L’Arbitrage CCJA

L’arbitrage est désormais une institution traditionnelle de la vie des affaires sur le plan national, mais aussi et surtout sur le plan international. C’est un « mode alternatif de règlement des litiges qui consiste à faire trancher un différend par de simples particuliers » , qui peuvent être des « personnes choisies par les parties » . On distingue généralement deux types d’arbitrage, l’arbitrage Ad Hoc, qui demeure le plus fréquent, et l’arbitrage Institutionnel. Mais notre discussion va beaucoup plus porter sur le deuxième type d’arbitrage à travers le Centre d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.

Les signataires du Traité de Port Louis (Traité OHADA) du 17 Octobre 1993 avaient, dès le préambule, exprimé leur désir de « promouvoir l’arbitrage comme instrument de règlement des différends contractuels ». C’est pourquoi l’article 1er dudit Traité qui définit ses objectifs précise qu’il est question entre autres d’encourager le « recours à l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels ». Les articles 21 à 25 posent les bases de cet arbitrage. La concrétisation de ces intentions s’est manifestée par l’adoption à Ouagadougou par le Conseil des Ministres de l’OHADA le 11 Mars 1999, de l’Acte Uniforme relatif au Droit de l’Arbitrage, et du Règlement d’Arbitrage de la CCJA qui fixe les règles applicables à l’arbitrage CCJA. Plusieurs textes ont été pris par la suite qui ont permis d’organiser l’arbitrage CCJA (I) afin de rendre lisible et professionnel le déroulement de la procédure arbitrale (II).

I. ORGANISATION DE L’ARBITRAGE CCJA

L’arbitrage CCJA fait partie de l’arbitrage général tel qu’organisé par l’Acte Uniforme du 11 Mars 1999 y relatif (A), mais comporte des organes spécifiques dont le rôle participe de la garantie d’une bonne justice conventionnelle (B).

A. GENERALITES SUR L’ARBITRAGE OHADA

1. Les fondements de l’arbitrage OHADA

L’un des objectifs majeurs des signataires du Traité OHADA avait été de promouvoir l’arbitrage qui, comme nous l’avons dit plus haut, est un mode non contentieux de règlement des litiges. Les politiques avaient rejoint les opérateurs économiques sur un constat pertinent : l’insécurité judiciaire ayant entraîné une perte de crédit à l’endroit des juridictions étatiques. Il était donc important non seulement de repenser et réorganiser les systèmes judiciaires afin de leur permettre de participer activement au développement du continent par la production des décisions conformes au Droit, mais également de redonner confiance aux investisseurs en leur donnant la possibilité de recourir à une justice dont ils peuvent organiser eux-mêmes, conventionnellement, les contours : l’arbitrage.

Par ailleurs, il a paru aussi nécessaire de doter l’Afrique d’institutions arbitrales de référence, susceptibles de favoriser le retour vers le continent de beaucoup de litiges arbitraux qui n’étaient jusqu’alors que l’apanage d’institutions étrangères très souvent imposées à nos opérateurs économiques lors de la conclusion de leurs contrats avec les partenaires étrangers. Grâce à l’Acte Uniforme relatif à l’arbitrage, l’espace OHADA s’est doté de règles modernes en matière d’arbitrage. Il ne reste plus qu’à les appliquer pour encrer définitivement dans les mœurs des hommes d’affaires et autres acteurs sociaux le recours à ce mode de règlement de litige qui se généralise. C’est ce qui justifie la mise en place d’un cadre juridique approprié.

2. Le cadre juridique de l’arbitrage OHADA

L’ossature juridique de l’arbitrage OHADA, créé par le Traité OHADA, reste constituée essentiellement par l’Acte Uniforme relatif à l’arbitrage (a) et par le Règlement d’arbitrage de la CCJA (b).

a. L’acte Uniforme relatif à l’arbitrage (AUA)

L’AUA fixe le cadre général de l’arbitrage, en d’autres termes le droit commun de l’arbitrage. En effet, l’article 1er de ce texte dispose que « le présent Acte Uniforme a vocation à s’appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des Etats-parties». L’article 2 précise que l’arbitrage doit porter sur des droits dont la personne a « la libre disposition ».

Il découle de ces dispositions que si le lieu de l’arbitrage vient à se trouver sur le territoire de l’un des Etats-parties, et quelle que soit la matière concernée par l’arbitrage, celui-ci sera régi par l’AUA, d’une part. D’autre part, il faudra que l’arbitrage porte sur un droit disponible, c’est-à-dire un droit « sous la totale maîtrise de son titulaire, à telle enseigne qu’il peut tout faire à son propos et notamment l’aliéner voire y renoncer » . On peut dès lors comprendre qu’un droit indisponible n’est pas arbitrable, notamment un droit ayant trait à l’état des personnes.

Par ailleurs, l’article 2 al.2 de l’AUA énonce que « les Etats et les autres collectivités publiques territoriales ainsi que les Etablissements publics peuvent également être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester l’arbitrabilité d’un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d’arbitrage ». Il s’agit là d’une véritable « révolution » qui a battu en brèche le principe de la séparation juridictionnelle entre l’administratif et le judiciaire et qui fait qu’aujourd’hui, l’Etat et les personnes morales de droit public peuvent valablement compromettre sans mettre à mal leurs intérêts, dès lors qu’ils y consentent expressément à travers une convention d’arbitrage.

b. Le Règlement d’Arbitrage de la CCJA

Il a été adopté en même temps que l’AUA le 11 Mars 1999 à Ouagadougou par le Conseil des Ministres de l’OHADA, et est entré en vigueur 30 jours plus tard, soit le 10 Avril 1999. Ce texte qui comporte 34 articles réglemente l’arbitrage OHADA et particulièrement l’arbitrage CCJA dans tous ses aspects et de manière bien détaillée. Les développements qui vont suivre, notamment relativement aux organes de l’arbitrage CCJA, permettront des mieux s’approprier ce texte et mieux cerner la démarcation entre l’arbitrage OHADA et l’arbitrage CCJA qui contrairement au premier, n’est pas destiné à appliquer forcément le droit OHADA.

B. LES ORGANES DE L’ARBITRAGE CCJA

Aux termes de l’article 1er du Règlement d’arbitrage de la CCJA « la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage exerce les attributions d’administration des arbitrages dans le domaine qui lui est dévolu par l’article 21 du Traité (…). Les décisions qu’elle prend à ce titre, en vue d’assurer la mise en œuvre et la bonne fin des procédures arbitrales et celles liées à l’examen de la sentence, sont de nature administrative (…). Elles sont prises par la Cour dans les conditions fixées en Assemblée Générale sur proposition du Président. Le Greffier en chef assure les fonctions de Secrétaire Général de cette formation administrative de la Cour ». En application de cette disposition, un projet de Règlement Intérieur de la Cour en matière d’arbitrage a été proposé par le Président à l’Assemblée Générale de la Cour qui l’a adopté, avant d’être approuvé par le Conseil des Ministres. Ledit Règlement intérieur prévoit que la Cour, dans l’exercice de ses fonctions administratives des instances arbitrales, peut se réunir en assemblée plénière ou en formation restreinte

De l’économie des textes susvisés, il ressort que la CCJA dans cette matière comprend « un Président, une Assemblée Plénière, une Formation restreinte, un Secrétariat Général et une Régie des recettes » .

1. Le Président de la CCJA

En sa qualité de Président du centre d’arbitrage de la CCJA, il lui revient de « prendre, en cas d’urgence et hors les cas où les décisions requièrent un arrêt de la Cour (par exemple contestation de la validité d’une sentence arbitrale), toutes les mesures nécessaires à la mise en place et au bon déroulement de la procédure arbitrale, même s’il doit en informer la Cour à sa prochaine réunion» .

Hormis les cas d’urgence, le Président doit veiller à ce que les dispositions soient prises pour le bon déroulement des procédures arbitrales. Il doit notamment :
– S’assurer de l’effectivité des communications des dossiers et autres pièces de procédure entre les parties, ainsi que des versements des provisions ;
– Vérifier que le Secrétaire Général du Centre a accompli toutes les diligences qui lui incombent relativement à la mise en œuvre des procédures ;
– Prendre une ordonnance pour désigner un membre de la Cour à l’effet de faire le rapport sur tel ou tel dossier dont le Centre est saisi et veiller au respect des délais de procédure.

En outre, le Président préside l’Assemblée plénière et la Formation restreinte.

a. L’Assemblée Plénière

C’est à elle qu’il revient de prendre toutes les mesures nécessaires à la mise en place et au bon déroulement des procédures arbitrales. Ainsi, elle intervient toutes les fois où survient un incident de nature à compromettre ou à paralyser la procédure. Tel sera le cas si un arbitre venait à démissionner ou à décéder, ou s’il survenait un désaccord entre les parties relativement à la désignation du ou des arbitres (récusation).

En outre, aux termes des articles 24 du Traité OHADA et 23 du Règlement d’Arbitrage de la Cour, celle-ci (Assemblée Plénière) examine préalablement à leur signature les projets de sentence sur la compétence, de sentence partielle et de sentence définitive dont elle ne peut y apporter que de modifications de pure forme. Les autres sentences lui sont transmises non pour examen préalable, mais pour information (cas par exemple de sentence d’accord parties ). Il convient toutefois de faire une distinction entre l’assemblée générale de la Cour comme organe de la juridiction arbitrale et l’assemblée générale de la Cour comme organe juridictionnel.

b. La Formation restreinte

L’article 2.4 du règlement d’arbitrage de la Cour indique que « …la Cour peut, selon les modalités prévues au Règlement intérieur, déléguer à une formation restreinte de ses membres, un pouvoir de décision sous réserve que la Cour soit informée des décisions prises à l’audience suivante… ».

L’article 2.6 du Règlement Intérieur de la Cour en matière d’arbitrage du 02 Juin 1999 précise que cette formation restreinte « comprend un Président et deux membres désignés par ordonnance du Président. » En outre, le Président préside cette formation restreinte dont les décisions sont prises à la majorité de ses membres, et peut désigner un Vice-président de la Cour pour le remplacer en cas d’empêchement.
Il convient d’indiquer enfin que ce n’est que lorsque la formation restreinte ne peut décider qu’elle renvoie l’affaire à la prochaine Assemblée Plénière de la Cour en lui faisant toute proposition qu’elle juge appropriée .

2. Le Secrétariat Général

Le Secrétariat Général du centre d’arbitrage de la CCJA est un maillon très important dans le dispositif de l’arbitrage CCJA. En effet, le Secrétaire Général de la Cour :
– Enregistre les demandes d’arbitrage et les notifie aux parties défenderesses en y joignant le Règlement d’arbitrage de la Cour ; la date de réception de la demande constitue la date d’introduction de l’instance ;
– Saisit la Cour, après réponse de la défenderesse et éventuellement de la note complémentaire ou passé les délais pour les recevoir, pour la fixation de la provision pour les frais d’arbitrage, pour la mise en œuvre de celui-ci et pour la fixation du lieu de l’arbitrage si cette dernière question n’a été réglée ni par la convention d’arbitrage, ni par un accord ultérieur.
– Etablit, sur approbation de la Cour, les notes et autres documents destinés à l’information des parties et des arbitres ou nécessaires à la conduite de l’arbitrage.
– Assure la supervision des opérations d’encaissement ou de paiement exécutées par le Régisseur dans le cadre du processus arbitral.
– Notifie aux parties les sentences rendues, après paiement par celles-ci de l’intégralité des frais d’arbitrage (honoraires de l’arbitre, frais administratifs, frais de fonctionnement du tribunal arbitral, honoraires et frais d’expertise le cas échéant).

Enfin, l’article 5.5 du Règlement Intérieur susvisé précise que « le Secrétaire Général conserve dans les archives de la Cour toutes les sentences, le procès verbal constatant l’objet de l’arbitrage et fixant le déroulement de la procédure, les décisions de la Cour, ainsi que la copie du courrier pertinent rédigé par le secrétariat dans chaque affaire d’arbitrage ».

3. La Régie des recettes et des dépenses

Elle est placée sous la responsabilité d’un Régisseur nommé par décision du Président de la Cour, sur proposition du Secrétaire Général.

Le Régisseur est chargé de toutes les opérations d’encaissement et de paiement engendrées par les procédures arbitrales et contribue ainsi à leur bonne administration.
Tels sont les différents organes qui interviennent dans le déroulement de l’arbitrage CCJA dont il convient d’examiner à présent les différentes étapes.

II. LE DEROULEMENT DE LA PROCEDURE ARBITRALE

La procédure arbitrale CCJA est gouvernée par des principes (A) sans lesquels l’instance arbitrale elle-même ne peut aboutir à une sentence (B) non seulement acceptable par toutes les parties, mais aussi exécutoire (C).

A. LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCEDURE ARBITRALE CCJA

Avant de rentrer dans le vif du sujet, convient de relever quelques principes directeurs de la procédure arbitrale, à savoir la confidentialité (1), l’égalité (2) et le droit applicable (3).

1. La Confidentialité

Elle n’est certes pas propre à l’arbitrage CCJA, dans la mesure où elle est l’essence même de l’institution arbitrale, mais elle est de mise dans cet arbitrage spécifique dont les textes lui consacrent des dispositions claires et précises.

Aux termes de l’article 14 al.1 du Règlement d’arbitrage de la Cour, repris par l’article 5.2 du Règlement Intérieur « la procédure arbitrale est confidentielle. Les travaux de la Cour relatifs au déroulement de la procédure arbitrale sont soumis à cette confidentialité, ainsi que les réunions de la Cour pour l’administration de l’arbitrage. Elle couvre les documents soumis à la Cour ou établis par elle à l’occasion des procédures qu’elle diligente ». L’alinéa 2 de l’article 14 suscité tel que repris par l’article 5.3 prévoit tout de même que les parties peuvent déroger à cette obligation de confidentialité qui lie « les parties, les arbitres, les experts et toutes les personnes associées à la procédure d’arbitrage ». En outre, cette confidentialité s’étend aux documents produits en cours de procédure et aux sentences arbitrales rendues.

Cependant, le Règlement Intérieur stipule que des chercheurs effectuant des travaux de nature scientifique dans les matières soumises à l’arbitrage peuvent exceptionnellement être autorisés à prendre connaissance de certains documents d’intérêt général, à l’exception de mémoires, notes, communications et pièces remis par les parties au cours de l’instance arbitrale. Cette autorisation est subordonnée par l’engagement du bénéficiaire de respecter la confidentialité des documents reçus et de ne procéder à aucune publication y relative sans en soumettre le contenu pour accord au Secrétaire Général de la Cour.

2. L’égalité

Le principe d’égalité des parties est posé par l’article 9 de l’AUA qui dispose que «les parties doivent être traitées sur un pied d’égalité et chaque partie doit avoir toute possibilité de faire valoir ses droits». Cette égalité doit s’appliquer dès la phase de la constitution du tribunal arbitral. En effet, « chaque partie doit disposer des mêmes droits que l’autre lorsqu’il s’agit de désigner les arbitres » . Dans un arbitrage ad hoc où le juge étatique avait été sollicité pour constituer le tribunal arbitral parce qu’une partie n’avait pas désigné sont arbitre, la CCJA a estimé que la nomination d’un arbitre avant l’expiration du délai de 30 jours qui devait lui être imparti pour le faire constituait une violation du principe d’égalité de traitement posé par l’article 9 de l’AUA, rendant ainsi irrégulière la composition du tribunal arbitral . L’égalité doit s’appliquer aussi dans la fixation des provisions pour frais d’arbitrage, ainsi qu’au cours de l’instruction de l’instance. L’arbitre doit en outre accorder aux parties les mêmes délais dans l’examen des pièces et mémoires nécessaires à la préparation des moyens de fait et de droit. L’article 14 al.5 et 6 précise que les arbitres « ne peuvent retenir dans leur décision les moyens, les explications ou les documents invoqués ou produits par les parties ou que celles-ci ont été à même d’n débattre contradictoirement. Ils ne peuvent non plus « fonder leur décision sur les moyens qu’ils auraient relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».

3. Le Droit applicable.

Le recours par les parties à l’arbitrage suppose la signature par ces dernières soit d’une convention comportant clause compromissoire à l’origine, soit d’un compromis d’arbitrage, laquelle fixe les contours de l’arbitrage ainsi que le droit applicable. C’est du moins ce qui ressort de l’article 14 de l’AUA qui précise que « les parties peuvent directement ou par référence à un règlement d’arbitrage régler la procédure arbitrale ; elles peuvent aussi soumettre celle-ci à la loi de procédure de leur choix ».

Cependant, l’article 10.1 du Règlement d’arbitrage de la CCJA apporte une précision à cette disposition de l’arbitrage de droit commun et indique que « lorsque les parties sont convenues d’avoir recours à l’arbitrage de la Cour, elles se soumettent par là même aux dispositions du titre IV du Traité de l’OHADA, au présent Règlement, au Règlement Intérieur de la Cour, à leurs annexes et au barème des frais d’arbitrage, dans leur rédaction en vigueur à la date de l’introduction de la procédure d’arbitrage indiquée à l’article 5 ci-dessus ». Cette disposition est d’autant plus significative dans l’arbitrage CCJA qu’il est précisé à l’article 10.2 que si l’une des parties refuse ou s’abstient de participer à l’arbitrage, celui-ci aura lieu nonobstant le refus ou l’abstention, dès lors qu’elles ont convenue de recourir cet arbitrage.

Les éléments ci-dessus permettent d’envisager une instance arbitrale sereine.

B. L’INSTANCE ARBITRALE

L’ouverture de l’instance arbitrale suppose la mise en œuvre des mécanismes de procédure édictés par les textes régissant l’arbitrage CCJA. Mais pour que l’instance arbitrale soit liée (2), il y a une sorte de mise en état du dossier constituée essentiellement par l’introduction de la demande d’arbitrage (1).

1. L’introduction de la demande d’arbitrage

L’article 5 du Règlement d’arbitrage indique que toute partie désirant recourir à l’arbitrage de la Cour doit adresser à son Secrétaire Général une demande contenant :
– Les noms, prénoms, qualité, raison sociale et adresse des parties avec indication d’élection de domicile pour la suite de la procédure, ainsi que l’énoncé du montant des demandes ;
– La convention d’arbitrage intervenue entre les parties ainsi que les documents, contractuels ou non, de nature à établir clairement les circonstances de l’affaire ;
– Un exposé sommaire des prétentions du demandeur et des moyens produits à l’appui ;
– Toutes indications utiles et propositions concernant le nombre et le choix des arbitres ;
– S’il en existe, les conventions intervenues entre les parties sur le siège de l’arbitrage, la langue de l’arbitrage, la loi applicable et à défaut, les souhaits du demandeur à l’arbitrage sur ces différents points.

Cette demande dont un exemplaire est adressé à ou aux parties défenderesses, doit être accompagnée du montant du droit prévu pour l’introduction de l’instance dans le barème des frais de la Cour .

Le Secrétaire Général notifie à la partie défenderesse la date de réception de la demande, ainsi qu’un exemplaire du Règlement d’arbitrage de la Cour. La date de réception de la demande constitue la date d’introduction de la procédure.

La ou les parties défenderesses doivent, dans un délai de 45 jours à compter de la réception de la notification du Secrétaire Général, lui adresser leur réponse, en justifiant de l’envoi de ladite réponse à la demanderesse. La réponse doit contenir, aux termes de l’article 6 du Règlement d’arbitrage :
– Confirmation, ou non, de ses nom, prénom, raison sociale et adresse tels que les a énoncés le demandeur, avec élection de domicile pour la suite de la procédure ;
– Confirmation, ou non, de l’existence d’une convention d’arbitrage entre les parties renvoyant à l’arbitrage institué au titre IV du Traité OHADA ;
– Un bref exposé de l’affaire et de la position du défendeur sur les demandes formées contre lui avec indication des moyens et des pièces sur lesquelles il entend fonder sa défense ;
– Les réponses sur les points exposés par la demande d’arbitrage.

En outre, l’article 7 du Règlement d’arbitrage prévoit que si la défenderesse a formé dans sa réponse une demande reconventionnelle, il reviendra à la demanderesse de présenter une note complémentaire à cet effet, dans les 30 jours de la réception de la réponse.

Les préalables ci-dessus accomplis donnent lieu au déroulement de l’instance.

2. Le déroulement de l’instance.

Dans cette phase se succèderont la constitution du tribunal arbitral (a), la remise du dossier à l’arbitre (b), l’établissement du procès-verbal constatant l’objet du litige et fixant le déroulement de la procédure(c), l’audience des plaidoiries (d), l’examen préalable du projet de sentence (e), le prononcé de la sentence (f) et sa notification aux parties (g).

a. La constitution du tribunal arbitral

En vertu du principe de l’autonomie de la volonté des parties, il leur revient d’abord de constituer par elles-mêmes, respectant le sacro-saint principe de l’égalité des parties en matière d’arbitrage, le tribunal arbitral. Celui-ci peut être composé d’un ou de trois arbitres.

Lorsque les parties sont convenues que le différend sera tranché par un arbitre unique, elles peuvent le désigner d’un commun accord pour confirmation par la Cour. Faute d’entente entre elles dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la demande d’arbitrage à l’autre partie, l’arbitre sera nommé par la Cour article (3.1 al.2 Règlement d’arbitrage).

Lorsque trois arbitres ont été prévus, chaque partie en désigne un dans sa demande ou sa réponse, et le troisième est désigné par les deux choisis ou par la Cour dans le cas contraire.

Si les parties n’ont pas fixé d’un commun accord le nombre d’arbitres, la Cour nomme un arbitre, à moins que le différend ne lui paraisse justifier l’intervention de trois arbitres et auquel cas un délai de 15 jours est imparti aux parties pour les désigner.

En cas d’arbitrage multipartite, lorsqu’il y a plusieurs parties demanderesses et défenderesses et qu’elles ne s’entendent pas pour désigner les arbitres, la Cour peut nommer la totalité du tribunal arbitral. Cette disposition tend à éviter que l’égalité des parties ne soit compromise lorsque plusieurs parties doivent faire des propositions conjointes pour la désignation d’un arbitre.

Les arbitres désignés par la Cour sont choisis sur la liste des arbitres établie par ses soins et mise à jour annuellement. Une fois désignés, ces arbitres doivent être confirmés par la Cour. La confirmation permet à la Cour de s’assurer que l’arbitre est indépendant des parties et qu’il remplit toutes les conditions requises pour accomplir sa mission. Il peut ainsi arriver qu’une partie s’oppose à la confirmation d’un arbitre en démontrant sa dépendance . C’est pourquoi il pèse sur l’arbitre une obligation d’information, car il doit révéler les « faits ou circonstances qui pourraient être de nature à mettre en cause son indépendance dans l’esprit des parties» .

Au moment de la désignation des arbitres par la CCJA, celle-ci « tient compte de la nationalité des parties, du lieu de résidence de celles-ci et du lieu de résidence de leur conseil et des arbitres, de la langue des parties, de la nature des questions en litige et, éventuellement des lois choisies par les parties pour régir leurs relations » (article 3.3 Règlement d’arbitrage).

Il peut toutefois arriver que l’arbitre, bien que désigné et confirmé, soit récusé, démissionne ou décède.

S’agissant de la récusation, la demande est adressée à la Cour qui en apprécie la recevabilité et le bien fondé, après que la Secrétaire Général aura mis l’arbitre concerné, les parties et les autres membres du tribunal en mesure de présenter par écrit leurs observations dans un délai donné. Si la récusation est admise, il est procédé au remplacement de l’arbitre mis en cause.

La démission d’un arbitre peut être acceptée ou refusée. Lorsque la démission est refusée et que l’arbitre refuse de poursuivre sa mission, il est procédé à son remplacement s’il s’agit d’un arbitre unique ou du président du tribunal arbitral. Dans les autres cas, la Cour apprécie l’opportunité du remplacement eu égard à l’état d’avancement du dossier et à l’avis des autres arbitres. Elle peut estimer qu’il n’y a pas lieu à remplacement et que la procédure doit se poursuivre jusqu’à la sentence malgré le refus du concours de l’arbitre dont la démission a été refusée (Art.4.3 Règlement d’arbitrage). Il s’agit là d’une « disposition destinée à combattre les manœuvres dilatoires consistant pour un arbitre à démissionner à un moment proche de la clôture, afin de saborder l’arbitrage alors qu’une majorité contraire aux intérêts de la partie qui l’a désigné semble acquise » .

De même, en cas de décès d’un arbitre, la Cour apprécie l’opportunité de son remplacement, ainsi qu’il est indiqué plus haut. Elle peut ainsi décider de la poursuite de la procédure si elle était déjà suffisamment avancée, dès lors que les parties y ont donné leur accord .

Il convient de préciser que les arbitres désignés par la Cour jouissent, dans l’exercice de leurs fonctions, des privilèges et immunités diplomatiques ainsi qu’il ressort de l’article 49 du Traité OHADA. Ces privilèges et immunités sont étendus aux arbitres désignés par les parties dès lors qu’ils sont confirmés pas la Cour. Il s’agit là d’une « spécificité de l’arbitrage CCJA » qui a entendu permettre à l’arbitre « d’accomplir sa mission avec sérénité en étant à l’abri des pressions d’où qu’elles viennent » .

Le tribunal étant constitué, le dossier est transmis à l’arbitre.

b. La transmission du dossier à l’arbitre

Le dossier est en état d’être transmis à l’arbitre lorsque les préalables posés par les articles 5, 6 et 11 du Règlement d’arbitrage ont été remplis, notamment le dépôt et la communication de la demande d’arbitrage, le dépôt et la communication de la réponse et des notes complémentaires éventuelles, ainsi que le paiement par les parties de la provision pour frais d’arbitrage telle que fixée par la Cour, laquelle doit être payée en parts égales par la ou les demandeurs et la ou les défenderesses. En outre, la Cour « fixe le montant de la provision de nature à faire face aux frais d’arbitrage entraînés par les demandes dont elle est saisie, tels que définis par l’article 24.2a ci-dessous » .

Ces frais comprennent :
– Les honoraires de l’arbitre
– Les frais administratifs
– Les frais éventuels de l’arbitre
– Les frais de fonctionnement du tribunal arbitral
– Les honoraires et frais des experts en cas d’expertise

Les provisions doivent être réglées en totalité avant la remise du dossier à l’arbitre. En outre, ce dernier n’est saisi que des demandes pour lesquelles les provisions ont été payées. Vient alors l’établissement d’un procès-verbal constatant l’objet du litige et fixant le déroulement de la procédure.

c. L’établissement du procès-verbal constatant l’objet du litige et fixant le déroulement de la procédure

Dès réception du dossier du litige par l’arbitre, ce dernier doit convoquer les parties ou leurs représentants dûment habilités à cet effet ainsi que leurs conseils, à une réunion qui doit se tenir dans un délai maximum de 60 jours, en vue d’établir le procès-verbal constatant l’objet du litige et fixant le déroulement de la procédure. Cette étape est très importante dans la mesure où elle permet de « cerner très précisément l’objet du litige du fait de la participation des deux parties et d’arrêter les mesures concrètes desquelles dépendra le déroulement de la procédure » .

C’est au cours de cette réunion et dans le procès-verbal qui en sanctionne les travaux, que sont constatées la saisine de l’arbitre et les demandes sur lesquelles il doit se prononcer, l’existence ou non d’une convention d’arbitrage, l’accord des parties sur le siège, la langue de l’arbitrage ainsi que sur la loi applicable au fond du litige. E effet, le procès-verbal qui en résulte « s’apparente à l’Acte de Mission que l’on trouve dans l’arbitrage CCI sauf qu’ici, ledit procès-verbal doit être établi au cours de la réunion évoquée plus haut et doit impérativement préciser le calendrier procédural, alors que dans le cas de l’Acte de Mission CCI, qui peut être établi à distance, le calendrier procédural peut être communiqué seulement dès après la signature dudit acte de mission ou après son approbation par la Cour Internationale d’Arbitrage »

Les parties sont appelées à s’entendre sur le calendrier prévisionnel de la procédure, avec l’indication précise des dates de remise des mémoires respectifs et de la date de l’audience à l’issue de laquelle les débats seront clos; cette dernière date ne doit pas être fixée par l’arbitre au delà de six mois après la réunion, sauf accord des parties.
Le calendrier prévisionnel peut, en cas de nécessité, être modifié par l’arbitre, à son initiative après observations des parties, ou à la demande de celles-ci.

Le Tribunal arbitral interroge les parties pour savoir si elles entendent lui attribuer les pouvoirs d’amiable compositeur . Mention en est faite au procès-verbal sanctionnant la réunion, lequel doit être signé aussi bien par le ou les arbitres que par les parties.

Si l’une des parties refuse de signer le procès-verbal ou formule des réserves, le document est soumis à la Cour pour approbation (article 15.2 al.2 Règlement de procédure).

Ces étapes cèdent la place à une audience de plaidoiries qui cependant peut ne pas avoir lieu.

d. L’audience des plaidoiries

Le calendrier prévisionnel arrêté par les parties lors de la signature du procès-verbal sus évoqué prévoit une date à laquelle, à l’issue des échanges de mémoires et pièces, elles débattront de l’affaire en audience, assistées de leurs conseils. Il s’agit là d’une phase importante de la procédure arbitrale à l’issue de laquelle les débats seront déclarés clos, pour permettre au tribunal arbitral de se pencher sur le dossier pour délibérer dans le délai qui lui a été imparti.

Les parties peuvent cependant autoriser l’arbitre à statuer sur pièces. Auquel cas ne se tiendra aucune audience de plaidoirie.

Mais avant de prononcer sa sentence, il devra d’abord en soumettre le projet à la Cour.

e. L’examen préalable du projet de sentence

Préalablement à son prononcé, la sentence arbitrale est soumise à l’examen de la Cour qui ne peut cependant y apporter que des modifications de pure forme.

Aux termes de l’article 23.1 du Règlement d’arbitrage « les projets de sentence sur la compétence, de sentences partielles qui mettent un terme à certaines prétentions des parties, et de sentences définitives sont soumis à l’examen de la Cour avant signature ».

Les autres sentences sont seulement transmises à la Cour pour information, notamment les sentences d’accord parties.

En outre, la Cour donne à l’arbitre les indications nécessaires à la liquidation des frais d’arbitrage et notamment fixe le montant des honoraires de l’arbitre. La sentence rendue liquide lesdits frais et décide à laquelle des parties le paiement incombe ou dans quelle proportion ils doivent êtres supportés.

Une fois que le projet de sentence a été vérifié par la Cour, elle peut être prononcée.

f. Le prononcé de la sentence arbitrale

Après la clôture des débats, l’arbitre doit rédiger et signer la sentence dans les 90 jours qui suivent. S’il n’est pas en mesure de le respecter, il peut en demander la prorogation à la Cour.

La sentence rendue doit être motivée en droit (lorsque les arbitres statuent en droit), ou en équité (lorsqu’ils statuent en amiables compositeurs).

Toutefois, les parties peuvent, ainsi qu’il ressort de l’article 22.1 du Règlement d’arbitrage, convenir qu’il n’y aura pas lieu à motivation, à condition que cet accord soit admissible au regard de la loi applicable.

Lorsque le tribunal arbitral comporte trois membres, la sentence est rendue à la majorité. En cas de désaccord entre les arbitres, à défaut de majorité, le Président du tribunal arbitral est autorisé à statuer seul. Dans ce cas, la sentence qui est signée par le Président du tribunal arbitral seul, n’en demeure pas moins valable.

Si la sentence a été rendue à la majorité, le refus de signature de l’arbitre minoritaire n’affecte pas la validité de la sentence (article 22.3 du règlement d’arbitrage).

Une des singularités de cet arbitrage réside dans le fait qu’il est permis à l’arbitre minoritaire de remettre son opinion particulière au président du tribunal arbitral pour être jointe à la sentence .

Plusieurs types de sentences peuvent ainsi être rendues :

– La sentence partielle. Elle tranche partiellement le litige. Elle peut porter sur les mesures provisoires ou conservatoires, ou sur la compétence. La sentence ordonnant par exemple la constitution d’un séquestre est une sentence partielle.

– La sentence définitive. Elle consacre la fin du différend ayant opposé les parties. Elle est supposée avoir apporté des réponses à toutes les demandes énumérées dans le procès-verbal constatant l’objet du litige.

– La sentence d’accord parties. Aux termes de l’article 20 du Règlement d’arbitrage « si les parties se mettent d’accord au cours de la procédure arbitrale, elles peuvent demander à l’arbitre que cet accord soit constaté en la forme d’une sentence d’accord parties ». Il s’agit en réalité d’un arrangement amiable matérialisé par protocole d’accord revêtant l’habillage d’une sentence arbitrale, laquelle est soumise au même régime que les sentences proprement dites.

– La sentence additionnelle. Il s’agit d’une sentence rendue en complément d’une sentence qui aurait par exemple omis de statuer sur un chef de demande à l’arbitre. Il peut également s’agir d’une sentence rectificative d’erreur matérielle ou d’une sentence interprétative de la sentence préalablement rendue.

La sentence arbitrale prononcée qui doit être notifiée aux parties, a « autorité définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat-partie, au même titre que les décisions rendues par les juridictions de l’Etat. Elles peuvent faire l’objet d’une exécution forcée sur le territoire de l’un quelconque des Etats-parties » .

g. La notification de la sentence

La notification de la sentence incombe au Secrétaire Général de la Cour. Elle n’intervient qu’après que les frais d’arbitrage ont été intégralement réglés par les parties tel qu’il ressort du Règlement d’arbitrage.

La notification met fin à la procédure arbitrale. Il revient dès lors aux parties de l’exécuter ou d’exercer, le cas échéant, des voies de recours.

C. LES VOIES DE RECOURS ET L’EXECUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE.

La notification de la sentence arbitrale consacrant la fin de l’instance ayant opposé les parties, ces dernières rentrent dans une phase post arbitrale constituée aussi bien par l’exécution de la sentence rendue que par des recours contre ladite sentence. Concrètement, les parties vont tantôt contester la sentence rendue (1), tantôt l’exécuter (2). Dans cette phase, la Cour qui jusque là n’était qu’un organisme d’arbitrage, intervient beaucoup plus désormais en tant qu’organe juridictionnel.

1. Les recours contre la sentence arbitrale

Les recours possibles ouverts contre la sentence arbitrale se résument à la contestation de la validité de la sentence (a), à la sa révision (b) et à la tierce opposition (c).

a. Le recours en contestation de la sentence arbitrale

L’article 29.1 du Règlement d’arbitrage dispose que la partie qui entend contester la validité de la sentence arbitrale doit saisir la Cour (en tant que organe juridictionnel) d’une requête qu’elle notifie à la partie adverse. Cette requête n’est recevable que si les parties n’y avaient pas renoncé dans leur convention d’arbitrage, d’une part, et si elle est fondée sur une ou plusieurs des cas de figure énumérés par l’article 30.6 du Règlement d’arbitrage, d’autre part. Elle doit être déposée, à peine d’irrecevabilité, dans les deux mois qui suivent la notification de la sentence.

Le recours est ouvert dans les cas suivants :
– Si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée ;
– Si l’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ;
– Si le principe du contradictoire n’a pas été respecté ;
– Si la sentence est contraire à l’ordre public international.

Une fois introduit le recours est instruit conformément au Règlement de procédure de la Cour. Cette dernière peut le rejeter s’il n’est pas fondé, ou y faire droit en annulant la sentence « attendu que l’autorité de la chose jugée, principe fondamental de la justice en ce qu’il assure la sécurité juridique d’une situation acquise, participant de l’ordre public international au sens des articles 29.2 et 30.6-4 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, s’oppose à ce que l’arbitre statue dans la même cause opposant les parties ; qu’en conséquence, en statuant à nouveau sur la demande de cession forcée des mêmes actions, la sentence du tribunal arbitral, qui porte ainsi atteinte à l’ordre public international, doit être annulée » . Dans cette dernière hypothèse, deux situations sont envisageables d’après l’article 29.5 du Règlement d’arbitrage :
– La sentence étant annulée, la Cour peut évoquer et statuer au fond si les parties lui en font la demande. Pour le Pr. Paul Gérard POUGOUE, la Cour qui évoque devrait « respecter l’esprit de l’arbitrage et tenir le plus grand compte du Règlement d’arbitrage de la CCJA, de la convention d’arbitrage conclue par les parties et du cadre de l’arbitrage défini dans le procès-verbal constatant l’objet du litige » .
– Si les parties n’ont pas sollicité l’évocation, la procédure est reprise à la requête de la partie la plus diligente à partir, le cas échéant, du dernier acte de l’instance arbitrale reconnu valable par la Cour.

Il convient néanmoins de relever, relativement à l’arrêt n°003 sus évoqué, qu’après annulation de la sentence, la CCJA n’a pas évoqué, parce que les parties ne le lui ont pas demandé. Par ailleurs, la procédure arbitrale n’aurait pas pu reprendre conformément à l’article 29.5 du Règlement d’arbitrage pour la simple raison que la contestation tranchée l’avait déjà été par une décision du juge étatique devenue irrévocable.

b. Le recours en révision

Le recours en révision, d’après l’article 32 du Règlement d’arbitrage, est ouvert contre la sentence arbitrale dans les conditions de l’article 49 du Règlement de procédure de la CCJA, précisément en cas de découverte d’un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de la sentence, était inconnu aussi bien de la partie demanderesse à la révision que du tribunal arbitral.
La demande en révision doit être formée dans un délai de trois mois à compter de la découverte du fait nouveau, et au plus tard dans un délai de dix ans à compter de la décision contestée.

c. La tierce opposition

La tierce opposition est ouverte à toute personne se sentant lésée par une sentence arbitrale qui préjudicie à ses droits, ainsi qu’il ressort des articles 33 du Règlement d’arbitrage et 47 du Règlement de procédure de la CCJA. L’opposant doit adresser sa requête à la Cour qui statue conformément à l’article 29.5 al.1er du Règlement d’arbitrage. Ce recours n’est enfermé dans aucun délai.

Il y a lieu de préciser que contrairement à l’arbitrage de droit commun qui prévoit que le recours en révision et la tierce opposition doivent être portés devant le tribunal arbitral (article 25 AUA), le Règlement d’arbitrage CCJA lui indique que ces recours doivent être adressés à la Cour qui statuera conformément à l’article 29.5 al.1.

Lorsque la sentence arbitrale rendue n’a pas fait l’objet de recours, ou lorsque le recours a été rejeté, elle doit être exécutée.

2. L’exécution de la sentence arbitrale

La procédure arbitrale n’étant qu’une manifestation de la volonté des parties de contractualiser la justice, il est évident que par ce fait là même elles se sont engagées à respecter la ou les décisions à intervenir, donc à s’exécuter volontairement (a). Mais il peut arriver que le recours à l’exécution forcée s’avère nécessaire (b).

a. L’exécution volontaire de la sentence

En vertu des principes d’autonomie de la volonté et de l’exécution de bonne foi des conventions, les parties sont appelées à exécuter spontanément les sentences rendues conformément à leur convention d’arbitrage. Elles doivent ainsi se conformer librement à ce qu’elles se sont librement prescrit.
Cependant, il peut arriver qu’une partie adopte une attitude de « mauvais perdant » et oppose de la résistance face à la sentence rendue, justifiant ainsi le recours à l’exécution forcée.

b. L’exécution forcée de la sentence

Aux termes de l’article 25 al.2 du traité OHADA, les sentences arbitrales « peuvent faire l’objet d’une exécution forcée en vertu d’une décision d’exéquatur ». La CCJA est seule compétente pour rendre cette décision que le Pr. Paul Gérard POUGOUE a appelé « exequatur communautaire » .

L’exequatur est sollicité par requête adressée au Président de la Cour qui statue par ordonnance. Lorsque l’ordonnance du Président accorde l’exequatur, cette dernière est notifiée à la partie adverse qui peut former opposition dans un délai de 15 jours à compter de la notification. L’opposition est jugée contradictoirement.

L’exequatur peut également être refusé pour un autre motif que l’existence d’une contestation. Dans ce cas, la partie demanderesse saisit la Cour de sa demande dans la quinzaine du rejet de sa requête et notifie sa demande à la partie adverse.

L’exequatur ne peut être refusé que dans les quatre cas de figure ci-dessus énumérés, prévus par l’article 30.6 du Règlement d’arbitrage. Ces cas de figure peuvent également fonder l’opposition de la partie adverse à la demande d’exequatur. En réalité, toutes les fois où il y a contestation de la sentence, il y a automatiquement opposition à exequatur.

En définitive, le Secrétaire Général délivre à la partie qui en fait la demande une copie de la sentence arbitrale, certifiée conforme à l’original dont il est le dépositaire, sur laquelle figure une attestation d’exequatur. L’article 31.2 indique que « cette attestation mentionne que l’exequatur a été accordé à la sentence, selon le cas, soit par une ordonnance du Président de la Cour régulièrement notifiée et devenue définitive en l’absence d’opposition formée dans le délai de quinze jours mentionné ci-dessus, soit par un arrêt de la Cour infirmant un refus d’exequatur ». La sentence est dès lors exécutoire dans les Etats parties de l’OHADA. En outre, précise l’article 31.2 al.2 « au vu de la copie conforme de la sentence revêtue de l’attestation du Secrétaire Général de la Cour, l’autorité nationale désignée par l’Etat pour lequel l’exequatur a été demandé, appose la formule exécutoire telle qu’elle est en vigueur dans ledit Etat ».

CONCLUSION

De tout ce qui précède, il ressort que l’arbitrage CCJA tel qu’organisé et exercé, dissipe les craintes de ceux qui pensaient que cette Cour s’entremêlerait les pédales, eu égard à sa double casquette d’organe juridictionnel et d’organe d’arbitrage. L’intérêt affiché des opérateurs économiques pour ce centre d’arbitrage montre bien qu’il n’a pas déçu les espoirs des uns et des autres et s’affirme désormais comme une alternative crédible en matière de règlement non contentieux de différends d’affaires.

En réalité, le mérite du centre d’arbitrage de la CCJA est non seulement d’intégrer et d’appliquer les grands principes de l’arbitrage international contemporain, mais aussi de pallier aux faiblesses habituelles de cet arbitrage, notamment en organisant la phase post arbitrale en vue d’assurer l’exécution effective de la sentence rendue. L’exequatur communautaire délivré par ce centre est une originalité qui ne revêtira cependant tout son intérêt qu’autant que les Etats parties lui donneront toute sa force en facilitant les exécutions sur leur territoire.

En définitive, l’œuvre humaine n’étant pas parfaite, le centre d’arbitrage CCJA va se perfectionner davantage au fur et à mesure de l’accomplissement de sa mission pour s’affirmer davantage et se maintenir comme un centre de référence en matière d’arbitrage.