Les nouvelles sûretés introduites dans l’Acte uniforme sur les sûretés adopté le 15 décembre 2010

Le droit des sûretés issu du précédent Acte Uniforme (17 Avril 1997) constituait déjà une réelle innovation, dans la mesure où le texte nouvellement adopté regroupait les sûretés contenues auparavant dans le Code de commerce et dans d’autres textes spéciaux, y compris en matière immobilière avec le décret colonial du 26 juillet 1932 portant réorganisation de la propriété foncière en Afrique Occidentale Française, deux décrets du 21 juillet 1932 pour le Cameroun, du 23 Décembre 1922 pour le Togo, du 28 mars 1899 pour le Congo Brazzaville, modifié par le décret du 12 décembre 1920 et étendu aux pays de l’Afrique Equatoriale Française.

C’est dire que le droit des sûretés antérieur à l’Acte Uniforme du 17 avril 1997 avait des sources disparates et était vétuste dans sa substance.

Grâce à l’Acte uniforme sus mentionné, le droit OHADA des sûretés a été modernisé et regroupé dans un seul texte.

La réforme intervenue le 15 décembre 2010 a été rendue nécessaire par le souci de simplification desdites sûretés et de mise en conformité avec les évolutions internationales récentes en la matière, afin d’en accroître la fiabilité et faciliter ainsi la pratique du crédit dans l’espace OHADA. L’objectif final recherché étant de parvenir à la satisfaction effective du créancier sans spolier le débiteur.

La simplification évoquée touche tant à la constitution et à la réalisation des sûretés existantes, qu’à l’extension de l’assiette desdites sûretés ainsi qu’à l’ajout de sûretés nouvelles.

Au titre des sûretés nouvelles introduites, l’on mentionnera : la réserve de propriété, la cession de créance à titre de garantie, le transfert fiduciaire de sommes d’argent, le nantissement de compte bancaire et le nantissement de compte de titres financiers.

Je me propose de présenter les trois premières citées en deux parties traitant respectivement de la propriété retenue (I) et de la propriété cédée à titre de garantie (II).

I. LA PROPRIETE RETENUE

L’on définira d’abord cette notion (A), ensuite on en précisera le régime juridique (B).

A. LA NOTION DE PROPRIETE RETENUE

Il s’agit, en réalité, de la clause de réserve de propriété antérieurement contenue dans les Actes Uniformes portant droit commercial général et portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, qui est ramenée dans le nouveau texte.

Convention par laquelle les parties à une vente commerciale conviennent de reporter, du vendeur à l’acquéreur, la propriété du bien acquis au jour du paiement complet du prix, la réserve de propriété constitue dorénavant une sûreté régie par les articles 72 à 78 de l’Acte Uniforme modifié, qui en précise le régime juridique.

B. LE REGIME JURIDIQUE DE LA RESERVE DE PROPRIETE

L’Article 72 du texte modifié reprend la définition de cette sûreté en énonçant que « la propriété d’un bien mobilier peut être retenue en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie ».

A peine de nullité, la réserve de propriété est convenue par écrit au plus tard au jour de la livraison du bien et n’est opposable aux tiers que si elle a été régulièrement publiée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) territorialement compétent (Articles 73 & 74 Acte Uniforme sur les sûretés modifié).

Le renouvellement d’une inscription s’effectue dans les mêmes conditions que l’inscription initiale et s’il intervient avant l’expiration du délai pour lequel l’inscription initiale avait été prise, ce renouvellement permet au requérant de conserver le bénéfice de l’inscription initiale.

On relèvera utilement que lorsque le bien objet de la sûreté est fongible, en cas de réalisation, la réserve se porte sur le stock à concurrence de la créance (Article 75).

Par ailleurs, lorsque le bien objet de la réserve de propriété a été incorporé à un autre bien, l’incorporation ne fait pas obstacle à la revendication du créancier si le retrait peut être réalisé sans dommage pour les biens en présence.

A défaut, c’est-à-dire au cas contraire, le tout (bien initial et bien incorporé) devient la propriété de celui qui en a la partie principale, à charge pour lui de désintéresser le créancier titulaire de la réserve de propriété. La valeur du désintéressement de la chose incorporée est estimée à la date du paiement (Article 76).

La réalisation de la réserve de propriété, justifiée par le défaut de paiement complet à l’échéance, permet au créancier de demander la restitution du bien pour le vendre, et se faire payer sur le prix de vente. Et si la valeur de la vente est supérieure au montant de la créance, le créancier doit restituer la différence au débiteur ; cette règle est d’ordre public (Articles 76 et 77).

Enfin, lorsque le bien objet de la réserve de propriété est vendu ou détruit, le droit de propriété du créancier se reporte, selon le cas, sur la créance du débiteur à l’égard du sous- acquéreur ou sur l’indemnité d’assurance subrogée au bien (Article 78).

On voit bien dans ces développements, l’une des préoccupations de la reforme, à savoir la volonté de désintéresser effectivement le créancier par la réalisation de la sûreté sans spolier le débiteur ; du reste, cette préoccupation se retrouve dans le cadre de la propriété cédée.

II. PROPRIETE CEDEE A TITRE DE GARANTIE

Il s’agit essentiellement de la cession de créance (A) et du transfert fiduciaire d’une somme d’argent (B).

A. LA CESSION DE CREANCE.

Elle est régie par les Articles 79 à 86 du nouveau texte et vise la propriété d’un bien actuel ou futur.

A cet égard, l’Article 79 dispose que, « la propriété d’un bien, actuel ou futur, ou d’un ensemble de biens, peut être cédée en garantie du paiement d’une dette, actuelle ou future, ou d’un ensemble de dettes… ».

Le souci de développer la pratique du crédit dans l’espace OHADA afin de mieux contribuer au financement de l’économie, et donc au développement des Etats Parties, a conduit le législateur OHADA à autoriser la constitution à titre de sûreté de la cession des créances futures, à la condition que l’acte de cession permette leur individualisation ou contienne des éléments facilitant cette individualisation, tels par exemple que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s’il ya lieu, leur échéance. (Article 81)

Ainsi, une créance détenue sur un tiers peut être cédée à titre de garantie de tout crédit consenti par une personne morale nationale ou étrangère, faisant à titre de profession habituelle et pour son compte des opérations de banques ou de crédit.

En outre, l’incessibilité de la créance ne peut être opposée au cessionnaire par le débiteur cédé lorsqu’elle est de source conventionnelle et que la créance est née en raison de l’exercice de la profession du débiteur cédée ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale (Article 80).

S’agissant des effets de la cession, l’article 82 énonce que la cession de créance prend immédiatement effet et est opposable aux tiers dès son inscription au RCCM, tandis que l’article 83 précise qu’à moins que les parties n’en conviennent autrement, la cession s’étend aux accessoires de la créance et entraîne de plein droit leur transfert et son opposabilité aux tiers.

Il en résulte qu’une créance cédée l’est, de plein droit, avec sa sûreté au cas où elle en est affectée ; ce qui constitue une garantie supplémentaire pour le créancier.

Enfin, les sommes payées au cessionnaire au titre de la créance cédée s’imputent sur la créance garantie lorsqu’elle est échue. Ainsi se trouve affirmé le principe de la réalisation par compensation de la sûreté ; le surplus, s’il en existe, est restitué au cédant (Article 86).

Ici encore, on relève le souci de donner satisfaction au créancier sans spolier le débiteur, tout comme on le constatera avec le transfert fiduciaire.

B. TRANSFERT FIDUCIAIRE D’UNE SOMME D’ARGENT

Réglementé par les Articles 87 à 91 de l’Acte Uniforme, cette sûreté est définie comme une « convention par laquelle un constituant cède des fonds en garantie de l’exécution d’une obligation ».

Il s’agit donc de la sûreté sur somme d’argent et l’utilisation du mot « constituant » à la place de celui de débiteur ouvre la possibilité pour un tiers de se substituer au débiteur pour transférer une somme d’argent en garantie de la dette de ce débiteur.

La propriété des fonds cédés étant transférée au créancier de l’obligation garantie, ces fonds doivent être inscrits sur un compte ouvert au nom dudit créancier dans les livres d’un établissement de crédit habilité à les recevoir ; mais pour protéger ce constituant, le compte ouvert au nom du créancier est bloqué. (Article 87 alinéa 2).

La convention détermine la ou les créances garanties, de même que le montant des fonds cédés à titre de garantie, puis identifie le compte bloqué. Le transfert fiduciaire devient opposable aux tiers à la date de sa notification à l’établissement de crédit qui tient le compte et à condition que les fonds cédés soient inscrits sur le compte bloqué. Par ailleurs, si les fonds cédés produisent intérêts, ceux-ci sont portés au crédit dudit compte (Articles 88 à 90).

Sauf convention contraire des parties, cette capitalisation des intérêts profitera au débiteur à qui les sommes bloquées seront restituées à l’échéance, au cas où il paye complètement la créance garantie.
A L’inverse, c’est-à-dire en cas de défaillance du débiteur et 8 jours après que le constituant en ait été informé, le créancier peut se faire remettre les fonds cédés, dans la limite du montant des créances garanties demeurant impayées.
Toute clause contraire est réputé non écrite (Article 91).

Comme précédemment mentionné, le texte modifié de l’Acte Uniforme sur les sûretés a ainsi été révisé dans un souci d’équilibre entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur. A côté des trois nouvelles sûretés que nous venons de présenter, il existe deux autres qui, comme les précédentes sus mentionnées constituent des innovations et renferment des solutions conformes aux tendances internationales en la matière. Il s’agit du nantissement de compte bancaire et du nantissement de compte de titres financiers.

Le nantissement de compte bancaire est un nantissement de créance (article 136 de l’Au sur les sûretés modifie). Quant au nantissement d’un compte de titres financiers, il s’agit d’une convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation l’ensemble de valeurs mobilières et autres titres financiers figurant dans ce compte (article 145 de l’Au sur les sûretés modifié).