Revue semestrielle d’Etudes, de Législation, de Jurisprudence et de Pratique Professionnelle en Droit des affaires & en Droit Communautaire
 
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La titrisation dans l’espace UEMOA


par

MOHAMADOU BOYE
Maître-Assistant Associé
Université Gaston Berger de Saint-Louis

INTRODUCTION

La crise des « subprimes » a mis en lumière le rôle prépondérant de la titrisation dans le domaine de la finance internationale. Le terme « titrisation » est un néologisme qui consiste à transformer une créance en un titre . La technique a été importée des Etats-Unis où elle est connue sous le nom de « securitization » . La titrisation est une opération par laquelle une société (le plus souvent un établissement de crédit mais pas exclusivement) cède les créances qu’elle détient sur sa clientèle à un fonds commun de titrisation de créances (dépourvu de personnalité morale), qui en finance l’acquisition en émettant des titres sur le marché.

L’adoption du Règlement relatif aux fonds communs de titrisation de créance et aux opérations de titrisation dans l’UEMOA marque la possibilité d’accomplissement de telles opérations. Il peut sembler paradoxal que l’UEMOA ait décidé de créer un cadre juridique favorable à la titrisation au lendemain d’une crise ayant fini d’en démontrer les méfaits. Mais l’analyse du champ d’application de la titrisation dans l’espace UEMOA permet de conclure à la prise en compte de la crise de 2008. En effet, il était prévu d’étendre, dès le départ, les opérations de titrisation à toutes les catégories de créances . Mais la prudence a prévalu du fait de l’atmosphère de méfiance prévalant envers cette opération après la crise. Néanmoins le caractère incontournable de la titrisation dans le financement de l’activité économique a pris le dessus et justifié l’adoption du Règlement.
L’adoption du Règlement sur la titrisation en 2010 ne signifie pas l’absence d’expérience de titrisation dans l’espace UEMOA auparavant. Il convient de rappeler que la banque centrale avait émis, en représentation des concours consolidés aux Etats, des titres du trésor à long terme communément appelés « titres d’Etat ». En effet, le 30 juin 1994, la BCEAO avait « titrisé » ses concours consolidés à l’Etat béninois. Cette titrisation des concours consolidés visait à faciliter le remboursement de ses dettes vis-à-vis de la banque centrale . Ceci constituait manifestement une première expérience de titrisation de créances bancaires. La gestion, la garantie et le placement des titres ont été assurés par la BCEAO. Cette responsabilité s’étendait sur toute l’étendue de l’UEMOA.
L’objectif poursuivi par cette titrisation de créances menée par la BCEAO était d’une part de soustraire les finances publiques des contraintes liées à un délai de remboursement plus contraignant, d’où l’étalement des remboursements , et d’autre part de permettre à l’Etat de consacrer les ressources dégagées, grâce à l’étalement de sa dette vis-à-vis de la BCEAO, à l’assainissement du cadre macro-économique. Les autres pays membres de l’union ont aussi bénéficié de cette titrisation de dettes publiques . Ces expérience sont peu significatives et surtout concernent les créances publiques.
Il convient de replacer l’adoption de ce Règlement dans le contexte global de mouvement de renforcement du système juridique en vigueur sur le continent africain dans le domaine du droit des affaires. Il a été pensé, en outre, comme un instrument favorisant la mise en place d’un véritable marché hypothécaire dans la zone. Pour développer un tel marché, le législateur communautaire indique que le texte doit être replacé à côté du Règlement relatif aux obligations sécurisées et de la création d’une caisse de refinancement régionale . Il faut y rajouter les instructions du conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers relatives aux conditions d’exercice de l’activité d’agence de notation , à l’approbation des garants dans le cadre des appels publics à l’épargne , à l’agrément des sociétés de gestions de fonds communs de titrisation de créances sur le marché financier régional de l’UEMOA et sur l’agrément des fonds communs de titrisation de créances, au visa de leurs notes d’information ainsi qu’aux modalités de placement de leurs titres sans oublier la circulaire sur l’information diffusée par les émetteurs sur le marché financier régional de l’UEMOA . En outre, l’UEMOA a veillé à la création d’un cadre fiscal attractif par l’adoption de la directive sur l’harmonisation de la fiscalité des valeurs mobilières et la fiscalité applicable aux entreprises d’investissement à capital fixe . Au final, il faut considérer l’instauration de la titrisation dans la zone comme faisant partie d’un mouvement plus ample touchant le système financier qui est en train de se mettre en place progressivement .
Ainsi l’étude de la titrisation dans l’espace UEMOA revêt un caractère actuel mais aussi prospectif dans la mesure où l’on se situe aux « balbutiements » dans l’utilisation de cette technique d’ingénierie financière. En outre, elle est rarement abordée sous l’angle juridique car « pour un juriste, au premier abord, la titrisation apparaît comme une technique mystérieuse car elle ne correspond pas à une qualification ni même à une classification précise » . La rareté des études dans ce domaine suffit à justifier son intérêt vu les enjeux économiques pour les pays de l’UEMOA . L’actualité obligera à analyser l’état de la Règlementation en déterminant le champ des possibilités offert aux investisseurs. Et la prospective permettra de tirer les conséquences des opportunités offertes par la Règlementation afin d’essayer de prédire les perspectives de la titrisation dans l’espace UEMOA.
Sous un angle juridique, notre réflexion sur la titrisation dans l’espace UEMOA suppose de traiter des différentes opérations la composant. Il s’agit de déterminer comment le Règlement organise-t-il l’opération de titrisation dans l’UEMOA et les risques en découlant ? La réponse nécessite la description du processus de mis en œuvre de l’opération. Celle-ci mettra en lumière les mesures prises pour rendre la titrisation attractive pour les investisseurs mais aussi les risques encourus par ceux-ci.

L’UEMOA a adopté le 30 mars 2010 le Règlement relatif aux fonds communs de titrisation du principe de la création de marchés hypothécaires et de la titrisation, comme l’un des principaux axes de financement du logement dans les Etats membres de l’union. Le Règlement s’inscrit dans un processus d’organisation du marché hypothécaire et de la titrisation dans une approche communautaire. Son champ d’application est limité ayant été pensé, seulement pour les créances immobilières, comme un instrument favorisant la mise en place d’un véritable marché hypothécaire dans la zone . La zone UEMOA se caractérise par une forte épargne disponible prête à être investie en produits financiers de qualité, ce qui justifie l’idée d’orienter cette épargne vers le refinancement de crédits hypothécaires, mais aussi par une forte tension sur les ressources publiques, limitées, qui de ce fait ne pourront que difficilement servir à doter des fonds de garantie en faveur du crédit immobilier .

Le Règlement reprend un schéma classique pour la mise en place de ce type d’opérations . En effet, la titrisation implique un montage faisant intervenir différents acteurs. Lorsqu’il est question de donner la possibilité à un titulaire de créances de les céder à une entité qui finance cette acquisition en émettant des titres sur les marchés financiers ou auprès d’investisseurs privés, il est nécessaire d’être fixé sur le statut des intervenants. On peut les classer suivant leur rôle ou leur importance dans la réalisation de l’opération de titrisation. Ainsi on peut distinguer les structures de base, des intervenants secondaires.
L’opération de titrisation est mise en œuvre par un organisme de titrisation prenant la forme d’un fonds commun de titrisation des créances dans le cadre du Règlement .
Ce FCTC est le « pivot » de l’opération, résultant d’une mise en place purement contractuelle entre une société de gestion et un dépositaire . C’est une institution originale que le législateur UEMOA qualifie de copropriété sans que les règles de l’indivision ne lui soient applicables cependant. Il ne s’agit pas d’une société, il n’a pas la personnalité morale, étant entendu que les règles relatives aux sociétés en participation ne lui sont pas applicables non plus . Le droit UEMOA s’est inspiré de l’exemple français .
Le FCTC est constitué à l’initiative d’une société de gestion et d’un établissement dépositaire qui établissent en même temps son Règlement qui décrit ses modalités de fonctionnement, d’adaptation et de liquidation. Ce Règlement organise le patrimoine de l’organisme de titrisation qui peut être unique ou partagé en différents compartiments. L’absence de personnalité de l’organisme de titrisation constitué sous forme de fonds commun de titrisation appelle la présence d’une personne qui l’administre et d’une autre personne qui détient la trésorerie. Il s’agit de la société de gestion et de l’établissement dépositaire qui sont cofondateurs de l’organisme de titrisation et interviennent tout au long de l’opération.
La société de gestion du FCTC est une société commerciale dont le siège social doit être situé dans l’un des Etats membres de l’UEMOA . Cette société représente le fonds à l’égard des tiers et dans toute action en justice, elle prend en charge son administration. Elle doit avoir pour objet social exclusif d’assurer la gestion d’un ou plusieurs fonds. De plus, elle doit être agréée par le CREPMF. L’article 26 fait du dépositaire le conservateur des actifs d’un ou de plusieurs FCTC devant avoir le statut de banque conformément à la Règlementation bancaire de l’UEMOA. Il est chargé de la détention de la trésorerie et des créances acquises par les FCTC pour le compte desquels il intervient et s’assure de la régularité des décisions de la société de gestion selon les modalités prévues par instruction du CREPMF même si la conservation des créances peut toutefois être assurée par le cédant ou le gestionnaire des créances.
Les autres intervenants à l’opération de titrisation sont d’une part les entités chargées de la structuration et d’autre part les autorités de supervision et de régulation. L’article 2.1 du Règlement fait du gestionnaire des créances, des agences de notation et les arrangeurs les entités chargées de la structuration des opérations de titrisation.
Le gestionnaire des créances est en réalité le cédant dans le cadre de l’opération de titrisation. Par cette fonction, il assure la gestion et le recouvrement des créances acquises par le FCTC . Quant à l’agence de notation, c’est une société commerciale dont l’activité principale consiste à émettre des notations . Les arrangeurs sont les entités chargées de la structuration des opérations de titrisation .
La BCEAO , la Commission Bancaire et le CREPMF sont les autorités de supervision et de régulation des opérations de titrisation réalisées au sein de l’UEMOA à l’aide du FCTC. Le CREPMF est un organe de l’UEMOA chargé, d’une part, d’organiser et de contrôler l’appel public à l’épargne et, d’autre part, d’habiliter et de contrôler les intervenants sur le marché financier régional. Le Règlement dispose que les organismes de titrisation qui émettent des titres à destination du public, doivent être agréés par le CREPMF . Ces différents intervenants vont permettre la mise en œuvre de l’opération de titrisation. La titrisation est une série d’obligations contractuelles définies dans un certain nombre de documents. Ces documents vont régir ce que les différentes parties peuvent ou ne peuvent pas faire. Ils régiront aussi la création du FCTC, son objet et les relations de ce FCTC avec les tiers. Mais les contrats ne servent pas uniquement à décrire la mécanique de la structure, certains risques (comme le risque de faillite du FCTC ou le risque de faillites d’entités parties à la transaction) seront couverts par des clauses contractuelles permettant d’éviter ces scénarios ou de limiter leurs conséquences.
L’opération de titrisation repose d’une part sur une cession de créances, et d’autre part sur l’émission de parts pour le FCTC. L’intérêt principal de la titrisation pour le cédant apparaîtra comme la possibilité de rendre liquide ses créances au lieu d’attendre leur échéance. Et après, le FCTC émet des titres reposant sur ces créances sur le marché financier de l’UEMOA, qu’il propose aux investisseurs qui vont y trouver une possibilité d’investir dans de nouveaux produits. Dans ce cadre, la cession de créances et l’émission de parts ou de titres de créances offrent des opportunités de financement. Cependant ces opportunités de financement pour les investisseurs seront liées à la protection dont ils pourront bénéficier dans ces opérations. En effet, ils attendent un certain nombre de garanties contre les risques de la titrisation. Parce que si la titrisation apparaît comme une technique de financement, elle opère aussi un transfert des risques de l’opération sur les investisseurs. Et même si le Règlement prévoit des règles de couverture des risques et des garanties , l’investisseur supportera des risques inhérents à l’opération de titrisation. Celle-ci est dépendante du paiement de la créance à l’échéance par le débiteur. Dans ce cadre, l’incertitude sur le paiement rejaillira sur la sécurité de l’opération. Mais pour l’investisseur, il existe une autre catégorie de risques. Le Règlement laisse quelques questions en suspens susceptibles de générer des incertitudes source d’insécurité liées d’une part au choix de consacrer un véhicule sans personnalité juridique en l’occurrence le FCTC, et d’autre part à la nature juridique des parts sociales. En outre, l’environnement juridique de l’UEMOA met en lumière un enchevêtrement des normes du fait de la nécessaire articulation du Règlement avec les actes uniformes de l’OHADA sur les sûretés et le recouvrement des créances. Ainsi dans sa mise en œuvre (I), la titrisation dans la zone UEMOA va générer des risques (II).
PREMIERE PARTIE : LA MISE EN ŒUVRE DE L’OPERATION DE TITRISATION
La titrisation est constituée par la superposition de deux opérations. Dans un premier temps, le cédant ayant besoin de financement va procéder à la cession de sa créance. Dans un second temps, le cessionnaire va émettre des parts ou des titres de créances. Dans les deux cas, les parties doivent trouver des investisseurs afin de leur transmettre soit des créances, soit des parts ou des titres créances. Le Règlement a déterminé les conditions de mise en œuvre de ces deux opérations (A) ainsi que leurs effets (B).
A- LES CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DE L’OPERATION DE TITRISATION :
La mise en œuvre de l’opération de titrisation passe par une cession des créances (1) et se poursuit par l’émission de parts ou de titres de créances par le FCTC (2).

3- La cession de créances en vue de la titrisation :
La rapidité et la souplesse de l’activité commerciale nécessitaient la mise en place d’un formalisme adapté à la titrisation . Les modalités de la cession de créances font apparaître la prise en charge de cette préoccupation par le Règlement dans son objet (a) et sa particularité par rapport aux autres techniques de cession créances existant (b).
• L’objet de la cession de créances en vue de la titrisation :
La titrisation déroge aux techniques de cessions de créances de droit commun qui n’étaient pas adaptées. La transmission de créances par voie de cession est un contrat dont la formation est régie par le droit commun des contrats. La cession de créance, parfois appelée transport de créance, est ainsi une convention par laquelle un créancier, le cédant, transmet à une autre personne, le cessionnaire, son droit contre le débiteur cédé. Il existe différents modes de transfert de créances, la cession de droit commun, la subrogation, la délégation et sans oublier la cession cambiaire qui peut se réaliser également par le truchement des effets de commerce, tels que billets à ordre, lettres de change . Si la cession de créance de droit commun est fort simple entre les parties, l’opération est plus complexe, en particulier, quant à son opposabilité aux tiers. Pour être valable entre le cédant et le cessionnaire, elle doit respecter les conditions générales de validité d’une convention ainsi que des règles spéciales posées par les articles 241 à 248 du COCC . L’opposabilité de la cession aux tiers dépend de formalités qui peuvent apparaître empreintes d’une certaine lourdeur. En effet, afin que la cession de créance puisse produire tous ses effets, il est indispensable de la rendre opposable au débiteur cédé et au tiers.
Les règles de droit commun de la cession de créances ont été considérées comme trop lourdes dans certaines circonstances, notamment, dans le domaine du transfert des titres négociables . Ces titres créances négociables parmi lesquels on peut citer des effets de commerce tels que la lettre de change, le billet à ordre se caractérisent par l’existence d’une clause à ordre indiquant le paiement soit au créancier, soit au bénéficiaire. Même si leur transmission n’est pas soumise aux règles du droit commun, leur traitement s’est révélé inadapté ou même coûteux dans le cadre de la lettre de change. Le Règlement a mis en place un mécanisme de cession de créances particulier doté d’un régime sui generis. Ainsi, bien qu’inspiré de la cession Dailly , le bordereau requis pour réaliser l’opération de titrisation s’en distingue largement.
• La particularité de la cession de créances par titrisation :
La question de la cession des créances est problématique sur le plan théorique. Pour certains auteurs, il n’est pas possible de parler de cession à cette occasion . Une technique spécifique a été retenue pour l’opération de titrisation.
Avec le modèle mis en place, la cession de créances s’opère avec la seule remise du bordereau qui, néanmoins, doit comporter un certain nombre de mentions. Il est, en premier lieu, nécessaire, que figure expressément dans l’acte la dénomination « acte de cession de créance » et que soit en outre précisé que la cession est soumise au régime de la titrisation. Il est ensuite nécessaire que le cessionnaire soit désigné expressément. De même, les créances doivent pouvoir être identifiées et individualisées. A cette fin, seront notamment mentionnées dans l’acte l’indication du débiteur, le montant global des créances cédées et s’il y a lieu la date d’échéance .
Le bordereau de cession des créances à un fonds commun de titrisation de créances apparait donc essentiel à l’opération de titrisation. Lorsque la transmission des créances est effectuée par un procédé informatique permettant de les identifier, le bordereau peut se borner à indiquer, outre les mentions énumérées ci-dessus, le moyen par lequel elles sont transmises, désignées et individualisées, ainsi que l’évaluation de leur nombre et de leur montant global . En outre la question du recouvrement des créances, leur conservation ainsi que la conservation des sûretés garanties et accessoires y affairant doivent également être précisée par le bordereau. Ainsi le Règlement a créé un cadre juridique tenant compte des avancées technologiques avec une possible transmission par procédé informatique.
La formalité de transmission des créances dans le cadre de la titrisation est très allégée. Dans un souci de simplicité, afin de ne pas trop entraver la cession dans des formalités lourdes, aucune signature n’est exigée par le Règlement qui a opté juste pour l’utilisation du bordereau. Ce choix peut s’expliquer par l’aptitude de cette technique à transmettre un nombre important de créances dans un document unique . Le Règlement instaure une véritable technique de cession de créances simplifiée . Le souci de faire du bordereau un véritable instrument de financement explique la mise en place d’une formalité simple et efficace de cession des créances. Celle-ci n’étant que la première étape de la titrisation, cette simplification devait nécessairement se poursuivre dans la transmission des parts ou des titres de créances.
4- L’émission de parts ou de titres de créances par placement public ou privé en vue de la titrisation :
Le FCTC a le choix entre l’émission de parts ou de titres de créances (a) et le placement privé ou public offrant davantage de souplesse dans le financement (b) .

  • L’émission de parts ou de titres de créances : Le FCTC peut émettre des parts. Bien que celles-ci soient juridiquement des instruments financiers et disposent de caractéristiques juridiques et financières pouvant être similaires aux titres obligataires, elles peuvent être qualifiées d’instruments financiers « hybrides » en raison de leur nature juridique complexe. Tout porteur de part acquiert la qualité de copropriétaire de l’actif du fond constitué de créances. De plus, bien que n’étant pas des titres de capital, les parts des FCTC ont pour caractéristique essentielle d’être « représentatives » des créances qui constituent l’actif du FCTC. La complexité de la nature juridique des parts des FCTC a été reconnue par la banque de France et renforcée par la Banque Centrale Européenne . En conséquence pour éviter de subir les réticences des investisseurs dans ce type d’instruments financiers, le Règlement leur laisse le choix d’opter pour des titres de créances. Il faut offrir aux investisseurs réticents envers les parts le choix des titres créances.

Le choix entre l’émission de parts ou de titres de créances permet de contourner les difficultés liées à la nature juridique hybride des parts émises par le FCTC. En instaurant l’émission de titres de créances par le FCTC, le Règlement permet ainsi d’éviter de faire de la titrisation une opération statique se réalisant en un seul mouvement par une acquisition de créances concomitante à une émission de parts.
Les titres de créances représentent chacun un droit de créance sur le FCTC qui les émet . L’article 23.2 du Règlement précise que « le produit des titres de créances émis par le FCTC est affecté à la constitution de son actif, au remboursement ou à la rémunération de parts ou de titres de créances déjà émis ou au remboursement ou à la rémunération d’emprunts déjà effectués ». Cette disposition prévoit donc une affectation diversifiée du produit des titres de créances et permet une véritable flexibilité quant à la gestion des liquidités du FCTC. Précisément, toutes les ressources du passif de ce dernier peuvent ainsi être utilisées pour constituer son actif ou faire face à son passif existant. Ceci explique « en grande partie que l’émission des titres de créances soit devenue un mode privilégié de financement des fonds communs de créances » .
C’est aussi le signe d’une grande liberté qui va permettre au FCTC d’émettre des parts par placement public avec des caractéristiques différentes de celles émises par placement privé. Il résulte de cette disposition que les parts émises peuvent être de caractéristiques différentes et destinées à des investisseurs particuliers. De même, le FCTC peut émettre des titres de créances émis, le cas échéant sur le fondement d’un droit autre que le droit des Etats membres de l’UEMOA . Le FCTC a le choix entre l’émission des parts ou des titres créances par placement privé ou public diversifiant ainsi les investisseurs.

  • L’émission par placement privé ou public : Le Règlement fait la distinction entre le placement public et le placement privé , l’émission des parts peut intervenir selon l’une des modalités. L’enjeu du placement est un allégement des procédures à suivre . En effet, il prend en considération la qualité des investisseurs pour renforcer l’information dont ils doivent disposer dans le cadre d’une opération de titrisation. Le nouvel AUSCGIE vient combler une lacune de la réglementation de l’appel public à l’épargne en précisant les critères de distinction entre placement privé et public. Ainsi aux termes de l’Article 81-1 du nouvel AUSCGIE « Ne constitue pas une offre au public au sens de l’article 83 ci- après l’offre qui porte sur des valeurs mobilières : a) dont le montant total dans les Etats parties est inferieur a cinquante millions (50.000.000) de francs CFA, ce montant étant calculé sur une période de douze (12) mois ; b) ou qui est adressée uniquement à des investisseurs qualifies agissant pour compte propre, ou à moins de cent (100) personnes physiques ou morales agissant pour compte propre, autres que des investisseurs qualifies, par marche boursier régional des Etats parties ou, pour les Etats parties qui ne sont pas membres d’un tel marche, par Etat partie ». Et l’article Article 81-2 précise qu’un « investisseur qualifie est une personne ou une entité disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers, telle que les établissements de crédit et autres intermédiaires ou établissements financiers agréés ou réglementés dans les Etats parties, les organismes de placement collectif ainsi que leurs sociétés de gestion, les entreprises d’assurance et de réassurance, les sociétés de groupe d’assurance, les mutuelles et unions de mutuelles et les institutions de prévoyance ». Ces deux dispositions permettent de compléter le Règlement qui se contente de faire référence aux notions de placement public et privé sans les définir. Un lien peut être fait entre les investisseurs qualifiés et le placement privé afin de déterminer les cas où une information est obligatoire selon que les investissements sont effectués par des institutions financières ayant de l’épargne à investir, d’investisseurs institutionnels, d’investisseurs non institutionnels, ou même de particuliers qui ayant des disponibilités financières, sont disposés à les utiliser pour souscrire aux parts du FCTC . Il convient néanmoins de préciser que certains instruments juridiques permettront aux investisseurs, par le financement qu’ils vont accorder aux intervenants du premier groupe, de bénéficier de certains droits sur les actifs immobiliers financés par ces derniers. Ainsi l’article 23.6 prévoit l’établissement d’un « document de référence » qui comprend les informations relatives à l’émetteur des instruments financiers, une note d’information relative aux instruments financiers et un résumé de l’ensemble de ces informations . La note d’information devant accompagner le document nécessite l’obtention du visa du CREPMF avant sa diffusion . Ce contrôle du CREPMF va garantir que les éléments d’information sont suffisants. Ces obligations spécifiques visent à protéger ou informer les investisseurs en cas de placement public. Vu la complexité des opérations de titrisation, le renforcement de l’information accroît leur attractivité dans la mesure où les investisseurs disposent d’assez d’éléments pour se déterminer en connaissance de cause . Cette disposition est justifiée eu égard à leur niveau de connaissance leur permettant d’apprécier les conséquences de leurs actes dans l’opération de titrisation. La distinction des investisseurs privés et publics permet d’atténuer les risques inhérents à la titrisation auprès des investisseurs non familiers de cette technique. Les conditions particulières de la titrisation se prolongent au niveau de ses effets. 3- LES EFFETS DE LA MISE EN ŒUVRE DE L’OPERATION DE TITRISATION : Les effets du financement diffèrent à l’égard du cédant (1) et des porteurs de parts ou de titres de créances (2). 4- Les effets à l’égard du cédant : La mise en œuvre de l’opération de titrisation permet l’allégement du bilan du cédant (a) et la gestion des créances (b).

a- L’allégement du bilan du cédant :
La titrisation permet au cédant l’allégement de son bilan et l’oblige dans une certaine mesure à gérer les créances en les recouvrant et en les conservant. Le cédant qui est un établissement de crédit est tenu de respecter des normes de gestion dans le cadre du dispositif prudentiel.
Celles-ci sont destinées à garantir sa liquidité et sa solvabilité à l’égard des déposants et, plus généralement, des tiers ainsi que l’équilibre de sa structure financière. Ce dispositif prudentiel constitue une contrainte dans la gestion de l’établissement de crédit. Les normes de gestion ont une incidence sur la rentabilité des établissements de crédit.
La titrisation peut constituer une opportunité pour le cédant. L’établissement de crédit par la cession de créances transfert ses actifs au FCTC. Ainsi il allège son bilan en dégageant une nouvelle capacité de financement et une amélioration de son exploitation tout en transférant le risque lié aux créances cédées.
La titrisation représente un outil puissant de gestion du bilan, notamment la gestion d’actifs. Elle permet en effet l’allégement du bilan s’il s’avère gonflé et facilite le respect des règles prudentielles imposées par les régulateurs des marchés bancaires. Le transfert de créances permet au cédant de ne plus avoir à détenir les fonds propres correspondant aux exigences de la BCEAO qui prévoient différentes dispositions à même de garantir l’équilibre des établissements de crédit.
D’abord, la règle de couverture des risques est définie par un rapport minimum à respecter, dit « rapport fonds propres sur risques ». Le pourcentage minimum à respecter est fixé à 8%. Ensuite, le ratio de structure du portefeuille, rapport entre d’une part, l’encours des crédits bénéficiant d’un label de qualité délivré par l’institut d’émission à la banque déclarante et d’autre part, le total des crédits bruts portés par l’établissement concerné, doit être, à tout moment, égal ou supérieur à 60%. Cette disposition s’applique aux banques et aux établissements financiers spécialisés dans la distribution de crédit.
La titrisation permet de financer une demande de prêts qui ne cesse de croître, en cédant une partie du portefeuille et en replaçant le produit de cette cession dans de nouvelles créances. Ainsi, la banque cédante peut augmenter sa capacité de financement à l’infini. Sans la titrisation, cela ne serait pas possible en raison des contraintes du dispositif prudentiel.
Le cédant garantit l’existence de la créance au jour de la cession mais également celle des sûretés et autres accessoires de la créance. Il assure « la gestion et le recouvrement des créances acquises par le FCTC continuent d’être assurés par leur cédant, qui intervient en tant que gestionnaire de ces créances » . Cette solution constitue un avantage pour le cessionnaire et pour le cédant.
Pour le FCTC, le recouvrement va continuer à être effectué selon les procédures instaurées par le cédant ou par l’entité qui en était chargée initialement, cela contribue à la stabilité de l’opération .
Quant au cédant, en assurant le recouvrement il conserve sa clientèle, tout en étant rémunéré par le FCTC pour cette activité. Les conditions du recouvrement sont fixées entre la société de gestion et l’établissement cédant dans une convention dont les principes sont rappelés dans le Règlement du FCTC. Le rôle actif du cédant dans le recouvrement des créances rassure le cessionnaire sur ses chances d’être payé à l’échéance. Le financement est plus facile à obtenir si la partie financée par la cession, veille à la rentabilité de l’opération pour le cessionnaire qui est le FCTC.

Néanmoins, la société de gestion, le dépositaire, l’établissement cédant ou le tiers chargé du recouvrement et l’établissement teneur de compte peuvent convenir que les sommes recouvrées seront portées à un compte spécialement affecté au fonds. L’affectation spéciale prend effet à compter de la signature de cette convention sans autre formalité.
Une telle affectation permet, de sécuriser les sommes ainsi recouvrées qui seront hors de portée des créanciers de la personne chargée du recouvrement, cédant ou tiers, et ce même en cas d’ouverture d’une procédure collective ouverte contre celle-ci. Les sommes recouvrées ne doivent profiter qu’au cessionnaire c’est-à-dire le FCTC.
b- La gestion des créances par le cédant :
Le cédant n’est pas garant de l’insolvabilité du débiteur à l’exigibilité de la créance, ni même de l’inefficacité des sûretés transmises lors de leur réalisation. L’application des règles du droit commun n’a pas empêché la mise en place d’un dispositif particulier en matière de titrisation pour garantir une éventuelle défaillance du débiteur cédé et protéger ainsi les investisseurs porteurs de titres. En effet, les parties sont libres de prévoir conventionnellement une garantie plus importante.
Dans ce cas, il peut donc être mis à la charge du cédant des obligations spécifiques définies contractuellement. C’est une des raisons de l’efficacité de la titrisation.
Le cédant va résoudre ses besoins de financement en cédant sa créance au FCTC représenté par la société de gestion. Celle-ci va prévoir dans un contrat avec le cédant des dispositions protégeant la créance cédée. Ainsi le besoin de financement est satisfait tout en ne mettant pas en péril la créance cédée, permettant aussi bien au cédant qu’au cessionnaire de se retrouver gagnants dans l’opération de titrisation. Mais l’efficacité de la titrisation repose aussi sur son opposabilité aux tiers.
En vertu de l’article l’article 17.6 , la cession est opposable aux tiers à compter de la date apposée sur le bordereau lors de sa remise « quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances ». Dès lors que les créances sont sorties du patrimoine du cédant, les créanciers de ce dernier se trouvent dépourvus de droit sur celles-ci. Le caractère absolu de cette opposabilité de la cession peut poser problème notamment à l’égard des créanciers du cédant de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de ce dernier. Cependant l’article 17.10 du Règlement répond aux interrogations .
Le législateur UEMOA nous évite une période d’incertitude comme celle qu’a connue le droit français, où il a fallu qu’intervienne la loi pour la confiance et la modernisation de l’économie du 26 juillet 2005 , qui a modifié l’alinéa 8 de l’article l. 214-43 du code monétaire et financier afin de renforcer la sécurité des opérations de titrisation de créances, pour que la question soit tranchée.
Les débiteurs cédés, qui sont des tiers à l’opération de titrisation, se voient également opposer la cession mais à la condition qu’elle leur soit « être notifiée par écrit, à l’aide d’une lettre recommandée ou par une lettre remise en mains propres contre récépissé ou décharge écrite » . Il est dommage que cette formalité inutilement lourde ait été prévue par le Règlement. Il était plus judicieux en termes d’efficacité et de simplicité de suivre l’évolution du droit français ayant conduit à l’abandon de cette procédure prévue aussi à l’origine . Par contre, la titrisation de créances détenues sur les débiteurs étrangers est grandement facilitée dans la mesure où il n’est pas utile de vérifier que les formalités d’opposabilité aux tiers imposées par les différents pays ont été accomplies. Elle constitue une véritable prise en compte de la dimension internationale de la titrisation tout en évitant d’éventuels conflits de loi sur l’opposabilité de la cession de créances. Le Règlement entoure la cession de créances d’assez de garanties pour qu’elle finance le cédant tout en atténuant les risques pour le cessionnaire de ne pas être payé. Mais celui-ci à travers la transformation des créances en parts ou l’émission de titres de créances va chercher des investisseurs qui vont les acquérir à leur tour.
5- Les effets à l’égard des porteurs de parts et de titres de créances :
L’efficacité de l’émission de parts (a) ou de titres de créances (b) se mesure à l’aune des droits et obligations conférés à leurs porteurs respectifs.
Les effets pour les porteurs de parts :
Le porteur de parts se rapproche de l’actionnaire et de l’obligataire même si les parts ne sont pas des valeurs mobilières, étant émises par le FCTC qui est dépourvu de personnalité juridique. L’article 744 du nouvel AUSCGIE , reprenant les dispositions de l’article 780 de l’ancien AUSCGIE, réserve aux sociétés anonymes l’émission des valeurs mobilières ainsi que d’autres titres financiers. Il laisse perdurer inutilement l’incertitude relative à la nature juridique des parts dans le cadre d’une opération de titrisation.Le porteurs de parts bénéficie de droits pécuniaires et à l’information d’un côté et d’obligations financières et de non-immixtion dans la gestion du fonds de l’autre.
C’est le Règlement du FCTC qui va déterminer précisément les droits pécuniaires conférés par les parts et qui dépendront de leurs caractéristiques. Les porteurs de parts vont bénéficier de droit liés au caractère hybride leur nature juridique. D’une part, comme des associés, ils supportent de façon limitée l’aléa de l’activité tout en étant rémunérés en fonction des résultats du fonds.
D’autre part, ils sont remboursés des sommes qu’ils auront mises à la disposition du fond et toucheront un intérêt sur ces sommes, situation qui les rapproche de celle des obligataires. Techniquement, c’est la société de gestion qui donne les instructions nécessaires pour le versement des sommes aux investisseurs conformément aux modalités définies dans le Règlement du fonds.
Il n’est pas exclu que le porteur de parts puisse bénéficier de l’affectation du boni de liquidation en tant que copropriétaires de l’actif du fonds.
C’est le Règlement du fonds qui détermine l’affectation du boni qui revient à la société de gestion, à l’établissement dépositaire, ou même à un organisme garant du fonds.
Outre ces droits pécuniaires, les porteurs de parts détiennent des droits à l’information dont l’étendue varie selon les modalités de placement des parts. En effet, en cas de placement public, ils auront droit à une information généralement réservée aux acquéreurs de titres sur les marchés financiers. Les porteurs de parts bénéficient d’une information permanente pendant la vie du fonds.
En outre, les porteurs de parts ont droit à une information périodique. C’est ainsi que la société de gestion est tenue de publier un compte rendu d’activité, sous le contrôle du dépositaire et vérifié par le commissaire aux comptes. Une information semestrielle est également prévue puisqu’un compte rendu d’activité semestriel doit être publié par la société de gestion, dans un délai de quatre mois suivant la fin du premier semestre. Ce compte rendu comprend un tableau d’activités et de résultat ainsi qu’un rapport d’activité semestriel accompagné d’une attestation du commissaire aux comptes sur la sincérité des informations données. Ces informations sont accessibles aux investisseurs et ils sont transmis sans frais aux porteurs de parts par la société de gestion ou le dépositaire.
Les porteurs de parts ont le droit d’agir en justice. En effet, ils peuvent intenter une action en justice ayant pour objet la réparation civile des infractions commises par la société de gestion ou le dépositaire, aux dispositions législatives et Règlementaires du fonds ou même aux clauses du Règlement du fonds, en application du droit commun de la responsabilité.
Les porteurs de parts supportent aussi des obligations financières et de non-immixtion dans la gestion du fonds. L’article 24.2 du Règlement fixe le principe guidant la détermination de l’étendue de la responsabilité des investisseurs. Cette responsabilité est limitée, cependant, il a été observé que cette règle ne s’appliquait qu’à l’intérieur d’une même catégorie de parts . En effet, les obligations financières des porteurs de parts vont varier en fonction du type de produit qu’ils auront acquis. L’obligation de non-immixtion dans la gestion du fonds repose sur la qualité de copropriétaires des porteurs de parts. Ils ne sont pas à l’initiative de la constitution du fonds, ils n’ont pas la possibilité de provoquer le partage des créances, et d’une manière générale, la gestion du fonds n’est pas assurée par les porteurs de parts.
En plus, ils ne peuvent pas demander le rachat de leurs parts par le FCTC . En réalité, le Règlement a mis à leur charge une véritable obligation de non-immixtion dans la gestion du fonds qui est assurée par la société de gestion. Les droits et obligations des porteurs de créances obéissent à un régime différent de celui des porteurs de parts.
Les effets pour les porteurs de titres de créances :
Le FCTC émetteur des titres de créances est une entité sans personnalité juridique. Dans ces conditions, le régime des porteurs de titres de créances doit faire l’objet d’une adaptation comme pour les porteurs de parts.
En droit français, le problème était identique . Néanmoins, le régime des créanciers obligataires a été appliqué aux porteurs d’obligations émises par les fonds communs de créances . La solution française a le mérite de régler le problème du régime du porteur de titres de créances tout en laissant en suspens la question de l’absence de personnalité morale du FCTC émetteur. Appliqué dans le cadre de l’UEMOA, le régime de représentation des porteurs d’obligations émises par le FCTC, tel qu’il résulte de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE va impliquer d’abord que les porteurs de titres de créances d’une même émission soient groupés de plein droit pour la défense de leurs intérêts communs, en une masse qui jouit de la personnalité civile même si ce droit de représentation n’est pas obligatoire.
Cette représentation sera organisée de manière contractuelle sur le modèle du régime prévu par l’AUSGIE. Ensuite, les porteurs d’obligations se réunissent en assemblée générale , selon les règles de quorum et de majorité qui sont définies , en fonction des dispositions légales applicables, dans le contrat d’émission des obligations . Enfin, les porteurs d’obligations sont représentés par une personne morale ou physique qu’ils auront désignée en assemblée générale . L’objectif final est la défense des intérêts des porteurs de titres de créances.
Les porteurs de titres de créances ont des droits pécuniaires représentés par le paiement des sommes générées par les actifs du FCTC ou du compartiment. En effet, l’article 13.2 prévoit que « le paiement des sommes exigibles au titre des parts est subordonné au paiement des sommes exigibles de toute nature dues aux porteurs de titres de créances émis par le FCTC et aux créanciers au titre des emprunts effectués par lui ». Mais leurs représentants ne peuvent pas s’immiscer dans la gestion du FCTC. Cette restriction leur interdit d’effectuer tout acte qui interfère dans la gestion du FCTC qui relève des prérogatives exclusives de la société de gestion. Les limitations accordées aux prérogatives des représentants des porteurs d’obligations concilient la défense des intérêts des porteurs de titres de créances et la gestion du FCTC par la société de gestion .
Les porteurs de parts et de titres de créances vont être rémunérés sur les résultats du FCTC. Leur rémunération est subordonnée à la gestion du fonds. La titrisation peut se révéler une opération risquée lorsque les investisseurs n’obtiennent pas les résultats attendus. Aussi, elle est considérée à juste titre comme une opération de financement avec la cession des créances du cédant et l’émission de parts et de titres de créances par le FCTC. Mais, les risques encourus par les investisseurs ne doivent pas être sous-estimés.
DEUXIEME PARTIE : LES RISQUES LIES A LA MISE EN ŒUVRE DE L’OPERATION DE TITRISATION
La titrisation est une opération de financement présentant des risques divers (A). Dans ce cadre, différentes mesures envisagées pour en protéger l’opération de titrisation se révèlent limitées (B).
A- LA DIVERSITE DES RISQUES DE L’OPERATION DE TITRISATION :
Les risques de l’opération de titrisation portent sur les intervenants (1) et sur le portefeuille des créances (2).
1- Les risques portant sur les intervenants à l’opération de titrisation :
Les risques liés aux intervenants se situent d’abord au niveau de leur possible défaillance (a), ensuite à leur cumul de fonctions dans les opérations titrisation (b) et enfin à une éventuelle perturbation du rythme des flux financiers.
a- La défaillance des débiteurs :
Cette défaillance du débiteur, du FCTC ou du cédant fragilise l’opération de titrisation. Toute difficulté ressentie par un intervenant dans la capacité de faire face à ses engagements va constituer un danger pour l’opération de titrisation. Or le risque de défaillance d’un acteur garant dans l’opération est toujours possible même si les créances cédées sont normalement couvertes par la constitution de diverses garanties. La défaillance du débiteur engagé dans une procédure collective peut être prétexte au non-paiement pour le garant . Le problème se pose de savoir si ces dernières sont « systématiquement et rapidement mises en jeu » .
La question est d’autant plus essentielle en cas de faillite du débiteur engagé dans une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Il est tentant pour le garant de prendre ce prétexte pour ne pas payer. De plus, il a déjà été souligné que les sommes reçues par le FCTC pendant la période suspecte puissent être remises en cause. Dans ce cas, une incertitude subsiste, celle de savoir si le garant doit obligatoirement couvrir cet événement .

De même, le risque défaillance du cédant est source de difficulté du fait de son rôle actif dans le recouvrement des créances . En effet, dans l’opération de recouvrement, le cédant va conserver les créances recouvrées pendant une certaine période avant de les transférer sur le compte du FCTC, ouvert chez le dépositaire. L’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire contre le cédant pourrait conduire à un blocage de ces fonds considérés comme étant compris dans son actif. Cette situation même provisoire le temps que les droits sur ces sommes soient déterminés, est source d’insécurité pour l’opération de titrisation. Le Règlement a résolu ce problème en donnant la possibilité de créer un compte d’affectation au profit du FCTC pour isoler du patrimoine du cédant les encaissements qu’il reçoit pour le compte du FCTC, même en cas de procédure collective. Il permet de contourner les difficultés éventuelles en cas de patrimoine unique puisque « la société de gestion et le gestionnaire des créances cédées à un FCTC peuvent convenir que les sommes recouvrées par ce dernier auprès des débiteurs ou de tous tiers concernés seront portées au crédit d’un compte bancaire ouvert au nom du gestionnaire des créances, ce compte étant spécialement affecté au profit du FCTC ou, le cas échéant, d’un compartiment dénommé dudit FCTC » . Dans ce cadre, « les créanciers du gestionnaire des créances ne peuvent poursuivre sur ce compte spécialement affecté le paiement de leurs créances, même en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre dudit gestionnaire » .
b- Le cumul des fonctions des intervenants :
La complexité du système mis en place est source de difficulté en cas de cumul des fonctions des intervenants à l’opération de titrisation. En effet, lorsque le cédant est un établissement de crédit, il peut en outre, cumuler les fonctions de gestionnaire, de prêteur de liquidité, voire même de garant des opérations conduites par le débiteur. Dans ce cadre, les responsabilités respectives ne sont pas toujours clairement définies. Et le cédant selon ses intérêts du moment, pourrait provoquer ou retarder la liquidation anticipe du FCTC . Ainsi la confusion pouvant naitre d’un cumul des fonctions constitue un risque supplémentaire provoqué par les intervenants. Dans certaines circonstances, elle peut perturber les flux financiers.
Une opération de titrisation est marquée par deux séquences de remboursement correspondant à des flux financiers. La première séquence correspond à la collecte des flux et à leur distribution simultanée aux porteurs de parts. La seconde séquence concerne la retenue ou la distribution des flux en fonction de l’échéancier des parts, fixé à l’émission. La difficulté tient à l’absence de correspondance entre les calendriers d’amortissement des créances cédées et l’échéancier des parts émises. Dans ces conditions, il faut s’assurer que les flux des créances permettront d’assurer les paiements de parts. Les risques varient en fonction de la séquence de remboursement concernée. Pour la première, le risque de remboursement anticipé existe puisqu’elle concerne des opérations de titrisation de prêts aux particuliers.
Pour la seconde, les investisseurs peuvent subir le risque de voir les flux financiers qui leur reviennent, retardés dans les comptes de l’établissement, qui place alors la trésorerie à son profit . Cependant, les risques de l’opération de titrisation ne reposent pas que sur les intervenants, ils peuvent aussi être liés aux créances.
2- Les risques liés au portefeuille des créances :
Les créances constituent le pivot de l’opération de titrisation. Ainsi, tout défaut les affectant risque de mettre en péril toute l’opération.
La qualité des titres émis par le FCTC dépend de celle des créances cédées. Pourtant, différents risques comme le remboursement anticipé (a) ou la défaillance des débiteurs (b) peuvent affecter le portefeuille de créances.
a- Le remboursement anticipé des créances :
Moins pénalisant que le risque de défaillance, le risque de remboursement anticipé n’en demeure pas moins pénalisant pour les détenteurs de créances cédées . En effet, le rendement réel (calculé pour une échéance donnée) est susceptible d’être inférieur au rendement escompté en raison du remboursement anticipé. Dans ce cadre, si les créances qui offrent les taux d’intérêt les plus élevés sont remboursés par anticipation, le taux moyen pondéré de rendement du portefeuille de créances va diminuer. L’article 814 de l’AUSGIE dispose qu’« en l’absence de stipulations particulières du contrat d’émission, la société ne peut imposer aux obligataires le remboursement anticipé des obligations ». Dans le cas d’une opération de titrisation, le débiteur dispose de la faculté de rembourser de façon anticipée une créance. La variable qui déclenche le processus de remboursement anticipé est le taux d’intérêt. En période de baisse de ces taux, les créanciers ont tendance à anticiper les remboursements. Cette solution diminue le rendement attendu et les investisseurs sont rétribués en conséquence.
Les évolutions des taux d’intérêt vont selon leur sens, modifier le rendement actuariel de l’investisseur. Si ce dernier a le loisir de vendre les titres lorsqu’ils sont cessibles (s’il trouve un acquéreur), le débiteur peut aussi avoir intérêt à rembourser par anticipation. Nous allons prendre comme exemple, un créancier qui a une dette à taux d’intérêt fixe et nous interroger sur l’attitude de l’établissement de crédit détenant les créances. La conjoncture de baisse des taux lui est favorable pour les « titriser ». D’abord, il continue à percevoir une rémunération fixe. Ensuite, il verse au FCTC les remboursements du débiteur, moyennant une commission pour gestion de la dette. Enfin, le FCTC verse un revenu aux porteurs de parts en fonction des taux du marché. Dans ces conditions, il lui serait difficile de verser un taux supérieur aux conditions de l’emprunt initial. C’est la raison pour laquelle une baisse de taux est favorable à la titrisation .
L’emprunteur va subir un coût d’opportunité, évalué comme la différence entre le taux auquel il a emprunté et le taux du marché. Il va vouloir bénéficier des nouvelles conditions plus avantageuses, à condition que le différentiel d’intérêt soit supérieur aux pénalités de remboursement anticipé. L’établissement de crédit subit alors un manque à gagner, les pénalités pour remboursement anticipé vont théoriquement pallier en partie ou en totalité ce manque. Mais en tout état de cause, il va continuer à verser au FCTC des revenus, qui sont ensuite transmis aux porteurs de parts .
Le remboursement anticipé des créances rend l’opération de titrisation plus onéreuse surtout si le FCTC n’a pas estimé correctement son risque, c’est une possibilité aussi en cas de défaillance du débiteur.
b- La défaillance du débiteur :
Les titres cédés dans l’opération de titrisation sont soumis au risque de défaillance. Le taux de défaillance ou une estimation de la probabilité de défaillance dépendent bien sûr de la nature des créances qui sont « titrisées ». Le risque est un risque intrinsèque que l’on peut assimiler à un risque de crédit, mais c’est aussi un risque lié aux conditions changeantes du marché et peut être un risque systémique en cas de difficultés majeures sur les marchés financiers affectés par des effets de contagion. La défaillance du débiteur est un autre risque pouvant affecter le portefeuille de créances débiteur. En effet, les risques de défaillance ou de retard dans le paiement ne sont pas à négliger.
L’éloignement du retard par rapport à l’échéance du paiement va accroître les risques sur le portefeuille de créances. Ainsi un retard relativement proche de l’échéance aura des répercussions moindres.
Il faut aussi souligner le risque le plus fréquent pouvant affecter la titrisation : la compensation . Si un débiteur dont la créance a été cédée procède à une compensation de celle-ci avec une dette que lui doit le cédant, il causera un préjudice au FCTC qui aura acquis la créance à un prix qu’elle n’encaissera pas. Le débiteur de bonne foi à qui la cession n’a pas été notifiée a toujours la possibilité d’accomplir une compensation. Ce risque doit être pris en compte au moment de la détermination des créances à céder . Mais le Règlement prévoit différentes mesures de protection contre les risques de l’opération de titrisation.

B-L’EXISTENCE DE PROTECTIONS LIMITEES CONTRE LES RISQUES DE L’OPERATION DE TITRISATION :
La sécurisation de la titrisation suppose l’existence de mécanismes de protection contre les risques de l’opération (1) qui se révèlent limités (2).

1-Les mécanismes de protection contre les risques :
La protection contre les risques est assurée par le contrôle de l’opération de titrisation (a) et les garanties pour les couvrir (b).
a- Le contrôle des risques l’opération de titrisation :
Le contrôle de l’opération de titrisation a pour finalité la protection des investisseurs en évitant qu’ils ne soient exposés à de trop grands risques par les différents intervenants. Dans ce cadre, le CREPMF, l’agence de notation et les commissaires aux comptes sont chargés de contrôler l’opération de titrisation. Certaines modalités de ce contrôle relèvent du droit commun des sociétés. En effet, l’opération de titrisation peut impliquer une émission de titres dans le public. Dans ces conditions, le CREPMF dans l’exercice de ces compétences exerce une surveillance à différentes étapes de l’appel public à l’épargne. Ce sont les dispositions spécifiques au contrôle de l’opération de titrisation qui vont retenir notre attention.
Dans un premier temps, le CREPMF subordonne toute opération financière relative au FCTC à son agrément préalable du FCTC . Cette demande d’agrément fournira les informations nécessaires au CREPMF pour apprécier les modalités de l’émission des titres d’autant plus que les règles de l’appel public à l’épargne doivent être respectées. Dans un second temps, la société de gestion du FCTC aussi doit être agréée par le CREPMF .
Les conditions d’éligibilité de la société de gestion tiennent à la forme juridique , au siège social , au capital social et à la moralité des actionnaires et dirigeants sociaux . Ce pouvoir de contrôle confère au CREPMF les pouvoirs de retirer l’agrément à la société de gestion. Dans un troisième temps, il contrôle étroitement l’information fournie lors de l’émission de parts au public et approuve ou non les garants dans ce type d’opérations.
Toutes ces dispositions de contrôle permettent de vérifier que les intervenants à l’opération possèdent l’expertise, la capacité financière et la moralité nécessaires à une mise en œuvre adéquate de l’opération de titrisation. En outre, l’exercice de l’activité de notation dont le rôle est essentiel, est subordonné à l’approbation préalable de l’agence par le CREPMF . Elle est tenue de prendre toutes les mesures adéquates dans son fonctionnement afin de conserver son indépendance .
L’agence de notation contrôle l’opération de titrisation en procédant à une appréciation des caractéristiques des créances acquises par le FCTC et à une évaluation des risques qu’ils présentent dans un document . Elle fournira aux investisseurs les éléments d’appréciation de l’opération de titrisation en les informant sur les risques encourus. En effet, la note est calculée en fonction de la probabilité que les détenteurs de titres ont de percevoir les paiements prévus . Même si elle n’est prévue que pour le placement public, la notation constitue aussi un critère essentiel de décision demandé par les investisseurs pour les placements privés.
Le Règlement ne prévoit pas le commissaire aux comptes parmi les intervenants à l’opération de titrisation . Mais le droit commun prévoit que le commissaire aux comptes « certifie que les états financiers de synthèse sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice » . Cette disposition va offrir un cadre adapté pour le contrôle de la société de gestion du FCTC, celle-ci ayant obligatoirement la forme de sa avec conseil d’administration . En outre, le commissaire aux comptes « signale à la plus prochaine assemblée générale, les irrégularités et les inexactitudes relevées par lui au cours de l’accomplissement de sa mission » et éventuellement au ministère public .
Au regard du mécanisme de la titrisation, la solution est logique puisque les porteurs de parts et de titres de créances ne sont pas assimilables à des actionnaires classiques quant à la conduite de la société . L’action du commissaire aux comptes va participer de la protection des investisseurs. Cependant, toutes ces dispositions de contrôle se révéleront insuffisantes en l’absence de garanties contre les risques de l’opération de titrisation.
b- La couverture des risques de l’opération de titrisation :
Le Règlement prévoit un cadre général de couverture des risques de l’opération de titrisation par des garanties même si d’autres mécanismes contre les risques ont été imaginés par la pratique. Les mécanismes prévus présentent un intérêt certain pour le cédant, les investisseurs et le FCTC. Pour l’établissement cédant, il lui faut arbitrer entre diverses formes de garanties sachant qu’elles sont exigées par l’arrangeur, en contrepartie de l’octroi d’une note maximale par l’agence de notation.
Du point de vue de l’investisseur, la garantie constitue une couverture pour assurer une performance de son investissement, telle qu’il l’estimait lors de l’acquisition des parts du FCTC. C’est, en particulier, une sécurité en cas de défaillance du créancier cédant ou de l’établissement de crédit. Du côté du FCTC, l’émission de parts assorties de garanties facilite l’acquisition d’une note correcte, et donc l’accès à des moyens de refinancement à des conditions meilleures que celles qu’il peut lui-même obtenir.
L’article 14 du Règlement prévoit différents mécanismes de couverture des risques pour sécuriser la situation des porteurs de parts et titres. Les cocontractants et investisseurs de l’organisme doivent donc appréhender les risques financiers qu’ils prennent en analysant la qualité et la nature des risques pris par l’organisme ainsi que l’existence, le cas échéant, de garanties et autres mécanismes de sécurité dont pourrait bénéficier l’organisme.
Le premier mécanisme prévoit l’émission de parts spécifiques supportant les risques de défaillance, la condition étant qu’elles soient détenues par des investisseurs qualifiés, non-résidents ou le cédant . C’est la subordination des titres : elle signifie que toute somme exigible due aux porteurs de ces titres subordonnés ne leur sera versée qu’après paiement aux porteurs des titres prioritaires de l’intégralité des sommes exigibles leur étant dues. La subordination de créance a pour objet d’établir des rangs entre créanciers chirographaires. Dans l’hypothèse d’une émission commune par un fonds de titrisation de titres de créances subordonnés et de parts, les titres de créances subordonnés seront subordonnés aux éventuels titres de créances prioritaires, mais les porteurs de titres spécifiques resteront prioritaires par rapport aux parts, même ordinaires ou prioritaires. Cette technique de subordination de créances permet en général de diviser ou répartir l’investissement, en attirant des investisseurs qui ne poursuivent pas les mêmes motivations (dont le « profil de risque est différent »). En divisant les créanciers en rang, on crée des conditions d’investissement et de rémunération distinctes. Son intérêt est de créer des titres représentant un risque diversifié ou tout simplement de créer, pour certains titres que l’on destine au marché des investisseurs, un rehaussement de crédit, le passif de l’organisme est souvent constitué de titres de catégories différentes : des titres subordonnés et prioritaires.
Le second mécanisme porte sur le surdimensionnement c’est-à-dire la cession d’un encourt de créances dont la valeur excède le montant des parts et titres de créances . Il prévient le risque défaillance de l’établissement de crédit (le cédant) qui cède un montant nominal de créances supérieur aux financements apportés par les souscripteurs de parts du FCTC . Par exemple, un établissement cédant cédera au FCTC un portefeuille de créances pour un montant de capital restant dû de 110 pour obtenir 100 de disponibilités monétaires, qui proviendront de l’émission de titres pour un montant de 100. Les 10 restants constitueront une garantie en cas de défaillance des débiteurs et pourront être restitués à l’établissement cédant en fin de vie du FCTC, s’il est attributaire du boni de liquidation.
Un troisième mécanisme est lié à l’existence de sûretés, garanties et accessoires attachés aux créances qui sont acquises par le FCTC .
Le Règlement permet aussi la conclusion de contrats constituant des instruments financiers à terme. D’abord, le FCTC peut obtenir des garanties auprès des banques, entreprises d’assurances ou de réassurances ou du cédant . En effet, il peut conclure des contrats transférant des risques d’assurance dans les conditions prévues par ses statuts ou son Règlement pour supporter des risques, mais également pour couvrir les risques d’assurance qu’il prend. Ces contrats ne peuvent être conclus qu’avec les entités visées limitativement à l’article 15.1 du Règlement. Ensuite, le FCTC a la possibilité de conclure des contrats constituant des instruments financiers à terme à des fins de couverture pour supporter des risques, mais également pour se couvrir des risques qu’il prend. Ces contrats transférant des risques d’assurance doivent porter soit sur la couverture de tout ou partie des pertes supportées par le FCTC .
La pratique a mis au point d’autres mécanismes. Ainsi l’établissement de crédit cédant peut accorder au FCTC sa propre signature comme garantie contre les risques de défaillance des débiteurs avec une garantie en espèces ou en actifs. La garantie en espèces intervient en précisant la date à laquelle elle sera versée ainsi que le montant couvert. L’établissement peut aussi apporter ses actifs. En cas de défaillance de l’emprunteur, la société de gestion liquide les actifs de la garantie, pour assurer le remboursement des investisseurs. Dans cette situation, « la valeur de revente des actifs sera l’élément déterminant pour assurer une couverture correcte du risque » .
Le compte de liquidités constitue une autre garantie portant non pas sur la défaillance de l’établissement cédant, mais sur les délais de paiement. Il permet que tout retard par rapport aux échéances prévues puisse être compensé par les dépôts effectués sur celui-ci. Quant au fonds de réserve, il constitue un mécanisme de rehaussement de crédit constitué par le FCTC grâce à l’accumulation de la marge d’intérêt. Sa mise en place peut être subordonnée à l’agence de notation qui a la possibilité d’exiger un certain montant pouvoir faire face aux risques d’une conjoncture instable. Ces différents mécanismes doivent être utilisés pour garantir l’opération de titrisation. Mais celle-ci génère irrémédiablement des risques. Donc, il faut reconnaître les limites de la protection contre les risques de la titrisation.
2-L’existence de protections limitées contre les risques de l’opération de titrisation :
Les limites contre la protection des risques sont liées, d’abord aux lacunes du Règlement (a), et d’autre part, à l’environnement juridique de l’UEMOA(b).

a- Les limites liées aux lacunes du Règlement :

Le Règlement est porteur de nombreuses incertitudes découlant d’innovations inopportunes et de lacunes source d’insécurité. La titrisation est un mécanisme inspiré des méthodes financières américaines. Cette « acculturation » nécessite des aménagements pour son adaptation au cadre juridique de l’UEMOA d’inspiration française donc du système de droit romain. Ainsi une législation spécifique a dû être mise en place. Cependant certaines innovations du Règlement se révèlent inopportunes et constituent une source d’insécurité pour l’opération de titrisation.
Le FCTC est le pivot du système de titrisation. Son objet exclusif est d’acquérir des créances détenues par les établissements de crédit . Le Règlement a préféré constituer le FCTC en copropriété , dépourvu de la personnalité morale . Ces deux caractéristiques sont indiscutablement source d’incertitudes juridiques. Tout en qualifiant le FCTC de copropriété, le Règlement précise que les règles « relatives à l’indivision et à la société en participation ne lui sont pas applicables ». Ainsi les porteurs de parts seront copropriétaires du fonds sans les prérogatives ni d’un indivisaire, ni d’un associé. Aussi la doctrine française a souligné la spécificité tant de l’objet que du contenu du droit des copropriétaires du fonds commun de créances (équivalent du FCTC) .
Et cette qualification de copropriété du FCTC avait amené certains auteurs à soulever des interrogations sur celui-ci , d’autres à le considérer comme « une structure originale qui au regard des classifications traditionnelles est considérée parfois comme une forme spéciale d’aménagement de la propriété collective » . En réalité, le système retenu pour le FCTC est empreint de l’influence anglo-saxonne du trust . En effet, le fonctionnement du FCTC s’apparente à celui du trust, à savoir une société de gestion et un dépositaire qui auront l’initiative (constituant) et le pouvoir de gestion (administrateur) du fonds dans l’intérêt des porteurs de parts . Cette transposition à travers le FCTC est-elle opportune ? Nous répondrons par la négative dans la mesure où l‘introduction du FCTC dans l’espace UEMOA se fait au prix de « contorsions » juridiques d’autant plus que d’autres dispositions ne sont pas venues apporter des réponses à ces incertitudes comme en France .
Afin d’éviter les incertitudes introduites par la consécration du FCTC, il aurait été plus simple et cohérent d’opter pour la mise en place d’une société de titrisation . Elle n’entraînerait pas un bouleversement puisqu’elle aurait eu la forme de société anonyme. Il s’agirait ensuite de régler la question de l’articulation de ses pouvoirs avec ceux de la société de gestion et du dépositaire. La titrisation pouvait être mise en œuvre sans recourir spécialement à la création du FCTC. Cette innovation n’était pas particulièrement nécessaire, vu les incertitudes en découlant dans le système juridique des pays de l’UEMOA.
Cette réflexion est valable aussi pour la possibilité de « titriser » les créances immobilisées douteuses ou litigieuses même si elle correspond à la pratique internationale . L’introduction de la titrisation dans l’espace UEMOA doit se faire par étape en acclimatant cette opération à l’environnement juridique et économique existant afin d’en favoriser le développement au fur et à mesure. Cette limitation ne peut pas être obtenue par l’acceptation de l’acquisition des parts d’un FCTC dont les actifs seraient constitués de créances de mauvaise qualité. En outre, le Règlement n’a pas restreint l’accès à ce type de créances. Une précaution qui a été prise à l’origine par le législateur français . Il est ainsi tout à fait légitime « de se demander si cette faculté ne pourrait pas être encadrée, compte tenu de certains abus constatés à l’occasion de la crise financière internationale » . La titrisation des créances immobilisées, douteuses et litigieuses est inopportune dans le contexte actuel pour les pays de l’UEMOA. A défaut d’y renoncer, le Règlement aurait dû veiller à restreindre les conditions d’acquisition de ces créances. Cette restriction aurait atténué les lacunes dont il est porteur.
Le Règlement offre un cadre légal pour la réalisation des opérations de titrisation dans la zone UEMOA. Son importance eu égard à ses enjeux et objectifs s’accommode mal de lacunes dans son contenu. Une telle situation serait source d’insécurité et rendrait moins attractif le régime de la titrisation. Or, la rédaction du Règlement est lacunaire dans un certain nombre de dispositions essentielles.
Les titres de créances comme les parts constituent les instruments financiers sur lesquels repose l’opération de titrisation. En outre, ils constituent une catégorie juridique nouvelle dans l’espace UEMOA. Dans ce cadre, le Règlement aurait dû consacrer des dispositions spécifiques précisant leur nature et leurs caractéristiques juridiques. Il se contente de déterminer leur régime juridique associé aux parts sans mettre en lumière leurs particularités. L’article 23 du Règlement fait état des « obligations ou des titres de créances » sans qu’une autre disposition ne permette de distinguer clairement les deux. Le nouvel AUSCGIE a ignoré cette difficulté. Il aurait dû permettre la résolution du problème par une rédaction de l’article 744 prenant en compte comme en droit français l’existence des FCTC .
De même l’article 24 du Règlement caractérise les droits des porteurs de parts et de titres de créances dans son 1, tout en consacrant son 2 aux obligations des porteurs de parts. Cette rédaction lacunaire ne donne pas des informations suffisantes aux investisseurs sauf à s’en référer au droit français avec l’article r.214-99-i du code monétaire et financier . Les titres de créances devraient voir leur nature juridique précisée pour pallier aux incertitudes pouvant les rendre moins attrayantes pour les investisseurs. Ces lacunes constituent des sources d’insécurité pour les investisseurs, d’autant plus que la titrisation rencontre des limites liées à l’environnement juridique dans l’espace UEMOA.
b- Les limites liées à l’environnement juridique de l’UEMOA :
L’environnement juridique de l’UEMOA est caractérisé par l’enchevêtrement des normes communautaires qui entraîne des difficultés et soulève des interrogations dans la mise en œuvre des opérations de titrisation.
Dans le cadre d’une opération de titrisation, les investisseurs seront rémunérés sur les créances recouvrées par le cédant. Ainsi ces sommes recouvrées permettent la rémunération des porteurs de parts et de titres de créances. Si le recouvrement est perturbé c’est toute l’opération de titrisation qui est mise à mal. Aussi les difficultés de recouvrement existant dans la zone UEMOA influeront sur les risques de la titrisation. Les pays de l’UEMOA étant membres de l’OHADA, les opérations de titrisation seront régies par l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et les voies d’exécution. En effet, le Règlement ne crée pas de procédures spécifiques de recouvrement des créances mais confie cette fonction à l’établissement de crédit cédant. Les difficultés de recouvrement des créances dans l’espace UEMOA tiennent aux textes juridiques et à la pratique judiciaire .
Les textes juridiques dans la recherche d’un équilibre entre le renforcement des droits du créancier et la protection du débiteur ont abouti à un formalisme excessif et à une inefficacité relative des procédures . Le formalisme excessif se manifeste par la fréquence des incidents de saisie soulevés par débiteur pour contrer l’exécution forcée du créancier. Quant à l’inefficacité des procédures, elle découle des moyens offerts au débiteur de bénéficier d’une saisie sans dépossession , de vendre à l’amiable son bien saisi et aux modes de signification des actes de procédure .
Il faut rajouter à ces difficultés celles concernant les saisies en matière immobilière. Elles sont liées au « formalisme rigoureux, encadré dans des délais précis » qui « rend complexe la procédure de saisie immobilière » et aux nombreux incidents pouvant être soulevés par les personnes désirant paralyser la procédure . Or, le Règlement UEMOA a été pensé, de plus, comme un instrument favorisant la mise en place d’un véritable marché hypothécaire dans la zone. Par conséquent, il est fort probable que le recouvrement portera aussi sur des créances immobilières. Ainsi ce recouvrement subira les obstacles de l’AURVE relatifs aux saisies immobilières.
Finalement, l’UEMOA aurait dû envisager des solutions alternatives au recouvrement des créances en matière de titrisation dans le Règlement . Car, ces difficultés rejailliront obligatoirement sur l’efficacité de la titrisation. En effet, les porteurs de parts et de titres de créances risquent de rendre les opérations plus onéreuses avec les retards dans le recouvrement. La titrisation « nécessite un assainissement de l’environnement juridique des affaires qui suppose un cadre juridique simple, moderne et sécurisé pour le recouvrement des créances dues aux entreprises » . La protection contre les risques l’opération se trouve atténuée si les débiteurs avec les possibilités offerte aux débiteurs par l’AURVE. L’application de l’acte uniforme sur les sûretés à la titrisation soulève aussi des difficultés.
Les FCTC vont acquérir des créances qui pourront être assorties de garanties et en particulier, de garanties hypothécaires. Ces garanties seront régies par l’acte uniforme portant organisation des sûretés. Ainsi la titrisation se verra appliquer les règles de l’OHADA relatives aux sûretés. L’articulation entre les règles de la titrisation peut être source de difficultés d’interprétation dans le choix de la disposition applicable. Certaines interrogations avaient été soulevées sur les formalités à respecter pour assurer le transfert des sûretés réelles accessoires des créances cédées. En effet, fallait-il procéder aux inscriptions requises par l’acte uniforme sur les sûretés pour assurer la validité des sûretés, et notamment celles nécessaires à la transmission des privilèges et hypothèques ?
De même, l’absence de personnalité morale du FCTC avait pu générer des incertitudes quant à la faculté du fonds de détenir des sûretés réelles dont la réalisation se traduit par le transfert de la possession ou de la propriété du bien grevé. Des réponses claires sont fournies par le Règlement. En effet, il prévoit à son article 17.8 une véritable technique de cession de créances simplifiée en dispensant le FCTC de la mise en œuvre du formalisme prévu à l’article 201 de l’AUS . Et l’article 17.9 de rajouter que « la réalisation ou la constitution des sûretés éventuellement attachées aux créances ainsi acquises confère au FCTC la faculté d’acquérir la possession ou la propriété des actifs qui en sont l’objet » . Sur ce point également, le régime applicable à la titrisation s’affranchit du droit commun. Tous les accessoires des créances cédées seront donc transmis par la seule remise du bordereau par souci d’efficacité et de simplicité. Ainsi, aucune inscription supplémentaire n’est requise pour l’opposabilité des sûretés réelles, aucune information n’est nécessaire pour rendre la cession opposable aux cautions.
Une autre interrogation a trait à la participation de l’agent de sûreté aux opérations de titrisation. En effet, « toute sûreté ou autre garantie de l’exécution d’une obligation peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée par une institution financière ou un établissement de crédit, national ou étranger, agissant, en son nom et en qualité d’agent des sûretés, au profit des créanciers de la ou des obligations garanties l’ayant désigné à cette fin » . L’AUS fait de l’agent des sûretés un recouvreur des créances . Le Règlement permet de confier le recouvrement de tout ou parties des créances à un autre gestionnaire, dès lors que le débiteur de la créance ainsi cédée en est informé par lettre recommandée ou par lettre remise en mains propres contre récépissé ou décharge écrite . Ainsi, le cédant peut confier à l’agent de sûreté la fonction de recouvrement des créances dans une opération de titrisation. Dans ce cas, quelles seraient les conséquences de la nullité de l’acte de désignation de l’agent des sûretés fixées par l’article 6 de l’AUS sur le recouvrement des créances dans l’opération de titrisation ?
De même, le cumul de fonction entre les statuts de cédant et d’agent des sûretés est possible. Il constituerait une source d’insécurité si en plus, cet établissement de crédit joue le rôle de dépositaire d’un FCTC.
Ces interrogations restent légitimes, et les réponses ne seront pas aisées du fait de l’enchevêtrement des normes. Mais la dimension contractuelle des rapports entre les différents intervenants à l’opération de titrisation devrait aider à trouver des solutions. Il faudra définir clairement les pouvoirs de chacun dans la convention liant les différents intervenants. La titrisation est un mécanisme assez complexe auquel il ne faut pas rajouter d’autres sources d’incertitudes. Celles-ci la rendraient moins attractive dans l’espace UEMOA.

CONCLUSION

L’UEMOA a mis en place un cadre juridique pour la réalisation des opérations de titrisation. Elle a choisi de cantonner la titrisation au financement du logement. Ainsi le législateur a fait le choix de son utilisation limitée à une activité déterminée. Cette prudence s’explique aisément par la complexité d’une telle opération et les risques qu’elle peut générer. En effet, sa mise en œuvre implique l’apparition de nouveaux acteurs sur le marché financier de l’UEMOA avec de nouvelles pratiques. Par conséquent, son élargissement à toutes les activités, paraît précipité. En outre, le marché financier de l’UEMOA est dans un processus de construction justifiant certaines précautions avec l’intervention du CREPMF. Néanmoins, le Règlement ouvre des perspectives pour les acteurs financiers de l’espace UEMOA. Et, l’adoption d’un Règlement sur les obligations sécurisées et la création de la caisse régionale de refinancement hypothécaire s’inscrivent dans ce sens. Cependant, la création d’un cadre juridique attractif pour la titrisation devra tenir compte des règles de l’OHADA afin de ne pas rajouter des risques inutiles à l’opération.


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Pour citer l'article :

Mouhamadou BOYE, « La titrisation dans l’espace UEMOA », Revue de l’ERSUMA :: Droit des affaires - Pratique Professionnelle, N° 4 - Septembre 2014, Doctrine.

URL: https://revue.ersuma.org/no-4-septembre-2014/doctrine/article/la-titrisation-dans-l-espace-uemoa


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