qui est intégrée de manière explicite dans certains textes étrangers, à l’instar du Code minier de la République Démocratique du Congo. En effet, ce texte définit la mine comme étant, « tout gisement ou gisement artificiel des substances minérales classées en mines, exploitable à ciel ouvert ou en souterrain et/ou toute usine de traitement ou de transformation des produits de cette exploitation se trouvant dans le périmètre minier, y compris les installations et matériels mobiliers et immobiliers affectés à l’exploitation» .
7. La notion de mine étant dégagée sous toutes ses coutures, quels sont les différents droits d’exploitation dont elle fait l’objet ? Cette question mérite d’être posée au regard de la législation minière actuelle. En effet, contrairement à certaines législations minières étrangères , le législateur camerounais n’a pas expressément défini le contenu du régime juridique des droits d’exploitation d’ensemble de la mine. Et pourtant, il ne fait l’ombre d’aucun doute que ces droit existent, et ce, à compter de la date d’attribution du titre donnant droit à exploitation des substances minérales. Dès lors, il s’avère nécessaire de les déterminer en les qualifiant de manière précise, dans l’optique de compléter la compréhension du régime juridique de la législation minière mise en place par le législateur. Dans notre contexte, cet exercice s’avère compliqué en l’absence de dispositions formelles du Code minier. Les discussions restent donc ouvertes. Focalisées sur la combinaison du droit commun avec l’esprit de la législation minière, et le contrôle qu’elle réserve à l’administration sur une activité considérée comme d’intérêt général, elles dépendent pour l’essentiel, de la dimension définitionnelle accordée à la notion de mine. Ainsi, les droits de l’exploitant varient selon qu’ils sont exercés sur la mine au sens strict (I), ou sur les dépendances (II).

I- Les droits de l’exploitant envisagés sur la mine stricto sensu.
9. L’attribution d’un titre d’exploitation confère à son titulaire le droit d’exploiter le gisement, objet de l’exploitation. Même si le Code minier ne le mentionne pas expressément, ce droit s’assimile à un droit de jouissance temporaire (A), l’Etat étant propriétaire des gisements naturels et artificiels, incorporés au sol. L’exploitant de mines est par contre propriétaire des gisements extraits, encore appelés produits, du fait de son activité (B).
A- Un droit de jouissance temporaire sur les gisements incorporés au sol
10. Selon le Code minier Camerounais, « les mines sont et demeurent la propriété de l’Etat » . Le terme mine vise en réalité les gisements miniers naturels et artificiels. Cette propriété de l’Etat sur les mines, est une propriété exclusive en ce qu’aucune personne physique ou morale, ne peut prétendre à un quelconque droit de propriété, et l’Etat ne peut la partager avec quiconque à titre de copropriété. Aussi, ce droit de propriété de l’Etat est inaliénable et imprescriptible en ce qu’aucune personne ne peut en demander l’aliénation d’une part, et que d’autre part, l’Etat ne peut pas perdre ce droit par prescription . La propriété de l’Etat sur les gisements miniers s’étend à la cessation des droits miniers, c’est-à-dire, à l’expiration du permis ou de l’autorisation d’exploitation artisanale, à la suite du retrait, ou de la renonciation du titre donnant droit à exploitation. Pour toutes ces raisons, il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’exploitant de mines dispose d’un droit de jouissance temporaire sur les gisements encore incorporés au sol . Au regard de la classification généralement opérée par le Code civil à propos des biens meubles et immeubles, il s’agit sans doute d’un droit réel immobilier (1). Cela emporte évidemment toutes les conséquences (2) liées à ce caractère.
1) Le caractère réel immobilier du droit jouissance de l’exploitant.
11. Les gisements sont des biens, c’est-à-dire des choses qui servent à l’usage de l’homme, et permettent à celui-ci de satisfaire ses besoins. En tant que tels, ils obéissent à la distinction meuble et immeuble établie par le Code civil . Un droit est immobilier lorsqu’il porte sur un immeuble. Les gisements miniers constituent des biens immeubles, motif pris de ce qu’ils ont ce caractère avant l’institution du permis ou de l’autorisation d’exploitation, du fait de leur incorporation au sol, et doivent naturellement le conserver après son intervention. En l’absence de dispositions spéciales, les gisements sont des immeubles par l’objet aux quels ils s’appliquent. Au sens du Code civil, ce sont des biens incorporels. En effet, ce texte range dans cette catégorie de biens incorporels, des droits. Rigoureusement, la nature abstraite d’un droit s’oppose à ce qu’on puisse le considérer comme un meuble ou un immeuble . Mais la classification ayant une valeur générale, le Code civil y a inclus les droits, en considérant les objets sur les quels ils portent. L’article 526, qui considère ainsi comme immeubles « l’usufruit des choses immobilières ; les servitudes ou services fonciers ; les actions qui tendent à revendiquer un immeuble » est très incomplet. En réalité, il y a lieu de considérer aussi comme immeubles incorporels, certains droits réels immobiliers .
12. Il est donc incontestable que l’exploitant exerce un droit réel sur les gisements considérés comme immeubles. En droit comparé, une certaine doctrine s’est insurgée contre le caractère réel du droit de l’exploitant, en objectant qu’il s’agit d’un droit personnel, compte tenu du fait que ce droit ne s’exerce que par la permission de l’administration, et que l’Etat apparait comme débiteur de l’obligation de mettre le gisement à la disposition de l’exploitant. Cette analyse, pour pertinente qu’elle soit ne peut prospérer. En effet, le droit de l’exploitant est un droit stable, qui porte sur une chose et oblige l’administration aussi bien que les tiers à ne rien faire qui puisse nuire à la personne qui en est activement titulaire. Ce droit place son titulaire dans une situation analogue à celle des titulaires d’un droit réel civil. C’est dans cet état de choses qu’une certaine doctrine a pu aussi se demander s’il n’y avait pas quelque exagération à toujours essayer de ranger le droit de l’exploitant minier dans la catégorie des droits réels, dans la mesure où un contrat intervient entre l’Etat et l’exploitant minier . Ce contrat ne détruit-il pas ce caractère de réalité qui résulte du titre accordé ? A propos, il convient de faire une distinction : pour tout ce qui a trait aux relations contractuelles de l’Etat et de l’exploitant, le droit de celui-ci est bien personnel. Pour le reste, il demeure réel. Ce qu’il faut retenir c’est qu’en pratique, la partie contractuelle est purement négative. Elle ne fait naitre à sa charge que des obligations au profit de l’Etat. Or ce dernier est un créancier particulier qui dispose de moyens spéciaux de contrainte. A cet égard, la distinction entre les droits réels et personnels perd son intérêt .
13. S’il est donc incontestable qu’il s’agit d’un droit réel, peut-on l’assimiler à un des démembrements du droit de propriété tels l’usufruit, ou l’emphytéose ? Cette tentative d’assimilation s’explique par le fait que, tous les droits réels ont été conçus à partir de la propriété, par le mécanisme de la décomposition et de la modification du contenu. Le dépeçage du droit de propriété a cependant abouti à diviser entre plusieurs personnes le pouvoir qui, dans son entier est celui du propriétaire. Et les droits réels qui en découlent sont opportunément rapprochés par l’article 543 du Code civil de la propriété qui dispose qu’« on peut avoir sur les biens, ou un droit de propriété ou un simple droit de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre ». Ainsi, on pourrait être tenté d’assimiler le droit réel de l’exploitant sur les gisements, à l’usufruit et surtout, à l’emphytéose. Mais on déchanterait rapidement, car rendu à l’évidence, il en diffère par les modes de constitution et d’extinction. En outre, le caractère de ces démembrements du droit de propriété est d’astreindre leur titulaire à conserver la substance de la chose dont ils jouissent, alors que l’exploitant de mine la détruit chaque jour de sorte que bien avant l’expiration de son titre, son droit peut se retrouver n’avoir plus d’assiette. Pour ce qui est du cas particulier de l’emphytéose, le bail minier s’appelle amodiation, et on ne saurait assimiler à un bail, un acte dont l’effet serait de consommer la chose louée.
14. A défaut de ranger le droit immobilier dans l’une de ces catégories, peut-on conclure qu’il s’agit d’un droit réel de nature administrative, tel qu’envisagé par la doctrine ? Et qui permet de concilier la précarité inhérente à un droit de nature administrative, avec une certaine stabilité nécessaire aux situations économiques. En effet, le droit réel administratif permet à son titulaire de bénéficier de l’exclusivité tant au regard de l’administration que des tiers dans des conditions voisines du droit civil. Même vis-à-vis de l’administration, celui-ci jouit de garanties légales et d’une situation stable dont la précarité ne se manifeste que par la limitation de sa durée et la possibilité de révocation dans des cas limités.
15. A notre avis, il serait osé de tenter une catégorisation précise du droit immobilier de l’exploitant. Tout ce dont on est certain, c’est qu’il s’agit d’un simple droit de jouissance précaire, n’obéissant à aucune classification juridique précise dans l’énumération des droits réels du Code civil, en raison des spécificités qui émaillent la matière. Il s’agit donc d’un droit réel immobilier innommé sui generis. C’est d’ailleurs l’avis d’une certaine jurisprudence étrangère , lorsqu’elle affirme à propos d’une espèce que, « le tribunal estime avec ce dernier que le droit réel que constitue la concession minière est un droit sui generis consistant en un démembrement du droit de propriété que la Colonie s’est attribué sur les mines (art. 1 du décret du 24 sept. 1937); que ce droit sui generis peut s’analyser en un usufruit élargi d’une part, puisque le concessionnaire n’est pas obligé de conserver la substance de la mine (art. 82, 3°, a, décret du 24 sept. 1937) et ne doit en conséquence donner aucune caution, restreint d’autre part, puisqu’il ne porte que sur les substances concédées (art. 66) ; Que la concession qui autorise l’exploitation a d’autre part été définie par M. Halewyck «L’octroi par l’autorité publique… d’un droit particulier d’usage sur les objets du domaine public; … ». Aujourd’hui en République Démocratique du Congo, les choses sont beaucoup plus précises. En effet, le législateur minier Congolais a érigé les droits miniers et des carrières en droits réels immobiliers. De ce fait, les opérations portant sur les droits miniers telles que les mutations, les amodiations et les sûretés sur les droits miniers et des carrières sont des transactions immobilières. Cette même solution est appliquée en droit Français dans la mesure où, l’institution d’un permis ou d’une concession crée en faveur de l’exploitant un droit immobilier. Dans ce dernier les cas, il s’agit d’un simple rappel, parce que dans le Code minier français, la nature juridique de ce droit découle du caractère immobilier reconnu à la mine .
16. Quoi qu’il en soit, le droit de l’exploitant est un droit réel immobilier. Ce caractère découle de la nature immobilière des gisements, du fait de leur incorporation au sol. Reconnu titulaire d’un tel droit, l’exploitant disposera à coût sur, de prérogatives inhérentes qui en découlent.
2- Les conséquences attachées au caractère de droit réel immobilier de l’exploitant
17. En dehors du fait que le droit du titulaire du titre d’exploitation est cessible et transmissible , ce qui est d’ailleurs de l’essence même d’un droit patrimonial, l’exploitant de mine disposera le cas échéant d’un droit de préférence et d’un droit de suite (a). Il pourra également en constituer un usufruit (b), et même l’amodier (c)
a) La possibilité pour l’exploitant de mines de se prévaloir du droit de suite et du droit de préférence
18. La conséquence principale du caractère de droit réel immobilier dont est titulaire l’exploitant de mine implique qu’il disposera d’un droit de suite en ce qu’il permet de poursuivre les substances minérales ayant le caractère des produits marchands pour lesquels il a droit. Il dispose également d’un droit de préférence qui lui permet, en cas de mise en concours avec d’autres personnes, qu’il soit désintéressé le premier . En droit comparé, le tribunal de Luluabourg avait jugé que les substances précieuses provenant d’un gisement concédé appartiennent au propriétaire même sans leur extraction. Appliquant ainsi aux mines le principe selon lesquels les fruits naturels sont censés être perçus même avant leur enlèvement, ce tribunal estimait qu’en cas d’extraction frauduleuse, ces substances appartiennent au concessionnaire et doivent lui être restituées et non à l’Etat, propriétaire des mines. « Attendu qu’il reste à vérifier si, en droit, il suffit à la partie civile d’établir que des pierres ne peuvent provenir que de l’une de ses concessions, pour qu’il soit reconnu ipso facto leur propriété, ou si, au contraire, la preuve de la propriété ne peut résulter que de la preuve supplémentaire d’une appréhension effective au cours de travaux d’exploitation; si, en d’autres termes, la partie lésée par un vol de diamants dans une concession, mais en dehors d’un chantier d’exploitation, est la Colonie, propriétaire des mines, ou la société titulaire d’un permis d’exploitation » . A la suite de cette décision, le législateur Congolais a confirmé le droit de suite du titulaire du droit minier ou de carrière d’exploitation en ce qui concerne les substances minérales extraites illicitement dans le périmètre couvert par lesdits droits .
19. Quant au droit de préférence, il tient à la priorité qu’il confère sur la chose. Si par exemple, plusieurs personnes ont, simultanément, des prétentions à faire valoir sur une chose-deux s’en prétendent propriétaires, une troisième affirme être titulaire d’un usufruit ; une dernière est un créancier qui tente de la saisir-, le titulaire du premier droit réel transmis et publié l’emporte sur tous les autres : il est préféré à ses concurrents, parce qu’il est titulaire d’un droit réel . Parce qu’il bénéficie d’un droit de suite et de préférence, l’exploitant de mine sera protégé par les actions possessoires. En effet, même si l’exploitant minier n’est pas propriétaire il a, du moins une situation de fait qui mérite protection : sa protection, pour peu qu’elle se prolonge pendant quelque temps, suffit à le rendre plus digne d’intérêt que le tiers qui viendrait la troubler et qui, du même coup, troublerait la paix publique. L’action possessoire lui procure un moyen de défense sans qu’il soit tenté de recourir à des voies de fait. Ces considérations sont si fortes qu’elles justifient l’exercice possessoire même à l’encontre du véritable titulaire du droit.
20. En outre, le tribunal compétent pour connaitre des litiges avec les tiers qui est le tribunal judiciaire et non administratif, sera celui de l’exploitation, c’est-à-dire du lieu de l’immeuble, et non celui du défendeur. Les règles relatives à la saisie immobilière sont également applicables. En ce cas, les produits extraits qui se trouveront sur le carreau de la mine seront immobilisés. C’est dire que le titulaire d’un droit réel quelconque peut suivre la chose qui lui appartient ou qui est grevée d’un droit en sa faveur . Ainsi donc, l’exploitant minier peut revendiquer les gisements contre tout détenteur.
b- Le droit de l’exploitant, un droit susceptible d’usufruit
21. En l’absence d’un texte formel, on peut admettre que l’usufruit peut être constitué sur le droit de l’exploitant minier. Comme dans tout autre droit immobilier, ce sont les règles générales du droit civil qui s’appliqueront. En effet, d’après le Code civil, l’usufruit « … peut être établi sur toute espèce de biens meubles ou immeubles » . Une particularité existe cependant en raison même de la matière, l’exploitant n’étant pas tenu, contrairement à l’usufruitier d’un bien quelconque, de conserver la substance de la chose. Ainsi l’usufruitier jouit de tous les droits de l’exploitant à charge de se conformer aux règles de l’art. Il supporte toutes les charges de l’exploitation et doit entretenir les installations. Il n’est pas tenu de conduire l’installation dans les mêmes limites que le titulaire du permis ou de l’autorisation de l’exploitation. Il peut développer l’extraction à condition de s’abstenir d’extraction immodérée
22. Cependant, par extension des principes du Code civil, on admet qu’un usufruit ne peut être constitué que si la mine est en exploitation à la date de sa constitution. C’est du moins une argumentation tirée du Code civil, dont l’article 598 dispose que « l’usufruitier jouit de la même manière que le propriétaire des mines et des carrières qui sont en exploitation à l’ouverture de l’usufruit ; et néanmoins, s’il s’agit d’une exploitation qui ne puisse être faite sans une concession, l’usufruitier ne pourra en jouir qu’après en avoir obtenu la permission du Président de la République ». Il a été admis en droit comparé que de simples travaux ne suffiraient pas , mais que des travaux préparatoires suffisamment importants pour établir l’intention d’exploiter seront pris en considération même si l’extraction n’a pas encore commencé. Inversement, une jurisprudence a admis que l’usufruitier ne pourrait reprendre l’exploitation d’une mine si elle avait été définitivement arrêtée. Cette position se justifie dans la mesure où la fermeture d’une mine entraine logiquement l’arrêt de toutes les opérations liées à l’exploitation .
c- Le droit de l’exploitant, un droit amodiable
23. Même si le Code minier Camerounais ne l’a pas expressément mentionné, le droit de l’exploitant sur les gisements peut être amodié. L’amodiation est le contrat de location d’une mine. Contrairement à ce qui se passe dans le cas du bail d’un domaine rural, l’exploitation des mines porte sur des produits qui ne se renouvellent pas, et elle a pour effet la destruction de la chose louée. En droit français, la jurisprudence qui reconnaissait autrefois à cette convention le caractère d’un bail auquel elle emprunte cependant la plupart de ces traits , est longtemps fixée pour voir une vente de matériaux considérée dans leur état futur du fait de leur séparation du sol comme meubles par anticipation . Cette convention conserve ce caractère alors même qu’elle aurait été qualifiée de bail par les parties . Cependant, certains tribunaux admettent des restrictions contradictoires avec cette opinion. En raison du caractère immobilier du droit de l’exploitant, ils ont jugé que la capacité requise pour conclure un tel contrat est celle exigée pour des aliénations immobilières. Ils admettent aussi que vis-à-vis des tiers, la cession conserve une nature réelle et immobilière, et que la convention pour leur être opposable, doit avoir été transcrite . Ces restrictions, d’après une certaine doctrine , sont dictées pour des raisons évidentes d’intérêt pratique. Et n’en sont pas moins contradictoires avec la théorie qui voit dans l’amodiation une vente de matériaux. Mais celle-ci par ailleurs est loin d’être pleinement satisfaisante. L’amodiataire, en effet, possède une sorte de dominium utile, mais comme il est tenu au paiement d’une rente en faveur du titulaire du titre, on peut dire que celui-ci conserve sur la mine une sorte de dominium directum.
24. Ainsi donc, la doctrine a essayé de concilier les idées de bail et de vente mobilière. D’après certains auteurs, l’amodiation serait un contrat intermédiaire, le « contrat d’amodiation de l’ancien droit », dans lequel le paiement en nature a été remplacé par un paiement en espèces, celui-ci provenant des produits extraits par le locataire, puis accepté forfaitairement par le bailleur . Une autre tendance , y voit donc un contrat double, comportant un bail permettant l’occupation de la surface, et la vente de produits à extraire, ce dernier constituant l’élément accessoire. Le plus juste est d’y voir un bail sui generis participant à la fois de l’un et de l’autre . On admet en général qu’il peut se rapprocher de l’un ou de l’autre des contrats civils, suivants les circonstances de la cause. C’est au juge de les apprécier. Ils devront dans chaque cas rechercher qu’elle a été l’intention des parties. Dans tous les cas, le locataire de la mine ne sera, au regard de l’administration qu’un entrepreneur de l’exploitant agissant pour son compte et son nom. Le titulaire d’un titre sera seul responsable vis-à-vis de l’Etat de l’accomplissement des obligations qu’il entraine, et notamment le paiement des redevances.
25. En somme, l’exploitant est titulaire d’un droit réel immobilier sur les substances minérales encore incorporés au sol. Il s’agit d’un simple droit de jouissance de nature précaire, mais dont les conséquences sont non négligeables. Les choses sont cependant différentes s’agissant des substances extraites, dont l’exploitant est propriétaire.
B- Un droit de propriété sur les gisements extraits du fait de l’exploitation.
26. Les gites minéraux, naturels ou artificiels, qui deviennent des gisements naturels ou artificiels lorsqu’ils sont susceptibles d’être exploités de manière rentable dans les conditions économiques du moment, sont incontestablement des biens appartenant à l’Etat. Mais ce dernier n’est pas propriétaire des produits extraits du fait de l’exploitation. Même si aucun texte minier ne le mentionne expressément, ces produits appartiennent à l’exploitant minier. La propriété dont il s’agit ici est mobilière. En effet, les matières extraites, approvisionnement, et autres objets, sont des meubles par nature. Ce caractère mobilier qui découle du Code civil , s’explique tout simplement par le fait que, les produits extraits qui avaient le caractère immobilier quand ils étaient incorporés au sol deviennent meubles après être séparés, même s’ils sont encore demeurés à l’intérieur de la mine.
27. Le droit d’exploitation entraine logiquement celui de disposer librement des produits extraits du gite. Sauf restriction expresse des textes, l’exploitant minier dispose sur ces produits, un droit de propriété absolu. C’est dans ce sens qu’il peut librement les commercialiser. En effet, ce qui caractérise l’exploitation, c’est qu’elle est entreprise en vue d’extraire les produits et les vendre. L’administration ne saurait pour quelque motif que ce soit, user de ses pouvoirs pour s’immiscer dans la fixation des prix ou dans le commerce, la vente et la répartition des produits miniers. En France, la jurisprudence a eu plusieurs fois l’occasion de tirer les conclusions logiques de cette liberté commerciale. C’est dans ce sens qu’a été annulée, une décision du préfet de la Loire enjoignant à tous les concessionnaires de mines de houille de son Département de livrer leurs combustibles à tous les utilisateurs sur le carreau des mines, sans tour de faveur, et à des conditions égales . De même qu’a été annulé par le Conseil d’Etat, un arrêté préfectoral obligeant un groupe de concessionnaires à fournir annuellement à une usine voisine, moyennant un prix fixé par expert, une certaine quantité de leurs produits . D’autres procédés d’intervention de l’administration ont été utilisés. Elle a tenté, par l’intermédiaire de la fixation des redevances tréfoncières, d’assujettir à des obligations économiques, les titulaires de concessions portant sur le domaine des collectivités publiques et notamment des communes .
28. A notre avis, il faut sauvegarder la liberté commerciale de l’entreprise minière, tout en prenant certaines précautions pour éviter les abus. C’est ce qui a justifié en France, la technique des engagements contractuels à un moment donné. Elle a consisté à insérer dans les cahiers de charges des procédés qui permettaient de modifier les textes généraux, d’obtenir par voie de discussions avec les intéressés, certaines garanties quant à la l’utilisation future de leur production. Par ailleurs, les impératifs de la politique économique ont motivé l’apparition de dispositions spéciales de nature règlementaire, réservant à l’administration un droit général de contrôle sur la production extraite des gisements d’hydrocarbures . Au Cameroun, le Code minier fait obligation au demandeur du titre d’exploitation, d’accompagner la demande du permis d’exploitation, d’un plan relatif à la commercialisation des produits. Ce plan contient d’ailleurs les points de vente envisageables, les plans, les conditions de vente et les prix .
29. Outre la commercialisation, le titulaire du permis peut également se livrer à des actes de traitements et à des transformations . Il en est de même, du titulaire de l’autorisation d’exploitation artisanale, l’activité minière artisanale étant par essence destinée aux besoins de la famille, l’artisan minier doit pouvoir transformer les substances minérales issues de son activité. De même, l’exploitant dispose aussi au titre de ses prérogatives, d’un droit de préférence et d’un droit de suite exercé sur les gisements lorsque l’extraction a été faite de manière illicite par un tiers. S’agissant de cette dernière prérogative, en droit comparé, notamment en République Démocratique du Congo, à propos de l’exercice du droit de suite sur les substances minérales extraites illicitement dans le périmètre couvert par les droits miniers d’exploitation, le tribunal de Première Instance de Luluabourg a annulé la décision contraire du tribunal de District du Kasaï datant du 06 mars 1956, qui refusait la restitution des diamants volés et saisis à la société concessionnaire pour les attribuer à l’Etat. En effet selon la décision du tribunal de première instance, le permis d’exploitation octroie à son titulaire un droit exclusif d’extraction. Celui-ci est un droit réel qui emporte le droit de suite permettant au concessionnaire de revendiquer toute substance minérale dont l’extraction est autorisée par son permis en quelques mains qu’elle se trouve. Le juge motivait ainsi sa décision en ces termes : « Attendu que le législateur ayant opté pour le système de la domanialité des mines, propriété distincte de la surface, les substances de la mine appartiennent, en principe, à la colonie ; Attendu que la colonie s’est toutefois réservée le droit de déroger à cette règle, qu’elle le fait notamment lorsque sans accorder le droit de propriété sur la mine, elle accorde un permis d’exploitation que le législateur a érigé en droit réel ; Attendu que dès l’instant où le titulaire de ce droit réel peut prouver que des substances ont été extraites de la mine, qu’en vertu de son permis d’exploitation, il peut seul extraire, il exercera sur ces substances son droit de suite, nonobstant le fait qu’il ne peut être considéré comme le propriétaire de la mine ». Le droit de suite, est opposable à tous et, notamment à tout acquéreur, indépendamment de sa bonne ou mauvaise foi. Il est accordé aux personnes titulaires d’un droit réel. Ce droit est attaché à un bien, et non à la personne propriétaire ou possesseur de ce bien. Quelle que soit la nature juridique de son droit sur le gisement, le titulaire du titre d’exploitation possède dès lors que les produits ont été appréhendés que ce soit par lui-même ou par un tiers, un droit de propriété absolu.
30. Les produits extraits étant la propriété de l’exploitant de mine, on peut cependant se demander s’ils constituent des fruits de la mine, ou s’ils en représentent une partie que l’extraction enlève et supprime, ou s’ils en représentent une partie aliquote que l’extraction enlève et supprime. Les principes généraux de droit semblent s’opposer à ce qu’on leur reconnaisse la qualité de fruits puisqu’ils ne peuvent se reproduire et que la substance de la chose est détruite. Il en résulterait que les actes d’exploitation d’une mine seraient des actes de disposition et non d’administration, ce qui ne pourrait se concevoir . En réalité, la question n’a jamais été tranchée ni dans un sens ni dans un autre. En effet, les produits de la mine ne présentent que certains caractères seulement des fruits ordinaires, et ceux-ci sont la conséquence de la distinction qui peut être établie entre la mine et ce que l’on en extrait. Mais quoi qu’il en soit, les produits extraits peuvent faire l’objet d’une saisie mobilière, conformément au droit commun, précisément, l’acte uniforme OHADA, portant sur les voies d’exécution et procédures de distribution.
31. En somme, le droit de l’exploitant sur la mine stricto sensu est ambivalent. Il diffère selon qu’il est exercé sur les gisements, ou sur les produits et autres objets extraits. Les choses sont cependant plus simples lorsqu’il s’agit des extensions de la mine à savoir, les installations, constructions, et industries érigées pour les besoins d’exploitation.

II- Les droits de l’exploitant sous l’angle des dépendances.
32. Nous avons relevé plus haut que l’Etat Camerounais est propriétaire des gisements miniers naturels et artificiels. Aucune disposition du Code minier applicable, ne semble cependant étendre cette propriété aux différentes installations, constructions, et industries érigées par l’exploitant pour les besoins de son exploitation. Ces biens appartiennent donc à l’exploitant de mines pendant la période d’exploitation, en raison des droits miniers qui sont attachés à son titre d’exploitation. Il convient par conséquent de les classer dans une catégorie juridique précise (A) avant de déterminer l’étendue temporelle de cette propriété (B).
A- La nature juridique des dépendances
33. Il s’agira de classer les installations, constructions, et industries mises en place par l’exploitant, selon la distinction meubles et immeubles généralement opérée par le Code civil , en l’absence des dispositions particulières du Code minier. Mais avant d’y arriver, il faudra les identifier. Les installations indispensables à l’exploitation de la mine désignent en réalité ce qu’on appelle « dépendances légales », c’est-à-dire l’ensemble des ouvrages qui se rattachent à la mine par un lien nécessaire et indivisible. Ces ouvrages renvoient en réalité à l’usine d’exploitation . L’usine comprend, les batiments, les différentes installations, usines, appareils, équipements, outils ou autres biens de toute nature, fixés ou non sur la terre. Il s’agit de manière concrète des dépendances immédiates à l’exploitation de la mine, de ce qui est exigé pour la conduite des travaux, c’est-à-dire le matériel complexe et considérable que nécessite l’orifice d’un puits ou d’une galerie , l’ensemble des galeries et machines, ateliers, magasins, entrepôts, services centraux de la mine, dont toute l’extraction entraine l’érection, y compris ce qui est nécessaire à leur mise en place et à leur fonctionnement.
34. En réalité, il semble difficile en pratique, de concilier les droits des propriétaires du sol avec l’extension que l’aménagement moderne des entreprises donne nécessairement à ces installations. Mais la mise en valeur rationnelle d’un gisement ne nécessite pas seulement l’accomplissement d’actes d’exploitation. En effet, l’exploitation nécessite également l’exécution des travaux accessoires qui entrent dans les objets de la police des mines. C’est par là que pourrait s’expliquer les installations de secours, comme les puits et galeries destinés à faciliter l’aérage et l’écoulement des eaux , et l’ensemble des ouvrages que l’exploitant érige dans le but de sauvegarder la sécurité publique, et la mine, et de garantir la sureté des ouvriers . Cependant, en France, la jurisprudence refuse d’assimiler à ces installations de secours, l’installation d’une usine hydro-électrique destinée à procurer à meilleur compte, l’énergie nécessaire à l’épuisement des eaux d’une mine .
35. Doivent également rentrer dans la propriété de l’exploitant minier, les installations d’habitation et autres à caractère social. Des ateliers de préparation, de lavage et de concentration de combustibles et minerais extraits de la mine. Dans ce dernier cas, il s’agit des installations nécessaires aux premières manipulations des produits bruts, qui sont destinées à les amener à ce premier état à partir duquel ils peuvent constituer un produit utilisable et marchand. De même, l’exploitant minier est propriétaire des installations destinées au stockage et à la mise en dépôt des produits et déchets qui proviennent des travaux d’exploitation proprement dits, que des opérations accessoires auxquelles ils peuvent donner lieu.
36. Il faut ajouter à ces installations, les différentes constructions érigées par l’exploitant minier dans le but de loger ses ouvriers. En effet, pour des besoins d’efficacité dans le travail, l’exploitant peut construire des habitations pour le compte de ses ouvriers. Ces batiments font partie intégrante de la mine, puisqu’ils existent par rapport à l’exploitation minière. Au même titre que les autres installations, ils appartiennent à l’exploitant minier. Quoi qu’il en soit, les différentes installations et constructions, constituent soit des immeubles, soit des meubles. Au titre des immeubles, il ne saurait en aucun cas s’agir des immeubles par destination, l’exploitant n’étant ni propriétaire du terrain, meme lorsque les travaux ne sont pas d’utilité publique, ni propriétaire des gisements incorporés au sol. S’agissant de la propriété du sol, l’entrée en vigueur de la convention minière n’opère pas un transfert de propriété sur les parcelles de terrains, mais plutôt un simple droit de jouissance en faveur de l’exploitant. C’est d’ailleurs ce qui explique l’indemnité d’occupation dont il est tenu envers le propriétaire du sol, ou du détenteur foncier coutumier ou d’occupation . Pour ce qui est des gisements, nous avons relevé plus haut qu’ils appartiennent à l’Etat en vertu des dispositions du Code minier. L’hypothèse de l’immeuble par destination étant écartée, il s’agit certainement des immeubles par nature qui ont le sol pour assise.
37. En dehors des immeubles, on dénombre aussi dans cette large assiette d’installations et de constructions, des biens meubles. Il s’agit des biens meubles par nature, c’est-à-dire des biens corporels susceptibles de se déplacer ou d’être déplacés, à l’instar les voitures, des machines, utilisées dans le transport des substances et du matériel destiné à l’exploitation. Bref, tous les objets mobiliers, en vue de l’exploitation. En somme, les installations, constructions et industries constituent des biens mobiliers et immobiliers. La conséquence de cette catégorisation, est que l’exploitant dispose d’un droit de suite et de préférence au sens du droit commun. Ces biens peuvent également faire l’objet d’une saisie. Dans le silence du Code minier, les règles prévues par l’acte Uniforme portant sur les voies d’exécution et des procédures de distribution du traité OHADA seront applicables. Mais quelle est la dimension temporelle du droit de l’exploitant de mines sur les dépendances ?
B- La propriété des installations à la cessation des droits miniers
38. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’exploitant est propriétaire des dépendances pendant le temps d’exploitation. Faisons remarquer que les droits miniers d’exploitation n’étant pas accordés par l’Etat propriétaire des gisements à perpétuité, le titulaire de droits miniers d’exploitation exerce les droits attachés à son permis et jouit de tous les biens situés dans le périmètre pendant le temps d’exploitation contenu dans le titre d’exploitation. Cette propriété s’étend-elle cependant à la cessation des droits miniers ? En d’autres termes, à la fin de l’exploitation minière , les diverses installations et industries rentrent-elles dans le domaine public de l’Etat?
39. Cette question trouve tout son intérêt dans la mesure où certaines législations étrangères avaient déjà adoptées des dispositions attribuant la propriété des installations à l’Etat, à l’expiration du titre minier. C’est le cas par exemple de la législation minière applicable dans l’ex Zaïre. En effet, sous l’empire de l’ordonnance-loi n° 81-013 du 02 avril 1981 sur la législation générale sur les mines et les hydrocarbures, à l’expiration normale d’un permis d’exploitation, sans renouvellement ou transformation, en cas d’annulation ou de renonciation, les terrains concernés sont libérés de tous droits en résultants. L’Etat ne s’arrogeait pas le droit de se subroger ou de racheter, s’il le désirait, les installations et infrastructures minières et autres industries qui s’y rattachent . Par contre, à l’expiration normale d’une concession ou en cas de renonciation par le titulaire de ses droits au cours de la première période de validité, les terrains concernés étaient, comme en cas à l’expiration normale d’un permis d’exploitation, sans renouvellement ou transformation, en cas d’annulation ou de renonciation, libérés de tous droits en résultant.
40. Cependant, l’Etat se subrogeait de plein droit aux meubles et immeubles réels et autres du titulaire, relatifs notamment aux bâtiments, ouvrages, machines, appareils et engins de toute nature servant directement ou indirectement à l’extraction et à la préparation mécanique, chimique ou autre des minerais. L’Etat pouvait également, s’il le désirait, racheter au concessionnaire, suivant les règles et les usages commerciaux en vigueur en Ex- Zaïre, tout ou partie des autres biens ce celui-ci, tels que les installations industrielles, les constructions et aménagements immobiliers . Cependant, la Colonie recevait, contre paiement, les approvisionnements en pièces de rechange et matériels suffisant pour assurer la continuation de l’exploitation parce qu’il s’agissait des propriétés mobilières de l’exploitant. A ce sujet, il ressort du rapport du Conseil colonial sur le décret du 24 septembre 1937 que: « Ce que la Colonie a le droit de revendiquer à titre gratuit outre les installations servant à l’extraction, ce sont les ateliers et chantiers de préparation mécanique destinés à l’enrichissement et qui lui permettront de vendre les produits ou bien sur place ou à l’exportation. Si une usine de traitement métallurgique se rencontrait à proximité d’une mine de ce genre devenue la propriété de la Colonie, celle-ci y trouverait un débouché pour ses minerais enrichis. Elle pourra d’ailleurs se rendre propriétaire d’une usine de traitement métallurgique, mais à titre onéreux (…). L’exploitation du gisement qui est entré en la possession de la Colonie doit pouvoir se poursuivre sans interruption et, pour cela, les installations d’extraction et d’enrichissement seules ne suffisent pas; il faut encore qu’elle puisse utiliser des approvisionnements, des pièces de rechange et autre matériel qui constituent le fonds de roulement de toute entreprise minière, mais ce fonds de roulement est une propriété mobilière de l’exploitant; la Colonie en pourra exiger la cession, mais en indemnisant l’exploitant à dire d’expert ». Cette décision se justifie dans la mesure où à cette époque, l’exploitation des substances minérales par les puissances coloniales était régie par le fameux principe dit du « droit du pillage des ressources minérales » . Actuellement, l’Etat Congolais ne s’est pas arrogé, comme dans le passé, le droit aux installations minières, et autres actifs immobiliers se trouvant dans le périmètre. Ces biens appartiennent à l’exploitant minier.
41. En France, sous l’empire de la loi de 1919, le retour de la mine à l’Etat enfin de concession, avait nécessité l’institution d’un système complexe destiné à éviter les abus et à préparer la reprise future de l’exploitation par un organisme public. Ce retour concernait outre, la mine elle-même, les dépendances, c’est-à-dire les terrains, les batiments et l’ensemble des machines servant à l’exploitation. Il portait également sur les installations et le matériel servant aux opérations commerciales et industrielles consécutives et accessoires à celle-ci . L’Etat pouvait également racheter les matières extraites, les objets mobiliers et les autres installations immobilières. Avec la réforme de 1955, les mines des substances autre que les hydrocarbures ont cessé de revenir périodiquement à la collectivité .Cependant pour toutes les substances, le système de retour automatique et direct a été écarté en cas de déchéance du concessionnaire.
42. Au Cameroun, à l’image du flou juridique qui persiste dans la résolution des problèmes miniers, le législateur a gardé le silence sur le sort des installations à la cessation des droits miniers. Cette question sera donc réglée à la lumière du droit commun. Il convient de distinguer pour cela le cas où les travaux d’exploitation ont été déclarés d’utilité publique ou non. Dans la première hypothèse, les parcelles de terrains étant immatriculées au nom de l’Etat , à la fin de l’exploitation minière, il est de bon droit que les installations reviennent à ce dernier, par voie d’accession par incorporation. En effet, selon l’article 551 du Code civil, « tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose appartient au propriétaire… ». Il s’agit d’une incorporation artificielle de nature immobilière, car constituée de constructions.
43. En droit commun, l’accession artificielle à un immeuble peut consister en une construction ou dans une plantation. L’ouvrage exécuté appartient dans tous les cas, au propriétaire du sol dont la force d’absorption est sans limites : superficies solo cédit, c’est-à-dire que la construction accède au sol. En France, la jurisprudence écarte l’application du texte s’il n’y a eu que de simples travaux de constructions existantes , serait-ce sur la forme d’une surélévation . Lorsque les constructions ou plantations ont été faites par le propriétaire du sol avec des matériaux ou des plantes appartenant à autrui, le droit du propriétaire des matériaux ou des plantes s’éteint parce que ceux-ci ont perdu leur individualité et se trouvent incorporés au sol. Le propriétaire du sol acquiert la propriété des constructions même s’il est de mauvaise foi, c’est-à-dire s’il a su qu’il utilisait les matériaux appartenant à autrui. Le propriétaire des matériaux n’est donc pas autorisé de les enlever . Il ne pourra même pas revendiquer ultérieurement les matériaux si la construction était démolie pour telle ou telle cause, car son droit éteint ne ressuscite pas . Mais le constructeur doit lui en payer la valeur estimée à la date du paiement ; il peut en outre, être condamné, s’il y a lieu, à des dommages-intérêts.
44. Cependant, lorsque les constructions ont été érigées sur le terrain d’autrui, et c’est le cas qui nous intéresse ici, l’article 555 du Code civil distingue selon que le constructeur est ou n’est pas de mauvaise foi. S’il est de mauvaise foi, le propriétaire du sol bénéficie d’une option : exiger la démolition ou invoquer l’accession moyennant une indemnité. Ainsi, le propriétaire peut contraindre le constructeur à enlever à ses frais les constructions ; il en est de même lorsque le propriétaire ne subit qu’un préjudice léger et parfaitement réparable au moyen d’une indemnité . Le constructeur peut même être condamné à des dommages-intérêts, s’il y a lieu en réparation du préjudice subi par le propriétaire du fonds . Mais le propriétaire du sol peut aussi décider de conserver les constructions, spécialement si les réalisations du tiers sont utiles, alors il lui devra une indemnité. Si le constructeur est de bonne foi, le propriétaire ne peut exiger la suppression des constructions. Il doit les conserver moyennant une indemnité. Sur la question de savoir si le possesseur est de bonne ou de mauvaise foi, le Code civil , apporte des éclaircissements. En effet, doit être présumé de bonne foi , le possesseur qui n’a pas été condamné à la restitution des fruits, c’est-à-dire celui qui possède le sol sur lequel il a fait des constructions et des plantations, en croyant en être propriétaire, et dont la croyance erronée s’appuie sur un titre qu’à tort il a cru efficace. Est généralement de mauvaise foi, l’auteur des constructions faites sur un terrain qu’il savait appartenir à autrui . En ce qui concerne l’exploitant de mines, il savait qu’il n’était pas propriétaire des parcelles de terrains, objet de l’exploitation, et que ces derniers appartiennent à l’Etat. Nous l’avons dit, lorsque les travaux sont déclarés d’utilité publique, le Ministre chargé des domaines fait procéder à l’immatriculation des parcelles concernées au nom de l’Etat. Seulement, l’exploitant a érigé des constructions immobilières en vertu d’un acte administratif, en l’occurrence le titre d’exploitation. Ces constructions immobilières rentrent donc dans le cadre des travaux d’exploitation. Pour cette raison, l’exploitant peut-être considéré de bonne foi, et recevoir une indemnité dont le montant correspondra aux dépenses de construction, soit d’après la plus-value résultant des travaux, l’évaluation de cette plus value étant opérée au jour de sa dépossession.
45. Cependant il peut arriver qu’un contrat ait des incidences entre le propriétaire et l’auteur des constructions. Il se peut d’abord que les constructions soient accomplies en exécution d’un contrat conclu avec le propriétaire, ou à tout le moins qu’une convention conclue entre les intéressés règle le sort des constructions. C’est le cas d’une clause insérée dans la convention minière conclue entre l’Etat et l’exploitant de mines. En pareil cas, il y a lieu d’appliquer la convention car l’article 555 n’est pas d’ordre public . En France, la jurisprudence écarte l’article 555 lorsque les travaux ont été faits par un mandataire ou un gérant d’affaires ; les rapports entre le constructeur et le propriétaire du sol sont régis par les principes du mandat ou de la gestion d’affaires ; spécialement le maitre ne sera tenu que dans la mesure de l’utilité finale de la gestion, en d’autres termes jusqu’à concurrence de la plus-value donnée à l’immeuble. Les choses sont cependant différentes lorsqu’un contrat intervient entre le propriétaire et le constructeur, sans que le contrat ait au moins, de manière immédiate, pour objet l’exécution des constructions, de l’emploi du terme tiers, à l’article 555 du Code civil, l’on a pu être tenté de déduire que, les parties étant alors liées par un contrat, les règles inscrites par ce texte restent applicables. En France, la jurisprudence a adopté une solution contraire, conférant de la sorte à l’article 555 un très grand rayonnement . Elle a notamment décidé que ses dispositions régissaient les relations entre bailleur et locataire . Cette extension est cependant limitée. D’abord, il arrive qu’au sujet de certains baux, la loi écarte l’article 555 en substituant le cas échéant d’autres dispositions à celle que contient ce texte. Ainsi n’est-il pas applicable en cas d’emphytéose, bien que l’emphytéote ne soit pas tenu, sauf clause contraire, d’apporter des améliorations à l’immeuble loué, on peut considérer les constructions ou améliorations comme la contrepartie de l’avantage d’un bail dont la durée est assez longue pour permettre au preneur de retirer un profit suffisant de ses travaux. De même, la jurisprudence n’applique l’article 555 que lorsque le preneur a fait des constructions sans le consentement du propriétaire et en dehors des stipulations de son bail.
46. Les mêmes règles sont-elles applicables lorsque les travaux d’exploitation ne sont pas déclarés d’utilité publique ? Observons que dans cette hypothèse, les constructions ont été érigées sur des parcelles de terrains, n’appartenant ni à l’Etat, ni à l’exploitant de mines, mais aux propriétaires des sols, ou aux détenteurs fonciers coutumiers ou d’occupation. Ce sont ces derniers, en principe qui devraient, par voie d’accession par incorporation, et dans les mêmes conditions que lorsque les travaux sont déclarés d’utilité publique, acquérir la propriété des installations à la fin des travaux d’exploitation, sous réserve de savoir si l’exploitant est de bonne ou de mauvaise foi.

Conclusion

47. On le voit, difficile est la tache qui consiste à déterminer les différents droits portant sur l’exploitation d’ensemble de la mine, dans un droit minier en friche, à la recherche de ses marques. A l’image du flou juridique général qui persiste dans la résolution des problèmes miniers actuels en droit camerounais, celui des droits de l’exploitant de mines soulève encore beaucoup de zones d’ombres. Pour des raisons de sécurité juridique, n’est-il pas préférable que le législateur définisse expressément le contenu et la nature de ces droits ? Mais en attendant d’y arriver, il importe que la doctrine tire les conséquences de cette situation, sans se laisser arrêter par la crainte du saut dans l’inconnu, à cause de la complexité de la matière droit minier .