LA SANCTION PENALE DU NON RESPECT DES FORMALITES RELATIVES AU RCCM DANS L’ESPACE OHADA : LE CAS DU CAMEROUN

RESUME

Conformément à la logique qu’il s’est fixée dans l’article 5 alinéa 2 du traité, le législateur OHADA a dégagé dans l’article 69 de l’Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général (AUDCG) un certain nombre d’infractions susceptibles d’être retenues à l’encontre des assujettis à l’obligation d’immatriculation ou de déclaration d’activité au RCCM, tout en laissant le soin à chaque législateur national d’en fixer les peines pour son pays. Cet éclatement de la compétence législative pénale engendre beaucoup de difficultés d’application, surtout lorsque le législateur national traîne un peu le pas, ou encore lorsqu’il n’est pas exhaustif dans l’affectation des peines aux infractions préalablement définies.

Le législateur camerounais, à l’instar de son homologue sénégalais, a reçu favorablement le témoin qui lui a été passé par le législateur OHADA en adoptant la loi n° 2003/008 du 10 juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans certains Actes Uniformes OHADA. Ce texte reste cependant silencieux quant à la sanction du non respect de l’obligation d’immatriculation et de déclaration d’activité au RCCM. Pour combler ce vide juridique et permettre ainsi au juge d’éviter le déni de justice, il faut procéder à la difficile opération d’exploration des lois pénales nationales pour identifier les peines applicables. Les sanctions appropriées sont celles prévues par le décret du 17 février 1930, modifié par la loi du 15 avril 1954, rendant applicable dans l’ex-Cameroun oriental, la loi française du 18 mars 1919 sur le registre du commerce.

Abstract

In accordance with the logic set in Article 5 paragraph 2 of the Treaty, the OHADA legislator identified in Article 69 of the Uniform Act on General Commercial Law a number of offences likely to be retained against persons subject to the requirement of registration or declaration of activity to Trade and Personal Property Credit Register (TPPCR) and at the same time, he left to each national legislator the task to determine penalties for his country. This split of criminal legislative competence creates many difficulties in applying the law, especially when the national legislator is not fast in adopting new laws, or also when he is not exhaustive in the assignment of penalties for offences defined in advance.

The Cameroonian legislator, like his Senegalese counterpart, favourably welcomed the opportunity that was offered to him by the OHADA legislator by enacting Law No. 2003/008 of 10th July 2003 on the repression of offences in some OHADA Uniform Acts. However, this text remains silent on the penalty for failure to comply with the requirement of registration and declaration of activity to the TPPCR. In order to fill this gap in the law and thus enable the judge to prevent miscarriage of justice, we need to proceed by the difficult task of studying national criminal laws to identify applicable penalties. The penalties are those provided by the decree of 17th February 1930, modify by the law of 15th April 1954, rendering applicable in eastern Cameroon, the French law of 18th March 1919 relating to the trade register.

INTRODUCTION

La juste et complète information sur les partenaires économiques apparaît aujourd’hui comme une condition majeure du bon développement des affaires dans une économie de marché. Tel n’a pourtant pas toujours été le cas. Pendant longtemps, le secret des affaires était considéré comme le prolongement du secret de la vie privée. Les clients et les fournisseurs désirant se renseigner sur la solvabilité de leur cocontractant commerçant devaient exiger de lui les informations nécessaires, ce qui n’était pas toujours facile, le chef d’entreprise estimant alors qu’il était seul responsable de la gestion de ses affaires et qu’il n’était par conséquent tenu de donner des informations ou des explications à personne, tant qu’il était en mesure d’exécuter ses obligations .

Le problème s’est posé différemment dans les sociétés commerciales où l’obligation d’information était et reste encore une nécessité dans certaines situations . De même, dans les entreprises individuelles, le principe du secret a été fortement récusé lorsque les salariés ne sont pas informés de l’évolution d’une entreprise à laquelle leur destin économique est lié . Ces différentes raisons ont été à l’origine de l’institution de la publicité légale , dont le pôle principal en OHADA réside dans l’institution du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) .
L’information légale contenue dans le registre du commerce constitue un rouage essentiel de la vie économique. Une telle conception n’a pas toujours prévalu. En effet, le registre du commerce issu de la loi française du 18 mars 1919 tel qu’introduit dans les législations africaines était un simple répertoire de renseignements donnés sur les commerçants et ne jouait pratiquement aucun rôle juridique. Il s’agissait alors d’une sorte de « bottin » , d’un répertoire administratif fournissant la liste des commerçants ainsi que quelques renseignements sur leur état et leur capacité, mais dépourvu de tout effet civil . C’est pourquoi cette institution a connu en France des réformes successives en vue de renforcer son rôle, à partir de l’important décret du 9 août 1953. Ce dernier texte n’avait pourtant pas été rendu applicable outre mer, ce qui a incité certains Etats africains à opérer également des réformes en la matière .

Les dispositions de l’Acte uniforme OHADA portant Droit Commercial Général (AUDCG) relatives au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) opèrent une refonte détaillée des législations existantes dans les Etats parties. Le registre garde son objectif traditionnel de répertoire de renseignements donnés sur les commerçants personnes physiques et morales à travers la procédure d’immatriculation. En même temps, l’Acte uniforme innove en l’érigeant en un instrument de renforcement de la sécurité du crédit et des transactions . A cet effet, le registre reçoit dorénavant l’inscription des sûretés mobilières énumérées à l’article 35, alinéas 6, 7 et 8 de l’AUDCG, d’où la rénovation de son appellation .
D’une manière générale, l’immatriculation est l’action d’inscrire sur un registre, sous un numéro d’ordre, le nom d’une personne ou d’une chose en vue de l’identifier à des fins diverses. Plus spécialement, l’immatriculation au RCCM est la procédure au terme de laquelle une personne commerçante (personne physique ou personne morale) se fait inscrire sur un registre conçu à cet effet en vue de se faire reconnaître la qualité de commerçant ou d’acquérir la personnalité morale . A côté de l’obligation d’immatriculation, l’AUDCG, adopté le 15 décembre 2010 à Lomé, a soumis à un régime de déclaration d’activité au RCCM, la catégorie d’entrepreneur individuel, dénommée « entreprenant », qu’il a créée .

Le statut des assujettis à l’obligation d’immatriculation ou de déclaration d’activité au RCCM a été considérablement libéralisé par le législateur communautaire. En effet, si les commerçants personnes physiques ou morales demeurent les assujettis naturels à cette obligation, force est de reconnaître son extension à des acteurs économiques n’ayant pas nécessairement la qualité de commerçant . Cet état de choses a fait dire que le registre du commerce dans l’espace OHADA est devenu le registre des professions, des acteurs, des professionnels et des activités économiques . Dans tous les cas, les commerçants en particulier ont intérêt à procéder à cette formalité s’ils veulent bénéficier des avantages attachés à leur statut .
L’immatriculation ou la déclaration d’activité au RCCM présente trois principaux caractères : elle est personnelle, unitaire, et obligatoire. En vertu de ce dernier caractère, l’assujetti réticent peut être contraint de faire procéder à la formalité en cause. L’article 68 de l’AUDCG a prévu à son encontre la procédure d’injonction d’immatriculation ou de déclaration d’activité . Si l’assujetti n’obtempère pas et n’exécute donc pas la décision d’injonction, il peut être sanctionné aussi bien sur le plan civil que pénal.

Plusieurs sanctions civiles sont prévues. L’article 60 de l’AUDCG dispose à cet effet que :
« Toute personne physique assujettie à l’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier qui n’a pas demandé celle-ci dans les délais prévus, ne peut se prévaloir, jusqu’à son immatriculation, de la qualité de commerçant lorsque son immatriculation est requise en cette qualité.
Toute personne morale assujettie à l’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier qui n’a pas demandé celle-ci dans les délais prévus, ne peut se prévaloir de la personnalité juridique jusqu’à son immatriculation.
Toutefois, elle ne peut invoquer son défaut d’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier pour se soustraire aux responsabilités et aux obligations inhérentes à cette qualité ».

Cet article est corroboré par l’article 98 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et aux groupements d’intérêt économique qui subordonne l’acquisition par les sociétés commerciales de la personnalité juridique à l’accomplissement de la formalité d’immatriculation au RCCM . Il en est de même de l’article 61de l’AUDCG qui sanctionne le défaut de mention de certains actes au RCCM par l’inopposabilité de ces actes aux tiers.

Les personnes physiques ayant le statut d’entreprenants ne peuvent se prévaloir dudit statut que si elles satisfont aux obligations déclaratives d’activité prévues aux articles 62 à 64 de l’AUDCG .

Les sanctions pénales sont, comme à l’accoutumé, plus contraignantes. A cet effet, fidèle à la logique qu’il s’est lui-même imposée à l’article 5 alinéa 2 du traité , le législateur OHADA a décrit un certain nombre d’infractions relatives au non respect de l’obligation d’immatriculation ou de déclaration d’activité, tout en laissant le soin à chaque Etat partie d’en fixer les peines.

Le législateur camerounais, à l’instar de son homologue sénégalais, a reçu favorablement le témoin qui lui a été passé par le législateur OHADA en adoptant la loi n° 2003/008 du 10 juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans certains Actes Uniformes OHADA. Si ce dernier texte a affecté des sanctions à la plupart des infractions définies par les différents Actes Uniformes, il reste cependant silencieux quant à la sanction du non respect de l’obligation d’immatriculation et de celle de la déclaration d’activité au RCCM. Pour combler ce vide juridique et permettre ainsi au juge d’éviter le déni de justice, il faut procéder à la difficile opération d’exploration des lois pénales nationales pour identifier les peines applicables.

C’est dire que si la clarté de la définition de ces infractions par le législateur OHADA ne souffre d’aucun doute (I), force est de constater qu’il n’a pas toujours été suivi dans son élan par les législateurs nationaux. L’exemple du Cameroun témoigne en effet des difficultés relatives à la détermination des peines applicables (II).

I. LA CLAIRE DEFINITION DES INFRACTIONS RELATIVES AU NON RESPECT DES FORMALITES RELATIVES AU RCCM

Le législateur OHADA a, dans l’article 69 de l’AUDCG, clairement défini les infractions relatives au non respect des formalités prescrites. Cet article dispose que :
« Toute personne tenue d’accomplir une des formalités prescrites au présent Acte uniforme, et qui s’en est abstenue, ou encore qui a effectué une formalité par fraude, est punie des peines prévues par la loi pénale nationale, ou le cas échéant par la loi pénale spéciale prise par l’Etat partie en application du présent Acte Uniforme.
S’il y a lieu, la juridiction qui prononce la condamnation ordonne la rectification des mentions et transcriptions inexactes ».

Il s’agit, en ce qui concerne les formalités relatives au RCCM, de l’obligation d’immatriculation pour les commerçants, et de celle de la déclaration d’activité pour les entreprenants.

Les infractions susceptibles d’être relevées à la charge de l’assujetti délinquant peuvent être regroupées en deux grandes catégories : les infractions d’omission et celles de commission.

Les infractions de commission consistent en des actes positifs perpétrés par l’assujetti avec l’intention d’enfreindre la législation sur l’immatriculation ou la déclaration d’activité au registre de commerce. Il s’agit de la fraude qui peut prendre plusieurs formes. C’est le cas des déclarations inexactes ou incomplètes effectuées lors de l’inscription ou de la déclaration d’activité initiale, des inscriptions ou déclarations subséquentes, de la radiation ou de la déclaration de cessation d’activité, ou encore des inscriptions ou déclarations effectuées sur la base des fausses pièces . Pour que la responsabilité pénale de la personne mise en cause soit engagée, la preuve de la mauvaise foi doit être rapportée par l’accusation. C’est ainsi qu’en matière de sûretés mobilières, l’article 65 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, adopté le 15 décembre 2010 à Lomé, prévoit que :
« Toute inscription de sûreté mobilière, effectuée par fraude, ou portant des indications inexactes données de mauvaise foi, est punie des peines prévues par la loi pénale nationale.
La juridiction compétente, ou l’autorité compétente dans l’Etat partie, en prononçant la condamnation, peut ordonner la rectification de la mention inexacte dans les termes qu’elle détermine ».

En d’autres termes, celui qui est poursuivi, doit avoir agi en connaissance de cause .

Les infractions d’omission consistent au fait, pour les personnes physiques assujetties à l’obligation d’immatriculation ou de déclaration d’activité au RCCM, de s’en être abstenues aussi bien en ce qui concerne l’obligation d’inscription ou de déclaration d’activité initiale (A) que celle des inscriptions ou de déclarations ultérieures (B).
A. LE DEFAUT D’INSCRIPTIONS OU DE DECLARATIONS D’ACTIVITE INITIALE

Alors que l’obligation d’immatriculation concerne les personnes aussi bien physiques que morales, celle de déclaration d’activité ne s’applique qu’aux seules personnes physiques ayant la qualité d’entreprenants.

S’agissant des personnes physiques, l’article 44 alinéa 1er de l’AUDCG dispose que « Toute personne physique dont l’immatriculation est requise par la loi doit, dans le premier mois de l’exercice de son activité, demander au greffe de la juridiction compétente ou à l’organe compétent dans l’Etat partie, dans le ressort de laquelle son activité se déroule, son immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ». Il s’agit donc des personnes physiques ayant la qualité de commerçant au sens de l’article 2 de l’AUDCG . C’est dire que la qualité de commerçant est déterminante pour l’obligation d’immatriculation des personnes physiques au RCCM dans l’espace OHADA. Il ne pouvait d’ailleurs en être autrement, quand on sait que l’immatriculation leur permet de se procurer la preuve cette qualité .

De plus, pour marquer la rupture avec la législation jusque là applicable dans la plupart des Etats, l’Acte Uniforme a étendu l’obligation d’immatriculation à deux catégories spécifiques de commerçants : le locataire gérant et l’agent commercial . De même, on s’accorde aujourd’hui en doctrine, en vertu de la théorie de l’anticipation, à admettre l’extension de l’obligation d’immatriculation à une personne physique qui n’est pas encore commerçante . C’est le cas de l’acquéreur d’un fonds de commerce qui n’exerce pas encore une activité commerciale .

Dans tous les cas, ces personnes doivent requérir leur immatriculation dans le premier mois d’exploitation de leur commerce, faute de quoi elles sont susceptibles d’être poursuivies pour défaut d’immatriculation.

Aux personnes physiques auxquelles l’AUDCG a attribué le statut d’entreprenants, elles ont l’obligation de déclaration d’activité au RCCM . Contrairement à l’immatriculation qui doit être faite dans le mois du début des activités commerciales, l’entreprenant doit au préalable déclarer son activité. Il ne peut commencer l’exercice de ladite activité qu’après réception du numéro de déclaration d’activité . Le non respect de ces formalités expose l’entreprenant aux sanctions pénales.

S’agissant des personnes morales, leur obligation d’immatriculation découle des dispositions de l’article 46 alinéa 1er de l’AUDCG en vertu desquelles « Les personnes morales soumises par des dispositions légales à l’immatriculation, doivent demander leur immatriculation dans le mois de leur constitution, auprès du greffe de la juridiction compétente ou de l’organe compétent dans l’Etat partie dans le ressort duquel est situé leur siège social ou leur principal établissement ».

Les personnes morales visées ici sont d’abord et avant tout les sociétés commerciales, c’est-à-dire les structures énumérées à l’article 6 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, à savoir la société en non collectif (SNC), la société en commandite simple (SCS), la société à responsabilité limitée (SARL) et la société anonyme (SA) . Les personnes morales visées sont ensuite les groupements d’intérêt économique , dont la particularité est de ne pas être commerciaux par la forme. Le groupement d’intérêt économique ne devient commercial en effet que lorsque son activité est commerciale . L’exigence de son immatriculation au RCCM est nouvelle dans la plupart des Etats parties. Il s’agit aussi des sociétés commerciales dans lesquelles un Etat ou une personne morale de droit public est associé . Enfin, on pourrait citer les succursales de personnes physiques ou morales dont le siège de l’activité est situé à l’étranger, et qui doivent se faire immatriculer sur le territoire de l’Etat partie conformément à l’article 48 alinéa 1er de l’AUDCG, ou encore les sociétés civiles lorsqu’une disposition du droit interne consacrerait l’extension à leur encontre de l’obligation d’immatriculation au RCCM .
Toutes les personnes morales assujetties à l’obligation d’immatriculation au RCCM doivent requérir cette immatriculation dans le mois de leur constitution, ou celui de la création d’une succursale ou d’un établissement sur le territoire de l’un des Etats parties en ce qui concerne les entreprises étrangères, faute de quoi elles sont susceptibles d’être poursuivies pour défaut d’immatriculation au RCCM.

On peut assimiler au défaut d’inscription ou de déclaration d’activité initiale le fait pour une personne inscrite ou déclarée au RCCM, de ne pas indiquer sur ses factures, bons de commande, tarifs, documents commerciaux ainsi que toutes ses correspondances, son numéro et son lieu d’immatriculation. L’indication du numéro et du lieu d’immatriculation ou de déclaration d’activité peut être considérée comme le prolongement et la matérialisation sur les documents de travail de l’effectivité de l’inscription ou de la déclaration initiale . Par contre, la non indication sur les documents commerciaux du numéro et du lieu d’immatriculation ou de déclaration peut être considérée comme une présomption de commission du délit du défaut d’inscription ou de déclaration d’activité initiale.

En matière civile, la procédure d’injonction d’immatriculation pourrait survenir notamment lorsqu’une juridiction est saisie d’une instance mettant en cause une personne non inscrite ou non déclarée au registre, et rend une décision impliquant la qualité de commerçant ou d’entreprenant de cette personne .

En matière pénale par contre, la juridiction compétente pourrait être saisie suite à une dénonciation, une citation directe, une plainte simple ou avec constitution de partie civile .

Dans tous les cas, de telles procédures devraient être fréquentes de nos jours face à l’émergence du commerce dit informel, et la nécessité pour les pouvoirs publics de mettre de l’ordre dans ce secteur, pour qu’il puisse participer au développement économique du pays. La pratique est cependant toute autre , même en ce qui concerne les inscriptions ultérieures.

B. LE DEFAUT D’INSCRIPTIONS OU DE DECLARATIONS D’ACTIVITES ULTERIEURES

Le RCCM est une source dynamique d’informations qui doit être actualisée constamment à la faveur de la survenance de circonstances nouvelles. C’est dans ce cas qu’il est exigé à l’assujetti de procéder à certaines inscriptions ou déclarations ultérieurement à l’immatriculation ou à la déclaration d’activité initiale. Le non respect de cette exigence, qui est sanctionné sur le plan civil par l’inopposabilité de ces mentions aux tiers de bonne foi , se décline en matière pénale en deux catégories d’infractions : le défaut d’inscriptions ou de déclarations d’activités subséquentes (1) et le défaut de radiation ou de déclaration de cessation d’activité (2).

1. Le défaut d’inscriptions ou de déclarations d’activités subséquentes

Les inscriptions ou déclarations d’activités subséquentes à l’obligation d’immatriculation ou de déclaration initiale ont trait aux inscriptions et déclarations modificatives et complémentaires d’une part, et à l’obligation d’immatriculation secondaire d’autre part.

Il y a exigence de l’inscription ou de la déclaration modificative et complémentaire lorsqu’après l’immatriculation ou la déclaration initiale, la situation de l’assujetti subit ultérieurement des modifications qui exigent la rectification ou le complément des énonciations portées au RCCM. La personne intéressée doit soumettre une demande de mention ou de déclaration rectificative ou complémentaire, faute de quoi elle peut être poursuivie pour défaut d’inscription ou de déclaration au registre. Ces modifications ou compléments d’informations peuvent, s’agissant de l’assujetti personne physique, concerner aussi bien son état civil que son activité , le changement d’activité ou le lieu de son exercice . En ce qui concerne l’assujetti personne morale, les inscriptions subséquentes concernent principalement ses statuts .

L’obligation d’immatriculation secondaire figure quant à elle dans l’article 53 alinéa 1er de l’AUDCG en vertu duquel « toute personne physique ou morale assujettie à l’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier est tenue, si elle exerce son activité à titre secondaire dans le ressort d’autres juridictions, de souscrire une déclaration d’immatriculation secondaire dans le délai d’un mois à compter du début de l’exploitation ».

Comme on peut le constater, ce dernier texte n’envisage expressément que l’immatriculation des établissements secondaires et des succursales . En effet, il est de principe que l’assujetti, personne physique ou morale, établi dans l’un des Etats parties, ne peut se faire immatriculer qu’une seule fois sur le territoire de cet Etat. Ce principe connaît cependant un tempérament : l’existence d’une succursale ou d’un établissement dans un ressort autre que celui dans lequel le commerçant a été immatriculé, oblige celui-ci à requérir une deuxième immatriculation, appelée immatriculation secondaire, dans le délai d’un mois à compter du début de l’exploitation, faute de quoi il pourra être poursuivi devant la juridiction compétente pour défaut d’immatriculation secondaire. Il en est de même en ce qui concerne le défaut de radiation.

2. Le défaut de radiation ou de déclaration de cessation d’activité

La radiation est l’opération consistant à rayer sur le registre du commerce l’immatriculation d’un assujetti, personne physique ou morale. La déclaration de cessation d’activité qui aboutit au même résultat concerne l’entreprenant. D’après l’article 55(1) de l’AUDCG, « Toute personne physique immatriculée doit, dans le délai d’un mois à compter de la cessation de son activité, demander sa radiation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier. Cette formalité doit également être accomplie pour les succursales et établissements ». Cet article qui ne concerne que les personnes physiques assujetties est immédiatement complété par l’article 58 pour ce qui est des personnes morales. L’alinéa 1 de cet article prévoit que la dissolution d’une personne morale pour quelque cause que se soit doit être déclarée, en vue de son inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, dans le délai d’un mois au greffe de la juridiction compétente auprès de laquelle elle est immatriculée. Il en est de même de l’alinéa 2 du même article en ce qui concerne la nullité de la société, qui doit être inscrite à compter de la décision qui l’a prononcée.

Les personnes concernées par l’obligation de radiation sont clairement mentionnées par les textes. Il s’agit, en ce qui concerne les personnes physiques, du commerçant, personnellement en cas de cessation de son activité, ou de ses ayants droit en cas de décès du commerçant. Quant aux personnes morales, leur radiation doit être demandée en cas de dissolution par le liquidateur dans le délai d’un mois à compter de la clôture des opérations de liquidation .

Les délais prévus pour procéder à la radiation sont les suivants : un mois à compter de la cessation de l’activité commerciale lorsque la demande émane de l’assujetti personne physique, trois mois à compter de son décès lorsqu’elle émane de ses ayants droit, et un mois suivant la dissolution de la personne morale lorsque l’obligation incombe au liquidateur.

L’article 65 de l’AUDCG, qui fait obligation à l’entreprenant de déclarer au RCCM sa cessation d’activité, ne soumet cette formalité à aucun délai ni formalité particulière. On peut penser que cette déclaration doit être faite immédiatement après la cessation d’activité.

Le défaut d’accomplissement de l’une de ces formalités expose le contrevenant aux poursuites pour défaut de radiation ou de déclaration de cessation d’activité conformément à l’article 69 de l’AUDCG.

Pour toutes ces infractions d’omission, l’intention n’est pas exigée. L’élément moral s’analyse en la négligence et surtout au non respect de la réglementation. Cette absence d’intention coupable constitue une différence fondamentale avec les infractions de commission. Cependant, pour les deux catégories d’infraction, la détermination de la peine applicable n’est pas une tâche aisée.

II. LA DIFFICILE DETERMINATION DES PEINES APPLICABLES

Pour respecter la logique de la répartition des compétences en matière pénale opérée par l’article 5 du traité OHADA, et plus particulièrement par l’article 69 de l’AUDCG, l’attitude à adopter par les législateurs nationaux devrait varier en fonction de la consistance des dispositions pénales en la matière dans chaque Etat membre. Dans l’hypothèse où les infractions prévues par le droit uniforme n’existaient pas antérieurement en droit interne, le législateur national devrait tout simplement adopter un texte pénal pour créer la sanction, soit en édictant une nouvelle peine, soit en renvoyant à la peine d’une infraction pénale préexistante. En revanche, au cas où les infractions du droit uniforme existaient déjà en droit interne, le législateur national devrait dans la loi spéciale, soit maintenir les mêmes peines, soit en modifier la nature ou le quantum en fonction des objectifs à atteindre prévus dans sa politique criminelle. La même conduite devrait être adoptée par le législateur national lorsque les infractions préexistantes en droit interne ont subi des modifications de qualification en droit uniforme . Malheureusement, depuis l’entrée en vigueur des Actes Uniformes, le domaine pénal est celui dans lequel les législateurs nationaux ont brillé par beaucoup d’indolence .

Se démarquant de cette pratique observée dans les différents Etats membres de l’OHADA, le législateur camerounais, emboîtant le pas à son homologue sénégalais , a réagi favorablement, par rapport aux prescriptions du législateur communautaire , à travers la loi n° 2003/008 du 10 juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans certains Actes Uniformes OHADA . Cependant, tout comme la loi sénégalaise de 1998, la loi camerounaise est muette quant à la sanction des infractions prévues à l’article 69 de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit commercial général. Ce vide (A) mérite d’être comblé. Il faudrait par la suite se livrer à la difficile exploration des lois pénales nationales pour identifier les peines susceptibles d’être appliquées (B).
A. LE VIDE JURIDIQUE CREE PAR LE NON RESPECT DE L’ARTICLE 69 DE L’AUDCG

L’article 5, alinéa 2 du traité de Port-Louis du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique dispose que : « Les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination pénale. Les Etats parties s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues ».

C’est dire qu’en ratifiant le traité OHADA, les Etats parties ont pris l’engagement, aux termes de l’article 5 précité, de « déterminer les sanctions pénales encourues ». Il convenait alors pour chaque Etat partie, de relever toutes les dispositions du droit uniforme appelant des sanctions pénales, de rechercher celles qui existent déjà dans le droit interne, et de dire si elles coïncident avec les infractions définies par le droit uniforme et si elles sont adaptées. Par contre, en cas de silence du droit antérieur sur ce point, il fallait prévoir des sanctions pénales nouvelles . Cet engagement a-t-il été respecté ? Certainement pas, surtout en ce concerne les qualifications prévues à l’article 69 de l’AUDCG, et qui sont relatives au non respect de l’obligation d’immatriculation ou de déclaration d’activité au RCCM.

Au Cameroun, la loi n° 2003/008 du 10 juillet 2003 précitée, tout en s’efforçant de sanctionner véritablement les incriminations contenues dans les Actes uniformes, reste cependant silencieuse quant à celles définies à l’article 69 de l’AUDCG. Est-ce un oubli ou une omission volontaire ? Nous pensons qu’il y a lieu de pencher pour la première hypothèse.
En effet, le chapitre premier du titre II de la loi précitée intitulé « Les infractions contenues dans l’Acte uniforme du 17 Avril 1997 relatif au droit commercial général » réprime uniquement, en ses articles 2 et 3 pris en application des articles 65 de l’AUS et 140 de l’AUDCG respectivement, deux formes d’infractions : une de commission (l’inscription frauduleuse des sûretés mobilières au RCCM ), et l’autre d’abstention (l’omission pour le locataire gérant d’un fonds de commerce d’indiquer en tête de ses bons de commande, factures et d’autres documents à caractère financier ou commercial, son numéro d’immatriculation au RCCM, ou sa qualité de locataire gérant ). Faut-il voir à travers la sanction de ces deux infractions la volonté du législateur camerounais de réprimer toutes les infractions de commission et d’omission contenues dans l’AUDCG ? On ne saurait répondre par l’affirmative. Les peines des deux infractions sanctionnent le non respect de certaines inscriptions subséquentes, qui ne pourraient être faites sans qu’il y ait eu au préalable inscription initiale. La simple logique aurait voulu que le législateur affecte d’abord des peines au non respect de l’inscription initiale, quitte à les appliquer par renvoi aux inscriptions subséquentes.

Peut-on déceler dans l’attitude du législateur camerounais le souci de dépénaliser les comportements stigmatisés par l’article 69 de l’AUDCG ? Cela est impensable, car le législateur camerounais ne saurait être plus « royaliste que le Roi ». La dépénalisation ne serait convenable que si elle intervenait dans le cadre d’une disposition communautaire. Le traité n’a pas laissé aux Etats parties la faculté de punir ou de ne pas punir les qualifications pénales qu’il prévoit. Seul le choix de la peine leur a été confié. Un Etat partie peut donc pour une infraction donnée choisir une peine très grave, moyenne ou légère, et même symbolique. On ne le lui reprochera pas. Dépénaliser un comportement qualifié d’infraction par le droit communautaire équivaudrait d’ailleurs à la violation de l’engagement conventionnel librement consenti dans le Traité OHADA. Il y aurait en même temps violation de la constitution camerounaise qui dispose en son article 45 que les traités régulièrement ratifiés ont une valeur supérieure à celle des lois. On peut donc dire sans risque de se tromper qu’il s’agit d’un oubli du législateur camerounais.

Dans son élan profond, sa ferme volonté de réprimer toutes les infractions contenues dans l’AUDCG , le législateur camerounais de 2003 à donc omis les infractions prévues par l’article 69 dudit Acte Uniforme. Cette omission qui est caractéristique du danger qu’entraîne «la fuite de responsabilité » du législateur communautaire , ne traduit en rien la volonté du législateur camerounais à renvoyer pour les sanctions de ces infractions aux textes préexistants . Pour éviter que cette omission ne soit un gage d’impunité , l’exploration des lois pénales nationales s’avère nécessaire dans le but de rechercher véritablement les peines applicables en la matière.

B. LA RECHERCHE DES PEINES APPLICABLES

Suite au manquement du législateur de 2003 et pour éviter le déni de justice , la doctrine propose, pour la sanction des infractions contenues dans l’article 43 de l’AUDCG, des solutions aussi bien diverses qu’embarrassantes (1). Pourtant, il existe une solution simple : la nécessaire application des sanctions préexistantes (2).

1. Les tergiversations doctrinales

La doctrine est loin d’être unanime relativement aux peines qu’il faut affecter aux infractions de l’article 69 de l’AUDCG. Face à la difficulté occasionnée par l’inertie du législateur national, Josette NGUEBOU TOUKAM a proposé de se référer notamment aux peines de l’article 332 alinéa 3b du Code pénal camerounais relatif à la banqueroute simple, qui punit de l’emprisonnement d’un mois à deux ans tout commerçant qui, en état de cessation de payement, ou avant cette cessation dans les cas où elle en est la conséquence, enfreint la réglementation en vigueur relative au registre de commerce. Une telle solution ne nous semble pas appropriée au cas d’espèce. En effet, les dispositions du Code pénal camerounais sur la banqueroute ont été abrogées par celles de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif et les articles 24 et suivants de la loi n° 2003/008 du 10 juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans certains actes uniformes OHADA, qui ont respectivement défini et affecté des peines aux différents cas de banqueroute. De plus, non seulement ce cas de banqueroute ne figure plus parmi ceux qu’énumèrent les articles 228 et 229 de l’AUPCAP tels que réprimés aux articles 24 et suivants de la loi de 2003, mais une telle répression supposerait la constatation préalable de la cessation des payements, alors que les infractions définies à l’article 69 de l’AUDCG ne supposent pas pour leur répression, la cessation des payements.

Un autre auteur, Roger SOCKENG , estime qu’il n’est pas évident de trouver en droit camerounais une infraction similaire au défaut d’immatriculation initiale, modificative, secondaire ou de radiation. Pour lui, « il n’y a peut-être que la fraude qui se rapproche du faux » . Aussi propose-t-il de retenir les peines de faux en écriture de commerce pour les appliquer à ceux qui font les immatriculations initiales ou des inscriptions modificatives et secondaires de manière frauduleuse. A cet effet, il cite l’article 314 du Code pénal camerounais qui dispose que :
1) « Est puni d’un emprisonnement de trois à huit ans et d’une amende de 50.000 à 1 million de francs celui qui contrefait ou falsifie une écriture privée portant obligation, disposition ou décharge soit dans la substance, soit dans les signatures, dates ou attestations.
2) La peine est un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 100.000 à 2 millions de francs s’il s’agit soit :
a) d’une écriture de commerce ou de banque ;
b) d’un écrit attestant un droit foncier ;
c) du mandat de signer l’un des écrits visés en (a) et (b) ;
d) d’un testament.
3) Est puni des peines prévues aux alinéas précédents celui qui fait usage soit:
a) d’un des écrits susvisés;
b) d’un écrit périmé en le présentant comme toujours valable;
c) d’un écrit se référant à une autre personne en se faisant passer pour cette personne ».

Tout comme la précédente, cette autre proposition ne nous parait pas pertinente pour au moins deux raisons. En premier lieu, en appliquant les peines de l’article 314 du Code pénal aux infractions de commission prévues par l’article 69 de l’AUDCG, on résout le problème à moitié puisqu’aucune solution n’est envisagée en ce qui concerne les infractions d’omission. En second lieu, les peines de l’article 314 du Code pénal sanctionnent la fraude perpétrée en matière d’écriture privée ou de commerce, c’est-à-dire l’altération frauduleuse de la vérité dans un écrit, de nature à porter préjudice à autrui . Or, on ne peut pas déjà parler d’actes de commerce lors de la procédure d’immatriculation au RCCM. Les écritures de commerce sont faites par ceux qui ont déjà la qualité de commerçants dans l’accomplissement quotidien des actes de commerce . Il en est ainsi notamment des fausses facturations ou même de la présentation d’un faux bilan . La mention d’un certain nombre de déclarations dans un formulaire d’immatriculation ne pouvant être considérée comme un acte de commerce au sens des articles 3 et 4 de l’AUDCG, on comprend mal qu’il puisse être fait application ici des peines empruntées à l’article 314 du Code pénal. Mais ne serait-il pas mieux, et même plus facile, face au silence de la loi de 2003, de retourner aux peines jadis applicables, pour éviter l’affectation à ces qualifications des peines inappropriées ?

2) Le nécessaire recours aux peines jadis applicables

Recourir au texte antérieurement applicable pour résoudre le problème de la peine applicable au cas d’espèce participe de la logique même du législateur OHADA qui a prévu dans l’article 69 de l’AUDCG que « Toute personne tenue d’accomplir une des formalités prescrites au présent Acte uniforme, et qui s’en est abstenue, ou encore qui a effectué une formalité par fraude, est punie des peines prévues par la loi pénale nationale, ou encore le cas échéant par la loi pénale spéciale prise par l’Etat partie en application du présent Acte Uniforme ». C’est dire que lorsque le législateur OHADA a prévu des infractions qui existaient déjà en droit interne, la peine applicable est celle prévue par une loi spéciale prise par l’Etat partie. Mais tant que l’Etat partie n’a pas pris de loi pénale spéciale (c’était le cas au Cameroun jusqu’à la loi de 2003), ou lorsque celle-ci ayant été prise, des sanctions n’ont pas été affectées à certaines infractions (c’est le cas de l’article 69 de l’AUDCG), alors les sanctions prévues par les textes antérieurs continueront à être appliquées.
Avant l’intervention du traité de l’OHADA, le texte régissant le registre du commerce dans la partie orientale du Cameroun était le décret du 17 février 1930 instituant un registre du commerce dans le territoire du Cameroun placé sous mandat de la France, modifié par la loi du 15 avril 1954 . Ce texte prévoyait pertinemment des sanctions pénales au non respect de l’obligation d’immatriculation au registre du commerce. Il en était ainsi aussi bien pour les infractions d’omission (a) que pour celles de commission (b).

a) Les peines relatives aux infractions d’omission

D’après l’article 18(1) du décret de 1930 précité, « Est puni d’une amende de 1000 à 12 000 F tout commerçant, tout gérant ou administrateur d’une société ayant son siège social au Cameroun, tout directeur de la succursale d’une société qui ne requiert pas dans le délai prescrit les inscriptions obligatoires ou n’observe pas les prescriptions de l’article 11 » .

Comme on peut le constater, le défaut d’immatriculation était puni uniquement de la peine d’amende. Il n’y avait donc pas de peine d’emprisonnement. De plus, le montant de l’amende était libellé en francs français de l’époque. Or on sait qu’entre temps la monnaie française avait changé de parité par rapport au franc CFA. Depuis, le franc français a disparu au profit de l’euro. Mais pour déterminer la sanction applicable aujourd’hui au Cameroun lorsqu’il y a défaut d’immatriculation, on peut faire la conversion en se basant sur la parité du franc CFA par rapport au franc français avant le basculement vers l’euro . C’est dire que le défaut d’immatriculation ou de déclaration d’activité initiale, secondaire, modificative, de radiation ou de cessation d’activité devrait être puni au Cameroun d’une peine d’amende de 100 000 à 1 200 000 francs CFA.

L’alinéa 2 de cet article indique que l’amende est prononcée par le président du Tribunal de 1ère instance. Mais la personne mise en cause doit avoir été préalablement entendue ou dûment appelée. Le tribunal ordonne en même temps que l’inscription omise sera faite dans 15 jours. Le non respect de cette dernière inscription dans le délai indiqué peut entraîner l’infliction d’une nouvelle amende .

b) Les peines relatives aux infractions de commission

« Il est généralement plus graves de mentir que de se taire », affirment Jean LARGUIER et Philippe CONTE . C’est pourquoi le fait de donner, de mauvaise foi, des indications inexactes ou incomplètes en vue d’une immatriculation ou d’une modification de l’inscription constitue le délit prévu par l’article 69 de l’Acte uniforme précité. Il s’agit donc d’une infraction intentionnelle, car il y a mauvaise foi de la part du commerçant ou du dirigeant social.

L’article 19 (1) du décret de 1930 précité dispose à cet effet que « Toute indication inexacte donnée de mauvaise foi, soit en vue de l’immatriculation ou de l’inscription au registre du commerce, soit dans les mentions prescrites par l’article 11, est punie d’une amende de 24 000 à 480 000 F et d’un emprisonnement d’un mois à six mois, ou de l’une de ces deux peines seulement ». Contrairement aux infractions d’omission, il y a ici une peine d’emprisonnement de un à six mois. De plus, le taux de l’amende est très élevé. En faisant la même opération de conversion que celle faite ci-dessus à propos de la sanction du défaut d’immatriculation, on peut dire qu’en cas de déclaration inexacte ou incomplète faite au cours de l’immatriculation, le contrevenant encourt une peine d’emprisonnement de un à six mois et une peine d’amende de 2 400 000 à 48 000 000 de francs CFA, ou l’une de ces deux peines seulement.

Le jugement du tribunal qui prononce la condamnation ordonne dans le même temps que la mention inexacte soit rectifiée dans les termes qu’il détermine .

En définitive, force a été de constater que le choix opéré par le législateur OHADA de laisser à chaque Etat membre le soin de sanctionner les infractions qu’il définit pose entre autres problèmes celui de l’effectivité même de leur répression, à cause de la léthargie des législateurs nationaux. Mais lorsque le législateur national a réagi favorablement en adoptant une loi portant affectation des peines aux infractions prévues, il a omis d’affecter des peines à certaines de ces infractions. Tel est le cas au Cameroun s’agissant des infractions définies à l’article 69 de l’AUDCG. La loi de 2003 a omis d’en fixer les peines.

Heureusement, la solution la plus simple a consisté à faire appel aux peines applicables aux mêmes infractions avant l’intervention de la législation OHADA. Mais il est clair qu’il ne s’agit là que d’une solution provisoire, lesdites peines n’étant plus adaptées au contexte actuel. Seule une intervention législative permettrait d’apporter une solution définitive au problème tout en prenant en considération les innovations introduites dans le nouvel AUDCG conclu le 15 décembre 2010 à Lomé. De la même manière, les législateurs des autres Etats parties au Traité OHADA devraient, à l’instar du Cameroun et du Sénégal, adopter des lois portant affectation des peines à toutes les infractions prévues par les différents actes uniformes.

Plus généralement au niveau de l’organe législatif de l’OHADA, les multiples critiques apportées à l’éclatement de la compétence législative pénale devraient, à notre humble avis, amener à reconsidérer la question, et à adopter des sanctions pénales communes à tous les Etats, quitte à prévoir des peines avec une marge assez large entre le taux maximum et le taux minimum, pour laisser au juge la possibilité d’adapter la peine en fonction des circonstances de l’espèce et de la personnalité du délinquant.