Rôle de l’Avocat dans la cité : du juridique au judicaire

JOURNEES PORTES OUVERTES
DU SECTEUR DES RÉFORMES DE LA JUSTICE

ROLE DE L’AVOCAT DANS LA CITE :
DU JURIDIQUE AU JUDICIAIRE

COMMUNICATION PRESENTEE

Par
Maître Raymond DOSSA
Avocat au Barreau du Bénin
Docteur en droit

COTONOU, LE 26 SEPTEMBRE 2011

Tel est l’intitulé de la thématique qu’il m’a été suggéré de traiter dans le cadre des journées ‘’portes ouvertes’’ du secteur des reformes de la justice le 26 septembre 2011, en prélude à la rentrée judiciaire à la Cour d’Appel de Cotonou.

A la demande du Professeur SAMB de l’ERSUMA, j’en ai réalisé la mise en forme aux fins de saisir un lectorat plus large.

En ce sens, la présente réflexion n’a vocation qu’à servir modestement de contribution à un sujet, oh Combien d’actualité!

C’est pourquoi je ne prendrai pas le risque de prétendre dispenser un quelconque enseignement à qui que ce soit.

Un tel sujet, en effet, suscite des questionnements préalables dont voici quelques uns : qu’est ce l’avocat dans la cité ? A quoi sert- il ? De quels moyens est-il doté ? Quelles sont ses contraintes ? Autour de quelles valeurs cardinales se fondent les motivations qui sont les siennes ? Quelle responsabilité encourt-il dans l’exercice de cette double mission ? Quelles garanties le couvrent, lui et ses clients ?

Si ces interrogations ne sont pas exhaustives, elles ont l’avantage de planter le décor tout autant qu’elles indiquent l’immensité du sujet.

Surtout, elles déclinent l’intérêt de ce dernier. Tant il est vrai que pour le public, l’avocat, c’est surtout, cet homme ou cette femme en robe noire qui défend les causes nobles et ‘’tordues ‘’.

Ainsi perçue, seule la mission judiciaire de l’avocat est très connue du public. Mais force est de souligner que les temps ont changé et la profession a évolué au travers des âges. Certains confrères ainés y voient ‘’ un éclatement de l’image ancestrale de l’avocat’’. Qu’importe ! Autres temps, autres exigences.

Le thème est vaste car, on peut aussi bien parler du rôle de l’avocat dans la société. Celle-ci devant être entendue de manière extensive c’est-à-dire partout où des communautés humaines, des individus et des personnes morales recourent au service d’un avocat ; partout où les droits humains sont bafoués ; partout où la violation des droits et des libertés publiques, reste préoccupante ; partout où règne l’injustice, d’où émergent des cris de détresse et de désespoir.

L’avocat, en effet, est l’éclaireur, le créateur d’espérance, ‘’ le défenseur de la veuve et de l’orphelin’’. En somme, le dernier refuge non pas seulement dans son propre pays mais partout ailleurs dans le monde. Il peut être à la fois ‘’prophète chez lui’’ et ailleurs. C’est un privilège inestimable ! Les conventions régionales internationales et d’autres accords de coopération lui en donnent le droit parfois même, lui en imposent l’obligation.

Nos confrères européens ont obtenu de haute lutte ‘’la directive établissement’’, qui légalise le libre établissement des Avocats dans l’Union Européenne.

L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a déjà pris des initiatives similaires: la liberté des prestations juridiques reconnue aux ressortissants de tous les Etats membres, ne serait-ce que, pendant une durée limitée.

Au sein de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) dont le Bénin est membre, des efforts ont été entrepris pour permettre aux avocats des pays membres de l’Union d’exercer dans l’un quelconque des Etats. Et ceci, grâce à un règlement portant libre circulation et installation des avocats dans l’espace UEMOA.

Cette tendance à l’extension spatiale du rôle de l’avocat dans la société humaine, disons, nationale et internationale, confirme s’il en est encore besoin, la place croissante du droit et celle du contentieux à notre époque.

Place croissante ? Oui, c’est cette place de choix qui explique la délicatesse et la complexité de la mission d’avocat et c’est aussi, pourquoi, la profession revendique, à juste titre, sa spécificité.

Cependant, ne l’oublions pas, la profession est composée d’êtres humains, ayant des comportements et des réflexes ordinaires, voire banals.

Ils peuvent se tromper, méconnaître un texte, négliger, voire même ignorer, une formalité substantielle, manquer à leurs clients, tricher, etc.

C’est en raison de ses insuffisances et dérives éventuelles que la profession se fonde sur une règlementation et des usages stricts. Elle est constituée en « ordre » sous la direction d’un bâtonnier et d’un conseil de l’ordre élus par les confrères de chaque barreau. Ils veillent au respect scrupuleux des règles juridiques et déontologiques par tous les confrères sous leur juridiction.

La discipline se veut rigoureuse ; les obligations sont nombreuses et souvent incontournables. Parmi celles-ci, l’obligation d’information et de formation. C’est sur celles-ci que se fondent les obligations de secret professionnel, de rigueur, de sérieux, de respect dû à tous les acteurs et de manière particulière aux Magistrats, de compétence et de conscience professionnelle qui leur incombent dans leurs missions de conseil, d’assistance, de rédaction d’actes et de plaidoirie.

L’indépendance et la dignité, qui assurent à la profession d’avocat sa noblesse, ont été, elles, de tout temps, l’épicentre de nos vertus.

Par ailleurs, aux fins d’une plus grande sécurité juridique, l’avocat est astreint à souscrire un certain nombre d’assurances qui le couvrent, lorsque sa responsabilité en vient à être engagée.

Dans sa double mission juridique et judiciaire, toutes les obligations ci-dessus énumérées s’imposent à lui dans l’exercice de la profession. Ainsi, apparaissent les deux grands axes de la présente Communication.

I – DES ACTIVITES JURIDIQUES ET JUDICIAIRES DE L’AVOCAT

Quelque soit le type d’activité qu’il exerce, l’avocat doit rester collé aux règles juridiques et déontologiques de sa profession. Mais son cheminement professionnel ne passe pas inévitablement du juridique au judiciaire. Le juridique peut se suffire à lui-même, le judiciaire aussi !

A – DES PRINCIPES MORAUX ET TEXTES DE BASE

1- Rappel de quelques principes de base.

A l’évidence, les activités juridiques et judiciaires de l’avocat constituent deux pans distincts mais intimement liés de sa mission dans la cité. L’un, en effet, peut ne pas dépendre de l’autre.

Mais, il arrive bien souvent que l’échec de l’un : le juridique, entraîne le recours à l’autre : le judiciaire.

C’est sans doute cette approche qui a inspiré la conception du thème à débattre.

L’Avocat, sous ses multiples casquettes professionnelles, est partie intégrante de l’œuvre et même du corps de la Justice.

Sa qualité d’auxiliaire de justice et non du juge, fait de lui en tant que de besoin, un juge. Ce qui l’astreint, à l’identique des magistrats au maintien de l’honneur que requiert, l’institution ‘’JUSTICE’’.

Aux yeux du public, il n’apparaît pas comme un simple consolateur des peines et des angoisses, il représente ‘’une autorité’’. Et le premier devoir d’une autorité, étant le respect dû aux autres, il repose sur l’avocat, quelque activité qu’il exercera, une obligation permanente de courtoisie.

Cette courtoisie, il la doit d’abord à ses clients qui font de lui leur ‘’secours humain’’. Il la doit ensuite aux magistrats : les civilités aux membres des juridictions où il doit plaider que les usages les plus anciens et les textes lui imposent entrent dans ce cadre.

L’avocat doit enfin, courtoisie à ses confrères : c’est pourquoi, il a le devoir de se présenter au bâtonnier du barreau d’accueil où il se rend.

Certes, les mœurs de plus en plus ambulatoires des avocats contemporains rendent difficiles le respect de cette règle.

Il convient de préciser que, même, en dehors de tout texte juridique, l’avocat étant avant tout un juriste professionnel, partage de manière légitime avec la grande et diverse famille des juristes, leurs compétences.

Mais ce sont les textes de base des barreaux qui consacrent les attributions de l’avocat en matière juridique.

Diverses dispositions de la Loi N°65-6 du 20 Avril 1965 instituant le Barreau du Bénin, du règlement intérieur tel que modifié par le Conseil de l’ORDRE, le 19 Mars 2009 et les statuts du FONDS d’ASSISTANCE JURIDIQUE ET JUDICIAIRE DU BARREAU DU BENIN (FAJJUB) adoptés par l’ordre des Avocats, le 12 Mars 2009, permettent de retenir les attributions suivantes de l’Avocat, ’’ ce professionnel inscrit à un barreau et doté d‘un statut spécifique ‘’ :
– Conseiller en matière juridique ou contentieuse ;
– Aider et assister de sa parole et de ses écrits ;
– Représenter ceux qui ont recours à lui. Nous dirons dans le langage approprié, ceux qui le constituent.

Et l’article 1er de la loi de 1965 sur le barreau dispose de manière précise : « ils (les avocats) auront seuls, sous réserve des dispositions des articles 2, 3 et 4 ci-dessous, qualité pour postuler, conclure et plaider dans toutes les affaires civiles, commerciales et pénales. Ils auront également le droit de faire et de signer tous actes de procédure nécessaires à l’exécution des jugements et arrêts, s’il y a lieu ».

Ainsi l’avocat conseille, consulte, rédige les actes, postule et plaide au titre de sa double activité juridique et judiciaire.

B – DES ACTIVITES JURIDIQUES DE L’AVOCAT

Elles reposent essentiellement sur trois volets, savoir :
– La consultation.
– Le conseil.
– La rédaction d’actes.

1 – L’avocat consulte et rédige les actes

La consultation juridique se classe parmi les activités de conseil. Elle prend diverses formes.

Consulter, écouter, interroger pour ensuite suggérer une démarche à entreprendre, une conduite à avoir, face à une situation en vue d’une solution juridique.

En tout état de cause, la consultation juridique doit être donnée avec sérieux, compétence et conscience.

En cette matière, la jurisprudence analyse l’obligation qui incombe à l’avocat en une obligation de résultat, notamment lorsque l’avocat rédige un acte juridique.
Il doit s’assurer particulièrement de l’efficacité juridique et de la validité des actes qu’il rédige.
Par exemple, si l’avocat rédige un protocole d’accord, un contrat, un accord quelconque ou tout acte extra judiciaire, il devra observer le professionnalisme et la rigueur qui conviennent.

Ce marché est vaste, on le voit, extensible même à volonté. On peut l’expliquer par l’envahissement de tous les domaines socio-économiques par le droit, aussi bien au plan national, que régional et international.

Il n’existe plus de nos jours, un seul pan de l’activité humaine que ne régit le droit.

Certains cabinets Anglo-Saxons et même français ne font, par exemple, que du juridique car il y a de la matière. D’autres ont pour activité principale ‘’ le juridique’’ et ne s’en plaignent pas.

Certes, des préalables sont requis pour y parvenir dont la spécialisation et l’exercice collectif de la profession. Tels ne sont pas encore les choix de nos barreaux d’Afrique francophone fort démunis. Peut être, le marché imposera ses règles aux avocats du continent, un jour qui ne semble plus lointain. Mondialisation oblige !

2 – L’avocat conseille

Conseiller son client, c’est l’éclairer, donner un avis sur ce qu’il convient de faire face à une situation, à un problème ; préconiser, suggérer soit une solution soit une démarche, au regard du droit positif et dans une certaine mesure, en se fondant sur les usages du domaine.

Les conseils donnés par l’avocat visent à éviter à son client, toute déconvenue, toute difficulté à l’occasion d’un procès imminent ou en cours.

De manière plus précise, il s’agit pour l’avocat d‘éclairer son client en lui indiquant l’étendue de son droit, les obstacles à son exercice et éventuellement la procédure la meilleure à suivre. Il lui incombe d’aller plus loin car son client attend de lui, non seulement qu’il joue un rôle de prévention des risques juridiques et fiscaux mais aussi et surtout qu’il joue un rôle d’anticipation. La multiplication à outrance des procédures n’est pas toujours bénéfique aux clients. Nombre de confrères expérimentés l’avouent.

Quelques exemples à titre illustratif :

En France, la pratique démontre à suffisance la place prépondérante de la médiation en matière familiale, en dépit de l’existence d’un médiateur familial. L’avocat doit tout d’abord, conseiller son client sur la voie la plus adaptée pour résoudre son conflit.

En droit OHADA (article 60 de l’A.U. portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution), un client qui souhaite pratiquer saisie conservatoire doit pouvoir être conseillé par son avocat sur la caducité de l’autorisation de la juridiction compétente, si la saisie conservatoire n’a pas été pratiquée dans un délai de trois mois à compter de la décision autorisant la saisie. On peut apprécier la délicatesse du rôle juridique de l’avocat : une relation avocat-client basée sur une confiance forte. Son exercice requiert une bonne connaissance des textes et des procédures. D’où l’intérêt de la formation professionnelle continue de l’avocat. Et c’est à juste titre que les barreaux français l’ont rendue obligatoire, pour tous les avocats.

Le barreau béninois qui fait des efforts louables dans ce sens (CIFAF-ERSUMA apportent un appui indéniable) se donnera, nul doute les moyens d’aller encore plus loin.

L’avocat a, d’autant plus besoin de cette formation professionnelle sans cesse renouvelée, pour exercer avec efficacité le volet de ses activités, par lequel il est le mieux connu : le judiciaire. Il assure, ici, l’exclusivité des activités, à la différence du volet juridique qu’il partage avec d’autres juristes : jurisconsultes et autres conseillers juridiques exercent dans nombre de nos Etats en dépit du rude combat que mènent contre eux, les barreaux.

C – DES ACTIVITES JUDICIAIRES DE L’AVOCAT

Les activités d’ordre judiciaire de l’avocat sont celles que le grand public connaît le plus. Hélas ! Tout débute, pour l’avocat, par le juridique.

Il est vrai qu’au Bénin, par exemple, le judiciaire occupe la grande majorité des confrères comme du reste dans plusieurs Etats de l’espace OHADA. Au titre de cette mission, il assure la défense des intérêts des personnes morales et celle des individus.

Les actes judiciaires sont ceux qui se rapportent à la justice et qui conduisent l’avocat à obtenir pour le compte de son client, une décision rendue par un organe juridictionnel. Il peut s’agir :
– D’abord, d’un organe juridictionnel d’ordre administratif comme par exemple : un conseil de discipline pour apprécier la faute commise par un salarié, un ordre professionnel, le conseil supérieur de magistrature… où le client de l’avocat est écouté.
– Ensuite, d’un organe juridictionnel d’ordre arbitral, de médiation, de conciliation etc.
– Enfin, il peut s’agir d’une juridiction étatique : tribunal de première instance, cour d’appel, cour suprême dans toutes leurs différentes formations : civile, correctionnelle, commerciale, sociale… ; cour d’assises, cour constitutionnelle, haute cour de justice.

Même si leur rôle est minoré, les avocats sont admis même devant les juridictions d’exception et militaires.

L’avocat exerce les activités juridictionnelles sus indiquées, aussi bien aux plans national, régional qu’international, sous réserve de réciprocité conventionnelle.

A tous ces niveaux, il joue son rôle en plusieurs étapes.

1 – L’avocat postule

Postuler, c’est accomplir au nom d’un plaideur, d’un client les actes ordinaires de procédure.

La postulation consiste pour l’avocat, mandataire de son client, à faire pour lui les actes de procédure que nécessite le procès et à favoriser le déroulement de l’instance.

2 – L’avocat plaide

Plaider, c’est intenter ou soutenir un procès.

La plaidoirie, c’est l’action visant à exposer oralement à la barre d’une juridiction, les faits de l’espèce et les prétentions d’un plaideur, de faire valoir au soutien de celle-ci des preuves et des moyens de fait et de droit, développer des arguments en faveur de la thèse de son client.

La plaidoirie peut être orale ou être contenue dans un écrit désigné sous le nom de conclusions ou mémoire.

Au Bénin, les avocats postulent et plaident devant toutes les juridictions du territoire national, sans restriction aucune et dans tout Etat où une convention crée la réciprocité.
Ils plaident également devant les juridictions régionales et internationales.

La formule ‘’AVOCATS SANS FRONTIERES’’ devrait pouvoir s’appliquer à tous les avocats.

3 – Autres rôles de l’avocat en matière judiciaire

L’avocat, juge potentiel est appelé à compléter le tribunal ou la cour lorsque le nombre des juges ou celui des conseillers se révèle insuffisant .

En outre, il est membre statutaire et siège, à ce titre, aux côtés des magistrats professionnels, au sein de certaines juridictions supranationales.

A cet égard, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (CCJA) offre un bel exemple . Il faut en féliciter les concepteurs de l’organisation régionale qui, par ailleurs, ont rendu obligatoire le ministère d’avocat devant cette Cour, même s’ils prescrivent étonnamment à l’avocat de présenter un mandat spécial .

4 – L’avocat est au service de la défense : le combat pour un procès équitable.

Dans l’exercice de ses activités judiciaires, l’avocat est au service de la défense et en sa qualité d’auxiliaire de justice, il n’est jamais au service du juge.

L’affaire Makhfi illustre bien cette exigence.

Accusé en effet, de viol et de vol en réunion, le sieur Makhfi a été traduit devant la cour d’assises de Maine et Loire en France qui l’a condamné à huit ans d’emprisonnement.

A l’issue des débats, qui ont duré successivement 15h45mn le premier jour et 17h15mn, le second jour.

Cette décision est intervenue, après que son avocat eut sollicité en vain une suspension d’audience au motif qu’il n’était pas humainement en état d’assurer la défense de son client, au cours d’un tel marathon judiciaire.

Le sieur Makhfi s’est pourvu en cassation en arguant d’une violation des droits de la défense et de son droit à un procès équitable. La cour de cassation rejeta le pouvoir au motif : ‘’qu’il appartient souverainement au président ou ceux de la cour de décider si une suspension d’audience est nécessaire ou non au repos des juges et de l’accusé’’.

Mr Makhfi saisit alors la Cour Européenne des droits de l’homme sur le fondement l’article 6 en soutenant que la durée des débats et l’heure tardive à laquelle son avocat a plaidé, constituaient une violation des droits de la défense.

La Cour Européenne des droits de l’homme a pu trancher l’affaire en ces termes :
« Les circonstances dans lesquelles l’avocat de Mr Makhfi a assuré sa défense sont contraires aux exigences d’un procès équitable et notamment au respect des droits de la défense et d’égalité des armes. »

Il est primordial que l’avocat comme les juges ou les parties civiles puissent ‘’suivre les débats, répondre aux questions et plaider, en étant pas dans un état de fatigue excessif’’.

Ce cas d‘espèce illustre, le combat quotidien de l’avocat pour un procès équitable où qu’il exerce, pour un procès ou le respect des droits de la défense reste un impératif absolu.
Certes, le combat est dur mais l’avocat doit sa survie et même sa raison d’être à cet effort inlassable.

L’intérêt de son client justifie son combat, au double plan juridique et judiciaire. C’est en raison de ce même intérêt qu’il doit s’assurer contre les risques éventuels qu’il pourrait faire courir à son client du fait de sa responsabilité.

II – DE LA RESPONSABILITE PROFESSIONNELLE DE L’AVOCAT : GARANTIE ET ASSURANCE

A – BASES JURIDIQUES ET ETENDUE DE LA RESPONSABILITE DE L’AVOCAT

Généralités et hypothèses de responsabilité de l’avocat

Il convient de distinguer la responsabilité civile professionnelle de l’avocat et sa responsabilité civile.

Dans la première hypothèse, il commet dans l’exercice de ses prestations, des négligences et des fautes civiles préjudiciables à ses clients. Il lui incombe de les réparer au moyen d’une ‘’assurance responsabilité civile professionnelle ‘’ dont de nombreux barreaux rendent obligatoire la souscription.

Dans la seconde hypothèse, l’avocat fait subir directement un préjudice à des tiers. La souscription d’une ‘’assurance responsabilité civile’’ vise à dédommager ces derniers dès lors qu’ils aient pu apporter la preuve d’avoir souffert un préjudice certain.

L’article 56 du règlement intérieur du barreau dispose que « l’avocat est tenu d’observer scrupuleusement tous les devoirs que lui imposent les règles et traditions professionnelles envers les magistrats, envers ses confrères et envers ses clients. Sa conduite privée ne doit jamais s’écarter des règles de l’honneur et de la délicatesse qui caractérisent l’honnête homme et l’avocat estimable.

Il ne doit jamais s’écarter des principes de modération, de désintéressement, de priorité, de confraternité sur lesquels repose l’ordre des Avocats et doit s’abstenir de toute occupation de nature à porter atteinte à l’indépendance ou la dignité de l’avocat… ».
Ce texte réglementaire insiste sur les devoirs et les obligations professionnelles et morales de l’avocat, en particulier vis-à-vis de ses clients.

En cela, la déontologie sert son but en ce qu’elle vise à assurer le client d’une protection maximale.

Le client a, en effet, le droit de bénéficier d’une prestation correspondant aux normes de la profession, en termes de qualité.

Si l’avocat y manque, dans certaines hypothèses, sa responsabilité peut être mise en cause. Dans d’autres, il peut bénéficier d’une exonération de responsabilité. Il convient d’examiner ces hypothèses.

L’avocat n’est pas responsable de ses conseils, sauf en cas de dol, de fraude ou de négligence grave et si et seulement s’il n’apporte pas la preuve de l’efficacité de ses actes, en cas de rédaction d’actes.

De même, un conseil ou une consultation donnée de bonne foi ne peut engager la responsabilité de l’avocat.

Un avocat qui a plaidé de bonne foi ne peut être considéré comme responsable de la perte d’un procès. Trib.Civ.Valence20fév.1905 DP1905.2.97.

Mais il pourrait être responsable s’il ne se présentait pas à l’audience et laissait donner défaut contre son client alors qu’il était chargé de se constituer partie civile pour le compte de son client et s’y était engagé envers lui. Trib.Civ. Bordeaux 16 fév 1886.DP3.96 – Trib de Grande Instance Nice.22Déc.1959 D-60.440.

L’avocat serait encore responsable s’il égarait une pièce fondamentale de la cause ou tout le dossier de son client sans possibilité de le reconstituer.

En tout état de cause, quelles que soient les activités exercées par l’avocat, sous certaines réserves, il ne peut être tenu que d’une obligation de moyen et non de résultat.
Ce sera toujours au client qui invoque un grief contre son avocat d’en rapporter la preuve.

2 – Maniement des fonds et responsabilité de l’avocat

Pour garantir les clients contre les fautes éventuelles de leur conseil, dans les maniements de fonds d’autrui, l’article 43 in fine de la loi 65-6 du 20 avril 1965 impose aux avocats de souscrire une assurance couvrant leur responsabilité civile en disposant que : « le règlement intérieur peut obliger les avocats à justifier les assurances couvrant leur responsabilité ».

Ainsi l’assurance contractée soit par un avocat à titre personnel, soit par le barreau au profit de tous les avocats y inscrits, garantit le remboursement des fonds et la restitution des effets et valeurs reçus à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle des avocats membres du barreau souscripteur. Cette garantie d’assurance s’applique en cas d’insolvabilité de l’avocat en cause ou du refus de celui-ci de restituer les fonds ou valeurs concernées.

Peut-être, devrons-nous, à l’instar de nombreux autres barreaux, opter résolument pour l’instauration des CARPA . Elles ont, me semble-t-il, vocation à assurer une plus grande protection et une meilleure garantie dans le maniement des fonds appartenant aux clients.

B – REGINE JURIDIQUE DES RESPONSABILITES DE L’AVOCAT EN MATIERE DE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET DISPOSITIONS DU CODE DE DEONTOLOGIE EUROPEENNE

1 – Responsabilité de l’avocat et blanchiment des capitaux

La directive 91/308/CEE du Juin 1991 « relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux », impose à l’avocat, en effet, qui a un soupçon sur l’origine des fonds, de le déclarer.

Le texte prévoit que cette obligation de dénonciation exonère l’avocat qui y procède, de la peine pénale encourue au titre de la violation du secret professionnel comme au titre de la dénonciation calomnieuse, s’il s’est avéré que les soupçons déclarés étaient sans fondement.

Mais rien n’est prévu pour l’exonérer de la responsabilité civile professionnelle, alors même que s’impose à l’avocat, l’interdiction de signaler cette déclaration de soupçon à son client.

L’avocat qui concourt à la lutte contre le blanchiment des capitaux pourrait donc voir engagée sa responsabilité civile professionnelle au motif que son client aurait perdu une opportunité d’affaires. Ce n’est pas acceptable car on fait de la sorte de l’avocat, un délateur.

Peut-il encore, dans ces conditions, conserver les exigences de secret professionnel, d’indépendance et de dignité sur lesquelles repose l’exercice de son métier ? Rien n’est moins sûr.

2 – La responsabilité de l’avocat sur la base du code de déontologie européenne.

Le code de déontologie européenne : Article 20.3-9 du Règlement Intérieur Unifié (RIU) est consacré à l’assurance responsabilité professionnelle de l’avocat européen. Ce code affirme le caractère obligatoire de cette assurance et prescrit à l’avocat une extension d’assurance conforme aux exigences de l’Etat d’accueil, lorsqu’il exerce dans un autre Etat.

CONCLUSION

Au terme de ce tour d’horizon sur le rôle de l’avocat dans la cité, vous me permettrez de conclure en reprenant in extenso, les propos d’un haut magistrat français qui terminait son allocution de rentrée judiciaire au barreau de Paris, en ces termes : ‘’Votre rôle est l’héritage d’une histoire multiséculaire de vos combats au profit des libertés, de vos engagements pour défendre la vérité, de votre passion pour une société plus juste. Cet idéal prend une force renouvelée dans une époque marquée par la place croissante du droit et du ‘’contentieux’’ dans la société.

Chacun perçoit bien que dans cette société juridisée, l’avocat doit tenir une place première. Les jeunes ne s’y trompent pas. Votre profession n’a jamais autant attiré, au risque parfois de rompre ses équilibres socio-économiques. Cet attrait est d’abord dû à la fascination exercée par d’éminents aînés. Bien sûr ; ceux-ci peuvent exercer leurs talents dans les domaines les plus variés. Mais à chaque fois, la figure emblématique rappelle qu’entre le fort et le faible, c’est le droit qui protège’’. Ces propos me paraissent transposables dans les réalités sociologiques de nos Etats.

Que Voltaire n’aimait pas particulièrement cette profession, n’ait pu rien enlever, tout au long des siècles, à sa beauté et à sa noblesse. Bien au contraire !

Au Bénin, nul ne peut nier l’évolution dans le temps, du rôle de l’avocat dans la société. Des efforts louables ont été faits en termes d’organisation et de fonctionnement des organes ordinaux : La FAJJUB a été créée, le règlement intérieur a été revu pour être mis aux normes communautaires, la formation professionnelle s’étend à divers domaines…Cependant, il reste encore tant à faire au sein de notre barreau : la Maison de l’avocat qui semble progresser, l’exercice collectif de la profession, un meilleur régime fiscal, entre autres urgences.

Force est de constater qu’en dépit du difficile équilibre à réaliser entre les tribulations pour la survie quotidienne et les exigences de notre dure déontologie, les confrères, se battent pour demeurer ‘’l’oreille attentive des douleurs, des doutes et des espoirs’’ de nos concitoyens.

Alors, mes chers confrères, exerçons malgré tout, notre métier dans la rigueur prescrite par nos textes, dans ‘’la crainte de Dieu’’ ainsi que le conseillait récemment une aimable consœur et, pouvoir à chaque moment de notre vie professionnelle, nous rappeler cet aphorisme de Saint AUGUSTIN: ‘’je suis libre et donc digne’’. L’image de notre profession et celle de notre rôle dans la cité en dépendent.