Plan
I. Le système judiciaire en Afrique
II. Les Obstacles à l’Avènement de la Cyberjustice
III. Pourtant la Cyberjustice est une Solution
La première fois que j’ai été en contact avec le système d’une justice par internet, c’était en 2000 en Californie dans le cadre du Programme de Visiteurs Internationale du Département d’Etat des Etats Unies d’Amériques.
Estimant que les détenus de la prison de la ville d’ALAMEIDA étaient sérieusement dangereux, les autorités judiciaires ont organisés un système de leur interrogatoire par un juge installé dans son cabinet qui leur posait des questions, chacun se parlant par casque et se regardant à travers des écrans de télévision.
Revenu en Afrique, c’est à travers le Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne que je fis les mêmes expériences. J’avais trouvé cela formidable car le système réduisait les distances, facilitait un certain nombre de diligences.
De même à Genève, au cours d’une session du CIC ; le sous-comité des Nations Unies qui est chargé de l’accréditation des INDH, j’eus le plaisir de vivre l’examen des INDH avec un Président du Sous-comité retenu à Lomé et les autres membres à Genève. Seulement, ce fut par téléphone. L’avantage de ces diverses expériences, c’est que internet a changé la donne, réduit les distances, fait tomber les craintes. L’accès à la justice c’est-à-dire la possibilité d’être entendu par un tribunal « indépendant et impartial » devrait être une réalité de plus en plus probante. Quelle plus-value la cyberjustice peut donc apporter au système judiciaire africain ?
Il s’agira d’abord de dresser le tableau de ce qu’est le système judiciaire africain en général et togolais en particulier avant de mettre en évidence les possibilités et difficultés de l’expérimentation du système.
Le système Judiciaire en Afrique
Année après année, plusieurs commentateurs décrivent un système judiciaire mal en point. Le diagnostic établi par les partenaires au développement.
Le service public de la justice s’est en effet fortement détérioré depuis une décennie, du fait des restrictions budgétaires, conséquence de la réduction drastique en 1993 de l’aide internationale au développement du Togo. Le budget du ministère de la Justice, amputé de 50 % au début des années 1990, représente aujourd’hui moins de 0,5 % du budget de l’Etat et ne parvient à financer que les salaires des magistrats. Les juridictions, qui ne disposent plus de budget propre, assurent désormais leur fonctionnement sur les recettes de leurs greffes, ce qui constitue une source potentielle de dérives.
L’absence totale de crédits d’investissement alloués à la justice a conduit à une dégradation des infrastructures judiciaires qui affecte tant les conditions de travail des magistrats que l’image même de la justice. La formation et surtout le perfectionnement des magistrats ne sont plus assurés depuis de plusieurs années. De nombreux magistrats, spécialement provinciaux, n’ont jamais reçu de recyclage depuis leur nomination et ont donc perdu l’essentiel des connaissances acquises lors de leur formation initiale. Le corpus normatif civil et pénal est soit lacunaire soit en contradiction avec l’évolution de al société. Ainsi, le code civil reste le code français d’avant l’indépendance, le code pénal ne comporte que 243 articles et est en contradiction avec les dispositions de plusieurs conventions internationales auxquelles le Togo est partie, le code de l’enfant n’est toujours pas rédigé. Ces exemples peuvent être multipliés.
Le programme vise l’établissement sur 5 ans des fondements d’une justice indépendante, efficiente, accessible à tous, y compris des populations les plus vulnérables. Les objectifs finaux sont le renforcement de l’Etat de droit, l’affermissement des droits de l’Homme et de la paixsociale, l’établissement d’un environnement juridique soutenant le développement du secteur privé ainsi que l’intégrationdu Togo dans l’économie mondiale. Les objectifs spécifiques et les actions à entreprendre pour les atteindre sont les suivants :
- Indépendance de la Justice via :
- la réforme du statut des magistrats qui visera à limiter les risques d’arbitraire dans la promotion en fixant des critères plus détaillés d’éligibilité à l’avancement de grade,
- la révision de l’organisation des collèges et formation du Conseil supérieur de la Magistrature,
- la mise en place effective de juridictions administratives permettant des recours juridictionnels contre les décisions de promotions jugées non-conformes au statut,
- la réhabilitation des dossiers et l’informatisation de la gestion administrative des magistrats par la MdJ qui permettra au CSM de disposer en temps voulu de dossiers personnels complets et fiables,
- l’adoption d’un code d’éthique des magistrats.
- Efficience de la Justice via :
- le renforcement des capacités des magistrats par une mise à niveau sur 2 ans de la totalité des effectifs de magistrat et d’auxiliaires de justice,
- suivie de la création d’un centre de formation des professions judiciaires,
- l’équipement et l’informatisation des juridictions centrales,
- la professionnalisation des greffiers et l’informatisation des greffes,
- la révision du cadre budgétaire des juridictions en vue de leur garantir un fonctionnement normal et transparent,
- la mise à disposition de moyens documentaires et,
- la mise en œuvre de contrôles réguliers des juridictions qui seront opérées conjointement par l’inspection générale des services judiciaires et la direction des parquets, dont les capacités auront été renforcées à cet effet.
- Rapprochement de la Justice et du citoyen via :
- la réhabilitation et l’équipement des 30 tribunaux régionaux et provinciaux de première instance ainsi que le déploiement des effectifs de magistrats en fonction des charges de travail juridictionnel de chaque tribunal,
- la mise en œuvre d’audiences foraines ciblant les populations rurales,
- une expérience pilote de fonds d’aide judiciaire, initiée à Lomé et à Kara puis étendue à l’ensemble du territoire togolais,
- l’information des citoyens sur leurs droits et les moyens de les exercer.
- Prévisibilité du droit, via :
- la révision et mise en cohérence des textes essentiels de droit civil, pénal des affaires, humains ainsi que, le cas échéant, de codification législatives,
- le renforcement des capacités des cours supérieurs (Cour Suprême et cours d’appel) à assurer leur fonction de régulation jurisprudentielle,
- la dissémination systématique des lois, règlements et jurisprudences.
- Assujettissement de l’administration au droit, via :
- l’implantation effective de juridictions administratives permettant aux citoyens d’obtenir l’annulation ou la réformation d’actes ou de règlements administratifs illégaux,
- l’implantation effective d’une Cour des comptes assurant le contrôle juridictionnel de l’exécution du budget de l’Etat.
Comme on le voit, la plupart des programmes de modernisation encours sur le continent n’ont jamais intégré l’utilisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication dans la gestion des nombreux contentieux qui engorgent les tribunaux africains.
Les Obstacles à l’Avènement de la Cyberjustice
Beaucoup de paramètres peuvent être invoqués pour justifier les réticences ou les difficultés à intégrer la cyberjustice dans le traitement des dossiers.
D’abord jusqu’à présent, le contentieux le plus important porte sur les affaires immobilières, l’état de personne, les accidents de circulation et autres matières civiles. Les populations et les personnes publiques ne trouveront aucune utilité à provoquer la cyberjustice.
Ensuite les affaires commerciales qui sont bien indiquées pour expérimenter les nouvelles technologies, sont frappées par des aléas divers notamment la corruption, le copinage, les relations personnelles qui prennent le pas sur les solutions de droit. Même l’arbitrage qui est devenu opérationnel à travers la chambre d’arbitrage du Togo n’est pas prêt à s’ouvrir à ces nouvelles technologies. En outre, les difficultés liées à l’avènement de la cyberjustice ont des origines sociologiques, technologiques et démographiques.
Sociologiques d’abord parce que beaucoup d’africains continuent d’appliquer au fait judiciaire les voies africaines de résolution des différends qui ne se réalisent que par des rencontres et des échanges physiques et personnels. De plus, ces nouvelles technologiques sont considérées par la plupart des togolais comme des nouveautés difficilement assimilables imposées par les étrangers.
Technologiques ensuite, car, il se pose des problèmes d’électrification et de connexions internet dans les villes et villages éloignés de la capitale qui seule peut mettre en place ce système. Même le téléphone a du mal à se développer dans toutes les villes. Mais il faudra reconstruire les salles d’audiences, les prisons, doter les bureaux des juges de moyens adéquats pour répondre aux exigences de la cyberjustice.
Démographiques enfin, parce que les villes intérieures sont à petite dimension au plan de la superficie et de la population qui se concentre dans la capitale sans plan adopté d’urbanisation et de dotation de moyens appropriés. On pourra ajouter à tout cela l’attachement quasi obsessionnel du togolais à la paperasse (livres, polycops etc…).
Pourtant la Cyberjustice est une Solution
Le Canada est avangardistedu système judiciaire par la cyberjustice. Il a permis de régler beaucoup de problèmes. Nous pensons que l’Afrique qui aujourd’hui apparaît comme le continent d’avenir gagnerait à faciliter une cyberjustice dans le traitement des affaires pénales, commerciales et d’arbitrage.
Cela permettra de :
- désengorger les tribunaux et les administrations,
- régler le problème de la lourdeur et de la lenteur de l’administration judiciaire,
- se passer de longues extractions de prévenus qui mettent parfois du temps à se faire par manque d’effectif,
- désengorger les prisons en suivant les prisonniers mis en liberté provisoire et de pouvoir les interroger à tout moment,
- éviter que les juges soient obligés de se déplacer, ce qui raccourcira les distances et les délais.
Au total, même si l’Afrique n’est pas encore prête à passer à la vitesse supérieure en matière de cyberjustice, ce système apparaît cependant comme une solution d’avenir pour un continent qui attire les convoitises et qui se présente comme la solution d’avenir pour les personnes et les biens.
Il reste à transférer les technologies appropriées pour la mise en place du système. Nous espérons que cela se fera car à la place des épices, du Rhum et de la bible que le colonisateur avait apportés pour s’imposer à l’Afrique, nos partenaires gagneraient à faciliter la civilisation de l’universel par l’échange des connaissances et des besoins pour le bien de l’humanité.