L’application de l’article 39 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution par le juge congolais

La République du Congo est l’un des ETATS membres de l’espace OHADA. A cet effet, tous les Actes Uniformes de l’OHADA s’appliquent directement sur le plan judiciaire et juridique. Plus précisément, l’Acte Uniforme du 10 Avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution inscrite dans le J .O. du 01 juin 1998 notamment son article 39 pose notion du délai de grâce que peuvent bénéficié les personnes physiques et les personnes morales en vue de faire échec à une exécution immédiate.

Ainsi, l’article 39 précité prévoit : « Le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d’une dette, même divisible. Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, la juridiction compétente peut, sauf pour les dettes d’aliments cambiaires, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite d’une année. Elle peut également décider que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital ».

Elle peut en outre subordonner ces mesures à l’accomplissement, par le débiteur, d’actes propres à faciliter ou garantir le paiement de la dette. »
Le sens que donne la doctrine communautaire sur le contenu de cette disposition ne souffre pas d’ambigüité. En clair, sauf pour les dettes d’aliments et cambiaires, le juge congolais peut, à l’instar du juge communautaire, accorder un délai ne dépassant pas 12 mois, soit une année.

Le juge doit mettre « sur la balance » et prendre en considération, les besoins du créancier et la situation du débiteur.

Le juge peut soit reporter la dette, soit échelonner le paiement dans la limite d’une année. Il peut aussi décider que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital .

Favorable au débiteur, le juge peut lui demander d’accomplir des actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de sa dette. Telle est la signification singulière de cette disposition communautaire .

A ce stade, on peut s’interroger sur l’interprétation du juge congolais de l’application de l’article 39 précité.

La détermination du juge compétent (A) conduira à analyser l’application de cette règle communautaire (B).

I- LA COMPETENCE DU JUGE

Au Congo, la détermination du juge n’a pas posé de difficultés. En effet, sur le plan formel ou de la détermination du juge compétent, le juge congolais, celui du civil ou celui du commerce est compétent s’il est saisi en application de l’article 39 de l’AUPSRVE.

Les juridictions congolaises ont fait une application rapide, rigoureuse et juste de la détermination du juge compétent.

Que sur ce point, le juge des référés commerciaux ou le juge civil statuant en matière des réfères qui ont été saisi dès l’application de l’article 39 précité. Le juge l’a réaffirmé dans la décision DOREY-IBRAHIM Contre Mme NANI et autres (rôle civil n°1218, répertoire n°564, Ordonnance du 21 octobre 2009) .

Par ailleurs, sur le mode de saisine du juge, le juge congolais n’a pas toujours fait application de la jurisprudence communautaire qui consiste à saisir la juridiction par assignation (Affaire BOUAKE, Ch. Civ. arrêt n°117 du 18 juillet 2001, B. C/B. et J.OHADA.com/OHADATA, J-03-200).
Très récemment, en 2012, saisi par voie de requête, le juge a déclaré irrecevable une requête parce qu’elle fut saisie par voie de requête (Voir Ordonnance du juge des référés dans l’affaire DINGA Contre MABIALI et autres, Ordonnance rendue par le juge des référés du 16 mars 2012, non publiée) ;

Curieusement dans de nombreuses ordonnances rendues (que nous analyserons infra) soit devant le Juge des référés civil ou commercial, les juridictions congolaises ont été dans la plupart des cas saisies par voie de requête alors que la saisine du juge doit se faire par voie d’assignation .

Y a-t-il des limites au pouvoir du juge congolais ? Oui, le juge n’a pas, à notre connaissance, été confronté à une demande de délai de grâce en matière de dettes d’aliments et des dettes cambiaires qui sont exclues de l’article 39 précité et ce, contrairement au juge communautaire (TGI de Ouagadougou, 14 janvier 2003, Ouédraogo C/Société Burkinabé de Financement, Ohada.com/Ohadata j-04-45).

Qu’en définitive, le juge congolais doit demeurer ferme, rigoureux et strict sur le respect des dispositions formelles de la détermination du juge comptent et du mode (type ou procédé) de sa saisine.

II- l’APPLICATION CONCRETE DE L’ARTICLE 39 SUR LE DELAI DE GRACE

L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées et des voies d’exécution, comme nous la savons, est entré en vigueur dès l’année 1998. Or, force est de constater que l’une des premières décisions du juge congolais dans l’application de cette disposition date de 2001. Cela traduit pour nous un tâtonnement et non une forme de non respect ou de « rébellion » du juge à appliquer ces nouvelles dispositions lorsque l’on sait que depuis 1983, ce sont les anciennes dispositions sur les saisies, héritées de la colonisation, contenues dans le Code de Procédure Civile, Commerciale, Administrative et Financière qui s’appliquaient avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l’OHADA.

L’application de l’article 39 de l’AU/RVE n’a pas été aisé au Congo. On notera qu’au fil des années, le juge a essayé tant bien que mal d’affiner sa jurisprudence pour qu’elle soit constante de nos jours.

A- La non application du juge congolais de l’article 39 de l’au/rve

Cette « rébellion » est consacrée dans son application dans une ordonnance rendue le 21 novembre 2001 par le Tribunal de Grande Instance de Pointe –Noire.

Dans son ordonnance, le juge a sur la base des dispositions de l’article 1244 du Code Civil accordé un délai de grâce de deux ans.

En effet, l’affaire a opposé Mr NDOMBI à la Caisse Congolaise d’amortissement en sigle le C.C.A. Monsieur NDOMBI était débiteur de la CCA, et le 19 juin 2001 fut sommé par la Caisse de rembourser sa dette. Qu’il a saisi le juge en arguant de son incapacité de se désengager immédiatement de son obligation de solder sa dette. Qu’il a prétendu, par ailleurs, qu’il était de bonne foi et voulait obtenir les délais de grâce conformément à l’article 1244 du Code Civil ;

Que le juge des référés lui a accordé un délai de 2 ans en motivant sa décision de la manière suivante : « Attendu que la demande du requérant parait justifiée aux regards de la loi, en ce sens que la conjoncture économique actuelle et les difficultés de trésorerie du requérant sont parfaitement motivées pour servir de support à l’octroi d’un délai de grâce, tel que sollicité par Monsieur NDOMBI ; »

Il appert de cette motivation et des circonstances de l’espèce que le juge des référés, alors que le droit communautaire s’applique au Congo, ne fait pas état de l’article 39 de l’AU/RVE, mais des dispositions de l’article 1244 du Code Civil.

En principe, le juge devrait faire application des dispositions du droit communautaire. C’est ce qui explique que l’on qualifia cette période de non application des dispositions communautaires de rébellion.

B- La juste application de l’article 39 de l’au/rve

Dans une série d’ordonnances rendues, soit un total de 5 décisions, allant de l’année 2003 à 2009, par le juge commercial ou civil, du Tribunal de Grande Instance ou du Tribunal de Commerce de Pointe-Noire, des Cours d’Appel, le juge congolais a accepté enfin l’application de l’article 39 de l’AURVE.

En effet, dans le juste respect des dispositions concernées il a accordé ou rejeté l’octroi d’un délai de un an (12 mois).

Nous apprécierons la juste application des dispositions de l’article 39 précité à la lumière des décisions de justice.

1- Arrêt commercial du 7 novembre 2003, affaire Sté Entirouille Contre Pharmacie de l’Océan :

L’arrêt rapporté est une illustration remarquable de l’application du droit communautaire de l’article 39 sur le délai de grâce. A cet égard, il présente l’intérêt et le mérite d’assigner les limites dans l’usage du délai de grâce accordé aux personnes. En l’occurrence, par jugement en date à Pointe Noire du 16 juillet 2003, le Tribunal de Commerce de Pointe Noire a constaté qu’une ordonnance rendue par le juge commercial le 4 septembre 2001 a accordé un délai de grâce de 12 mois à la Sté Entirouille et, constaté que le délai de garce a expiré ;
En effet, par sa requête du 6 juillet 2001, la Pharmacie Océan a attrait la société Entirouille devant le Tribunal de commerce en validation de saisie et sollicité la condamnation de la partie adverse à lui payer diverses sommes d’argent ;

Qu’en réponse, la société Entirouille reconnait être débitrice de la Pharmacie avec laquelle elle a établie un échéancier ; elle expose que malgré sa bonne foi, les difficultés économiques ont fait qu’elle n’a pas honoré ses engagements ;

Que nonobstant cela, le juge a rendu son ordonnance du 16 juillet 2003 qui constate l’octroi d’un délai de grâce de 12 mois et constaté que le délai avait expiré ;

Que la société Entirouille a relevé appel de cette décision ;
Statuant sur l’appel formé par la société Entirouille contre cette décision, au terme d’un arrêt soigneusement motivé, la Cour d’appel de Pointe –Noire a confirmé la décision rendue par les premiers juges en toutes ses dispositions.

Qu’elle a estimé que les difficultés financières dont Entirouille se prévaut fait constituent un prétexte pour justifier le non paiement de sa dette et la société ENTIROUILLE N’A PAS RESPECTE SES ENGAGEMENTS ; QUE LE JUGE VA UN PEU PLUS LOIN EN JUGEANT QUE LA SOCIETE ANTIROUILLE FUT RECLACITRANTE.
IL EST REGRETTABLE QUE LE JUGE DANS CETTE AFFAIRE AIT PRIS EN COMPTE A LA FOIS LES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 1244 DU CODE CIVIL ET DE L’ARTICLE 39 DE L’AU/RVE POUR MOTIVER SON ARRET.

2- De même, deux ans plus tard, dans la capitale congolaise notamment à Brazzaville, le juge a rendu une ordonnance en accordant un délai de grâce d’un an (douze mois) dans une affaire inédite : Société SARE du 17 janvier 2005, Audience des réfères, Tribunal de Grande Instance de Brazzaville.

Dans le cas d’espèce, la SARE a saisi le juge des réfères à l’effet de solliciter des délais de paiement conformément aux dispositions de l’article 39 de l’acte uniforme du 10 avril 1998 sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution.

Qu’elle allègue que depuis la fin de la guerre civile de 1997, elle est en proie à de sérieuses difficultés économiques due à la perturbation du trafic ferroviaire et, elle ne peut faire face à ses obligations contractuelles ;

Qu’elle met en avant des raisons économiques pour solliciter des délais de grâce ;

Que le juge des référés lui a accordé des délais de grâce aux motifs qu’il ne faut pas aggraver sa situation économique et assurer la sauvegarde des intérêts de ses créanciers.

Le délai de grâce fut accordé dans la limite d’une année ;

Il apparait que le juge congolais a attendu sept années pour faire une application rigoureuse de l’article 39 sur le délai de grâce et a expressément visé dans son dispositif l’article précité.

3- Dans la recherche de la clarification de sa jurisprudence, le juge n’a pas changé sa position. Il en fait une nouvelle illustration dans l’affaire Société GRACE Contre Divers créanciers, Tribunal de Commerce de Pointe –Noire, Ordonnance rôle commercial, 18 mai 2006, répertoire n°110 ;

Les faits : la société GRACE est une société ayant des activités dans le secteur du commerce général, l’importation et l’exportation des produits alimentaires et denrées de tout genre. Dans le cadre de ses activités commerciales, son groupe électrogène a été débranché lors d’une coupure de courant pendant une semaine. Tous les produits alimentaires d’une valeur de 400.000.000 F Cfa se sont retrouvés avariés causant une perte pour elle et ses clients. Ayant déjà réglé la somme de 339.000.000 F CFA à ses créanciers, il lui reste la somme de 545.920.633 F CFA.

C’est pourquoi, elle sollicite un délai de grâce d’une année sur le fondement des articles 1244 du Code Civil et 39 de l’acte uniforme précité.

Le Tribunal a rendu une ordonnance selon le dispositif qui suit : « …Constatons que la société GRACE a remboursé les dettes dues à ses divers créanciers pour plus de la moitié des sommes…Accordons à la société GRACE un délai de paiement d’une année pour le paiement de ses dettes…Ordonnons le sursis à exécution de toutes les poursuites… »

Que la motivation du juge était la suivante : la société a payé plus de la moitié de sa dette, sa bonne foi est manifeste nonobstant la volonté des créanciers de rentrer dans leurs droits,

L’arrêt GRACE rendu par le Tribunal de Commerce de Pointe –Noire le 18 mai 2006 est important et présente un intérêt pratique. En ce sens qu’il donne la possibilité à un débiteur d’obtenir un délai de grâce dans le respect des dispositions des articles 39 et suivants de l’OHADA.
Par ailleurs, la recherche de construction de sa jurisprudence a poussé le juge à rendre des ordonnances qui sont parfois critiquable malgré l’application de l’article 39 de l’AU/RVE. En claire, le juge congolais a rendue une ordonnance « légère » dans l’application de cette disposition parce que les créanciers n’ont pas comparu et qu’il n’ pas tenu compte de la situation des créanciers.

1-Affaire JO CARRAT/Dame MILELE et autres, rôle commercial 218, répertoire, n° 223, du 06 décembre 2007 ;

Les faits, arguments et dispositif de l’ordonnance : Attendu que par requête en date du 22 octobre 2007 Monsieur JO CARRAT a saisi le juge des référés aux fins d’obtention de délai de grâce d’un an (12 mois). Armateur de deux navires de pèches donnés en gestion suivant un contrat d’affrètement à une société de la place, dans la ville de Pointe -Noire. Qu’il avait entretenu des relations d’affaires avec des personnes qui l’ont abandonné par la suite. Que ses activités et celles des navires ont connu des difficultés (arrêt des activités).

Que cela lui a entrainé de se retrouver en surendettement ; qu’il s’est retrouvé avec des dettes à payer.

Que le juge lui a accordé un délai de grâce de 12 mois au motif pris de ce qu’il excipa « …des difficultés économiques dues à un surendettement. »

Que ceci, sans que le juge ait obtenu la situation économique des créanciers, c’est pourquoi, nous estimons la légèreté du juge congolais dans l’application de l’article 39 de L’AUPSRVE précité dans cette affaire.
Le juge congolais n’a pas toujours accordé, dans la juste application de l’article 39 de l’AUPSRVE, des délais de grâce. En effet, le juge a rejeté une demande dans ce sens.

En effet, dans une ordonnance en date du 24 Décembre 2009, Affaire AKOUALA Contre Divers créanciers, il nous offre une illustration certaine.

Dans cette décision, Dame AKOUALA opposée à ses créanciers a vu sa demande de délai de grâce rejetée par le juge conformément à l’article 39 de L’AUPSRVE portant organisation des procédures simplifiées et des voies d’exécution au motif que Dame AKOUALA ne rapporte pas la preuve de sa situation financière ;

Qu’elle n’a pas versé aux débats aucune pièce permettant d’analyser sa situation financière ;

Qu’en outre, elle n’a pas accompli des actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de ses créances, en conformité à l’article 39 de l’Acte Uniforme ;

Que dans ces conditions, il est difficile d’apprécier sa situation financière, sa capacité à réorganiser sa solvabilité et à désintéresser ses créanciers ;

Qu’elle ne fait pas de propositions sérieuses et précises.
Le raisonnement du juge me semble logique puisqu’il prend pour appliquer la règle de droit non pas seulement la volonté d’un quelconque requérant mais aussi leurs situations économiques respectives dans l’application stricte de l’article 39.

Au fil de la lecture des ordonnances rendues depuis 2001 jusqu’en 2009, nous avons pu comprendre que c’est à partir de l’année 2009 que l’on peut affirmer que le juge congolais a fait asseoir sa jurisprudence en matière de délai de grâce.

En effet, les ordonnances rendues les 26 octobre et 02 novembre 2009 nous offrent l’occasion de faire une synthèse sur l’affirmation de la maturité du juge dans l’interprétation de l’article 39 de l’AUPSRVE.
D’une part, dans la première ordonnance du 26 octobre 2009 concerne l’affaire Ets FLOGI C/SOCOFIN :

Que par requête en date du 2 juin 2009, les Ets FLOGI ont saisi le juge aux fins d’obtention d’un délai de grâce ; qu’ils étaient à l’origine débiteurs à l’égard de la Société Congolaise de financement (SOCOFIN) d’un montant de 77.108.346 F CFA relatif à un bail contracté auprès de cette dernière. Qu’un protocole avait été conclu pour le respect des engagements de la partie débitrice.

Que les Ets FLOGI opérant dans la vente et la distribution de boisson a connu des difficultés en raison de l’arrêt de la production de la Brasseries du Congo (BRASCO) ;

Qu’ils sollicitent l’octroi d’un délai de grâce à l’effet de mieux s’organiser à éteindre sa dette sur une durée de 12 mois. Que la SOCOFIN fait valoir au juge des référés que les ennuis financiers des Ets FLOGI sont dus à la panne de leur véhicule de transport qui se trouva être abandonné dans une station de lavage de la ville de Pointe-Noire. Cette information fut obtenue auprès de la compagnie d’assurance Gras Savoye.

Or, le juge ne fit pas droit à la demande des ETS FLOGI pour le simple fait que la raison invoquée par elle pour obtenir le délai de grâce n’est pas fondée dans la mesure où la Brasseries du Congo avait arrêtée sa production que pour deux semaines et non pour des mois ; Que le stock adéquat a été prévu pour éviter tout désagréments aux consommateurs. Que le juge congolais a refusé, à bon droit, d’accorder la mesure sollicitée par les Etablissements FLOGI.

Qu’il ne suffit pas de solliciter des délais de grâce, mais encore qu’il faut présenter un dossier consistant (avec tous éléments économiques de la personne physique ou morale) devant le juge afin de convaincre le juge du bien fondé de sa demande.

C’est l’affirmation également Mr Sorel KUETE TAMEGHE : « …le débiteur ne saurait se prévaloir d’un droit au délai de grâce, il n’est plus discuté que le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation de la demande porté à sa connaissance. »

D’autre part, la seconde décision est l’Arrêt du 2 novembre 2009, rôle commercial n° 093, répertoire N°221 opposant la Société BENE CONFECTION INDUSTRIELLE à la Banque Commerciale Internationale (B.C.I.).

L’ordonnance rendue par le Tribunal de Commerce de Pointe – Noire s’avère particulièrement sévère à l’encontre de la débitrice qui sollicita un délai de paiement.

En effet, par une requête en date du 13 mai 2009, la BENE CONFECTION a saisi le juge des référés aux fins d’obtention d’un délai de grâce. Elle expose qu’elle est un établissement de couture, spécialisé dans la confection industrielle des vêtements de travail ;
Que dans le cadre de son objet et pour les besoins de fonctionnement, elle s’est vue dans l’obligation de solliciter une ligne de crédit auprès de la BCI. Elle a bénéficié d’un crédit de 20.000.000 F CFA. Qu’elle s’est trouvé en difficultés afin de rembourser sa dette et, la BCI a initié une procédure de saisie conservatoire de ses biens meubles corporels.
Dans une ordonnance rendue le 2 novembre 2009, le juge a rejeté la demande présentée par la BENE Confection industrielle aux motifs qu’elle n’a pas produit des éléments de nature à justifier ses difficultés économiques ; qu’il incombe à celui qui allègue un fait d’en rapporter la preuve. Ce qui n’a pas été fait la société BENE Confection.

En outre, elle n’a pas proposé un échéancier pour s’acquitter de sa dette envers la Banque Commerciale Internationale ;

Que dans ces conditions, le juge a rejeté sa demande d’obtention de délai de grâce.

Il ressort de la lecture de cette ordonnance que le juge congolais a fait une application pragmatique des textes de loi (article 39 précité).
Cette décision s’inscrit dans un courant jurisprudentiel constant exigeant l’application rigoureuse des dispositions des articles 39 de l’Acte Uniforme OHADA sur l’obtention des délais de grâce. Que le juge a pris en considération la situation tant du débiteur que du créancier avant de statuer, ce qu’il n’avait pas souvent eu l’occasion au début des années 2000.

Par ailleurs, le juge n’a pas seulement accordé un délai de douze mois. Il lui déjà arrivé, en 2008 et 2009, de réduire le délai légal.

C- Application rigoureuse de l’article 39 de l’au/rve

Nous analyserons ici, deux arrêts afin de conforter notre argumentation du caractère rigoureux de l’appréciation du juge congolais dans l’application de l’article 39 précité.

La première illustration de l’application rigoureuse de l’article 39 précité sera donnée par l’affaire DIEUVEUT/UNEPCO, rôle commercial n°169, répertoire n°157 du 16 octobre 2008.

Par requête en date du 19 septembre 2008, M. DIEUVEUT sollicita un délai de grâce, sans préciser la durée. Il est débiteur de l’UNEPCO à hauteur de la somme de 5.200.000 F CFA. Il a, en outre, « hypothéqué » la parcelle se son père.

Qu’il a amorcé le remboursement de la dette en procédant à un versement d’un montant de 1.000.000 F CFA ;

Que compte tenu des pièces du dossier, le juge lui a accordé dans son ordonnance un délai de grâce de 5 mois pour le paiement de sa dette.
En l’absence du créancier, l’UNEPCO, ses besoins n’ont pu être considérés. Eu égard à la situation financière du débiteur et à l’existence d’une hypothèque garantissant le paiement de la dette et au délai sollicité, le juge a considéré qu’il convient de faire droit à la demande du requérant et en conséquence lui accorder un délai de grâce de cinq mois.

On peut déduire que c’est la bonne foi de Monsieur DIEUVEUT (et non une volonté divine) qui a poussé le juge à réduire le délai de grâce de 5 mois.

De même, le juge a pu également faire application de la faculté que lui donne la loi de réduire la durée sollicitée.

Dans une ordonnance du 27 octobre 2010, RC n°1143, Répertoire n°749, Affaire ANFE Contre la B.C.I., le juge a rendu une décision rigoureuse et intéressante sur le plan du droit, à mon sens.
En effet, en octobre 2010, Monsieur ANFE a saisi le juge des réfères afin d’obtenir un délai de grâce pour une période de 12 mois ; Qu’a l’appui de sa demande, il a demandé et obtenu un prêt important auprès de la BCI.

Que connaissant des difficultés énormes, il n’a pas pu honorer ses engagements.

La banque a pratiqué une saisie immobilière sur le bien que Monsieur ANFE à hypothéquer au bénéfice de sa créance. Monsieur ANFE a pu effectuer deux versements de sommes importantes, c’est pour cela qu’il sollicite un délai de grâce.

La banque, en réponse, souleva à juste titre sur le fondement des dispositions des articles 39 de l’Acte Uniforme OHADA sur les procédures simplifiées l’irrecevabilité de la demande de Monsieur ANFE au motif que sa dette est par nature cambiaire.

Attendu selon le juge, la dette de Monsieur ANFE découle d’une convention portant prêt immobilier assorti d’une affectation hypothécaire ; et non d’une lettre de change, traite, billet à ordre, chèque et warrant ;

Que c’est en raison de certains de ses investissements à l’Etranger que Monsieur ANFE rencontra d’énormes difficultés.

Qu’au vu des pièces du dossier, in fine, le juge lui a accordé un délai de grâce de six mois.

En définitive, le Congo à l’image des autres pays Membres de l’espace OHADA, applique et rend des décisions qui sont évoquées assez rarement dans les manuels de jurisprudence OHADA .

L’analyse de la jurisprudence du juge congolais est satisfaisante à bien des égards.

Elle illustre une évolution de l’application de l’article 39 de l’AUPSRVE.
L’appréciation juste, rigoureuse et pragmatique du juge congolais apparait comme la réponse à la non application au Congo du droit OHADA sur le point précis de l’octroi ou non des délais de grâce. Ces analyses ont un intérêt pratique car depuis plus d’une décennie, le juge congolais à l’image du juge communautaire, a abandonné l’application de l’article 1244 du Code Civil. Nous l’exhortons d’inscrire dans le visa de ses ordonnances la mention claire et nette des dispositions de l’article 39 précité.

Qu’une prise en compte de la situation du créancier et du débiteur, des moyens prévus pour l’aménagement de la dette se fasse également dans l’application de ces dispositions. Ce sont des éléments de la protection des entreprises.

Il ressort de l’analyse des ordonnances rendues par le juge congolais, en excluant la jurisprudence de la CCJA, les ordonnances rendues sont conformes ou vont dans le sens des décisions rendues par les juridictions des autres pays membres de l’OHADA.

Très brièvement, les juges des autres pays membres de l’OHADA ont abordé les points de droit suivants : la bonne foi du débiteur, la situation difficile du débiteur et des mesures et garanties suffisantes décidées par le juge. Les points relatifs aux exceptions au délai de grâce (dettes cambiaires et créances alimentaires), les effets du délai de grâce et les voies de recours sont absentes des ordonnances rendues par le juge congolais .

Qu’il reste encore, au juge congolais, un chemin à faire dans l’application des dispositions communautaires.