L’agent des sûretés OHADA

1 – Le mécanisme de l’agent des sûretés est généralement utilisé dans le cadre des financements dits syndiqués ou consortiaux, consentis par des pools bancaires, c’est-à-dire des groupements d’établissements de crédit, en vue de soutenir un client commun pour une opération jugée plus ou moins risquée. La gestion de ce risque conduit systématiquement ces dispensateurs de crédit à exiger des sûretés et autres garanties à l’emprunteur. Cependant, le fait que chacun des membres du pool bancaire ait un droit de créance propre sur l’emprunteur peut compliquer la question des sûretés. D’où l’utilité de désigner un agent des sûretés comme interlocuteur unique tant du débiteur commun, de la collectivité des créanciers que des tiers. L’unicité de l’agent des sûretés au service d’un pool de dispensateurs de crédits consortiaux participe de l’efficacité du dispositif et de la sécurisation des droits des créanciers.

Dans cette optique, en instituant l’agent des sûretés, le législateur OHADA espère encourager – en les rassurant – les établissements de crédit sur la sécurisation de leurs investissements au sein de la zone couverte dans les secteurs de développement à haute valeur ajoutée en infrastructures de base tels que marchés publics, partenariat public-privé, BOT , délégations de service public, concessions d’aménagement, etc.

En tant que l’une des principales innovations du nouvel AUS adopté le 15 décembre 2010 et en vigueur depuis le 15 mai 2011, l’agent des sûretés constitue assurément l’un des éléments susceptibles de rendre plus attractif le système juridique OHADA, en général, et son droit des sûretés, en particulier.

2 – Mais, autant le régime juridique de l’agent des sûretés OHADA (II) est clairement décliné par les sept articles que lui consacre l’AUS, autant la nature juridique du mécanisme (I) est, pour l’instant, difficile à appréhender.

I. QUALIFICATION JURIDIQUE DE L’AGENT DES SURETES

3 – La difficulté à cerner la nature juridique de l’agent des sûretés OHADA provient essentiellement des ressemblances entre lui et des techniques existantes et généralement pratiquées dans les opérations de financement internationales ou domestiques, notamment à l’étranger. Aussi, est-il opportun de situer le mécanisme de l’agent des sûretés dans son environnement conceptuel (A) avant de conclure à sa nature sui generis (B).

A. ENVIRONNEMENT CONCEPTUEL DE L’AGENT DES SURETES

4 – Aux termes de l’article 5 de l’AUS : «Toute sûreté ou garantie de l’exécution d’une obligation peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée par une institution financière ou un établissement de crédit, national ou étranger, agissant, en son nom et en qualité d’agent des sûretés, au profit des créanciers de la ou des obligations garanties l’ayant désigné à cette fin ». Ce texte indique donc très clairement les personnes éligibles à la fonction d’agent des sûretés : toute institution financière ou tout établissement de crédit, peu importe qu’il soit de droit national ou de droit étranger. Toutefois, le législateur OHADA a prévu la possibilité pour l’agent des sûretés de se substituer un tiers pour pouvoir accomplir sa mission (cf. article 10, alinéa 1, de l’AUS) ; ce tiers ne devant pas être nécessairement une institution financière ou un établissement de crédit. Ce ne doit pas être non plus nécessairement une autre personne morale, une personne physique, avocat ou notaire, par exemple, pouvant utilement être désignée par l’établissement de crédit ou l’institution financière agent des sûretés pour la substituer.

Le même article 5 définit, en outre, l’étendue des sûretés susceptibles d’être constituées, inscrites, gérées ou réalisées, éventuellement, au nom de l’agent des sûretés pour la collectivité des créanciers au profit desquels il agit. Ce sont aussi bien des sûretés réelles que des sûretés personnelles, ainsi que toute autre « garantie de l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations » .

5 – Les caractéristiques de l’agent des sûretés ainsi retenues par l’AUS sont si larges que ce mécanisme semble englober les points positifs de la plupart des mécanismes semblables qui se pratiquent en droit comparé, notamment dans les principaux systèmes juridiques actuels. C’est le cas, par exemple, du droit français avec des mécanismes tels que l’agent des sûretés, la fiducie, la commission, la solidarité active ; ou du droit anglo-saxon, avec la parallel debt ou encore du droit luxembourgeois, lequel a institué la technique du représentant-fiduciaire.

6 – En effet, l’agent des sûretés OHADA n’est pas sans rappeler la technique déclinées dans l’article 2328-1 du Code civil, dont il ressort que « Toute sûreté réelle peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l’obligation garantie par une personne qu’ils désignent à cette fin dans l’acte qui constate cette obligation ».

Nonobstant l’apparente ressemblance de ce texte avec l’article 5 précité, les deux n’en sont pas moins différents. Les points saillants de ces différences sont : l’étendue des pouvoirs de l’agent des sûretés est plus importante en droit OHADA qu’en droit français ; le support et le moment choisis dans les deux systèmes pour la désignation de l’agent des sûretés diffèrent ; contrairement au droit OHADA, toute personne physique ou morale (professionnel de la finance ou non) peut être désignée en qualité d’agent des sûretés de droit français.

7 – L’agent des sûretés OHADA n’est pas non plus sans rappeler la fiducie, régie par les articles 2011 et suivants du Code civil français. Aux termes de l’article 2011 : « La fiducie est l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits, des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ».

La fiducie a en commun avec l’agent des sûretés OHADA plusieurs éléments dont les principaux sont : – le pouvoir de gérer des sûretés reçues ou à recevoir des constituants dans le cadre, par hypothèse, d’un crédit consenti par un pool bancaire ou (plus généralement) par tout autre groupe de créanciers ; – la possibilité de devenir propriétaire de certains biens reçus (à la suite de la réalisation d’une sûreté assortie d’un pacte commissoire, s’il s’agit d’une sûreté portant sur une cession de créance ou un transfert fiduciaire de somme d’argent, si l’agent des sûretés reçoit un paiement d’un garant ou un contre-garant, d’un débiteur délégué…) ; – l’obligation d’affecter ces biens dans un patrimoine distinct de celui de l’agent des sûretés ou de l’agent fiduciaire.

Les deux opérations diffèrent, cependant, sur au moins deux points : d’une part, l’article 2011 prévoit la possibilité pour les membres d’une collectivité de créanciers (pool bancaire, par exemple) de désigner plusieurs agents fiduciaires là où l’AUS révisé ne prévoit qu’un agent des sûretés pour une même opération de financement consortial. D’autre part, l’agent des sûretés OHADA semble n’avoir qu’un mandat spécial, puisque l’article 2011 précise qu’il accomplit sa mission « dans un but déterminé », tandis que l’agent des sûretés OHADA reçoit un mandat général de constituer, d’inscrire, de gérer ou de réaliser les sûretés.

8 – Par ailleurs, l’agent des sûretés OHADA peut être rapproché du contrat de commission. L’un des points communs entre les deux mécanismes est qu’ils sont proches du contrat de mandat, en ce sens qu’ils agissent tous les deux en leur nom, l’un pour le compte d’autrui, le commissionnaire, et l’autre au profit de la collectivité des créanciers l’ayant désigné, l’agent des sûretés. En revanche, ils diffèrent sur plusieurs points, à savoir : absence de patrimoine d’affectation pour le commissionnaire dans la réalisation de sa mission, contrairement à l’agent des sûretés OHADA ; les sûretés constituées ou inscrites par le commissionnaire tombent donc directement dans le patrimoine du commettant, le pool bancaire, contrairement à l’agent des sûretés OHADA, qui les constitue en son nom, mais au profit des créanciers…

9 – Quant à l’agent des sûretés OHADA et la solidarité active, il faut rappeler que celle-ci est régie par les articles 1197 et suivants du Code civil français. L’article 1197 dispose que « L’obligation est solidaire entre plusieurs créanciers lorsque le titre donne expressément à chacun d’eux le droit de demander le payement du total de la créance, et que le payement fait à l’un d’eux libère le débiteur, encore que le bénéfice de l’obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers ». Ce mécanisme est également prévu par l’article 235 du « Nouveau code des obligations civiles et commerciales » sénégalais et l’article 15 de la loi malienne n° 87-31/AN-RM du 29 août 1987 sur le « Régime général des obligations » : « La solidarité active entre les créanciers d’un même débiteur permet à chacun d’entre eux de poursuivre le débiteur pour le tout. L’exécution de l’obligation libère le débiteur à l’égard de tous les créanciers. Le créancier qui a reçu le paiement doit rembourser les autres créanciers pour leur part et portion ».

Toutefois, dans les trois législations (française, malienne et sénégalaise), seul un membre de la collectivité des créanciers ou du pool bancaire créancier peut se prévaloir du principe de solidarité active pour pouvoir demander la constitution, l’inscription, la gestion ou, le cas échéant, la réalisation d’une sûreté ou déclarer une créance en cas de défaillance de l’emprunteur. Les tiers ne peuvent donc pas évoquer ce principe, contrairement à l’agent des sûretés OHADA qui peut être un tiers dès lors qu’il s’agit d’une institution financière ou d’un établissement de crédit national ou étranger. De surcroît, la technique de la solidarité active ne prévoit pas de patrimoine d’affectation, avec le risque pour les autres membres du pool bancaire ou de la collectivité des créanciers concernés de ne pas être payés en cas de mise en liquidation judiciaire du créancier poursuivant. Dans l’AUS réformé, ce risque a été résolu par la création de l’agent des sûretés, puisque l’article 9 de cet AU pose le principe de l’insaisissabilité du patrimoine d’affectation même en cas d’ouverture d’une procédure collective contre l’agent des sûretés.

10 – Toujours en droit comparé, l’agent des sûretés OHADA peut être rapproché de la technique anglo-saxonne de la parallel debt. Selon les parlementaires français, la parallel debt ou symétriquement la créance parallèle « (…) permet de demander au constituant de la sûreté, déjà débiteur d’une dette auprès de l’ensemble des créanciers, de se reconnaître débiteur envers l’agent des sûretés d’une seconde dette ayant les mêmes caractéristiques que la première. L’agent des sûretés devient ainsi titulaire, à l’encontre du constituant de la sûreté, d’une obligation distincte de l’obligation initiale et qui lui est propre. Il peut dès lors prendre à la garantie de cette « parallel debt » des sûretés en son nom et pour son compte, et non en qualité de simple mandataire des créanciers » .

Cette technique vient d’ailleurs d’être consacrée en droit français, par un important arrêt que vient de rendre la Chambre commerciale de la Cour de cassation, le 13 septembre 2001 : « Mais attendu qu’après avoir décrit le système de la dette parallèle (parallel debt), consacrée par l’article 8.24 de la convention de partage des sûretés, consistant pour l’émetteur de l’emprunt et ses garants à prendre, envers les agents des sûretés, afin de faciliter la constitution, l’inscription, la gestion et la réalisation de celles-ci directement au nom de ces agents, un engagement contractuel non accessoire équivalent à celui dont ils sont tenus dans leurs rapports avec les porteurs des titres de créance ou le trustee, l’arrêt relève que la convention prévoit que toute somme versée entre les mains de l’un des agents ou d’un autre créancier privilégié s’imputera sur le montant total de la dette et que les agents ne conserveront eux-mêmes les sommes encaissées qu’à titre fiduciaire ; qu’ayant ainsi retenu que les sociétés débitrices, libérées à due concurrence par tout règlement ou autre mode d’extinction de la dette, n’étaient pas exposées à un risque de double paiement et que toute création d’un passif artificiel était exclue dans la mesure où la créance de chacune des sociétés Bony Mellon, Natixis et Raiffeisen n’est admise, conformément à la loi française de la procédure collective régissant les conditions de l’admission, que solidairement avec celle des deux autres, la cour d’appel en a exactement déduit que, sous cette réserve, le droit de l’État de New-York applicable aux crédits syndiqués, en ce qu’il admettait le principe d’une dette parallèle envers les agents des sûretés, n’était pas contraire à la conception française de l’ordre public international ; que le moyen n’est pas fondé » .

Nonobstant leurs similitudes, la dette parallèle et l’agent des sûretés OHADA diffèrent notamment sur le risque d’un double paiement qui est plus important pour le débiteur dans la parallel debt que dans le mécanisme de l’agent des sûretés.

11 – Concernant l’agent des sûretés OHADA et le représentant-fiduciaire en droit luxembourgeois, la comparaison se justifie d’autant plus qu’ils semblent obéir au même schéma pratique. Selon l’article 71.2 de la loi luxembourgeoise du 22 mars 2004 : « Le représentant-fiduciaire peut notamment, en cette qualité, accepter, prendre, détenir et exercer toutes sûretés et garanties et recevoir tous paiements destinés aux investisseurs et aux créanciers qui lui ont conféré ce pouvoir, comme s’il était lui-même titulaire de ces créances de ces derniers, tous paiements faits entre ses mains étant libératoires pour le débiteur ». L’article 71.1 de la même loi dispose que « Les droits et les biens qu’il acquiert au bénéfice des investisseurs et des créanciers forment un patrimoine fiduciaire distinct du sien, comme de tout autre patrimoine fiduciaire dont il est titulaire ».

Il est donc prévu, dans les deux opérations, la nécessité d’un patrimoine d’affectation pour l’accomplissement de leurs missions respectives par l’agent des sûretés OHADA et le représentant-fiduciaire. Les deux systèmes acceptent fort heureusement la nécessité d’une transparence entre leur patrimoine personnel et le patrimoine d’affectation, pour la sécurité des créanciers au profit desquels agissent le représentant-fiduciaire et l’agent des sûretés OHADA. Mais, le système luxembourgeois admet la possibilité de désigner plusieurs représentants-fiduciaires, avec le risque de générer des charges liées à la rémunération de ceux-ci, alors que le système OHADA n’en prévoit qu’un, ce qui peut générer ici corrélativement des économies en termes de frais pour la collectivité des créanciers.

B. AGENT DES SURETES, INSTITUTION SUI GENERIS

12 – Tout compte fait, dans sa nature juridique, l’agent des sûretés OHADA est à la fois un contrat et une véritable institution ; mais une institution sui generis. En effet, l’agent des sûretés emprunte, certes, ses attributs à chacun des mécanismes susvisés. Mais, il n’est réductible à aucun d’entre eux.

13 – Ce caractère sui generis de l’agent des sûretés OHADA constitue réellement un facteur de souplesse, pour les parties qui peuvent ainsi adapter cette technique à leur projet de partenariat entre membres d’un pool bancaire, notamment, et dans leurs relations avec leur débiteur commun.

14 – La qualification d’institution de l’agent des sûretés OHADA est d’autant moins injustifiée que celui-ci semble innerver l’ensemble du dispositif OHADA, puisque outre l’AUS, ce dernier est visé dans l’AUDCG du 15 décembre 2010, en vigueur, lui aussi, depuis le 15 mai 2011. Il ne fait aucun doute que l’agent des sûretés sera aussi pris en compte dans le cadre des réformes en cours, dont l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution…

D’ores et déjà, force est de constater que l’AUS définit de manière assez satisfaisante le régime juridique de l’institution.

II. LE REGIME JURIDIQUE DE L’AGENT DES SURETES

15 – Les droits et obligations des parties au contrat d’agent des sûretés (A) concernent essentiellement les relations entre les parties en présence, en général, et la protection de leurs intérêts, en particulier (B).

A. LE CONTRAT D’AGENT DES SURETES

16 – En ce qu’il est organisé par l’AUS, l’agent des sûretés OHADA est donc un contrat nommé. Ses conditions de validité sont définies par l’AUS lui-même dans ses articles 5 à 10 ; et très précisément par l’article 6. En effet, ces conditions tiennent à l’obligation garantie dont les parties doivent en définir la nature, le régime et l’assiette ; à l’identité des créanciers membres du pool bancaire ou de toute autre collectivité de créanciers ; à l’identité et au siège social de l’agent des sûretés ; à la durée et à la mission de l’agent des sûretés, ainsi qu’aux modalités de son obligation de reddition de comptes aux créanciers au profit desquels il agit.

Plus généralement, l’agent des sûretés OHADA est désigné par contrat incluant des mentions obligatoires dont le défaut est sanctionné par la nullité du contrat. Cependant, la désignation d’un agent des sûretés peut intervenir même postérieurement à la constitution des sûretés par le débiteur ou par un tiers pour le compte de celui-ci.

Pour l’essentiel, hormis les prérogatives définies à l’article 5 précité, l’agent des sûretés a pour attributions de représenter la collectivité des créanciers dans le cadre de leurs relations avec leur débiteur commun, leurs garants et les tiers. Il a mandat pour agir en justice aux fins de protéger les intérêts à lui confiés par les créanciers.

17 – L’exécution du contrat d’agent des sûretés OHADA concerne aussi bien la constitution des sûretés, leur gestion que, le cas échéant, leur réalisation.

Sur la constitution des sûretés, outre l’article 5, les articles 51 et 53 de l’AUS révisé indiquent que l’agent des sûretés procède à l’inscription des sûretés mobilières auprès du RCCM. L’article 79 de l’AUDCG précise que l’agent des sûretés peut également utiliser des procédés électroniques pour toute inscription ou demande d’inscription de sûretés au RCCM.

Pour les hypothèques, les formalités d’inscription sont également faites au nom de l’agent des sûretés, auprès de la conservation des hypothèques ou du fichier national y afférent du pays membre de l’OHADA sur le territoire duquel est situé le bien immobilier objet de l’hypothèque.

Sur la gestion des sûretés, il s’agit d’envisager le sort des garanties prises par et au nom de l’agent des sûretés pendant la vie du financement consenti par le pool bancaire, mais pas seulement. Concrètement, l’agent des sûretés devra veiller au renouvellement d’inscriptions, notamment pour les sûretés ou garanties nécessitant des mesures de publicité périodique ou en cas de subrogation réelle, par exemple. Ainsi, en cas de nantissement de compte de titres financiers, la sûreté portant sur l’universalité du compte, l’agent des sûretés doit veiller à ce que les titres financiers substituant ceux inscrits à l’origine et leurs fruits et produits puissent être intégrés dans l’assiette dudit nantissement.

L’article 72, alinéa 6 de l’AUDCG dispose que « c’est à l’agent des sûretés de saisir la justice, en cas de non-transcription d’une sûreté dans le registre chronologique des dépôts et dans le répertoire alphabétique des données figurant dans le dossier transmis par le RCCM dans un délai de 48 heures à compter de la réception dudit dossier, pour solliciter cette transcription ».

L’article 40 de l’AUDCG indique que c’est à l’agent des sûretés de faire des demandes de modification ou de renouvellement de sûretés auprès du RCCM. Selon l’article 73, alinéa 1, de l’AUDCG, les déclarations d’hypothèques sont faites à la diligence de l’agent des sûretés auprès du « Fichier national » de l’Etat où se situe l’immeuble grevé. L’agent des sûretés est tenu d’une obligation d’information au profit de la caution tous les semestres…

18 – Relativement à la réalisation des sûretés, faute pour l’emprunteur d’honorer ses engagements envers les créanciers, pool bancaire ou non, au titre du crédit syndiqué, se pose alors la question de la réalisation des sûretés constituées par lui ou par un tiers pour lui. En l’absence d’un agent des sûretés, pareille situation peut se révéler particulièrement redoutable en raison du caractère forcément divergent des intérêts en présence parmi les banquiers agissant en pooling. Alors que certains créanciers voudraient accorder des reports d’échéance à l’emprunteur commun, d’autres seraient tentés de faire respecter les échéances et de dénoncer la défaillance d’un client véreux, en faisant réaliser la ou les sûretés.

Dans l’AUS, l’agent des sûretés fera jouer les termes du contrat de sûretés avec le débiteur ou le constituant, selon les modalités convenues préalablement. Cette réalisation se fera selon la nature des sûretés définies par l’AUS révisé, dont certaines emportent transfert de la propriété du bien grevé. C’est l’agent des sûretés qui procédera, le cas échéant, à l’évaluation du bien grevé avant de faire liquider le pacte commissoire.

19 – Si le contrat d’agent des sûretés ne mentionne pas les conditions de son remplacement, les créanciers représentés peuvent demander au juge des référés ou son équivalent soit la nomination d’un agent provisoire, soit le remplacement de l’agent des sûretés. Dans les deux cas, c’est-à-dire qu’il s’agisse d’un remplacement de source contractuelle ou judiciaire, le nouvel agent des sûretés se voit transférer de plein droit l’intégralité des droits et actions alors exercés par l’ancien agent des sûretés. Ce transfert se fait sans autre formalité que la décision de justice ou des créanciers représentés, la raison de cette souplesse étant la protection des intérêts des créanciers réunis.

B. LA PROTECTION DES DROITS DES CREANCIERS AU REGARD DU CONTRAT D’AGENT DES SURETES

20 – Les droits des créanciers doivent être protégés à l’égard des partenaires de l’agent des sûretés et – surtout – à l’égard de l’agent des sûretés lui-même.

21 – Envers les créanciers personnels de l’agent des sûretés, cette protection résulte de l’article 9 de l’AUS : « lorsque la constitution ou la réalisation d’une sûreté entraîne un transfert de propriété au profit de l’agent des sûretés, le ou les biens transférés forment un patrimoine affecté à sa mission et doivent être tenus séparés de son patrimoine propre par l’agent des sûretés. Il en va de même des paiements reçus par l’agent des sûretés à l’occasion de l’accomplissement de sa mission. Sous réserve de l’exercice éventuel d’un droit de suite sur ces biens et hors les cas de fraude, ils ne peuvent alors être saisis que par les titulaires de créances nées de la conservation et de la gestion de ces biens, y compris en cas d’ouverture d’une procédure collective d’apurement du passif à l’encontre de l’agent des sûretés ».

Envers d’autres tiers, en cas de substitution, les créanciers membres du pool bancaire ou de la collectivité des créanciers peuvent agir directement « contre la personne que l’agent des sûretés s’et substituée » (art. 10 AUS).

A l’égard de l’agent des sûretés, aux termes de l’article 11 de l’AUS : « A défaut de disposition contraire dans l’acte le désignant, la responsabilité de l’agent des sûretés à l’égard des créanciers de la ou des obligations garanties s’apprécie comme celle d’un mandataire salarié ». Il s’agit donc d’une responsabilité pour faute dans l’exécution de la mission de mandat confiée à l’agent des sûretés.

22 – Nous concluons cette chronique en faisant trois observations. D’abord, il apparaît à tous points de vue, que l’AUS révisé fait de l’agent des sûretés une véritable institution sui generis jouant un rôle d’interface tant dans les relations entre les membres du pool bancaire ou d’autres créanciers au profit desquels il agit que dans les relations entre ceux-ci et l’emprunteur et/ou le constituant, puisque les sûretés peuvent être constituées aussi bien par l’emprunteur lui-même que par un tiers, caution réelle . Ensuite, il faut souhaiter que l’importance et la nécessité de cette institution, qui participe des moyens définis par le législateur OHADA en vue d’atteindre le double objectif recherché en la matière, à savoir la souplesse et l’efficacité, soient bien traduites sur le terrain de la pratique juridique, judiciaire, mais aussi arbitrale. Enfin, dans le cas contraire, il est alors à craindre que l’agent des sûretés OHADA ne soit traqué faute d’avoir été bien compris ; et si l’agent des sûretés est traqué injustement, c’est le crédit dans l’espace OHADA qui continuera d’être détraqué ; et ce sera alors un éternel recommencement pour l’impératif de développement qui préside à la création du système juridique OHADA.