Le régime de l’insuffisance d’actif en droit OHADA des procédures collectives »

Résumé
L’insuffisance d’actif est caractérisée lorsque le produit de la réalisation des actifs du débiteur en liquidation des biens ne permet plus de désintéresser, même partiellement, les créanciers. Dans ce contexte, il convient de s’interroger sur les solutions qui permettraient de sauvegarder les intérêts en présence et sortir de ce qui s’apparente à une impasse. La constatation de l’insuffisance d’actif emporte nécessité pour le juge de clôturer la procédure. Dès lors, la question du sort des créances impayées devient incontournable. En droit OHADA, contrairement au droit français, la clôture pour insuffisance d’actif n’entraîne pas l’extinction des droits des créanciers. A priori, cette solution est défendable. Encore faut-il distinguer savamment le cas des personnes morales de celui des personnes physiques. La liquidation des premières entraine leur dissolution et rend caduc tout recours éventuel en paiement. Finalement, le maintien des droits des créanciers impayés ne produirait d’effet qu’à l’égard des débiteurs personnes physiques.

Sommaire

Résumé
Introduction
g- La clôture pour insuffisance d’actif
g- La constatation préalable de l’insuffisance d’actif
h- Le prononcé du jugement de clôture
h- Le maintien des droits des créanciers impayés
h- L’ineffectivité du maintien des recours contre le débiteur personne physique
i- L’opportunité du maintien des recours contre le débiteur personne physique
Conclusion
Bibliographie sélective

Introduction

L’Acte uniforme OHADA du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (ci-après AUPC) institue trois procédures de traitement des difficultés de l’entreprise : le règlement préventif , le redressement judiciaire et la liquidation des biens. Les deux premières sont applicables lorsque l’activité du débiteur peut se poursuivre, en dépit des perspectives économiques peu rassurantes. Quant à la dernière, elle s’ouvre au cas où l’entreprise en cessation des paiements n’offre aucune possibilité de redressement.
Procédure ayant pour finalité la réalisation des actifs du débiteur afin d’en répartir le produit au profit des créanciers, la liquidation des biens peut être prononcée ab initio, par le tribunal compétent lorsqu’il apparait, d’emblée, que le débiteur ne présente aucune proposition de concordat sérieux. Mais, le plus souvent, elle est prononcée à la suite de l’échec d’une procédure de règlement préventif ou de redressement judiciaire . Le rejet, l’annulation ou la résolution du concordat entraîne, en effet, la conversion de la procédure initiale en liquidation des biens .
Dans tous les cas, la liquidation des biens ne peut être poursuivie avec efficacité que si le débiteur dispose des ressources permettant non seulement d’en couvrir les frais, mais aussi et surtout de procéder au paiement des dettes. Si tous les créanciers sont désintéressés, on est en présence d’une issue très heureuse. La procédure est clôturée pour extinction du passif, c’est-à-dire qu’il n’existe plus de dettes exigibles ou que l’on dispose des deniers suffisants pour les régler . Or, au moment où le débiteur traverse de graves difficultés financières, il est improbable qu’il puisse s’acquitter de toutes ses dettes. Dans la grande majorité des cas, la liquidation des biens se heurte à l’insuffisance d’actif.
Il y a insuffisance d’actif lorsque, dans le cadre d’une procédure de liquidation des biens, le produit de la réalisation des actifs du débiteur et des actions et procédures engagées ne permet plus de désintéresser, même partiellement, les créanciers . Autrement dit, soit il n’y a plus d’actif du tout, soit les frais de la procédure excèdent les recettes attendues . Ainsi définie, l’insuffisance d’actif se distingue de l’insuffisance de trésorerie . Contrairement à la lettre de l’article 173 de l’AUPC, elle ne signifie pas simplement que « les fonds manquent » mais, précisément que les opérations de liquidation sont devenues infructueuses. Au plan pratique, la quasi-totalité des procédures de liquidation des biens ouvertes en Afrique et même en Europe débouchent sur une insuffisance d’actif, le niveau de règlement du passif étant constamment bas. L’on a pu estimer le taux global de satisfaction des créanciers à 28%, dont seulement 5% pour les créanciers chirographaires . Dans un tel contexte, il y a lieu de s’interroger sur les solutions qui permettraient de sortir de ce qui s’apparente à une impasse, tout en sauvegardant les intérêts en présence. Même si la liquidation des biens entraine la disparition de l’entreprise, elle ne signifie pas que tout est perdu. Quelle que soit la procédure collective envisagée, le traitement des difficultés de l’entreprise doit intégrer des mécanismes permettant de recouvrer les créances de manière efficace et fiable. Il y a là un double enjeu de sécurité juridique et de productivité économique.
En tout état de cause, lorsque la procédure de liquidation des biens se heurte à l’insuffisance d’actif, elle ne peut se poursuivre, au risque de contribuer à aggraver davantage le passif du débiteur. La clôture pour insuffisance d’actif doit toutefois être prononcée suivant un processus déterminé (I). Elle donne, par ailleurs, l’occasion de se pencher sur le sort des créances impayées (II).
8- La clôture pour insuffisance d’actif
La clôture pour insuffisance d’actif est une issue doublement malheureuse, à la fois pour l’entreprise qui disparait et pour les créanciers qui restent sur leur faim . Mais, puisque la procédure de liquidation des biens repose sur un objectif de paiement, il apparait tout à fait raisonnable d’y mettre fin lorsque cet objectif ne peut plus être atteint . A cet effet, l’Acte uniforme prévoit que « Si les fonds manquent pour entreprendre ou terminer les opérations de la liquidation des biens, la juridiction compétente, sur le rapport du Juge-commissaire peut, à quelque époque que ce soit, prononcer, à la demande de tout intéressé ou même d’office, la clôture des opérations pour insuffisance d’actif » . L’interprétation de cette disposition suggère que ce mode de clôture n’est pas automatique. La constatation de l’insuffisance d’actif précède le jugement de clôture.

La constatation préalable de l’insuffisance d’actif
Conformément à l’article 173 précité, la juridiction compétente peut être saisie par toute personne intéressée aux fins de constater l’insuffisance d’actif. Toutefois, dans ce processus, l’avis du Juge-commissaire semble incontournable.
Certes, la juridiction compétente peut se saisir d’office. Il est toutefois probable qu’elle intervienne suite à l’alerte donnée par l’une des parties. Quoiqu’il en soit, l’Acte uniforme n’envisage aucune restriction quant à ce droit de saisine . Cela peut se comprendre : s’il y a insuffisance d’actif, il est préférable que la clôture de la procédure intervienne le plus tôt possible, de manière à éviter toute aggravation inutile du passif. En raison de ses multiples casquettes, le syndic est naturellement qualifié pour signaler tout blocage en perspective. Il en serait de même du créancier et du débiteur : ni l’un ni l’autre n’a intérêt à ce qu’une procédure qui n’apporte pas le résultat attendu se poursuive. En tant que défenseur privilégié de l’intérêt général en période normale comme en période de crise, le Ministère Public devrait également, en toute logique, attirer l’attention de la juridiction compétente sur des signes préoccupants qui lui parviennent. Il bénéficie, en effet, d’un droit d’information large lui permettant de requérir, à quelque époque que ce soit, communication de tous actes, livres ou documents relatifs à la procédure collective . Mais, quel que soit le niveau d’alerte, l’avis du Juge-commissaire est obligatoire.
Le rapport du Juge-commissaire est destiné à éclairer la juridiction compétente sur la situation de l’entreprise et sur la nécessité de la clôture de la liquidation des biens. En effet, l’insuffisance d’actif doit être clairement établie et non simplement supposée. Dans ce sens, le rapport du Juge-commissaire doit être suffisamment démonstratif ; il constitue la source essentielle de la motivation de la décision du juge.
La question pourrait se poser de savoir si le tribunal compétent, tenu de solliciter l’avis du Juge-commissaire est également tenu de le suivre. Le législateur OHADA ne fournit pas de réponse à cette question. Néanmoins, il prescrit que le juge « peut » prononcer la clôture pour insuffisance d’actif, ce qui laisse entendre qu’il conserve son pouvoir d’appréciation. Mais, le Juge commissaire est plus à même de suivre les opérations de liquidation des biens au jour le jour. De ce fait, il peut, mieux que quiconque, aider le tribunal à y voir clair. En ce sens, son avis pourrait être déterminant dans la plupart des cas. Un regard sur la jurisprudence permet de conforter cette analyse. Dans son jugement n° 179 du 26 avril 2006, le Tribunal de Commerce de Bamako, prononce la clôture pour insuffisance d’actif sur la foi des conclusions du Juge-commissaire . Dans le même sens, la Cour d’appel de l’Ouest (Cameroun) a eu à juger que la clôture des opérations de liquidation pour insuffisance d’actif est de droit dès lors que le liquidateur démontre, à travers son rapport qu’il ne dispose pas d’actif dont la réalisation pourrait générer des fonds à même de satisfaire les différents créanciers . Dans tous les cas, ce qui compte c’est la preuve de l’insuffisance d’actif ; si elle est acquise, le juge ne peut plus hésiter à clôturer la procédure.

Le prononcé du jugement de clôture
Expression du parallélisme des formes, la liquidation des biens ouverte par jugement doit être clôturée dans les mêmes conditions. Malheureusement, il arrive que des procédures judiciairement ouvertes se terminent « en queue de poisson », sans redressement de l’entreprise, sans paiement substantiel des créanciers et sans jugement de clôture . Cette pratique témoigne d’une prise en compte insuffisante par les acteurs judiciaires du poids de leurs responsabilités dans la mise en œuvre de la règlementation applicable aux entreprises en difficulté.
L’analyse de l’article 173 de l’AUPC précité permet d’envisager le jugement de clôture pour insuffisance d’actif à travers ses conditions et ses effets. Étant donné le poids des conclusions du Juge-commissaire, on peut imaginer que la juridiction compétente se borne à constater l’insuffisance d’actif et à en tirer les conséquences de droit. Ce faisant, elle est tout de même appelée à trancher toute contestation éventuellement soulevée par l’une des parties .
Il subsiste une incertitude quant au moment à partir duquel le juge peut prononcer la clôture pour insuffisance d’actif. Pour le législateur communautaire, ce mode de clôture peut intervenir à quelque époque que ce soit. Le juge n’est donc, en principe, pas tenu d’un délai et, la procédure de liquidation des biens pourrait être clôturée immédiatement après son ouverture, lorsque l’insuffisance d’actif est manifeste. Pourtant, l’Acte uniforme prévoit que la vérification des créances est obligatoire quelle que soit l’importance de l’actif et du passif . En conséquence, « Même s’il lui apparaît que les deniers à provenir de la réalisation de l’actif seront entièrement absorbés par les frais de justice et les créances privilégiées, le syndic procède à l’établissement de l’état des créances » . Il s’ensuit que la clôture pour insuffisance d’actif ne saurait intervenir tant que le syndic n’a pas procédé à la vérification des créances ou, en tout cas, tant que le délai de trois mois à lui imparti pour le faire n’est pas expiré .
Pour être opposable aux tiers, le jugement de clôture pour insuffisance d’actif doit être publié . Il peut faire l’objet de recours. A cet effet, l’Acte uniforme admet qu’une telle décision « peut être rapportée à la demande du débiteur ou de tout autre intéressé sur justification que les fonds nécessaires aux frais des opérations ont été consignés entre les mains du syndic » . Peu probable, ce retournement est néanmoins envisageable. Il suppose, soit une erreur dans l’appréciation de la réalité de l’insuffisance d’actif , soit un retour extraordinaire du débiteur à une meilleure santé financière. Par ailleurs, bien que le législateur ne le dise pas, la réouverture de la liquidation des biens est possible au cas où il y a lieu d’exercer contre les dirigeants sociaux des actions en responsabilité. Les actions en comblement du passif et en extension de la procédure collective peuvent toujours être initiées, tant qu’elles ne sont pas prescrites . L’hypothèse de réouverture de la procédure collective en vue de l’exercice d’une action en responsabilité suppose que les faits générateurs de cette responsabilité aient été découverts après la clôture pour insuffisance d’actif. Au cas où ils sont découverts en cours de la procédure, il n’y a pas de raison de procéder à la clôture, sauf en cas de dénouement de l’action engagée . Dans tous les cas, de telles actions ne peuvent être intentées que par le syndic bénéficiant du monopole de la défense de l’intérêt collectif des créanciers. C’est pourquoi il y aurait lieu à la réouverture de la procédure. En toute logique, il revient à la juridiction ayant prononcé la clôture de la liquidation des biens de juger de l’opportunité de la relancer et de restaurer les différents organes dans leurs fonctions. La réouverture de la procédure entraine, en outre, la reconstitution de la masse des créanciers et, à nouveau la suspension des poursuites individuelles et le dessaisissement du débiteur.
Un regard sur la pratique judiciaire confirme, toutefois, l’improbabilité de la réouverture de la procédure clôturée pour insuffisance d’actif. Dans la mesure où les créanciers sont munis de leurs titres exécutoires, ils s’en servent, individuellement, en cas d’amélioration de la situation financière du débiteur. Dans cette perspective, l’intérêt même de la réouverture de la liquidation des biens est discutable. Dans la majeure partie des cas, le jugement de clôture est définitif. Son effet immédiat est de mettre fin à la procédure de liquidation des biens ainsi qu’à la mission des organes constitués, sous réserve de la reddition des comptes. Les créanciers recouvrent, par la même occasion, l’exercice individuel de leurs droits.
9- Le maintien des droits des créanciers impayés
La clôture de la liquidation des biens pour insuffisance d’actif ouvre une nouvelle ère d’incertitude pour les créanciers impayés. L’on se demande s’il faut maintenir ou non leur droit de poursuite contre le débiteur. Deux hypothèses sont envisageables.
Premièrement, l’on peut opter pour l’extinction des créances et la « libération » du débiteur. C’est la position du législateur français qui prévoit que, sauf cas exceptionnels, le jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur . Cette solution est soutenue par une série d’arguments. D’abord, le souci d’égalité entre débiteurs : l’on estime qu’il ne faut pas « pénaliser » les personnes physiques alors que les personnes morales échappent aux poursuites, du fait de leur dissolution. Ensuite, l’envie de donner au débiteur une nouvelle chance : libéré de la dette, il pourrait éventuellement mettre sur pied une nouvelle entreprise. Enfin, l’on estime que le sacrifice imposé aux créanciers est faible au regard de l’insolvabilité du débiteur . Malgré ces considérations, la doctrine se montre, en général, défavorable à ce qu’elle considère comme un passage de l’obligation de payer ses dettes au droit de les ignorer .
Deuxièmement, l’on peut opter pour le maintien des recours des créanciers, sans égard à la situation financière du débiteur. C’est la solution consacrée par le législateur OHADA. Selon l’AUPC, la décision de clôture pour insuffisance d’actif fait recouvrer à chaque créancier l’exercice individuel de ses actions . A cette fin, « si leurs créances ont été vérifiées et admises, le Président de la juridiction compétente vise l’admission définitive des créanciers, la dissolution de l’union, le montant de la créance admise et celui du reliquat dû. Revêtue de la formule exécutoire, cette décision n’est susceptible d’aucune voie de recours » . Globalement le maintien des droits des créanciers en cas de clôture pour insuffisance d’actif parait judicieux, même si son utilité pratique peut être discutée. Encore faut-il distinguer le cas des personnes physiques de celui des personnes morales. Si les premières peuvent être poursuivies en tout état de cause, il n’en est pas de même des secondes qui disparaissent irrémédiablement en cas de liquidation des biens.

f- L’ineffectivité du maintien des recours contre le débiteur personne morale
Bien que la clôture pour insuffisance d’actif entraine le recouvrement par les créanciers de leurs droits individuels de poursuite, la portée de cette règle doit être bien mesurée. En effet, si la liquidation des biens laisse subsister les personnes physiques, il n’en est pas de même des personnes morales. En vertu des dispositions de l’AUPC, la décision qui prononce la liquidation des biens d’une personne morale emporte, de plein droit, dissolution de celle-ci . Cette prescription est corroborée par celle de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique qui prévoit que la société prend fin, entre autres, par l’effet d’un jugement ordonnant la liquidation des biens . Tout au plus, la personnalité morale d’un groupement peut être maintenue, dans ces circonstances, uniquement pour les besoins de la liquidation et jusqu’à la clôture de celle-ci .
Par conséquent, il est juridiquement impossible d’envisager des poursuites contre une personne morale dont la liquidation des biens a été clôturée pour insuffisance d’actif. Sa dissolution rend caduque toute action en paiement. Néanmoins, quelques précisions méritent d’être apportées suivant la distinction entre les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux.
Les sociétés de personnes sont des sociétés marquées d’un fort intuitus personae et dans lesquelles chaque associé est réputé n’avoir accepté l’association qu’en considération de la personnalité de ses coassociés . Ces derniers sont appelés à faire preuve d’une collaboration personnelle à la poursuite du but social, ce qui justifie que leurs parts sociales ne soient cessibles qu’en vertu d’une clause expresse et avec le consentement de tous . Il s’agit, par exemple, des sociétés en nom collectif et des sociétés en commandite simple. La dissolution de celles-ci ne libère pas les associés tenus indéfiniment et solidairement du passif social . Il en est de même, dans tous les cas où il existe une confusion entre le patrimoine de l’entreprise et celui des associés ou promoteurs. Ainsi, est-il admis que les commerçants dont le fond de commerce a été liquidé restent tenus des dettes nées de l’exploitation de ce fonds, puisqu’il n’y a pas de passif propre au fonds de commerce. Au total, en dépit de la dissolution de la société de personnes, les créanciers impayés conservent l’intégralité de leurs actions contre les associés, dès lors que ces derniers sont tenus au-delà de leurs apports au capital de l’entreprise.
Les sociétés de capitaux, quant à elles, sont des sociétés dans lesquelles la personnalité des associés est indifférente, seuls étant pris en considération les capitaux apportés . C’est le cas des sociétés anonymes et des sociétés à responsabilité limitée. Les actionnaires ou associés de ces sociétés ne sont tenus des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports. Le patrimoine de l’entreprise étant strictement séparé de celui des associés, aucun recours en paiement ne peut être intenté contre ceux-ci lorsque celle-là fait l’objet d’une liquidation des biens clôturée pour insuffisance d’actif. Tout au plus, des actions en responsabilité peuvent être envisagées contre eux. Les dispositions relatives aux actions en comblement du passif et en extension de la procédure collective sont applicables aux associés au cas où ils revêtent la qualité de dirigeant de droit ou de fait . Subsidiairement, ils répondent de leurs délits et quasi-délits dans les termes du droit commun des obligations . Dans, l’ensemble, le maintien des recours des créanciers après la clôture pour insuffisance d’actif ne produirait d’effet juridique qu’à l’égard des débiteurs personnes physiques.
g- L’opportunité du maintien des recours contre le débiteur personne physique
Si la liquidation des biens entraine la dissolution des personnes morales, il en est autrement pour les personnes physiques. Celles-ci demeurent tenues envers les créanciers impayés. C’est la solution de droit commun où la règle demeure l’obligation de payer ses dettes et non le droit de s’en échapper .
On pourrait, toutefois, s’interroger sur l’opportunité de maintenir le droit de poursuite contre un débiteur a priori insolvable . En effet, par hypothèse, le débiteur ayant été soumis à la liquidation des biens ne dispose plus du tout d’actifs susceptibles d’être réalisés. Dans ces conditions, les recours des créanciers semblent voués à l’échec. Mais, l’insolvabilité du débiteur peut aussi être passagère, voire même apparente.
D’une part, les créanciers ne sont pas à l’abri de toute fraude à leurs droits. Dans le contexte de la cessation des paiements, le débiteur peut être tenté de dissimuler tout ou partie de ses biens afin de les soustraire de l’emprise des créanciers. Certes, il existe des mécanismes permettant de limiter ce risque. Ainsi, certains droits acquis pendant la période suspecte et présumés frauduleux peuvent être frappés d’inopposabilité . Par ailleurs, en cas de cessation des paiements, le jugement d’ouverture de la procédure collective emporte assistance obligatoire (cas du redressement judiciaire) ou dessaisissement (cas de la liquidation des biens) du débiteur pour tous les actes concernant l’administration et la disposition de ses biens . Mais, malgré ces précautions prises par le législateur, certains actes frauduleux peuvent échapper à la vigilance des acteurs de la procédure collective. Les créanciers sont alors fondés à mettre en œuvre leurs droits individuels de poursuite au cas où des actifs antérieurement dissimulés, par quelque moyen que ce soit, sont découverts après la clôture pour insuffisance d’actif. Ils peuvent également attaquer, conformément au régime de l’action paulienne, les actes juridiques accomplis par le débiteur en fraude de leurs droits et qui n’ont été découverts qu’après la clôture de la procédure collective .
D’autre part, il n’est pas exclu que le débiteur revienne à meilleure fortune, soit à la faveur d’un gain spontané , soit en raison d’une relance plus ou moins honorable de ses activités. La seconde hypothèse semble plus laborieuse. Si le volume du passif non épongé est important, ce qui est souvent le cas, toute perspective de réinvestissement est périlleuse pour le débiteur en raison de la menace permanente des poursuites des créanciers. Néanmoins, rien ne lui interdit de négocier, dans les conditions du droit commun, des délais de paiement ou remises de dettes que nécessiterait la relance de ses affaires. Une telle issue n’est pas forcément désavantageuse pour des créanciers confrontés à l’insolvabilité extrême du débiteur.
Finalement, sans être une panacée, le maintien des recours des créanciers après la clôture pour insuffisance d’actif apparait comme la solution la plus cohérente.

Conclusion

Soutenue par un objectif de paiement des créanciers, la liquidation des biens ne peut se poursuivre lorsqu’elle se heurte à l’insuffisance d’actif. La clôture de la procédure s’impose à la juridiction compétente, dès lors que le débiteur ne dispose plus de biens permettant de régler, ne serait-ce que partiellement, ses dettes. Dans ce contexte, la question du sort des créances impayées se pose avec insistance.
Le droit OHADA opte pour le maintien des droits des créanciers, ce qui parait, de prime abord, raisonnable. En effet, l’objectif stratégique de l’organisation, à savoir à savoir la facilitation et la sécurisation des investissements nationaux et internationaux s’accommode bien des prédispositions à entretenir les créances et en faciliter le recouvrement plutôt qu’à les balayer d’un revers de la main. Dans ce sens, l’institutionnalisation, au niveau des États, d’un fonds de soutien aux entreprises en difficulté est souhaitable. Elle permettrait de garantir aux créanciers un meilleur taux de règlement en cas d’insuffisance d’actif. En tout état de cause, comme le soulignait le doyen Ripert, l’affirmation d’un droit de ne pas payer ses dettes n’est pas de nature à encourager les débiteurs en difficulté à respecter leurs engagements .
Il restait au législateur à entériner une distinction essentielle entre le sort des personnes morales de celui des personnes physiques. La liquidation des premières entraine leur dissolution et rend caduque toute action en paiement. En définitive, le maintien des droits des créanciers impayés ne produirait d’effet de droit qu’à l’égard des débiteurs personnes physiques. Même, si ces derniers sont insolvables, il est préférable, pour les créanciers, d’avoir une voie de droit, même hypothétique, que d’en être complètement dépouillé.