L’interdépendance des obligations dans les contrats de transport de marchandises par route de l’Ohada: implications et conséquences pour les parties

INTRODUCTION

Compte tenu du volume sans cesse croissant des marchandises à transporter ainsi que du nombre tout aussi élevé des personnes désireuses de voyager, le développement des transports constitue l’un des faits économiques et sociaux les plus importants depuis la seconde moitié du siècle dernier. D’un autre côté, il a été possible d’observer, spécialement depuis quelques années, des modifications majeures dans les techniques et l’économie des transports .

Le continent africain, qui, à l’exception de quelques États , ne s’est pas encore approprié toutes les technologies nouvelles en matière de transport aérien et maritime, demeure un espace de prédilection du transport routier .

Tout comme la presque totalité des États dans le monde, la quasi totalité des États africains ont opté pour une adhésion massive aux conventions internationales en ce qui concerne les règles organisant les transports maritimes et aériens .

Le transport ferroviaire international paraissant très embryonnaire dans l’espace OHADA , seul, en réalité, le transport routier était traité en parent pauvre au plan de la législation régionale .

L’interdépendance qui existe entre les différents secteurs d’activités ainsi que les zones géographiques d’un pays, d’une part, et l’internationalisation ou la mondialisation de l’économie d’autre part, obligent les différents États du monde en général et ceux des États du continent africain en particulier, à entretenir entre eux d’intenses réseaux d’échanges. Aucun d’eux ne peut en effet vivre en autarcie. Les échanges entre pays ne sont possibles que du fait de l’existence, d’un côté, des exportateurs-vendeurs et importateurs-acheteurs, et, de l’autre, des transporteurs, qu’ils soient spécialisés ou non dans l’un des domaines maritime, aérien ou terrestre. Le transport constitue le complément nécessaire de la vente . Les deux opérations sont économiquement liées, même si elles donnent lieu, sur le plan juridique à deux contrats différents .

La reconnaissance de ce lien de connexité entre les contrats de vente et les contrats de transports peut justifier l’intérêt de l’adoption par les États de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, membres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) de l’Acte Uniforme relatif aux Contrats de Transport de Marchandises par Route (AUCTMR) le 22 mars 2003 à Yaoundé au Cameroun. Cet Acte uniforme est entré en vigueur depuis le 1er janvier 2004 après l’avis favorable de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage du 17 décembre 2003 . En effet, l’attente devenait très longue après que les États membres de l’OHADA se sont lancés dans la mise en œuvre effective de l’intégration, de l’uniformisation et de l’harmonisation de leur droit des affaires et ce, surtout après l’adoption de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général, entré en vigueur le 1er janvier 1998 . Il fallait achever l’entreprise de modernisation des règles régissant aussi bien les ventes commerciales et les contrats de transport de marchandises par route, complément nécessaire à la perfection de l’œuvre de modernisation et d’unification du droit des affaires en Afrique .
L’utilisation du contrat de transport telle que l’on la connaît aujourd’hui est issue des besoins suscités par le développement des activités industrielles et commerciales. De fait, cette convention «s’inscrit nécessairement dans un processus commercial complexes, dont l’élément généralement dominant est la vente. Il y a un transport de la marchandise, parce qu’il y a, il y a eu ou il y aura une vente…» . Le contrat de transport apparaît en effet comme un instrument permettant de réaliser la remise des marchandises promises dans le contrat de vente antérieurement conclu. Pour la définition de la marchandise, signalons que le législateur OHADA a eu le mérite d’en donner une définition précise lorsqu’il la définit comme: «tout bien mobilier» levant dès lors tout équivoque en ce qui concerne l’interprétation et le contenu de cette définition dans les différents États parties. Ainsi, parties au contrat de base, vendeur et acheteur sont amenés à aborder durant la phase précontractuelle les conditions de déplacement de la marchandise, de préciser lequel d’entre eux contractera avec le transporteur et par conséquent déterminer les parties au contrat de transport. Il en résulte un cumul de qualités juridiques .

L’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route (ci-après AUCTMR) régit les transports routiers nationaux et internationaux entre les seize pays membres de l’OHADA, abrogeant ainsi les règles de droit interne jusque là applicables dans chacun des États parties . L’importance de cette avancée résulte de ce que la matière du transport routier des marchandises était jusque-là régie, dans la plupart des pays africains anciennement sous administration coloniale française, par le code civil (articles 1782 et suivants), le code de commerce (articles 103 à 108).

Dans les pays héritiers de la tradition juridique belge, le droit applicable trouvait sa source dans le décret du 30 mars 1931 portant modification du décret du 19 janvier 1920 .

Pour sa part, le Sénégal avait réglementé le droit des transports par les articles 651 à 668 de son code des obligations civiles et commerciales; le Mali avait aussi légiféré sur la matière par l’ordonnance n°53/CMLN du 19 septembre 1973. C’est donc fort heureusement que le législateur de l’OHADA a adopté l’AUCTMR, mettant ainsi fin au paradoxe. Pour avoir pris en compte la réglementation interne des transports de marchandises par route dans son champ d’application, le législateur OHADA était tenu d’adopter des règles spécifiques et d’une originalité remarquable pour répondre aux attentes en la matière. Au lieu d’un tel exercice, les rédacteurs de l’AUCTMR vont plutôt fortement s’inspirer des dispositions de la Convention Inter-États de Transport Routier de Marchandises Diverses (CIETRMD) et de celles de la Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route (communément appelée CMR). Il résulte de cette option un intérêt pratique à l’analyse. En effet, les deux conventions (la CMR et la CIETRAMD) suscitées ne prennent en compte que les transports internationaux de marchandises par route c’est-à-dire entre plusieurs États tandis que l’AUCTMR prend en compte non seulement ces transports de marchandises par route entre plusieurs États mais également les transports de marchandises par route à l’intérieur de chaque État partie . Une telle tentative de conciliation entre des normes adaptées exclusivement aux transports internationaux de marchandises par route et des normes devant régir les transports de marchandises à l’intérieur d’un même État, n’est pas aisée et l’aventure dans laquelle s’est lancée le législateur OHADA n’est pas sans risque. Ce faisant, on peut se demander si le législateur OHADA a tenu compte de la différence fondamentale qui existe entre les deux types de transport? A-t-il pris en compte la qualité des parties à ces différents contrats de transports? Ne sera-t-il pas obligé d’occulter certaines exigences présentant pourtant un intérêt pratique à la bonne exécution des contrats?

L’hypothèse qui retiendra surtout l’attention dans cette étude est celle dans laquelle l’expéditeur, le transporteur et le destinataire sont distincts. Dans la pratique, il s’agit souvent du vendeur-expéditeur, du transporteur ou des transporteurs et de l’acheteur-destinataire. De même, au-delà des cas d’exclusion du domaine d’application de l’AUCTMR visés par le législateur OHADA , il convient de relever que la vente avec livraison à domicile, la commission de transport et l’opération de manutention doivent être distinguées du transport et partant du domaine d’application de l’AUCTMR.

Plusieurs dispositions de l’AUCTMR retiendront l’attention dans l’étude. En effet, classiquement, le droit commun des contrats fait naître des obligations indépendantes, réciproques et opposées à la charge des parties sauf dans certains cas exceptionnels à savoir le contrat du travail où l’exécution des prestations du travailleur doit se faire sous la subordination juridique de son employeur. Il en va de même dans le cas des relations issus du mariage. C’est donc une spécificité ou une exception de voir le législateur mettre à la charge des parties des obligations interdépendantes c’est-à-dire présentant des liens de connexité très solides. Il en résulte un véritable devoir de collaboration et de solidarité entre les parties au contrat de transport de marchandises par la route dans l’espace OHADA, ce qui mérite une attention particulière. Il convient de relever que l’AUCTMR, comme les législations nationales plus récentes, contient des définitions et des règles de formation du contrat de transport de marchandises par route et il énonce expressément les obligations des parties au contrat, notamment celles de déclarer, d’emballer, d’émettre des documents, de déplacer, d’aviser, de livrer et de payer . Autant d’obligations auxquelles le législateur OHADA attache de lourdes conséquences en cas de violation par les parties. Il est nécessaire de les analyser afin de relever leurs implications pour les parties. C’est à cet exercice que se livre la présente étude qui est orientée spécifiquement à l’examen en profondeur de toutes les obligations résultant du contrat de transport, qu’elles soient principales ou jugées accessoires. Que recherche en réalité le législateur OHADA? La sauvegarde et la survie du contrat? A-t-il voulu mettre en place un véritable mécanisme de collaboration entre les parties, ce que le professeur André AKAM AKAM a qualifié de «réseau d’information» entre les parties? Pourquoi a-t-il prévu des sanctions particulières qui tantôt se démarquent du droit commun et tantôt relèvent du droit commun selon les cas ? Pourquoi a-t-il prévu des obligations de «déclarer et de vérifier», de «solliciter et de recevoir des instructions»?

Loin de s’exercer à réaliser une étude exhaustive d’appréciation de tout le contenu de l’Acte Uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par la route dans l’espace OHADA, l’objectif de cette étude consiste d’une part, à identifier et apprécier comment le législateur OHADA a intégré les nouvelles théories et règles qui se développent dans les relations contractuelles et d’autre part, de relever la difficulté d’élaboration d’un droit spécial se démarquant totalement du droit commun.

La présente étude est un exercice d’analyse approfondie de ce lien de connexité et d’interdépendance institué par le législateur OHADA. De montrer en quoi ce lien est basé sur la qualité et la fiabilité des échanges d’information, d’exécution avec bonne foi, de transparence et de collaboration devant conduire à l’exécution parfaite du contrat de transport de marchandises par route dans l’espace OHADA.
Pour tenir compte du chevauchement des obligations qui impacte positivement ou négativement le régime des responsabilités en la matière, il convient de se pencher tout d’abord sur le lien de connexité entre les obligations des parties au contrat de transport de marchandises par route dans l’Acte uniforme de l’OHADA et qui fonde l’obligation de collaboration impérative dans les relations contractuelles (première partie), avant de mettre en relief les conséquences qui découlent de cette interdépendance des obligations au regard des conditions de mise en œuvre de la responsabilité contractuelle pour les parties au contrat (deuxième partie).

I – Une interdépendance fondement du devoir de collaboration entre les parties au contrat

Le législateur OHADA donne une définition assez large du contrat de transport de marchandises par la route . Il vise une personne physique ou morale, appelée le transporteur sans faire allusion à sa qualité de professionnel ou de non professionnel contrairement aux Conventions internationales et aussi au droit positif français qui ont mis l’accent sur cette qualité du transporteur. En effet, en droit français, le contrat de transport s’analyse en une convention par laquelle un professionnel, désigné sous le vocable de «voiturier», s’engage à déplacer une certaine quantité de marchandises appartenant à autrui (quantité dite envoi) moyennant un prix déterminé et dans un délai fixé par la convention des parties ou par le contrat type applicable à l’opération .

Tout d’abord, l’AUCTMR peut s’appliquer au contrat de transport de marchandises conclu par un particulier avec un transporteur occasionnel , alors que dans une telle hypothèse, aucune des deux parties n’a ni la qualité de commerçant ni de professionnel. Elles pourront cependant bénéficier des règles particulières réservées aussi bien à la corporation des commerçants que des transporteurs.
De même, un transporteur exerçant exclusivement dans les transports de personnes peut bel et bien se voir appliquer les dispositions de l’AUCTMR lorsqu’il prend en charge à la fois des marchandises et des personnes pour cette même opération alors que le législateur OHADA entendait exclure du champ d’application de l’AUCTMR, les contrats de transport des personnes pour ne viser que celui des marchandises.
Le législateur OHADA définit le contrat de transport de marchandises comme: «tout contrat par lequel une personne physique ou morale, le transporteur, s’engage principalement et moyennant rémunération, à déplacer par route, d’un lieu à un autre et par le moyen d’un véhicule, la marchandise qui lui est remise par une autre personne appelée l’expéditeur». Littéralement, l’AUCTMR s’applique à tout contrat conclu pour le déplacement d’un lieu quelconque vers un autre d’un objet mobilier pourvu que le déplacement se soit fait moyennant une rémunération et à l’aide d’un véhicule et que le transporteur ne soit confondu avec le propriétaire du véhicule et des marchandises .
Les principales obligations des parties au contrat de transport de marchandises par la route étant notamment celles de déclarer, d’emballer, d’émettre des documents, de déplacer, d’aviser, de livrer et de payer, il s’agira d’essayer de les classer dans les différentes phases de l’opération de transport des marchandises depuis la formation du contrat de transport jusqu’à la fin de son exécution. L’intérêt d’un tel exercice réside dans la détermination des corrélations qui existent entre toutes ces obligations du fait de l’influence de cette interconnexion fonctionnelle sur les conditions de mise en œuvre de la responsabilité des parties en cas de leur violation.

A – Une collaboration impérative résultant de la nature du contrat de transport

Est-ce par prudence ou par nécessité que le législateur OHADA s’est gardé de préciser la nature commerciale ou civile du contrat de transport? La difficulté pour trouver une réponse à une telle interrogation résulte de la lecture croisée de l’article 2-b) précité et des dispositions des articles 1,2 et 3 de l’Acte Uniforme portant Droit Commercial Général. Doit-on à l’instar du droit français, déduire de cette lecture croisée que le contrat de transport présente toujours un caractère commercial pour le transporteur? Par analogie, si l’expéditeur est lui aussi commerçant et que le transport se rattache à son activité professionnelle, alors le contrat de transport sera commercial pour les deux parties. En revanche, si l’expéditeur n’est pas commerçant, le contrat sera mixte, c’est-à-dire civil pour l’expéditeur et commercial pour le transporteur. L’intérêt de cette analyse résulte des conséquences attachées à la détermination de la nature commerciale ou civile et ses intérêts pour les parties.

A la formation du contrat de transport de marchandises, il y a lieu d’examiner successivement deux situations. Celle de l’expéditeur qui doit conclure le contrat de transport des marchandises au profit du destinataire et celle du transporteur. Généralement, la détermination du destinataire intervient au cours du contrat préalablement conclu . Mais c’est surtout les obligations d’information, de déclaration et de demande de renseignements mises à la charge des parties qui retiendront l’attention.

1- L’interférence des effets des contrats de vente et de transport

Que les parties au contrat de vente aient ou non défini les modalités de l’exécution de l’obligation de délivrance du vendeur, lorsque la vente doit être suivie d’un transport des marchandises qui doit être assuré par un transporteur, qui n’est pas le vendeur lui-même, l’on se retrouve presque toujours dans les mêmes situations d’expéditeur, de transporteur et de destinataire . L’AUCTMR parle souvent de «donneur d’ordre» et d’ «ayant droit» pour désigner respectivement l’expéditeur et/ou le destinataire. Comme préciser, la qualité (qu’ils soient professionnels ou non professionnels) de l’expéditeur, du transporteur encore moins du destinataire n’ayant pas retenu l’attention du législateur communautaire, il sera question de les évoquer sous forme d’hypothèses chaque fois que de besoin pour les clarifications et précisions dans l’étude.

Les parties à un contrat de vente peuvent prévoir comme souligner, que l’obligation de délivrer les marchandises qu’il fait naître ne sera exécutée qu’au moment de la remise des marchandises au client, à destination. Dans cette hypothèse, la mise à disposition des marchandises, nécessaire à l’exécution de l’obligation de délivrer, ne sera possible qu’au terme de leur déplacement jusqu’à un lieu convenu. Par conséquent, le vendeur est tenu de conclure un contrat de transport pour assurer une livraison au domicile de son client ou à un autre lieu déterminé. Il devient ainsi expéditeur .

Ainsi, outre le fait que le Code civil permet aux parties au contrat de vente de prévoir que la délivrance peut se faire ailleurs qu’à l’endroit où se trouvait la chose vendue au moment de sa conclusion , le développement des Incoterms a permis la mise en place de ventes dites «à livrer», dans lesquelles le contrat comprend l’un des termes suivants: DAF (rendu frontière) , DDU (rendu droits non acquittés), DDP (rendu droits acquittés) , DES (rendu ex ship) et DEQ (rendu à quai) .
En outre, dans certaines ventes au départ et plus précisément les ventes au départ «C» (CAF, CFR, CPT, CIP), le contrat de vente met à la charge du vendeur de souscrire le contrat de transport et de s’acquitter du fret. Dans ces cas de figure, l’acheteur est étranger au contrat de transport étant donné que le contrat de vente ne met pas à sa charge le déplacement des marchandises. En revanche, c’est au vendeur qu’incombe la conclusion du contrat de transport parce qu’il s’est engagé à le faire dans le contrat de vente lui-même, par la stipulation contractuelle comprenant un des Incoterms susmentionnés. Il ne pourra pas, en effet, s’acquitter de son obligation de délivrance qu’à l’issue du déplacement des marchandises. Le vendeur devient ainsi expéditeur au contrat de transport.

L’AUCTMR a repris d’une manière ou d’une autre, tous ces cas de figure. En effet, loin de trancher avec la controverse doctrinale autour de la détermination des parties au contrat de transport de marchandises , l’AUCTMR a tout d’abord identifié deux parties à la conclusion du contrat à savoir l’expéditeur et le transporteur . Si le «transporteur» a été défini dans l’Acte uniforme, il n’en est pas de même de l’expéditeur, qu’il désigne parfois comme le «donneur d’ordre». Ce dernier peut traiter avec le transporteur, soit directement, soit indirectement, notamment par l’intermédiaire d’un commissionnaire de transport . Le rôle du commissionnaire de transport, consiste en effet, à passer des contrats dans l’intérêt d’un commettant qu’il ne fait pas connaître. Ainsi, dans le transport de marchandises, le commissionnaire peut traiter en son nom propre pourvu que les marchandises lui soient remises; car le transporteur ne s’inquiète pas de la propriété des marchandises . Le commettant, en remettant les marchandises, exige du commissionnaire qu’elles lui soient livrées dans un autre lieu, soit à lui-même, soit à un destinataire déterminé. Le commissionnaire, ainsi obligé d’assurer le transport, a le choix des moyens; il agit en son nom et sous sa responsabilité «de bout en bout» . Lorsque le contrat de transport aura été conclu pour le compte de l’expéditeur par un commissionnaire de transport, le donneur d’ordre sera donc cet auxiliaire de transport. Le donneur d’ordre n’est pas en effet nécessairement celui chez qui on enlève la marchandise, ni nécessairement le propriétaire de celle-ci .
Quant au destinataire, considéré par certains auteurs comme un acteur adhérent sa qualité de partie ou non au contrat de transport n’a pas fini d’agiter la doctrine . L’AUCTMR aurait pu trancher avec toutes ces controverses et clarifier la qualité de partie ou de tiers du destinataire dans le contrat de transport de marchandises par la route. En lieu et place d’une telle précision, il dispose simplement que «sous réserve des droits et obligations de l’expéditeur, le destinataire, par son acceptation expresse ou tacite de la marchandise ou du contrat de transport, acquiert des droits résultant du contrat de transport et peut les faire valoir en son propre nom vis-à-vis du transporteur…» . Ceci a fait dire à certains auteurs que l’Acte uniforme paraît consacrer la thèse des auteurs modernes pour qui le contrat de transport est un contrat triangulaire qui unit trois personnes et ce, dès l’origine . La nature d’un acte tient aux volontés qui s’y sont manifestées, et celle d’un contrat aux obligations qui en résulte. Dans le contrat de transport, trois volontés s’expriment, et chacune s’exprime pour s’engager. Ce contrat traduit, autant que la volonté de l’expéditeur et du transporteur, celle du destinataire. Comme la leur, cette volonté exprime un engagement et une vocation à faire valoir des droits; comme la leur, elle prend corps, et devient obligatoire à l’instant où les trois coexistent.
La particularité tient à ce que le destinataire est, par hypothèse, absent lors de la conclusion du contrat. Il faut donc bien que l’expéditeur le représente. Et il le fait non pas en qualité de stipulant, mais plutôt de porte-fort. Suivant la convention de porte-fort prévue à l’article 1120 du Code civil en effet, un contractant promet pour autrui, quitte si l’absent ne s’exécute pas, à tenir son engagement à sa place. Or, tel est précisément le rôle de l’expéditeur dans le contrat de transport. Celui-ci souscrit à l’égard du transporteur un double engagement: l’un à titre personnel, l’autre pour le compte du destinataire. De ce dernier, il promet qu’il prendra livraison à l’arrivée, et le cas échéant, réglera le prix du transport. Et il s’en porte fort: si le destinataire ne ratifie pas, il s’exécutera à sa place. La ratification du destinataire, tacite, résulte de ce qu’il remplit ses obligations; elle a pour effet de libérer l’expéditeur de son engagement de porte-fort. Ainsi s’explique encore le fait que, la ratification étant rétroactive, le droit du destinataire remonte au jour de la conclusion du contrat .
Une telle approche ne permet pas de faciliter l’application des dispositions de l’article 13-4 de l’Acte uniforme dans la pratique. Nous rejoignons à cet effet la position des professeurs Dorothé Cossi SOSSA et Victor Emmanuel BOKHALLI qui retiennent plutôt la qualité d’adhérent à la suite du professeur J.-P. TOSI . Cependant, il serait plus pratique d’interpréter les dispositions relatives à la qualité du destinataire en tant qu’adhérent au contrat de transport à la lumière de la théorie de F. PETIT qui a le mérite de recourir aux techniques utilisées en droit commun, en particulier à la théorie de l’offre et de l’acceptation. Ainsi l’expéditeur et le transporteur offrent au tiers la possibilité de les «rejoindre» en tant que partie à leur contrat déjà formé, c’est-à-dire de se soumettre aux effets de la dite convention en devenant créancier et débiteur d’obligations. L’ultime phase dans ce processus de formation successive du contrat de transport est évidemment l’acceptation par le tiers de cette offre en manifestant sa volonté de devenir le destinataire des marchandises. Une telle orientation des dispositions de l’article 13-4 de l’AUCTMR aura le mérite de mettre fin aux nombreuses critiques dont les thèses précédentes font l’objet.

Madame REMOND-GOUILLOUD ne s’est pas écartée de cette logique lorsqu’elle affirme que: «… le contrat de transport se superpose bien souvent à un contrat, dont il n’est sur le plan commercial, qu’une modalité d’exécution» ralliant ainsi la thèse qui sous-tend l’existence d’un lien très étroit entre les parties aux contrats opérant transfert de droit de propriété en général et au contrat de vente en particulier et les parties au contrat de transport. A cela s’ajoute l’adhésion du destinataire comme partie au contrat de transport du fait même de sa qualité de partie au contrat de vente; ce que Mademoiselle Rita HERRO analyse comme: «Le contrat de vente: cause de l’adhésion du destinataire au contrat de transport» . Mais c’est surtout au niveau des obligations de déclaration, d’information et de renseignement que ce lien de connexité apparaît plus intensément.

2- L’intérêt du lien de connexité des obligations «d’informer et de s’informer» à la charge des parties au contrat de transport de marchandises par route

Le contrat de transport de marchandises est consensuel, ce qui signifie qu’il est juridiquement formé dès l’échange des consentements . L’AUCTMR a le mérite de consacrer un principe qui est universellement reconnu aujourd’hui en la matière . Le contrat est formé et existe dès l’instant où les parties tombent d’accord sur la nature de la prestation à fournir et sur ses modalités même au cours d’un simple entretien téléphonique.

Il importe cependant de bien distinguer entre la formation-conclusion et le commencement d’exécution effective du contrat de transport .
Ainsi, le contrat est-il formé avant le chargement de la marchandise sur le véhicule ; et si le transporteur ne se présente pas chez l’expéditeur au jour et à l’heure convenus pour enlever la marchandise, il commet une faute qui se situe dans le cadre du contrat de transport.

Ce principe du consensualisme s’oppose au principe du formalisme dans lequel le respect de certaines règles de forme est exigé en vue de la validité de l’acte . Si un écrit est exigé, ce n’est que pour les besoins probatoires du contrat dont la conclusion est parfaite dès l’accord des volontés des parties: l’écrit est donc exigé ad probationem plutôt que ad validitatem .

A ce stade, il est nécessaire de rappeler que les exigences relatives à l’information et/ou à la déclaration revêtent une importance capitale du fait que les parties ne peuvent raisonnablement s’engager que sur la base de leur connaissance des marchandises à déplacer et des conditions et modalités de ce déplacement ainsi que sur le prix à payer. L’AUCTMR institue à cet effet une sorte de «réseau d’information» entre les parties au contrat de transport dont la finalité est moins de rechercher une quelconque égalité d’accès à l’information que de favoriser la réalisation optimale du transport envisagé . Chaque contractant est à la fois débiteur d’une obligation d’information et créancier d’un droit à l’information envers l’un ou l’autre de ses cocontractants.

L’AUCTMR a ainsi imposé une obligation générale d’informer à la charge de toutes les parties dont l’analyse se fera à travers les trois hypothèses qui découlent de la définition même du contrat de transport de marchandises par la route de l’Acte uniforme. En effet, une lecture croisée de l’article 2-b) de l’AUCTMR et des articles 1,2 et 3 de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant sur le droit commercial général nous met en face des trois hypothèses suivantes :

– première hypothèse: le contrat de transport de marchandises peut intervenir entre un expéditeur et un transporteur tous deux non professionnels; dans cette hypothèse, l’expéditeur ne peut fournir à son cocontractant que les informations dont il dispose et n’ayant aucune expérience en la matière, il n’est pas censé fournir des informations au-delà de ses capacités et connaissances. Il en sera de même pour le transporteur qui ne pourra demander un certains nombre de renseignements qui normalement devraient émaner de lui et conditionner la bonne exécution de ses prestations. Comment sera réglé les problèmes de responsabilité dans ces conditions du fait que ces deux cocontractants sont tous les deux des non professionnels ?

– Deuxième hypothèse: Une seule des deux parties est un professionnel; l’AUCTMR fera application dans cette hypothèse de l’adage: «Qui peut et n’empêche, pêche» . Tout d’abord, le cocontractant professionnel sera tenu soit de fournir toutes les informations nécessaires mises à sa charge; ensuite, ce cocontractant professionnel sera également tenu de s’informer auprès de son cocontractant non professionnel de toutes les déclarations et renseignements qui conditionneraient la bonne exécution du contrat de transport de marchandises. Une telle disposition illustre bien l’exigence de bonne foi et de transparence dans les relations contractuelles qu’impose l’AUCTMR. Il en résulte un lien de connexité remarquable entre les obligations d’informer et de s’informer mises à la charge des parties au contrat de transport de marchandises par la route par l’Acte uniforme.

– Troisième hypothèse: les deux parties sont des professionnels; dans cette troisième et dernière hypothèse, le problème ne se pose plus avec la même acuité dans la mesure où chacune des parties à défaut de fournir toutes les informations indispensables à son cocontractant pour l’exécution de ses prestations, est sûr et certain que son cocontractant, doit nécessairement l’amener à fournir ces informations puisqu’il a l’obligation de s’informer. Ainsi, toutes les difficultés résultant d’un défaut d’information dans cette hypothèse ne peuvent s’analyser que comme une réticence fautive ou une violation des obligations «d’informer et de s’informer» et doit être sanctionnée sévèrement.
A la lumière de ces analyses, on peut déduire que les obligations d’informer et de s’informer mises à la charge de chacune des parties au contrat de transport de marchandises par la route conditionnent dans une large mesure la conclusion du contrat. C’est donc logiquement que l’AUCTMR sanctionne sévèrement le défaut ou la mauvaise exécution de ces obligations.

Il en est de même des obligations mises à la charge des parties au cours de l’exécution du contrat de transport de marchandises par la route.

B- Une collaboration impérative dans l’intérêt des parties

L’Acte uniforme définit la période de transport de la marchandise comme celle qui «s’étend de la prise en charge de la marchandise par le transporteur en vue de son déplacement, jusqu’à la livraison de ladite marchandise» . De cette définition, on peut dégager trois étapes pour analyser l’étendue des droits, obligations et responsabilités des parties au contrat: la prise en charge de la marchandise, son transport ou déplacement et sa livraison. Toutefois, il est indispensable de relever le caractère transversal de l’obligation «d’informer et de s’informer» mise à la charge des parties aussi bien au stade de la formation qu’à celui de l’exécution du contrat de transport.

Les exigences relatives à l’information sont duales. D’une part, elles imposent une obligation générale d’informations à toutes les parties au contrat de transport à la conclusion et à l’exécution du contrat de transport, d’autre part, elles font spécialement obligation au transporteur de s’informer auprès de l’un ou l’autre de ses cocontractants dans certaines circonstances.

Le contrat de transport est un contrat à trois personnes. Au départ, il est conclu entre l’expéditeur et le transporteur, mais à l’arrivée, il devient un contrat à trois parties par l’adhésion du destinataire de la marchandise . Sur chacune des parties, pèse à un stade ou à un autre de l’opération de transport, une obligation de donner certaines informations à l’un ou à l’autre de ses cocontractants. Ces informations concernent soit les opérations de transport proprement dites, soit les opérations connexes . Au titre des informations relatives aux opérations de transport proprement dites, il y a les informations relatives à la prise en charge des marchandises, celles relatives au déplacement des marchandises et enfin celles relatives à la livraison des marchandises.

C’est pourquoi, on peut raisonnablement en déduire que les obligations d’information sont transversales et s’imposent à toutes les étapes de l’exécution du contrat de transport de marchandises par la route, en même temps qu’elles revêtent les mêmes valeurs et importances pour le législateur OHADA. C’est ce qui justifie les sanctions sévères prévues pour réprimer toute violation de ces obligations par les parties au contrat de transport qui sont à la fois débitrices ou créancières de l’exécution de ces obligations.

Au-delà de ces obligations d’information, il y a lieu d’examiner le lien de connexité que l’Acte uniforme consacre en ce qui concerne les obligations des parties tout au long de la phase d’exécution du contrat de transport de marchandises par la route.

1 – L’intérêt de la coopération des parties au stade du chargement et du déplacement des marchandises
Les parties au contrat de transport ne peuvent raisonnablement s’acquitter de leurs obligations respectives qu’à la condition d’une collaboration avec bonne foi et dans la transparence avec leur cocontractant.

a- Cas de l’expéditeur des marchandises

L’expéditeur assume diverses obligations , notamment le paiement du prix du transport et outres les obligations de déclaration et d’informations , des obligations d’emballage des marchandises, de mise à disposition des marchandises. Ainsi, l’expéditeur doit fournir au transporteur toutes les informations et instructions nécessaires au transport et se rapportant, notamment, à la quantité et à la qualité de la marchandise. Dans le cas contraire (vice de la marchandise, omission, insuffisance ou inexactitude des déclarations ou instructions), l’expéditeur sera tenu de réparer tout préjudice que subirait le transporteur . Il en est de même des documents de douane et autres documents et informations nécessaires dans le cas d’un transport international en vue de l’accomplissement des formalités de douane .
L’article 7-1 de l’Acte uniforme pose clairement l’obligation de l’expéditeur d’emballer la marchandise d’une manière appropriée au transport, à moins qu’une stipulation contractuelle ou un usage ne prévoit une règle différente . Quant aux alinéas 2 et 3 du même article 7, ils aménagent les droits et obligations du transporteur lorsque l’emballage présente un défaut apparent lors de la prise en charge ou s’il y a bris de l’emballage en cours de transport.

L’Acte uniforme détermine ainsi les obligations précises à la charge des parties en ce qui concerne l’emballage et sa vérification. Il met ainsi à la charge de l’expéditeur l’obligation d’assurer un emballage adéquat en même temps que réciproquement, il exige du transporteur qu’il vérifie l’état de l’emballage des marchandises. Le défaut ou la mauvaise exécution de ces obligations respectives par les parties les exposent à des sanctions sévères .

Quand bien même, l’expéditeur sera tenu non seulement d’emballer les marchandises, mais également de s’occuper de la manutention et du chargement, le transporteur n’est pas pour autant libérer de son côté de l’obligation de vérification mise à sa charge. En effet, il est tenu dans ces cas, de s’assurer de l’arrimage des marchandises et vérifier l’état du chargement afin d’attirer l’attention de l’expéditeur ou de son mandataire sur l’état des emballages et/ou du chargement.

Le législateur OHADA a également consacré un droit de disposition de la marchandise au profit de l’expéditeur durant toute la période du transport . Ainsi, peut-il demander au transporteur d’arrêter le transport, de modifier le lieu de livraison, ou de livrer la marchandise à un destinataire différent de celui stipulé dans la lettre de voiture. L’analyse révèle qu’un tel droit de disposition durant la période du transport consacre un véritable lien de subordination juridique entre le transporteur et l’expéditeur qui peut même déléguer ce droit de disposition au destinataire s’il le mentionne expressément dans la lettre de voiture . Le transporteur serait-il considéré comme un mandataire ou un salarié de l’expéditeur? Le législateur OHADA ne s’est peut-être pas préoccupé des conséquences juridiques d’une telle orientation ou interprétation, dès lors que son seul souci est de mettre en place un mécanisme de collaboration et de communication entre les parties dans le seul intérêt de la sauvegarde du contrat et de sa bonne exécution.

Lorsque toutes ces obligations auront été exécutées et qu’il y a bris d’emballage en cours du transport, l’Acte uniforme met encore à la charge des parties des obligations réciproques. Le transporteur, outre le fait qu’il doit prendre les mesures urgentes nécessitées par les circonstances, il doit aviser l’expéditeur et solliciter auprès de celui-ci des instructions à cet effet. L’expéditeur est à son tour tenu de donner une suite à la demande du transporteur. Sous peine de subir des sanctions sévères.

Les deux parties se retrouvent également liées dans la gestion du bris d’emballage même si chacune d’elles avait bien exécuté son obligation.
C’est la preuve du solidarisme qu’impose l’AUCTMR aux parties et qui illustre une fois encore son originalité.

b- cas du transporteur des marchandises

Avant de pouvoir livrer les marchandises, le transporteur est tenu d’exécuter d’autres obligations très importantes. Il doit en effet, prendre en charge la marchandise, la déplacer afin de la livrer à destination dans l’état où il l’a reçue ou plus précisément dans l’état où elle est décrite dans la lettre de voiture et, de préférence, dans les délais.

Lors de la prise en charge de la marchandise, le transporteur est tenu de procéder à une double vérification: celle de l’exactitude des mentions portées sur la lettre de voiture quant au nombre de colis, à leurs marques et à leurs numéros, ainsi que, celle de l’état apparent des marchandises et de leur emballage. Tout comme la CMR, cette vérification ne confère pas une simple faculté au transporteur, mais une véritable obligation . Si le transporteur n’a pas les moyens raisonnables de procéder à cette double vérification, ou s’il constate des défauts sur la marchandise, il doit l’inscrire sur la lettre de voiture par des réserves motivées, c’est-à-dire qu’elles doivent indiquer avec précision les raisons pour lesquelles il était impossible de vérifier la marchandise, ou la nature des défauts constatés (sacs déchirés, marchandise mouillée, etc.) .

La prise en charge de la marchandise apparaît donc, comme l’acte à la fois matériel et juridique par lequel le transporteur prend possession effective de la marchandise et l’accepte au transport. Dès ce moment, le transporteur devient garant de la marchandise et la présomption de responsabilité commence à peser sur lui .

L’article 10 de l’AUCTMR met à sa charge une obligation de vérification. A défaut de faire de telles vérifications en vue des réserves éventuelles, le transporteur est présumé avoir reçu la marchandise et son emballage en bon état apparent et il y a présomption que les mentions figurant sur la lettre de voiture sont exactes. Pour que les réserves du transporteur engagent l’expéditeur, elles doivent être acceptées par ce dernier. Outre, le fait que ces présomptions et la valeur légale des réserves sont classiques en droit des transports . L’on peut ainsi relever de cette exigence de l’Acte uniforme, une obligation de contre-expertise à la charge de l’expéditeur pour confirmer ou infirmer les réserves éventuelles du transporteur après la vérification faite par ce dernier des déclarations, informations et mentions de la lettre de voiture qui lui ont été soumises. Il en résulte une obligation de collaboration, de transparence et d’entente obligatoire à la charge des cocontractants. Pour le transporteur cette obligation vise à le protéger en cas de dommages et pour l’expéditeur à le protéger contre les mêmes dommages.

L’AUCTMR met à la charge du transporteur, une obligation spéciale de s’informer durant la «période du transport» surtout lorsqu’il y a empêchement à la livraison . Cette obligation de s’informer qui pèse sur le transporteur doit être distinguée du devoir de s’informer ou de se renseigner traditionnellement étudié par la doctrine . En effet, celui-ci suppose que les deux parties ont un égal accès à l’information, de sorte qu’aucune n’est tenue d’informer l’autre . Chaque partie a le devoir de rechercher l’information qui l’intéresse et ne peut reprocher à l’autre de ne pas lui avoir transmis cette information. Comme le relève un auteur , «le devoir de se renseigner est un principe dont l’obligation d’informer ne représente qu’une exception». Dans certains cas, l’obligation de s’informer peut consister pour une partie à se renseigner pour pouvoir informer l’autre. Il s’agit alors d’une hypothèse où un contractant supporte effectivement une obligation de fournir des informations à son partenaire mais ne peut valablement l’exécuter qu’en s’informant elle-même au préalable .

L’obligation de s’informer du transporteur ne correspond à aucune de ces deux hypothèses. Il ne s’agit pas de rechercher des informations pour son propre compte ou pour pouvoir renseigner son cocontractant. L’AUCTMR lui fait obligation de demander des instructions auprès de l’expéditeur ou du destinataire dans l’intérêt de la marchandise .

L’article 12 de l’AUCTMR prévoit les droits et obligations du transporteur, de l’expéditeur et du destinataire dans différents cas où le transport ne peut être exécuté suivant les conditions prévues à la lettre de voiture. Mais l’acte uniforme met à la charge du transporteur une obligation de demander des instructions et corrélativement l’AUCTMR met à la charge de ses cocontractant suivant les cas, une obligation de lui donner les dites instructions. En effet, s’il y a un empêchement au transport avant l’arrivée à destination, le transporteur doit en principe aviser et demander des instructions à «l’ayant droit des marchandises» alors que si le problème survient à la livraison c’est-à-dire après l’arrivée à destination, c’est de l’expéditeur qu’il faut obtenir les instructions . Si le transporteur doit solliciter ces instructions sans délai, il est également fait obligation à ses cocontractants de donner une suite à sa demande et lui fournir les dites instructions dans un délai de quinze (15) jours suivant l’avis . L’AUCTMR utilise à la fois les mots et expressions: d’ «expéditeur», d’ «ayant droit à la marchandise» et du «destinataire» pour désigner celui à qui le transporteur doit s’adresser. Une clarification de ce que recouvre chacun de ces mots et expression aurait facilité la compréhension et l’interprétation du droit harmonisé .

2 – Le devoir de collaboration imposé aux parties à la livraison des marchandises

Le contrat de transport ou plus exactement, peut-être la prestation du transporteur dans le cadre de ce contrat; prend fin avec la livraison des marchandises. Mais en quoi consiste cette opération et à quel moment précis se réalise-t-elle? Une chose est certaine, de même qu’il ne faut pas confondre conclusion du contrat de transport et prise en charge de la marchandise, il importe de distinguer entre achèvement du déplacement et terminaison du contrat. Ainsi, l’arrivée des marchandises au lieu de destination ne marque-t-elle pas à elle seule la fin du contrat de transport et pas davantage l’envoi d’un avis d’arrivée . Il y aura donc toujours un décalage plus ou moins grand entre le moment de l’arrivée à destination et celui de la livraison . Quant à savoir à quel moment précis s’opère la livraison, deux conceptions se sont longtemps affrontées. D’un côté la thèse de la «livraison matérielle» et de l’autre la thèse de la «livraison juridique». Selon une première école, la livraison consisterait dans la prise de possession physique de la marchandise par le destinataire. Elle ne se réaliserait donc qu’au moment du retrait effectif et total de la marchandise des mains, du véhicule ou des magasins du voiturier. Au regard de cette thèse, aucun des actes juridiques (reconnaissance de l’envoi, décharge au transporteur, paiement du port, etc.) que le destinataire peut accomplir ne réalise la livraison. De l’autre côté, la thèse de la «livraison juridique», selon les partisans de cette école et pour le professeur RODIERE notamment, cette conception procéderait d’une confusion entre livraison et enlèvement, la livraison s’opérant dès l’instant où le transporteur met la marchandise à la disposition du destinataire, qui l’accepte. Autrement dit, par symétrie avec la conclusion du contrat, la livraison serait elle aussi un acte purement consensuel se réalisant par le seul accord des parties, indépendamment de tout acte matériel de retrait de la marchandise.
L’intérêt de cette controverse se retrouve sur le plan de la présomption de responsabilité, sur le plan des formalités à accomplir pour marquer la livraison et partant la fin de l’exécution du contrat de transport et enfin sur le plan de la responsabilité civile à raison de la garde de la marchandise.

La Cour Suprême française après quelques hésitations a fini par adopter la thèse de la «livraison matérielle» employant notamment les expressions de «transmission de la détention» et «appréhension matérielle» pour caractériser la livraison, qui n’aurait su, précise-t-elle, résulté de la simple mise à disposition de la marchandise .
L’AUCTMR semble également avoir adopté cette thèse . Le transporteur est tenu de livrer la marchandise au destinataire au lieu prévu pour la livraison et de lui remettre la copie de la lettre de voiture qui accompagne la marchandise, le tout contre décharge. Pour ce faire, après l’arrivée de la marchandise au lieu prévu pour la livraison, le transporteur doit aviser le destinataire de l’arrivée de la marchandise et du délai imparti pour son enlèvement, à moins que la livraison de la marchandise ne s’effectue à la résidence ou à l’établissement du destinataire . Le transporteur ne peut donc raisonnablement s’acquitter de cette obligation de livraison sans opérer une «livraison matérielle» de la marchandise. Cette affirmation est davantage renforcée par le fait que le transporteur et le destinataire doivent vérifier l’état dans lequel la marchandise est livrée et ce, de manière contradictoire. Lorsque le transporteur et le destinataire s’entendent sur l’état de la marchandise à la livraison, ils peuvent faire une constatation commune écrite. Il en résulte une obligation de constatation ou de déclaration commune qui caractérise le lien direct entre la livraison et le retirement de marchandise.

La preuve donc que le transporteur et le destinataire sont d’accord sur l’état de la marchandise à la livraison est qu’il leur est imposé l’obligation de faire une constatation commune écrite. La preuve contraire au résultat de cette constatation ne peut être faite que s’il s’agit de pertes ou avaries non apparentes et si le destinataire a adressé au transporteur un avis écrit indiquant la nature des pertes ou avaries dans les sept (07) jours suivant cette constatation commune. Les dimanches et jours fériés ne sont pas compris dans le calcul de ce délai .

Si aucune constatation écrite concernant l’état de la marchandise à la livraison n’a été faite entre le transporteur et le destinataire, le destinataire doit adresser au transporteur un avis écrit décrivant la nature des dommages:

au plus tard le premier jour ouvrable qui suit la date de livraison, en cas de perte ou avaries apparentes;

dans les sept (7) jours suivant la date de la livraison, dimanches et jours fériés non compris, en cas de pertes ou avaries non apparentes.
Lorsque ces délais ne sont pas respectés, la marchandise est présumée reçue dans l’état décrit à la lettre de voiture. Toutefois, une mention écrite de cette perte ou avarie faite sur la lettre de voiture ou sur tout autre document de transport au moment de la livraison suffit pour satisfaire aux exigences de l’avis.

En cas d’empêchement à la livraison le transporteur est tenu d’aviser l’expéditeur et de demander des instructions. L’avis d’empêchement et la demande d’instructions peuvent être faits par écrit ou oralement. En tout cas, l’AUCTMR ne précise pas la forme de la demande d’instructions. Mais du fait que l’AUCTMR admet entre autres l’écrit électronique , les parties peuvent y recourir également surtout qu’elles sont libres de choisir leur mécanisme de communication à cette fin. Le transporteur doit faire preuve de diligence et agir en «bon père de famille» dans l’attente des instructions . Une telle exigence légale suppose un devoir de collaboration caractérisée par la «bonne foi» et le «solidarisme» dont chacune des parties doit faire preuve dans le but de sauver le contrat ou à défaut de limiter les risques inhérents à son inexécution.

L’analyse du lien de connexité qui caractérise les obligations mises à la charges des parties au contrat de transport de marchandises depuis sa formation jusqu’à la fin de son exécution, révèle la volonté du législateur OHADA d’imposer une véritable collaboration, une solidarité exceptionnelle et un devoir d’exécution dans la transparence et de bonne foi le contrat de transport de marchandises par la route. L’originalité d’une telle option est à saluer dès lors que les États membres de l’OHADA n’ont pas encore les moyens de mettre en place de véritables mécanismes de contrôle, de régulation et de professionnalisation du secteur des transports.

Loin d’y voir de simples prescriptions légales tendant à faire la preuve de leurs prétentions respectives en cas de dommage, il convient de relever qu’à travers ces dispositions, il y a un véritable devoir de collaboration entre les parties impliquées dans l’exécution de cette dernière partie du contrat de transport.

Le législateur OHADA accorde un intérêt particulier à cette obligation de collaboration et de coopération avec bonne foi des parties au point d’aménager un régime de répression assez sévère en cas de violation de ces obligations par l’une quelconque des parties. Au-delà donc de leurs intérêts personnels, il s’agit de prévenir le défaut d’exécution ou l’exécution de mauvaise foi du contrat de transport. Pourquoi une telle précaution? Est-ce la recherche de la sécurité dans les transports des marchandises du fait que c’est véritablement le seul mode de transport qui soit développé dans les États concernés ou une exagération dans l’innovation? Seul l’avenir nous permettra de porter un jugement adéquat sur le choix du législateur OHADA.

II – Une interdépendance lourde de conséquences pour les parties au contrat de transport de marchandises par route

Le législateur OHADA a opté pour une sévérité excessive dans la répression de la mauvaise foi, de l’utilisation de manœuvres frauduleuses (dol) et de mauvaise intention par les parties aussi bien dès la formation du contrat de transport de marchandises qu’au cours de son exécution. Les parties sont tenues d’éviter de fournir à leur cocontractant des informations erronées, de faux documents, de données non fiables, d’user de mauvaise foi. Même leur abstention ou omission est sanctionnée dès lors qu’il est établi que l’auteur ne pouvait raisonnablement ne pas s’attendre aux résultats dommageables découlant de son abstention ou omission. C’est en quelque sorte l’application de l’adage «Qui peut et n’empêche, pêche» de Loysel qui trouve application dans leur relation contractuelle donc en droit des contrats.

L’originalité des sanctions prévues pour réprimer les défaillances ou la réticence, la mauvaise foi, les manœuvres frauduleuses des parties au contrat de transport de marchandises par l’Acte uniforme se caractérise d’une part, par l’instauration d’un régime spécifique de maintien du contrat avec l’anéantissement de ses effets en lieu et place de celui de la nullité du contrat et d’autre part, par les limitations de responsabilité imposées aux parties en cas de dommage résultant d’un défaut de collaboration, d’information et de synergie entre leurs actes dans le cadre de l’exécution du contrat de transport.

A- Les sanctions sévères réprimant la violation intentionnelle de l’obligation de collaboration et de coopération par les parties

En droit positif français, dans l’hypothèse où l’expéditeur se trouve dans l’impossibilité de remettre les marchandises annoncées lorsque le transporteur se présente chez lui pour les enlever, ou, encore, refuse de charger pour une raison indépendante du transporteur ; le contrat de transport étant consensuel, l’expéditeur rompt ainsi unilatéralement un contrat déjà formé et, sauf cas de force majeure, il doit indemniser le transporteur du préjudice résultant pour lui de cette rupture . Bien entendu, cette réparation d’une part, doit se faire à hauteur maximale du prix du transport et d’autre part, elle ne peut intervenir qu’en l’absence de toute faute du voiturier ou de force majeure et à condition que le voiturier justifie de son préjudice .

L’AUCTMR tout en consacrant le principe du consensualisme pour la formation du contrat de transport, a gardé un silence dans l’hypothèse où, soit le transporteur ne s’est jamais présenté à la date et au lieu déterminés pour la prise en charge de la marchandise, soit que le transporteur se présente au lieu prévu et à la date prévue mais ne trouve sur place aucune marchandise à prendre en charge. Quelles solutions appliquées?

En dehors de cette hypothèse, l’AUCTMR a consacré des sanctions particulières pour réprimer l’inexécution ou le défaut d’exécution, la mauvaise exécution ou l’exécution avec retard des obligations d’information mises à la charge des parties au contrat de transport de marchandises par la route.

1- A l’ encontre de l’expéditeur de mauvaise foi
L’AUCTMR prévoit diverses sanctions pour réprimer la violation par les parties au contrat de transport, des obligations d’information mises à leur charge. Si les sanctions frappant le transporteur ou le destinataire n’empiètent pas véritablement sur les règles de droit commun, il en est autrement des sanctions des manquements de l’expéditeur à son obligation d’information .

En effet, l’AUCTMR décide que l’absence, l’inexactitude ou l’irrégularité des déclarations de l’expéditeur «n’affecte ni l’existence, ni la validité du contrat de transport» . Il apparaît ainsi qu’en excluant la nullité du contrat de transport même lorsque l’expéditeur a fait sciemment une fausse déclaration, l’Acte uniforme considère que la violation de l’obligation d’information n’est pas un vice de consentement . En confrontant le manquement à l’obligation d’information avec les vices de consentement pouvant justifier le fondement juridique du choix du législateur OHADA, le professeur André AKAM AKAM en est arrivé à la conclusion selon laquelle: «l’exclusion de la nullité en cas d’absence de déclarations ou de fausses déclarations de l’expéditeur, peut s’expliquer par le caractère consensuel du contrat de transport d’une part, et d’autre part, par la possibilité qui est donnée au transporteur de vérifier l’exactitude des déclarations de l’expéditeur». Loin de paraître surprenante, une telle analyse ne fait que restituer les conséquences de l’interdépendance des obligations que l’Acte uniforme met à la charge des parties au contrat. L’article 4 alinéa 4 de l’AUCTMR dont il est fait application ici, confirme le caractère consensuel du contrat de transport et énonce surtout le principe de la survie du contrat nonobstant l’absence ou l’irrégularité des déclarations de l’expéditeur. Les parties n’étant pas obligées de rédiger une lettre de voiture pour que le contrat existe ou pour que ce contrat soit valable, il eût été inopportun de vouloir fonder la nullité du contrat de transport sur l’absence ou l’inexactitude de certaines mentions de la lettre de voiture . Mais à notre avis, c’est surtout la preuve de l’exigence de la bonne foi et de la transparence que le législateur OHADA impose et requiert de la part des parties au contrat de transport de marchandises par la route. Cette position se justifie dans la mesure où tout en optant pour le maintien et la survie du contrat de transport en évitant sa nullité, le législateur OHADA va opter pour des sanctions qui affectent l’existence ou l’exécution du contrat de transport. C’est l’anéantissement des effets du contrat de transport.

L’AUCTMR prévoit plusieurs catégories de sanctions dans ce sens.
Tout d’abord, le refus du transport de la marchandise. Cette sanction est prévue par l’article 8 alinéa 4 de l’AUCTMR . Il résulte de ce texte que si l’expéditeur remet au transporteur des documents, des espèces ou des marchandises de grandes valeurs sans en avoir fait connaître au préalable la nature ou la valeur, le transporteur n’est pas tenu de les transporter. C’est une des innovations de l’AUCTMR en la matière. C’est la reconnaissance et l’application du principe de l’unilatéralisme en matière contractuelle par le législateur OHADA. La décision du refus est laissée à la discrétion du transporteur qui n’a pas besoin de recourir à un avis ou une procédure avant de la prendre.

Il en est de même de la possibilité du déchargement, de la destruction ou de la neutralisation de la marchandise offerte au transporteur. Il s’agit de mesures que le transporteur est habilité à prendre sans aucune autre formalité lorsque l’expéditeur lui a remis des marchandises dangereuses sans lui en avoir fait connaître la nature exacte. L’article 8 alinéa 3 in fine de l’AUCTMR dispose en effet que: « le transporteur peut, de manière adéquate, décharger, détruire ou rendre inoffensives les marchandises dangereuses qu’il n’aurait consenti à prendre en charge s’il avait connu leur nature ou leur caractère, et ce sans aucune indemnité ». Il y à là, une double sanction pour l’expéditeur, ce dernier perd le droit à indemnisation en même que ses marchandises auront été détruites sans l’intervention d’un juge ou d’un arbitre.

Contrairement à la CMR qui n’aborde nulle part le problème de la responsabilité de l’expéditeur en cas d’omission ou de fausse déclaration concernant la marchandise , l’AUCTMR lui consacre une place importante. Des dispositions des paragraphes 2,3 et 4 de l’article 8 dudit acte, il résulte que l’expéditeur est responsable de tout préjudice subi par le transporteur lorsque ce préjudice a pour origine « soit l’omission, soit l’insuffisance ou l’inexactitude de ses déclarations ou instructions relatives à la marchandise transportée», lorsqu’il remet au transporteur une marchandise dangereuse ou des documents, des espèces ou des marchandises de grande valeur sans en avoir fait connaître au préalable la nature exacte ou la valeur.

Quelle que soit l’hypothèse envisagée, la situation de l’expéditeur est identique: il est responsable envers le transporteur de tous dommages résultant de son omission ou de l’inexactitude de ses déclarations. Tout d’abord, il s’agit d’une responsabilité contractuelle , dès lors, le transporteur doit rapporter la preuve du dommage subi par lui-même ou par toute personne aux services de laquelle il a recours pour l’exécution du contrat de transport . La notion du dommage englobe donc tous les frais et les dommages auxquels est confronté le transporteur et qui ont pour origine une omission ou une fausse déclaration de l’expéditeur . Ensuite, il doit établir l’omission ou l’insuffisance des informations fournies par l’expéditeur et montrer qu’elle est constitutive d’un manquement à l’obligation mise à sa charge . Enfin, il doit établir le lien de causalité entre le dommage subi et l’inexécution de l’obligation d’information par l’expéditeur.
L’expéditeur doit normalement réparer l’intégralité du préjudice subi (matériel et/ou moral) par le transporteur dès lors que les conditions de sa responsabilité sont réunies .

Il résulte de l’analyse que non seulement le transport des marchandises dangereuses ne relève pas du champ d’application de l’AUCTMR mais c’est surtout la mauvaise foi de l’expéditeur caractérisée par la violation d’une interdiction de l’Acte uniforme et la violation de son obligation de fournir des informations fiables, qui est doublement sanctionnée.

Il en est de même pour le transporteur en cas de violation de ses obligations.

2 – A l’ encontre du transporteur fautif et de mauvaise foi

La faute délibérée du transporteur impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable , toute réticence, toute mauvaise foi et toute omission de la part du transporteur sans conduire à la nullité du contrat ni a l’anéantissement de ses effets, entraîneront pour ce dernier une déchéance de son droit d’invoquer une des causes d’exonération prévues . En effet, l’article 21 alinéa 1er de l’AUCTMR prévoit que «le transporteur n’est pas admis au régime de l’exonération (…) de responsabilité prévue au présent acte uniforme (…) s’il est prouvé que la perte, l’avarie ou le retard à la livraison résulte d’un acte ou d’une omission qu’il a commis, soit avec l’intention de provoquer cette perte, cette avarie ou ce retard, soit témérairement et en sachant que cette perte, cette avarie ou ce retard en résulterait probablement» . En d’autres termes, la faute dolosive ou inexcusable du transporteur entraîne la déchéance du droit à l’exonération. Tel serait le cas lorsqu’ayant connaissance de la valeur exacte de la marchandise, il s’est rendu complice de la fraude commise par son cocontractant.
De la même manière, lorsqu’il est prouvé qu’il a commis une omission fautive ou un acte frauduleux faisant apparaître sa mauvaise intention, le transporteur perd non seulement le bénéfice du privilège de plafonnement de l’indemnité pour la réparation des préjudices mais également le bénéfice de la prescription annale et toute action dirigée contre lui dan le cadre de ce contrat ne sera prescrite qu’au bout de trois ans.

Ensuite, en cas de pluralité de transporteurs pour une même prestation, les transporteurs successifs sont solidairement responsables , même si l’Acte uniforme prévoit un mécanisme de recours entre transporteurs . Ce qui implique dès lors pour tous ces acteurs, un devoir de collaboration et une certaine solidarité de fait et de droit leur permettant d’éviter ou de limiter tout risque résultant de la violation de leurs obligations.

Enfin, comme en droit positif français où la responsabilité du transporteur est une responsabilité de plein droit, l’AUCTMR a prévu une responsabilité de plein droit, fondée sur une obligation de résultat mise à la charge du transporteur. Ainsi, pèse sur lui une présomption de responsabilité à laquelle il ne peut échapper que dans des cas d’exonération précis . Vis-à-vis de la marchandise, le transporteur s’oblige à trois résultats: amener la marchandise au lieu prévu pour la livraison; dans l’état où il l’a prise en charge; dans un délai éventuellement convenu. Dès lors, il suffit de constater que l’objectif garanti n’a pas été atteint pour que la défaillance du transporteur soit ipso facto établie . Plus précisément, on va imputer presque automatiquement au transporteur la responsabilité de tous les dommages constatés à l’arrivée et non signalés au départ, ces dommages constituant autant de manquements au résultat promis . Cette présomption de responsabilité qui pèse sur le transporteur est très lourde et très sévère surtout qu’elle s’étend aux faits d’autrui. En effet, l’AUCTMR prévoit que: «le transporteur est responsable, comme de ses propres actes ou omissions, des actes ou omissions de ses préposés ou mandataires agissant dans l’exercice de leurs fonctions et de ceux de toute autre personne aux services desquels il recourt pour l’exécution du contrat de transport, lorsque cette personne agit aux fins de l’exécution du contrat» .

Le transporteur peut s’exonérer en invoquant une des causes d’exonération qui sont des événements ou des circonstances dont peut se prévaloir le transporteur pour se libérer de sa responsabilité. Il s’agit du vice propre à la marchandise, la force majeure ou la faute du cocontractant . Il en résulte que le transport qui a effectué la double vérification prévue et a émis des réserves lors de la prise en charge des marchandises, est admis à s’en prévaloir pour bénéficier de cette cause d’exonération. Il en est de même, lorsque le transporteur apporte la preuve qu’il a fait de bonne foi, toutes les diligences chaque fois que de besoin aussi bien lors de la formation du contrat qu’au cours de son exécution et que le dommage ne résulte que de la mauvaise foi, de la violation de leurs obligations par ses cocontractants ou de leur omission. Il n’est donc pas superflu de conclure que l’AUCTMR a consacré une véritable «porte de sortie» de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui, en lui permettant de la contourner sur la base de sa bonne foi, de sa transparence et de ses diligences. Il lui suffit donc d’apporter la preuve formelle de ce qu’il a exécuté son obligation d’information, qu’il a demandé en temps utile toutes les informations, qu’il a en temps utile sollicité les instructions et qu’il a fait toutes les diligences nécessaires, bref, qu’il a coopéré et collaboré avec bonne foi avec ses cocontractants, pour s’exonérer.

L’on peut se demander si le destinataire encourt également des sanctions en cas de violation des obligations mises à sa charge dans le contrat de transport dans il n’est qu’un adhérant par son acceptation.

3 – A l’ encontre du destinataire de mauvaise foi

Lorsque le destinataire refuse de prendre livraison alors qu’il est avisé par le transporteur du lieu et de la date où cette livraison devrait avoir lieu, le transporteur doit aviser l’expéditeur et solliciter des instructions à toutes les fins utiles .

En dehors de ce cas, le destinataire doit coopérer avec le transporteur pour établir la preuve du constat de l’état de la marchandise à la livraison. A défaut, le destinataire doit adresser au transporteur un avis écrit indiquant la nature des pertes et avaries dans des délais très courts . A contrario, si le destinataire viole d’une manière ou d’une autre cette obligation, les marchandises sont réputées avoir été livrées conformes à leur état au moment de la prise en charge de ces marchandises par le transporteur. C’est une présomption de fin de bonne exécution du contrat de la part du transporteur.

Classiquement, après avoir conclu le contrat de transport, le vendeur informe généralement l’acheteur que sa commande a été remise à un transporteur pour lui être livrée, et qu’il est désigné sur les documents de transport comme le destinataire des marchandises. Celui-ci peut ne prendre connaissance de la livraison qui lui ai adressée qu’au moment où le transporteur lui propose de recevoir les marchandises qui lui sont destinées. Dans les deux cas, l’acheteur est invité à adhérer au contrat de transport pour permettre l’exécution de l’obligation de délivrance incombant au vendeur. Si en principe, et dans le cadre des transports non précédés d’une vente, le destinataire est libre de refuser d’adhérer au contrat de transport , il faut noter que l’acheteur (destinataire) ne peut refuser de devenir le destinataire . En effet, conformément à l’hypothèse retenue par l’étude, le vendeur-expéditeur subit un préjudice du fait de l’inexécution de l’obligation de délivrance telle que prévue dans le contrat de vente. L’acheteur en refusant la livraison dans le cadre du contrat de transport refuse par là même la livraison dans le cadre du contrat de vente et contrevient à l’une de ses obligations principales qui est le retirement de la marchandise achetée. La loi prévoit une sanction rigoureuse pour l’inexécution de l’obligation de retirement.

Selon le droit commun, tout contractant victime d’une inexécution contractuelle a le choix entre l’exécution forcée et la résolution judiciaire. Or, la résolution sanctionnant l’inexécution du retirement présente un caractère particulier. Contrairement à l’article 1184 alinéa 2 du Code civil, elle n’est pas judiciaire et elle peut s’opérer sans qu’elle soit précédée d’une mise en demeure de l’acheteur: elle a donc lieu de plein droit et sans sommation, à partir de l’expiration du terme convenu . Le vendeur-expéditeur pourra aussi demander des dommages et intérêts contractuels réparant le préjudice subi . Par ailleurs, une autre sanction est envisageable sur le terrain délictuel de la théorie de l’abus de droit. En effet, le vendeur et l’acheteur ont convenu de confier la marchandise à un transporteur. Ils ont alors débattu les conditions du déplacement des marchandises et ont prévu que chacun d’eux deviendra partie au contrat de transport. En acceptant que le vendeur lui livre la marchandise en sollicitant les services d’un transporteur, l’acheteur promet de manière indirecte d’adhérer au contrat de transport. Lorsque le vendeur contracte avec le transporteur, il met en œuvre les conditions de livraison telles que prévues dans le contrat de vente. Si le futur destinataire a, en principe, la liberté d’adhérer, celle-ci se trouve limitée lorsqu’il s’agit de l’acheteur des marchandises dans la mesure où le contrat de transport a été conclu en exécution du contrat de vente auquel il a consenti . Ainsi, si le refus d’adhérer est injustifié, l’acheteur commet un abus de liberté contractuelle . Si la jurisprudence refuse traditionnellement de déclarer abusif un refus de contracter, elle l’admet dans certains cas en l’occurrence en cas de refus de l’acheteur de devenir le destinataire de la marchandise. Ainsi, un arrêt de la Cour d’appel de Lyon considère comme abusif le refus d’un destinataire de recevoir les marchandises qu’il avait commandées . Cette approche semble à notre avis, celle adaptée au contexte africain dans le cadre de la mise en œuvre des obligations du destinataire. Cependant, il convient d’attendre la confirmation de cette position par les juridictions africaines.
Une telle analyse met clairement en lumière l’intérêt pour toutes les parties impliquées dans un contrat du transport à coopérer et à collaborer dans l’intérêt du contrat et dans leur intérêt propre dès lors qu’un défaut d’inexécution ou une violation de l’obligation de collaboration et de coopération mise à leur charge est lourde de conséquences aussi bien sur le plan contractuel que sur le plan délictuel.

Le refus de paiement du prix du transport par le destinataire n’a aucun effet sur l’existence ou la validité du contrat de transport même si le destinataire est admis comme adhérent au contrat de transport par son acceptation. L’AUCTMR a consacré des privilèges et des droits au profit du transporteur impayé et a prévu le mécanisme par lequel ce dernier pourra recouvrer sa créance .

B – Les sanctions en cas d’absence de faute intentionnelle à la base de l’inexécution

Le législateur OHADA a enfin prévu des tempéraments ou des limitations de la responsabilité des parties au contrat de transport lorsque le transporteur n’a pas commis de faute intentionnelle et que le dommage est survenu malgré sa bonne foi.

Les professeurs E. V. BOKALLI et D. C. SOSSA estiment que ces limitations sont surtout prévues pour atténuer la présomption de responsabilité qui pèse sur le transporteur dans le but de lui éviter le fardeau d’une indemnisation trop élevée qui risquerait de grever considérablement son budget . Ainsi, l’Acte uniforme n’accorde principalement la réparation qu’en cas de perte ou de dépréciation de la marchandise, du préjudice matériel. Sont en revanche exclus de la réparation tous les autres préjudices, notamment pour bénéfice manqué , préjudice industriel ou commercial, frais financiers , versement des pénalités de retard prévues par le contrat de vente . Il est vrai que l’expéditeur peut «racheter l’exclusion en formulant une déclaration d’intérêt à la livraison» dans le but de contourner ces limitations .
Dans le même sens, nous estimons que c’est dans le but d’encourager et d’inciter les parties à une franche collaboration, à une solidarité, à la transparence et à la bonne foi que le législateur OHADA a prévu des conditions restreintes pour la mise en œuvre de la responsabilité du transporteur. En effet, lorsqu’il y a pertes, avaries ou retard dans la livraison des marchandises, le destinataire est tenu de respecter un certain nombre de conditions avant que son recours ne soit recevable. De même, lorsque ce recours aura prospéré, il devra faire face à un plafonnement de l’assiette de l’indemnisation en ce qui concerne la réparation du préjudice qu’il a subi .

Autant de restrictions qui témoignent de l’intérêt que le législateur OHADA accorde à la bonne exécution du contrat de transport de marchandises par la route et l’incitation des parties à un respect scrupuleux de leurs obligations respectives.

a- Les conditions préalables à la recevabilité de l’action en responsabilité

L’acte uniforme soumet la recevabilité de l’action en responsabilité contre le transporteur à une réclamation écrite préalable adressée au transporteur et ce, dans le respect d’un délai bien encadré sous peine de prescription, sans toutefois perdre de vue que le réclamant doit établir la preuve du dommage. C’est du moins, ce qui ressort des dispositions de l’article 25 alinéa 2 de l’AUCTMR: «l’action n’est recevable que si une réclamation écrite a été préalablement faite au premier transporteur ou au dernier transporteur au plus tard soixante (60) jours après la date de la livraison de la marchandise ou, à défaut de livraison, au plus tard six (6) mois après la prise en charge de la marchandise».

L’institution de la réclamation gracieuse est une récupération et une introduction par l’Acte uniforme des solutions établies par le droit administratif et, de manière indirecte, dans certaines matières relevant du droit privé.

Relativement à la forme, la réclamation doit se faire par écrit. Sachant que l’Acte uniforme a une conception assez large de l’écrit , on peut en déduire qu’aucune forme particulière d’écrit n’est exigée. Mais la preuve de la réception par le transporteur de l’écrit doit être mise à la charge de celui qui s’en prévaut, en l’occurrence l’ayant droit à la marchandise .
Bien que l’Acte uniforme n’ait pas précisé le contenu de la réclamation écrite, l’on pense qu’il doit s’agir d’une véritable réclamation renfermant par conséquent une demande d’indemnisation suite aux dommages survenus aux marchandises.

La réclamation écrite préalable constitue à l’analyse, une cause d’extinction de l’action en responsabilité contre le transport qui intervient lorsque l’ayant droit à la marchandise n’a pas réclamé par écrit l’indemnisation dans un certain délai. Il s’agit d’une véritable forclusion qui s’analyse sur le plan procédural comme une fin de non-recevoir, c’est-à-dire un moyen de défense qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen du fond .
L’explication la plus plausible de cette forclusion pourrait être recherchée dans la volonté du législateur OHADA de limiter le contentieux judiciaire en privilégiant la voie de la transaction amiable . Nous souscrivons entièrement à cette thèse, car cela prouve que la volonté du législateur OHADA est d’encourager les parties à une franche collaboration et entente et que le recours aux juridictions de l’ordre judiciaire ne soit que la dernière alternative .

En ce qui concerne la preuve du dommage, il faut noter que l’inexécution ou l’exécution défectueuse du contrat de transport entraîne la responsabilité du transporteur. Cette responsabilité sera engagée, comme en droit commun, à partir du moment où il y aura un dommage, une faute, une présomption de faute et un lien de causalité entre eux. En effet, le transporteur étant de plein droit responsable, l’ayant droit à la marchandise n’a pas à prouver la faute du transporteur, ni à établir le lien de causalité. La présomption de responsabilité se double d’une présomption de causalité: dès qu’un dommage est observé à l’arrivée, il est réputé être survenu en cours de transport, à moins que le transporteur en cours de transport n’ait fait des réserves lors de la prise en charge. Mais l’action ne pourra prospérer que lorsque d’une part, le destinataire a pris livraison et à respecter ses obligations liées à cette phase du contrat. D’où le lien très étroit entre ses droits et obligations avec ceux du transporteur.

b – Le plafonnement de l’assiette de l’indemnité

La base de calcul de l’indemnité pour une perte ou une avarie est la valeur de la marchandise, mais, l’article 18 impose un plafond à l’indemnité qui peut être réclamée au transport. Une telle limitation est usuelle dans les conventions relatives au transport: les conventions sur les transports aérien, maritime et ferroviaire en prévoient, comme l’a fait la CMR (article 23) .

l’article 18.1 de l’AUCTMR fixe l’indemnité maximale à 5000 francs CFA par kilogramme de poids brut de la marchandise, sauf s’il y a eu déclaration de valeur ou d’intérêt spécial à la livraison sur la lettre de voiture. Lorsque de telles déclarations existent, le montant déclaré constitue le plafond d’indemnisation .

Si un retard cause des dommages autres que l’avarie ou la perte de marchandise, l’indemnisation de ces autres dommages ne peut excéder le prix du transport .

CONCLUSION

A la question de savoir si le contrat de transport de marchandises par la route est un contrat type ou laissé à la liberté des parties, la réponse n’est pas facile à donner. Une convention classique consacre l’expression de la volonté des parties: c’est le principe de l’autonomie de la volonté. Mais à l’analyse, le législateur OHADA n’a laissé que très peu de marge de manœuvre pour l’expression de cette autonomie de la volonté des parties.

A l’instar de l’article 41 de la CMR, l’article 28 de l’Acte Uniforme relatif aux Contrats de Transport de Marchandises par Route une législation de droit impératif . Il est donc absolument interdit aux parties au contrat de déroger aux dispositions de l’AUCTMR, auf dans les quatre cas identifiés à l’article 28 alinéa 1: forme des écrits (article 2-c), paiement des créances résultant de la lettre de voiture avant livraison (article 15.1), recours entre transporteurs (article 24.3) et juridiction compétente (article 27). Le législateur a non seulement étendu le domaine d’application de l’AUCTMR mais également a rendu impératives ses dispositions dans l’espace OHADA. Une telle initiative répond aux objectifs du Traité OHADA d’élaborer des règles harmonisées, uniformisée, modernes et précises et claires pour garantir la sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA. Le législateur OHADA a le mérite d’avoir surmonté les difficultés ne lui imposait la prise en compte simultanément de règles adaptées aux transports internationaux et nationaux de marchandises par la route dans tous ses États membres.
Mais s’il convient de louer les efforts fournis à la concision et la précision des dispositions impératives de l’AUCTMR, il reste cependant que l’on relève quelques insuffisances notées et qui méritent un réexamen de l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par la route. En effet, la définition du contrat de transport de marchandises par la route est trop large et très vague dans sa formulation. Le législateur doit essayer de trouver une synergie entre les dispositions des articles 1, 2 et 3 de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant sur le Droit Commercial Général et celles de l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par la route. L’objectif serait de tracer de façon claire et précise la frontière entre les contrats de transports de marchandises qui relèveront du droit commun des contrats purement et simplement, et ceux qui relèveront spécifiquement de l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par la route qui est dérogatoire au droit commun. C’est le cas lorsque toutes les parties au contrat de transport sont des occasionnels c’est-à-dire se sont livrées à une telle opération mais de façon isolée. Une telle clarification et précision permettrait également d’encadrer la situation de l’entreprenant qui est un nouvel acteur du monde des affaires qui doit sa création au législateur OHADA lors de la révision de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général en décembre 2010. Si ce dernier entre autres activités se lance dans le transport des marchandises par la route, il convient d’encadrer son intrusion dans ce domaine surtout pour lui assurer une protection nécessité par son inexpérience et son manque de professionnalisme dans un domaine aussi sensible et lourd de conséquence en terme de responsabilité.

Mais, en consacrant une véritable collaboration et une solidarité avec bonne foi doublé d’une exigence d’exécution dans la transparence des obligations à la charge des parties au contrat de transport de marchandises par la route, le législateur OHADA a fait preuve d’une innovation qu’il convient de saluer à sa juste valeur. En effet, liées par des obligations interdépendantes et ayant des liens de connexité évidents, les parties ne peuvent qu’exécuter correctement le contrat de transport et d’éviter ou de limiter tout risque de dommage. Dans le cas contraire, sauf dans les cas exceptionnels où toutes les parties n’ont pas les moyens de faire autrement du fait qu’aucune d’elles n’a de l’expérience et de connaissances particulières dans le domaine, il est évident que l’établissement de la preuve de la violation de leurs obligations ne posera aucune difficulté et leur responsabilité mise en œuvre.

De là, il est évident de reconnaître la valeur de l’œuvre à partir de la qualité des règles adoptées. En effet, le législateur OHADA a opéré une démarcation et un retour au droit commun des contrats . La démarcation est évidente lorsque, d’une part, rejetant la théorie des vices du consentement, il récuse l’annulation du contrat comme sanction de la réticence, des fausses déclarations ou dol de l’expéditeur que du transporteur; d’autre part, lorsqu’il édicte des sanctions spécifiques (d’une côté, refus de transport, déchargement, destruction ou neutralisation des marchandises; de l’autre, perte de tout droit d’invoquer une cause d’exonération et perte du bénéfice de la prescription annale et de celui du plafonnement de l’indemnité). Ce faisant, le législateur OHADA confère au transporteur un pouvoir unilatéral pour mettre un terme au contrat de transport avec l’anéantissement de ses effets. Une telle option permet de conclure que le droit OHADA s’inscrit dans la nouvelle tendance qui se renforce dans le droit contemporain des obligations de favoriser des solutions qui tendent à la survie du contrat et non à inciter ou conduire à sa disparition (confirmation ou régularisation, réfaction du contrat). De même, le droit OHADA apporte en quelque sorte «sa pierre» à l’unilatéralisme qui se développe en matière contractuelle, faisant ainsi écho à la jurisprudence de la Cour de cassation française qui reconnaît désormais à un créancier de mettre fin de façon unilatérale au contrat, à ses risques et périls, en raison de la gravité du comportement de son cocontractant.

Par contre, il y a recours au droit commun quand l’AUCTMR fait application des règles de la responsabilité civile contractuelle avec cependant quelques nuances, notamment à propos de la sanction de la déclaration mensongère, de documents, espèces ou marchandises de grande valeur.

Selon le professeur André AKAM AKAM, ce choix «dialectique» du droit OHADA procède d’un véritable pragmatisme juridique qui, au gré des impératifs économiques ou moraux, l’amène soit à adopter des règles originales qui interfèrent sur la théorie générale du contrat, soit à reconduire des solutions qui sont simplement une application du droit commun, ce qui témoigne de ce qu’un droit spécial ne saurait avoir la prétention de régir de manière exclusive une matière, si particulière soit-elle . Au final, l’AUCTMR est la preuve que la juxtaposition des règles générales et des règles spéciales n’est pas forcément conflictuelle et peut conduire au renouveau de la pensée juridique .

Enfin, cette étude aura permis de se rendre compte de l’effort d’adaptation et d’internalisation des nouvelles orientations des relations contractuelles et qui visent notamment à mettre à la charge des parties outres les obligations classiques, des obligations nouvelles de bonne foi, de solidarité, de collaboration et de transparence dont le but est essentiellement de favoriser la survie et l’exécution du contrat. Seule la pratique permettra d’apprécier à sa juste valeur l’impact réel d’une telle avancée du droit des transports terrestres dans les États membres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.