UNE COMPARAISON ENTRE LE STATUT DE « L’AGENT COMMERCIAL » OHADA ET SON ÉQUIVALENT EN DROIT NIGÉRIAN

Une catégorie « d’agents commerciaux » chargés en général de visiter la clientèle, au nom d’une ou parfois plusieurs entreprises, de suivre la demande des commandes de cette clientèle, voire souvent de négocier et transmettre la commande, voire de s’assurer de sa bonne exécution et de son paiement, pour le compte d’une entreprise, de manière habituelle, est née pour faire face aux besoins de distribution notamment de marchandises à travers tout un réseau de clients. Il s’est agi de l’agent commercial en France et du « Handelsvertreter » en Allemagne en particulier.

Ces personnes physiques ou morales ayant un statut de professionnels indépendants et permanents ont fait l’objet de réglementations nationales en France et en Allemagne, en particulier, différentes du droit du travail qui touche les personnes dépendantes.

Mais généralement, compte tenu de la relative faiblesse de ces intermédiaires souvent au service exclusif de la distribution d’une entreprise, les législations, tant française qu’allemande, sont allées dans le sens d’une protection plus forte de la personne, notamment au moment de la rupture du contrat pour lui assurer une certaine indemnisation.

L’évolution britannique jusqu’aux années 1980 n’a pas été orientée vers une protection de certains intermédiaires, mais plutôt vers une diversification, une interprétation par la jurisprudence des divers statuts « d’agents », sans qu’il soit ressenti un besoin important de protection pour certaines catégories d’agents, l’organisation des rapports étant laissée aux dispositions contractuelles et habituelles.

Mais les pays européens et l’Union Européenne ont ressenti le besoin d’une certaine harmonisation de leurs droits sur ce point. Ainsi une harmonisation est-elle née par la directive européenne du 18 décembre 1986 (Directive du Conseil n° 86/653), transcrite en droit français par la loi du 25 juin 1991 et en Grande Bretagne par le « Statutory Instrument » du 16 décembre 1993, n° 3173, rentré en vigueur le 1er janvier 1994.

L’intervention de ce statut en Grande Bretagne n’a pas semblé violer les principes de « l’agency », dans la mesure où il correspondait à certaines situations particulières, à côté d’autres types d’intermédiaires réglementés par la coutume et la jurisprudence. Le statut d’agent commercial en Grande Bretagne ne vise que le commerce des marchandises.

L’acte uniforme OHADA sur le droit commercial général a réglementé plusieurs types d’intermédiaires, le courtier, le commissionnaire, l’agent commercial. Devant le peu de dispositions existantes en Afrique francophone, il a réglementé trois catégories importantes connues avec des dispositions communes pour les trois catégories.
En réglementant un statut d’agent commercial, dans les articles 184 à 201, soit le livre IV du titre IV de l’acte uniforme, le traité de l’OHADA s’est fortement inspiré de la législation française du 25 juin 1991 et, à travers elle, de la directive européenne du 18 décembre 1986.

Le droit de la Grande Bretagne en vigueur depuis le 1er janvier 1994 est celui de la directive européenne, qui a été intégralement introduit dans la législation anglaise.

Ce type de statut « d’agent commercial » permet à des entreprises de disposer d’un corps de professionnels intermédiaires, qui agissent en leur nom et pour le compte d’une ou plusieurs entreprises. Ce type de statut laisse une sécurité plus importante aux tiers qui agissent par l’intermédiaire des personnes soumises à ce statut. Les tiers clients de ces entreprises sont informés qu’ils ont affaire à un professionnel indépendant, qui dispose du pouvoir de négocier, voire de conclure au nom de cette entreprise des contrats. La contrepartie est que, durant la relation d’agence et à sa fin, le professionnel est mieux protégé qu’un intermédiaire ordinaire.

Le droit nigérian, inspiré des traditions anglaises, connaît le rôle de divers types d’intermédiaires, dont le statut de base n’est pas règlementé par la loi mais par la coutume jurisprudentielle. « L’agency », théorie très générale, considère que « l’agent » représente le « principal », soit le commettant, expressément, implicitement ou de façon apparente, selon le type de cette représentation – qu’il a « l »authority » pour le faire – sans en avoir toujours la permission du principal. Si l’agent agit pour son compte et ne dispose pas de l’authority, ce n’est pas un agent. L’agent commercial OHADA n’agit qu’au nom et pour le compte d’une entreprise. Ce domaine exclut donc les « agents » qui agissent en leur propre nom, même s’ils agissent pour le compte d’une entreprise.

En droit nigérian, il existe de nombreuses catégories « d’agents » utilisés pour certaines opérations. Outre certaines catégories, qui sont des « legal practitioners », soit des personnes autorisées à agir comme « barristers » ou « sollicitors », certaines catégories visent « l’agent » comme « mercantile agent », qui a l’autorité dans l’exercice habituel de ses activités de vendre ou de consigner des marchandises pour les besoin de la vente. Le « factor » exerce la même activité pour un marchand résident à l’étranger ou au loin. Le factor vend en général en son nom propre sans dévoiler le nom du principal qui en est informé et confie au factor la possession des marchandises ou les documents correspondants. Ce statut ne correspond pas à celui de l’agent commercial OHADA, qui négocie ou conclut au nom et pour le compte de producteurs et ne se porte pas garant de l’exécution des obligations du client. Seul le commissionnaire en droit de l’OHADA dispose de ces pouvoirs. Le statut OHADA d’agent commercial vise non pas seulement la vente de marchandises, mais les contrats d’achat, de location ou de prestations de services pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux.

Le droit nigérian connaît « l’auctioneer », qui vend aux enchères, les agents immobiliers, les agents d’assurances, les « shipmasters », les « management agents » directeurs d’entreprises, les « forwarding agents », sortes de commissionnaires de transports. Ces catégories sont différentes du statut de l’agent commercial OHADA dans la mesure de règles et d’usages particuliers et, surtout, ils n’agissent pas au nom et pour le compte d’une entreprise et sont soumis à une législation ou des conventions particulières. Beaucoup d’intermédiaires agissent apparemment pour leur propre compte et en leur nom. Ils ne pourront être couverts par le statut « d’agent commercial » de l’OHADA.

Le statut « d’agent commercial » OHADA vise le « mandataire qui, a titre de profession indépendante, est chargé de façon permanente de négocier des contrats de vente, d’achat, de location ou prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux, sans être lié envers eux par un contrat de travail ».

Notons que l’agent commercial OHADA est un professionnel indépendant qui agit de façon permanente, car il a pouvoir de négocier et éventuellement de conclure des contrats … pour des professionnels qui ne sont pas des artisans ou des particuliers.

Le droit anglais du « commercial agent » vise également l’intermédiaire indépendant qui a l’autorité permanente de négocier la vente ou l’approvisionnement de marchandises pour le compte d’une autre personne (le principal), de négocier ou conclure la vente ou l’approvisionnement de marchandises pour le compte et au nom de ce principal.

Notons que le droit anglais de l’agent commercial, inspiré de la théorie générale de l’agency, n’exclut aucune personne pour traiter avec l’agent, bien qu’il s’agisse en général de professionnels et qu’il vise la vente et l’approvisionnement de marchandises, et non pas les contrats de location ou de prestations de service. Le statut anglais du « commercial agent » se rapproche du mercantile agent sans le recouper complètement.

L’introduction de ce nouveau statut en droit anglais n’a pas été considérée comme une perturbation importante des habitudes anglaises , sauf pour le problème de l’indemnisation en fin de contrat .
Compte tenu de ce précédent important, nous pensons qu’un rapprochement du statut de « l’agent commercial OHADA » et de la législation nigériane de l’agency pourrait s’effectuer sans troubles juridiques majeurs.

Le statut d’agent commercial serait un statut supplémentaire d’intermédiaire à la disposition des entreprises, qui auraient intérêt à l’utiliser.
Le droit nigérian ne connaît pas toutes les interdictions de cumul et les obligations des commerçants soumis à la tradition francophone. L’introduction du statut d’agent commercial en common law nigériane devrait régler le point de savoir ce qu’il admet comme incompatibilités. Le droit anglais et la directive européenne n’ont pas réglé cette question, laissée à l’appréciation des Etats, laissant les traditions nationales, sur ce point, s’exprimer.

Dans le droit OHADA, il est admis que la relation d’un intermédiaire ne relève pas du droit du travail, car l’agent est une personne indépendante. En droit nigérian, les rapports entre agents et principal ne sont pas considérés comme des rapports entre « master » et « servant ».

Au départ, l’agency anglaise recouvre la théorie de master/servant, mais celle-ci est particulière et nécessite une subordination incompatible avec la notion d’indépendance des agents commerciaux. Le master a le droit de gérer non seulement le résultat de travail, mais la manière dont est géré le travail par le servant. Les deux régimes sont donc distincts.

Le statut OHADA prévoit la condition de permanence en laissant cette définition de permanence à la jurisprudence. Les professionnels nigérians qui sont des intermédiaires ont une permanence de leurs fonctions, sans laquelle ils ne peuvent jouer leur rôle.

Mais le droit OHADA prévoit que l’intermédiaire, donc l’agent commercial qui en est un, soit un commerçant (2. All. Art. 138). Il doit donc s’inscrire au registre du commerce comme tous les commerçants, et ne doit pas être soumis aux incompatibilités professionnelles de cumul avec d’autres professions. Il est soumis aux obligations des commerçants dans la mesure où l’acte uniforme sur le droit commercial général est applicable. La notion de commercialité permet d’avoir des personnes professionnelles soumises à ce statut, mais non pas des professions libérales réglementées (avocats, notaires, etc…).
Le droit nigérian ne connaît pas la notion de commercialité, institution particulière des droits civilistes Mais il autorise toute personne qui effectue du « commerce » (trade ou business) et qui fait du profit pour les personnes physiques à s’enregistrer. Ainsi, pour un meilleur contrôle des personnes soumises à ce statut d’agent commercial, pourrait-on envisager une obligation, pour ce type d’intermédiaires, de s’enregistrer selon les règles du droit nigérian. Ceci impliquerait des dispositions particulières en droit nigérian.

La sanction du non-enregistrement peut être celle de la non-application du statut. C’est la jurisprudence qui tranchera.

Mais notons qu’en droit français, la non-inscription au registre spécial des agents n’est pas une cause d’élimination du statut. L’acte uniforme OHADA n’exclut pas la qualité de commerçant pour une personne non inscrite au registre du commerce. La tendance générale en Europe est de considérer l’absence d’inscription à un registre comme n’empêchant pas l’application du statut.

Mais ni le droit OHADA ni le droit nigérian ne tranchent le point de savoir si un agent commercial peut cumuler, évidemment avec d’autres personnes que ses commettants, une agence commerciale et un contrat de travail.

La loi anglaise exclut les activités d’agents qui sont secondaires du statut , c’est-à-dire qui exercent de manière non permanente. La question doit être marginale, car « l’habitude » d’exercer une activité indépendante exclut, en général, une activité dépendante et salariée très liée à des horaires, dans la plupart des cas.

Le droit OHADA exclut formellement les personnes qui « représentent » en raison d’une habilitation légale et judiciaire à agir pour ceux qui n’en n’ont pas la capacité juridique, la représentation légale dans le droit de la famille, des régimes matrimoniaux et des successions . Tous ces statuts sont légaux et relèvent de législations particulières.

En droit nigérian, les ventes aux enchères sont considérées comme menées par des « auctioneer agents ». Cette catégorie d’agents, régie par des usages différents, n’est pas assimilée au statut d’agent commercial, comme, d’ailleurs, toutes les personnes qui agissent dans le cadre familial , ainsi que toute personne qui agit dans le cadre des faillites et toute personne qui intervient comme représentant d’une société ou association.

Le statut d’agent commercial OHADA traite deux séries de questions tenant à sa mise en œuvre (partie I) ou à sa cessation (partie II).

I. LA MISE EN ŒUVRE DU STATUT

Celle-ci se rapporte essentiellement aux obligations des parties (A) et à la rémunération de l’agent (B).

A. LES OBLIGATIONS DES PARTIES

Celles-ci, outre les dispositions réglementaires et les usages, peuvent être stipulées par écrit. Mais l’écrit n’est pas une obligation à peine de validité du statut. Il s’agit d’un mode de preuve en droit OHADA , qui n’est pas exclusif de tous les autres moyens de preuve. En droit nigérian, la forme est libre également mais, lorsque l’agent conclut par des actes (deeds), il doit être désigné par un acte. Il a, en ce cas, les pouvoirs d’un « attorney ».

L’agent commercial OHADA qui négocie des contrats écrits n’a pas cette contrainte de preuve. Mais, en pratique, il ne devra pas agir sans cette couverture écrite, sauf à ce que le pouvoir d’agir lui soit dénié.

La question du pouvoir d’agir (authority) en common law est traitée, en droit de l’OHADA dans les règles générales qui régissent le statut des intermédiaires . Après une référence au mandat du code civil, texte écrit qui n’a pas d’équivalent en common law, et fondé sur le principe de la représentation, c’est-à-dire la connaissance du tiers que l’intermédiaire agit pour le compte d’une autre personne, le droit OHADA fait référence aux usages et pratiques des parties. Mais l’étendue du mandat est déterminée par la nature de l’affaire à laquelle il se rapporte, si le contrat ne l’a pas expressément fixée.

Le mandat comprend le pouvoir de faire les actes juridiques nécessaires à son exécution. Mais, conformément à la tradition française, il lui faut un pouvoir spécial pour engager une procédure judiciaire, transiger, compromettre, souscrire des engagements de change, aliéner ou grever des immeubles ou faire une donation.

La jurisprudence nigériane se penche sur la question de savoir si l’agent est apparu lui-même en faisant ou en ne faisant pas mention de la personne au nom de qui il contracte.

S’il n’a pas « d’authority », c’est-à-dire de pouvoir de représentation, il n’y a pas d’agence. Mais l’absence d’intervention d’un commettant vis-à-vis du tiers est souvent considérée comme une absence de pouvoir . Lorsque le commettant est connu, l’agent n’est pas personnellement responsable .

Le fait que l’argent soit versé à un intermédiaire qui demande des informations à une compagnie belge qui livre des tracteurs est considéré comme absence d’agence. La compagnie n’a jamais répondu. L’argent doit être restitué . Dans ce contentieux sur le fait de savoir s’il y a pouvoir ou pas, c’est le fait que le commettant ne soit pas apparu aux yeux du tiers qui détermine si l’agent avait pouvoir ou pas.

C’est une forme de reconnaissance de la preuve du pouvoir par l’intervention du commettant, qui refuse de couvrir l’opération. L’inverse peut arriver si le commettant peut se prévaloir de marchés passés par l’intermédiaire qui lui sont plus favorables que les ordres qu’il a donnés. Le fait qu’il se tourne vers l’acquéreur pour un complément de prix est possible au Nigéria (représentation indirecte). Mais cette action du commettant contre l’acquéreur final n’est pas possible en droit OHADA si le tiers n’était pas censé connaître ou ne connaissait pas la qualité de l’intermédiaire (A.U., art. 149).

Le contentieux sur la qualité du pouvoir de l’agent OHADA n’existe pas ou peu, puisqu’il agit au nom du commettant. Mais le contentieux peut intervenir pour le commissionnaire OHADA qui vend des marchandises sans que le vendeur propriétaire de la marchandise soit connu de l’acquéreur, ce qui est fréquent dans les relations internationales. Les systèmes francophones et ceux de la common law divergent notablement.

Il ne peut s’écarter des instructions précises, sauf si les circonstances ne lui ont pas permis de rechercher l’autorisation du représenté, s’il est admis que celui-ci l’urait autorisé s’il avait été informé de la situation.

Ces principes se retrouvent largement dans la common law nigériane. Le pouvoir peut être explicite ou impilcite pour faire l’acte, et il s’étend aux actes qui sont incidents et nécessaires pour exercer le pouvoir de l’agent. Ainsi, un agent qui a un pouvoir sur un compte en banque sans restriction peut faire un retrait sur ce compte .

Mais un intermédiaire ne peut acheter un immeuble s’il a le pouvoir de vendre . Le pouvoir écrit est nécessaire lorsqu’il y a nécessité

La question du pouvoir (authority) est différente de la représentation, qui signifie que le tiers a connaissance de celui qui est représenté. Le statut « d’agent commercial » OHADA ne s’applique que dans ces circonstances. L’agency nigériane peut s’appliquer à des cas où le tiers ne connaît pas le nom du représenté, ni même son existence. Mais il s’agit de « l’undisclosed principal », qui peut se traduire par la représentation indirecte en droit civil. Les conséquences en common law admettent que le tiers peut mettre en cause le commettant, et inversement . Cette vision est inverse de celle prévue par l’acte uniforme OHADA. Seul l’intermédiaire et les tiers sont liés si le tiers ne connaissait pas ou n’était pas censé connaître la qualité de l’intermédiaire (A.U., art. 149).

Le statut OHADA exige aussi un pouvoir écrit. Les procédures judiciaires dans les deux pays relèvent de règles de représentation particulières. La question la plus délicate est celle du pouvoir de compromettre et de transiger. Ceci arrive souvent dans la vie des affaires. Mais la question pour être réglée sous l’angle de la nécessité ou de l’impossibilité d’en référer au représenté, ou la ratification.

C’est plus la lecture de textes précis comparés à un système jurisprudentiel que l’esprit et les solutions appliquées qui peut poser un problème, atténué par les décisions judiciaires dans les Etats nationaux.

La ratification occupe également le droit OHADA, qui ne fait que répéter les principes généraux de pouvoir pour le représenter de ratifier pour les mêmes effets rétroactifs qu’un pouvoir donné immédiatement. Le droit nigérian, comme le droit anglais, n’admettaient cependant pas la ratification par une société d’un précontrat à son immatriculation, car la société n’existait pas et n’avait donc pas la capacité d’intervenir au moment où l’acte a été passé.

Cependant, cet inconvénient a été corrigé par le droit des sociétés nigérian : pour le droit des personnes, ce sont les droits nationaux de la capacité qui s’appliquent.
Mais on ne peut pas imaginer une ratification, dans tous ces systèmes, par un incapable, puisqu’il ne peut contracter lui-même. Les systèmes du code civil et nigérian prennent en compte, pour la ratification, la connaissance des faits par le principal et la connaissance de la représentation par le tiers. Les deux systèmes appliquent le principe de la ratification.

L’intermédiaire qui agit sans pouvoir de représentation (authority) n’engage pas le représenté ni le tiers, tant en droit de l’OHADA qu’en droit nigérian. Le droit de l’OHADA rappelle également cette règle générale , qui ne contredit pas la common law nigériane.

Mais le droit de l’OHADA indique que le tiers de bonne foi peut croire que l’intermédiaire avait le pouvoir d’agir pour le compte du représenté, celui-ci ne peut se prévaloir à l’égard du tiers du défaut de pouvoir de l’intermédiaire . Ces règles ont un équivalent en common law dans la théorie de « l’Estopel », qui consiste à rendre une personne responsable vis-à-vis d’un tiers quand elle permet à une autre de la représenter comme ayant pouvoir à traiter avec un tiers, qui croit à ce pouvoir apparent ou ostensible et qui est lésé par cette représentation .

Lorsque l’intermédiaire agit pour le compte du représenté dans la limite de ses pouvoirs, ses actes n’engagent que le tiers, et non le représenté, si le tiers ne connaissait pas la qualité de l’intermédiaire ou n’était pas censé la connaître. En droit nigérian, la représentation peut être révélée après l’acte. Le tiers ou le principal peuvent s’en prévaloir. Mais ces mécanismes ne relèvent pas du statut de l’agent commercial OHADA.

L’appréciation de la représentation se fait au moment où l’intermédiaire intervient.

Il est possible, en droit francophone, que la représentation puisse intervenir si l’agent n’avait pas pouvoir au moment de l’acte. En tout cas, seul le tiers peut se prévaloir de ce manque de pouvoir, et il faut qu’il y ait un intérêt. En droit OHADA, selon l’article 149, le tiers et l’intermédiaire sont liés.

Si la tierce partie, en droit nigérian, est consciente que l’agent agit pour un principal mais n’en connaît pas le nom, le principal est engagé . Mais si le tiers découvre l’existence du principal après la transaction, le principal peut être assigné ou assigner sur le fondement de l’acte de l’intermédiaire si celui-ci dispose de l’autorité expresse, implicite ou usuelle au moment de l’acte. Cette règle est prise pour des besoins d’efficacité commerciale. Elle ne relève pas du statut de l’agent commercial OHADA, qui s’applique à la seule représentation connue des tiers.
Si le principal n’est pas connu, en droit nigérian, cela n’empêche pas la tierce partie d’assigner l’agent ou le principal. Le choix ne peut intervenir tant que la tierce partie n’a pas connaissance du rôle du principal. L’article 149 de l’acte OHADA ne semble cependant préjuger de la règle
que le tiers en droit civil a le droit de se prévaloir de l’apparence pour assigner l’agent, ou de la réalité, c’est-à-dire l’existence, au moment où l’acte a été passé, du pouvoir explicite, implicite ou habituel donné à l’agent. Mais il s’agirait d’une évolution jurisprudentielle à venir, qui pourrait se rapprocher des principes de la common law.

L’article 149 de l’acte uniforme exclut la responsabilité du principal s’il est démontré que l’agent n’a voulu s’engager que lui-même.

Quant à la conduite de l’agent vis-à-vis du principal et réciproquement, la norme européenne exige qu’elle soit régie par la bonne foi et un devoir réciproque d’information.

Ces règles se retrouvent transcrites dans le droit de l’OHADA . Le droit nigérian a créé des concepts équivalents. L’agent est soumis à un devoir d’exécution avec conscience et aptitude (duty of care and skill), qui doit être apprécié au moment des faits, et non après à la lumière du déroulement de circonstances non prévues .

La bonne foi s’interprète comme imposant à l’agent un devoir de ne pas mettre en conflit ses intérêts personnels avec ses devoirs, de ne pas faire de profits secrets, de ne pas toucher des « pots de vin » (bribe) . Le droit nigérian présume que, si c’est le cas, la tierce partie est présumée avoir agi dans un but de corruption.

Le principal est présumé avoir souffert un préjudice équivalent au montant du « pot de vin », et peut réclamer ce montant tout en résiliant le contrat avec l’agent. Dans les deux droits, le principe est posé que l’agent ne peut faire concurrence au principal. L’agent commercial, certes, précise l’article 196 de l’acte uniforme OHADA, peut représenter plusieurs mandants, sauf convention écrite contraire, mais il ne peut accepter la représentation d’une entreprise concurrente d’un de ses mandants sans l’accord de ce dernier.

Les informations confidentielles données à l’agent dans le cadre de ses fonctions ne peuvent être utilisées pour les besoins personnels de l’agent commercial, et ceci même après cessation du contrat . L’agent doit être mis en mesure par le principal d’exercer ses fonctions. Celui-ci doit lui fournir toute l’information nécessaire.

Mais le droit OHADA n’a pas repris l’obligation européenne, insérée dans l’article 4 de la loi anglaise 1993/3053, pour le principal d’informer l’agent commercial des prévisions de baisses significatives du volume des transactions commerciales dans un délai raisonnable, lorsqu’elles ne sont pas prévisibles de la part de l’agent.

Le droit nigérian ne semble également pas s’être préoccupé de cette question. L’agent doit rendre compte de sa gestion. Cette préoccupation est très largement exprimée dans la directive et la loi anglaise , et aussi dans la jurisprudence nigériane , qui traite la question lors de la restitution de l’argent encaissé pour le compte du principal.

Le droit OHADA précise que le devoir de rendre compte de la gestion doit s’effectuer en tout temps à la demande du représenté, et que le mandataire doit l’intérêt des sommes pour le versement desquelles il est en retard . L’agent et le mandant se doivent un devoir d’information réciproque . Les deux systèmes prévoient, d’ailleurs, une exécution personnelle de la fonction, sauf disposition contraire.

Dans tous ces domaines des obligations générales des parties, en dehors des rapports financiers, on ne voit pas de différences majeures entre les deux systèmes, sauf que l’expression des sources de droit et des concepts dont découlent les positions jurisprudentielles est analysée différemment. Mais, pour un rapprochement des législations, cela n’est pas vraiment gênant. Les tribunaux et Etats gardent un pouvoir majeur d’appréciation dans leurs propres systèmes. Les relations financières relèvent d’autres préoccupations.
B. LA REMUNERATION DE L’AGENT

La théorie de « l’agency » comme celle du mandat s’appliquent à des opérations rémunérées et gratuites. Les régimes juridiques sont un peu différents quant à la responsabilité et à la rémunération, les tribunaux sont moins exigeants pour l’exécution d’une mission gratuite.

Mais le droit de l’OHADA ne s’adresse qu’aux professionnels en principe rémunérés pour leurs diligences. Dans les deux systèmes, la rémunération est laissée à l’appréciation contractuelle, et son interprétation aux usages.

Cependant, le droit de l’OHADA, dans l’article 189, va plus loin en précisant certaines règles de rémunérations. Les règles écrites de l’acte uniforme confirme la définition de la commission, soit tout élément de rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires . Cette définition est celle de la loi anglaise et de la directive européenne . Aucune définition légale équivalente n’existe dans la règlementation nigériane.

Dans les deux systèmes, la notion de commission variant avec le nombre et la valeur de l’affaire n’est pas exclusive d’autres modes de rémunération.

L’acte uniforme ne s’applique qu’à des professionnels. Une rémunération est donc obligatoire au moins à titre habituel, comme, d’ailleurs, dans la loi anglaise. Si les termes de la rémunération ne sont pas définis, en l’absence d’usages, le droit OHADA indique que la rémunération « tient compte de tous les éléments qui ont trait à l’opération » .

En common law nigériane et anglaise, la rémunération est implicitement due si rien n’est précisé ; une somme raisonnable doit être allouée sur la base du « quantum meruit », c’est-à-dire une somme proportionnée aux services rendus, mais faut-il que le principal y ait trouvé un avantage . Le droit francophone connaît le rôle du juge quant à la fixation d’une rémunération équitable. Ces questions relèvent du droit des Etats membres de l’OHADA.

Le droit OHADA, à l’article 189 de l’acte uniforme, précise que l’agent bénéficiaire d’une exclusivité sur un secteur géographique ou sur un groupe de clients déterminés a droit à une commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat. L’interprétation de ce texte peut être celle de l’obligation de payer une commission pour une personne qui a une exclusivité géographique ou de clientèle. Mais on peut interpréter la notion de commission comme celle de rémunération . Ces dispositions se heurtent à des difficultés à la fin du contrat d’agence. Cette question sera examinée sous II-A.

La common law nigériane non codifiée ne connaît pas de réglementation similaire ni de jurisprudence contraire à ces principes. Selon le droit OHADA, « la commission est acquise dès que le mandant a exécuté l’opération ou devrait l’avoir exécutée en vertu d’accords conclus avec le tiers, ou dès que le tiers a exécuté l’opération ». C’est également la règle de la loi anglaise, issue de la directive .

La common law nigériane s’inspire également de ces principes ; il est nécessaire d’avoir un contrat prévoyant la rémunération. L’agent doit démontrer que l’évènement qui déclenche le paiement de l’opération est intervenu et que cet évènement est la cause de la commission. La règle nigériane, qui n’est pas contraire au droit contractuel des Etats de l’OHADA, permet qu’un contractant ait droit à la commission avant l’exécution de la vente , mais faut-il que ce soit précisé.

Le texte de l’OHADA, qui n’est pas d’ordre public, est complété par les règles de la responsabilité civile, traduite dans l’article 193 de l’acte uniforme. Le droit à commission ne peut s’éteindre que s’il est établi que le contrat entre le tiers et le mandant ne sera pas exécuté, et si cette inexécution n’est pas due à des circonstances imputables au mandant. Il semble que la jurisprudence nigériane ne soit pas très claire sur le sujet .

Mais le droit nigérian, en cas de faute du mandant qui, par exemple, vends lui-même ou confie à un autre la vente, permet à l’agent de demander la commission sur le fondement de la rupture du contrat (breach of contract) . Si ces textes ne sont pas d’ordre public, les conventions qui y dérogent sont limitées par le pouvoir des tribunaux de réprimer les abus. Les traditions jurisprudentielles francophones et anglophones sont différentes sur l’intervention du juge.

Le texte OHADA prévoit un délai supplétif, sauf convention contraire, pour payer la commission, soit le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle a été acquise. La loi anglaise reprend la même règle issue de la directive européenne. La loi anglaise précise encore que le premier trimestre doit être entendu à partir de la mise en œuvre du contrat d’agence, et les périodes subséquentes de la date dans le 3ème mois après ou le début du quatrième mois, soit la date la plus courte .

Aucune disposition n’est équivalente ni contraire en droit nigérian. Quant aux frais et débours, sauf conventions ou usage contraires, l’agent commercial OHADA n’a pas droit à leur remboursement du moment qu’ils résultent de l’exercice normal de son activité, sauf ceux assumés en vertu d’instructions spéciales du mandat. Ceux-ci sont dus, dans ce cas, même si l’opération n’a pas été conclue .

Aucune disposition identique n’est contenue dans la règlementation anglaise. Les règles générales impliquent que l’agent doit être indemnisé de toutes pertes et responsabilités intervenues pendant ses fonctions. Mais il ne s’agit que de pertes exceptionnelles, et non de frais et débours habituellement couverts par la convention sauf convention contraire.

L’acte uniforme ne parle pas des « profits secrets » qui peuvent être touchés par l’agent au-delà du prix apparent versé pour l’opération. Le statut de commissionnaire interdit ce genre de pratiques . Le défaut de dispositions impératives dans l’acte uniforme peut s’expliquer par la rareté relative des pouvoirs d’encaissement des agents commerciaux. La pratique de tels agissements pour un agent s’apparente à des détournements poursuivis pénalement.

Le droit nigérian impose la restitution des « profits secrets » au principal connu comme contraires au principe de la bonne foi, sauf accord ultérieur du principal . Cela peut être considéré comme une infraction pénale de corruption et entraîner la responsabilité du tiers payeur. Mais le droit de l’OHADA ne réglemente pas les questions pénales.

L’acte uniforme parle de la question du droit de rétention pour l’agent commercial et le mandant, et aussi le commissionnaire , qui peut retenir des marchandises pour les créances qu’il a contre le commettant. Rien n’empêche l’agent commercial de disposer d’un tel droit s’il obtient les marchandises de manière non illicite, et ceci conformément aux traditions civilistes.

Le droit nigérian admet, d’ailleurs, comme le droit civil, le droit de rétention sur des marchandises en possession de l’agent, en relation avec les services rendus et le respect des pouvoirs pécuniaires de l’agent .
Le droit de rétention de l’agent OHADA est évoqué à l’occasion de l’obligation de restituer pour les parties tout ce qui leur a été remis pour la durée du contrat, ce qui peut viser les marchandises détenues par l’agent pour le compte du principal.

Selon les règles du droit civil, l’agent peut retenir les marchandises dans la mesure où il a été impayé sur ses diligences concernant ces marchandises vendues. La question se pose fréquemment de savoir s’il doit retenir les pièces et la comptabilité des marchandises destinées au principal. Il apparaît que, si ces pièces appartiennent au principal, il ne peut les retenir.

Ainsi, le droit de l’OHADA et le droit nigérian n’ont rien d’incompatible en ce qui concerne la rémunération de l’agent, laissée à l’appréciation contractuelle et aux usages. Les dispositions supplétives les plus contraignantes et les plus précises du droit OHADA concernent l’obligation de payer la commission dans le délai du mois qui suit le trimestre au cours duquel la commission a été acquise. Cela ne semble pas un texte inapplicable dans n’importe quel Etat.

La cessation du contrat d’agence se réfère à des dispositions qui sont plus d’ordre public de protection de l’agent, car les circonstances sont souvent défavorables à la partie présumée la plus faible, l’agent.

II. LA CESSATION DU CONTRAT D’AGENCE

La cessation du contrat d’agence oblige à examiner les circonstances de la rupture et ses conséquences sur les affaires en cours (A) et ensuite l’indemnité éventuellement due à l’agent et ses interdictions éventuelles de rétablissement.

A. LES CIRCONSTANCES DE LA RUPTURE ET SES CONSEQUENCES SUR LES AFFAIRS EN COURS

La fin du contrat suit d’abord, dans les deux droits, les règles contractuelles habituelles : l’arrivée du terme prévu sans qu’il soit précisé, en droit OHADA, la nécessité d’y mettre un terme par une quelconque formalité, sauf disposition contraire du contrat .

Le contrat à durée indéterminée peut être révoqué unilatéralement moyennant un préavis. Le droit nigérian se contente d’un « préavis raisonnable » , mais le droit de l’OHADA impose, et il s’agit d’ordre public, un préavis d’un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, et trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes.

En l’absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d’un mois civil. Si le contrat OHADA est à durée déterminée, mais transformé en contrat à durée indéterminée, la durée du préavis se calcule à compter du début des relations contractuelles entre les parties. Les parties ne peuvent convenir de délais plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, les délais de préavis doivent être identiques pour le mandant et pour l’agent .

La loi anglaise en application de la directive européenne impose des dispositions similaires à celle de l’OHADA : notification de la rupture si le contrat est à durée indéterminée, les durées de préavis minimum d’un mois, deux mois, trois mois, mais pas l’obligation d’un délai aussi long pour l’agent . Ces dispositions d’ordre public n’ont pas affecté sensiblement les habitudes antérieures.

Elles ont le mérite d’être claires et simples à connaître pour un juge ou un praticien du droit. Les deux droits, OHADA et nigérian, prévoient le passage d’un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée lorsque le contrat se prolonge au-delà du terme convenu . La cessation du contrat d’un intermédiaire OHADA peut intervenir par l’exécution de la mission, par le décès, l’incapacité ou l’ouverture d’une procédure collective, que ces évènements concernent le représenté ou l’intermédiaire .

Ces circonstances ne figurent pas dans le statut des agents commerciaux, mais elles correspondent au droit général des intermédiaires OHADA. On comprend aisément que la mort empêche l’exécution de la mission, que l’incapacité juridique entraîne la déchéance des droits juridiques d’un commerçant, tel l’agent commercial, qui doit être capable.
Quant à l’ouverture d’une procédure collective du représentant ou du représenté, cette règle semble particulière aux agents. Il doit s’agir de contrats conclus en considération de la personne, exception prévue au principe de la continuation des contrats en cas d’ouverture de procédure collective dans l’acte uniforme OHADA sur les procédures collectives .

Les dispositions de la loi nigériane sont assez similaires, soit l’impossibilité de contracter à cause de la déficience mentale, ou la banqueroute de l’une des parties. Des dispositions particulières réglementent la question de la banqueroute, de telle sorte que l’on peut penser que ce type de relations est soumis au droit des Etats. Le renvoi au droit des Etats semble être la solution la plus pratique . Le défaut de loi ou d’application de lois sur la banqueroute en Afrique rend la question délicate à trancher au niveau international.

Dans le système de droit civil et celui de la common law, les contrats cessent en cas de force majeure ou de faute grave de l’une des parties. Ces questions relèvent du droit des Etats dans l’espace OHADA. La cessation du contrat a une incidence sur ces opérations en cours.

Le droit OHADA précise que l’agent commercial a droit à une commission lorsque « l’opération est principalement due à son activité au cours du contrat d’agent et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat » . Ces dispositions sont une transcription de la directive européenne conforme à la loi anglaise .

Les principes de la common law nigériane ne sont pas contraires, puisque l’agent a droit à une rémunération découlant de ses diligences. Cependant, le droit à une commission après la fin du contrat n’est pas implicite et doit figurer expressément dans le contrat . S’il s’agit d’opérations récurrentes comme la passation de commandes, on peut penser que l’agent recevra le montant de la commission sur la commande qu’il a passée bien qu’encaissée postérieurement à la fin du contrat.

En Europe, ces questions donnent lieu à une jurisprudence abondante. Les principes posés par la directive n’ont pas unifié les droits européens, mais les sont simplement rapprochés. La notion « d’action principale » et de délai raisonnable doit être interprétée par les tribunaux des Etats européens. En France, cette notion de retour sur « échantillonnage » se traduit par une indemnité pour perte de clientèle.

Il est évident que, si la commande a été passée par l’agent après la rupture, il s’agit de son activité. Moins évidemment, et sujettes à discussion, restent les commandes directement passées par le client à l’entreprise, sur lesquelles l’agent perçoit des commissions. L’interprétation du « délai raisonnable » prendra tout son sens dans ces cas.

Il est pensable que le contrat règlemente cette question, en droit OHADA également. Bien que l’article 192 de l’acte uniforme alloue la commission dès que l’opération a été exécutée ou aurait dû l’être, cette disposition n’est pas d’ordre public. Cependant, dans les deux systèmes, le contrôle du juge s’exerce sur les clauses d’une dureté excessive ou limitatives de responsabilité.

Le droit OHADA ajoute, comme le droit anglais et la directive, que, sauf si les circonstances rendent équitable de partager la commission entre deux ou plusieurs agents, l’agent n’a pas le droit à une commission si celle-ci est déjà due à l’agent qui l’a précédé pour l’opération commerciale conclue avant l’entrée en vigueur de son contrat d’agence, à l’agent qui lui succède pour une opération commerciale conclue après la cessation de son contrat d’agence. Il s’agit d’une règle d’interprétation de nature à faciliter le travail du juge.

Le droit nigérian ne se prononce pas spécifiquement sur la question. Mais les règles du contrat laissent penser que, sauf circonstances particulières, ce qui relève de l’exécution du contrat d’un agent ne peut relever de l’exécution du contrat d’un autre agent.

A la fin du contrat, l’agent ne peut révéler les informations confidentielles qui lui ont été communiquées par le mandant pendant le contrat, en droit OHADA .

Ces questions relèvent d’une application des règles de la concurrence, qui ne sont pas ignorées par les systèmes anglophones.

Dans les deux systèmes, la rupture anticipée du contrat est possible sans indemnité par une des parties si l’autre a commis une faute grave, dans le droit OHADA, ou s’il y a eu une atteinte au contrat (« breach of contract ») ou un cas de force majeure.

Les règles d’indemnisation en fin de contrat sont cependant fort différentes dans les deux droits.

B. LES REGLES D’INDEMNISATION EN FIN DE CONTRAT

Les principes de la common law excluent le droit de l’agent à indemnité en fin de contrat, sauf s’il a été victime d’une atteinte au contrat qui lui cause un préjudice. L’arrivée du terme et la non-reconduction du contrat, ou la révocation dans le délai prévu ou dans un délai raisonnable d’un contrat à durée indéterminée par le principal n’entraine pas une atteinte au contrat et un

droit à indemnité de l’agent. Telle est la règle nigériane, et également anglaise, si le statut d’agent commercial d’origine européenne ne s’applique pas .

Le droit de l’OHADA ne réglemente pas le problème de l’indemnité des autres intermédiaires visés par le traité, commissionnaires et courtiers, renvoyant au droit des Etats. La jurisprudence française admet que le mandataire d’intérêt commun qui n’a pas droit au statut d’agent commercial, mais qui exerce une fonction similaire, a droit à une indemnité de rupture en fin de contrat, dont le calcul est proche de celui d’un agent commercial. Des juges africains francophones se sont peut-être inspirés de cette jurisprudence.

Le droit OHADA, comme le droit anglais en application de la directive européenne, prévoit une réglementation précise de l’indemnité compensatrice. Celle-ci doit être réclamée dans le délai d’un an, par acte extrajudiciaire, à compter de la cessation du contrat. Les ayants droit, en cas de décès, disposent du même droit . Cependant, l’indemnité compensatrice n’est due que si la cessation du contrat n’a pas été provoquée par une faute grave de l’agent commercial ou si l’agent a démissionné. La démission doit être causée par des circonstances imputables au mandant ou à l’âge, l’infirmité, la maladie de l’agent ou toutes circonstances indépendantes de la volonté de l’agent, par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut être raisonnablement exigée, ou que l’agent n’a pas cédé sa clientèle à un tiers avec l’accord du mandant .

Ces règles sont incontestablement dérogatoires au droit commun des pays du code civil et ressemblent à celles préconisées par le droit du travail.

Nous n’avons pas connaissance qu’elles aient perturbé les Etats adhérents de l’OHADA à ce jour. Elles correspondent aux règles communes des entreprises européennes pour une partie de leurs intermédiaires ; elles peuvent, de ce fait, être plus facilement invoquées pour la conclusion d’un contrat par des intermédiaires africains avec des entreprises européennes. En tout cas, l’interprétation de ces règles assez générales relève dans l’OHADA du doit des Etats et de leurs tribunaux.

Le calcul de l’indemnité minimum compensatrice, sans préjudice d’éventuels dommages et intérêts, est effectué dans la règle OHADA selon des règles simples, minimum :
– un mois de commission à compter de la 1ère année entièrement exécutée du contrat,

– deux mois de commission à compter de la 2ème année entièrement exécutée du contrat,
– trois mois de commission à compter de la 3ème année entièrement exécutée du contrat.

La mensualité à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité est celle de la moyenne des douze derniers mois d’exécution du contrat . Dans la loi (« regulation ») anglaise, il est prévu un principe d’indemnité ou de compensation à la fin du contrat. Le contrat peut prévoir un principe de compensation plutôt que d’indemnisation.

L’agent a droit à une indemnisation s’il a apporté de nouveaux clients ou accru significativement le volume des affaires avec les clients existants et que le principal continue à profiter des bénéfices substantiels de cet accroissement. Le principe de cette indemnité doit être équitable, compte tenu des circonstances et, en particulier, la commission perdue par l’agent commercial sur les transactions avec les clients.

Le montant de l’indemnité ne peut excéder la somme d’un an, calculée sur la rémunération annuelle moyenne de l’agent des cinq dernières années, et si le contrat a une durée inférieure à cinq ans.

L’indemnité doit être calculée sur la moyenne de la période en question. Le droit à une indemnité ci-dessus mentionné n’empêche pas l’agent d’obtenir des dommages et intérêts. Les dommages et intérêts (« damages ») se réfèrent, par exemple, au cas où le principal a commis une atteinte au contrat dans sa résiliation. La compensation vise les gains dont l’agent sera privé compte tenu de son exécution personnelle et les coûts non induits habituellement dans l’exécution du contrat sur demande du principal.

Les deux voies, compensation et dommages et intérêts, sont ouvertes à l’agent. Mais ni la loi anglaise ni la directive ne donne aucune indication de choix, sinon que l’indemnité ne doit pas dépasser un an de commission, indépendamment des dommages et intérêts particuliers. Cette règle maximum annuelle est issue du droit allemand, mais n’est pas reprise en droit français ni en droit de l’OHADA.

Aucune disposition dérogatoire au contrat n’est possible en dehors de ces règles avant la fin du contrat dans tous les droits, français, anglais, allemand et OHADA. Les méthodes de calcul de l’indemnité ou de la compensation ne sont pas prévues dans la loi anglaise ni dans les règles OHADA. Dans ces dernières, seul un minimum est prévu, d’un à trois mois de commission selon l’ancienneté.

Selon la loi anglaise, et aussi nigériane, l’indemnité (« indemnity ») est une somme calculée sur le chiffre d’affaires que l’agent a apporté au commettant, et qui continue à apporter des bénéfices substantiels de ces clients à la suite de la cessation du contrat. La directive européenne et la loi anglaise se limitent à un an de commission. L’autre réparation est la compensation. Cette réparation couvre le dommage dont souffre l’agent du fait de sa privation de la commission que celui-ci aurait touchée par ses diligences interrompues par la fin du contrat, et qui auraient apporté des avantages au commettant, ou bien le dommage causé par le fait que l’agent n’a pu amortir les coûts et les dépens intervenus en application de ses fonctions. Les auteurs anglais distinguent les deux voies selon que l’une se rapproche plus du profit, et l’autre de la perte. Mais il semble que les termes de la directive européenne sont plutôt vagues pour en tirer des conséquences précises .

La jurisprudence anglaise hésite sur l’interprétation de la loi (regulation 93). Dans le cas Douglas King v. T. Tunnock Ltd. (2000) , la chambre de l’Inner House of the Scottish Court Session, considérant que la directive était fondée sur la loi française, a attribué une compensation calculée sur deux ans de commission brute, calculée sur la moyenne des commissions des trois dernières années payées.

Mais, dans le cas Barret Mac Kensie & Co. Ltd. v. Escada (UK) LTD 2001 , a été appliquée une autre méthode considérant que la directive avait mis en œuvre des principes généraux et que les méthodes de calcul étaient laissées entièrement à l’appréciation des tribunaux des Etats membres. Ainsi, la cour a considéré qu’il était inapproprié de suivre la méthode de calcul des tribunaux français. La High Court, dans le cas Duffen v. Frabo spa, a décidé, contrairement aux principes généraux de la common law, que l’agence indépendante avait une valeur proche du « goodwill » dans une entreprise.

Ceci exigeait la prise en compte de divers facteurs incluant les frais de l’agence pour récupérer la commission, la durée et l’histoire du contrat, etc…

Les opinions du Juge Morland, dans le cas Igmar GB Ltd. v. Eaton Leonard Inc. 2001, ont considéré que si la Scottish Court of Session avait une supériorité hiérarchique, il se sentait plus proche de l’approche adoptée par la High Court, et que la juridiction écossaise n’avait pas adopté un principe de loi, mais une directive qui peut être appropriée dans beaucoup de cas.

La résolution du cas finira devant la Chambre des Lords ou le Privy Council dans le cas écossais . Qu’en est-il du droit nigérian, qui ne connaît évidemment pas cette problématique ? Si le droit nigérian ne reconnaît pas l’indemnité dans le cas de pertes pécuniaires intervenues pendant l’exécution du contrat d’agence , il reconnaît les indemnités en cas de faute du principal même si le contrat est dénoncé légalement.

Il reconnaît que la commission peut être encore due tant que les personnes introduites par l’agent font des affaires avec le principal. Mais, au-delà, sauf dispositions particulières du contrat, il ne reconnaît aucun droit à indemnité.

Dans le cas où on appliquerait des règles de l’OHADA au droit nigérian sur ce point important de l’indemnité, il nous paraît que les tribunaux devraient rester maîtres des modalités du calcul de l’indemnité. Cependant, les minimums requis par les règles de l’article 199, de un, deux ou trois mois, devraient s’appliquer sur la base d’une mensualité égale à la moyenne des douze derniers mois du contrat. Nous répétons que, contrairement au droit commun nigérian et anglais, hors du statut d’agent commercial, les indemnités sont dues sur l’activité de l’agent qui a généré des commissions.

Le droit OHADA, dans l’article 197 alinéa 2, précise que l’agent commercial perd droit à réparation s’il n’a pas notifié par acte extrajudiciaire, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits.

Cette règle est inspirée de la directive européenne et a été introduite dans la loi anglaise et existe dans la loi française . Aucun équivalent n’intervient dans la loi nigériane concernant cette question. Ce sont les règles générales de la prescription qui s’appliquent.

La mort de l’agent commercial, qui met fin au contrat, permet aux ayants droit de réclamer l’indemnisation en droit OHADA, en droit anglais et en droit français. On peut penser que la règle nigériane est différente, dans la mesure où le décès de l’agent amenant la fin du contrat n’est pas une cause d’indemnisation, ne s’agissant pas d’une faute du commettant.

L’agent, en droit OHADA, a droit à une indemnité spéciale à l’expiration du contrat s’il existe une clause de non-concurrence. Le texte anglais est fort précis : la clause de non-concurrence est valable si elle est conclue par écrit, si elle se réfère à une aire géographique ou un groupe de clients et des marchandises qui étaient couvertes par le contrat d’agence.

La durée ne peut être plus longue que deux ans après la fin du contrat , mais l’indemnisation spéciale n’est pas obligatoire.

Le droit français est similaire au droit anglais . Le droit nigérian ne réglemente pas de manière générale la clause de non-concurrence dans le cadre de « l’agency », mais la jurisprudence existe certainement pour préciser la validité d’une clause de non-concurrence. Le calcul d’une indemnité spéciale est renvoyé, en droit de l’OHADA, aux droits des Etats membres. La tendance en droit du travail, en France, est à l’indemnisation des clauses de non-concurrence.

CONCLUSION

L’examen des droits comparés OHADA et nigérian sur l’agence commerciale nécessite un appui très fort sur le droit national. Les principes de « l’agency » sont plus larges, mais pas très différents de ceux du mandat. Il y a des équivalences, des passerelles que nous avons suggérées. L’agent commercial est un professionnel qui agit pour le compte et au nom d’une entreprise. Cette action se retrouve parmi les multiples formes de « l’agency ».

Mais le droit OHADA, complètement écrit, terme de l’évolution de directives, de jurisprudence en Europe, est moins souple et beaucoup plus protecteur de l’agent commercial par les garanties qu’il apporte à son statut moyennant une inscription au registre du commerce, soit des délais particuliers de paiement des commissions, des clauses de préavis de résiliation avec des durées minimum, un renforcement des cas où l’agent touche une indemnisation même si la rupture tient à des éléments qui relèvent de lui – âge, infirmité, maladie, décès -, indemnisation calculée d’après l’ancienneté, clause de non-concurrence réglementée et indemnisée.

Il s’agit là de protections qui ne sont pas incompatibles avec les règles générales de « l’agency ». L’exemple anglais le démontre largement. Il s’agit de savoir, pour l’Etat intéressé par le rapprochement avec l’OHADA, s’il a intérêt à accepter ces contraintes minimales. La crainte qu’il y ait un bouleversement des habitudes judiciaires nationales doit être écartée par le fait que de très larges espaces d’interprétation et de règles de fond sont laissées au droit national comme, d’ailleurs, dans la directive européenne de 1986.

Le cumul de ces règles particulières avec d’autres statuts proches mais plus souples, tel celui du courtier, du commissionnaire en droit OHADA ou des divers types d’intermédiaires en common law d’origine anglaise permet de penser que ce statut n’occupera pas toute la place de la « petite intermédiation », bien que ce statut, contrairement au droit anglais, s’applique bien au-delà des activités commerciales d’intermédiation centrées sur les marchandises.

L’absence de perturbations sérieuses connues par le droit britannique introduisant la directive européenne correspondant au statut des agents commerciaux est confirmée dans cette étude, et le droit nigérian en est très proche. Les contraintes ne proviendraient pas des systèmes de droit, mais des charges supplémentaires qu’ils mettent sur le compte des investisseurs dans le secteur de la distribution au Nigéria, ce qui est déjà le cas dans les pays francophones. Ces contraintes ont un avantage : la sécurité du statut de l’agent commercial sous la surveillance du producteur.

Sur le plan légal, les juridictions nationales auront des règles de base plus simples et plus claires que celles issues d’un corpus jurisprudentiel très délicat à interpréter, car plus difficile d’accès comme source. Mais celui-ci ne disparaîtra pas du tout.

En tout état de cause, si le rapprochement des normes de l’OHADA et de celles du Nigéria devait se faire dans le cadre du traité existant, même modifié, encore faudrait-il que les juges spécialisés, interprétant le traité dans le cadre du droit national nigérian et connaissant bien ses normes, puissent statuer au sein de la cour commune de justice et d’arbitrage.

Le droit du Ghana étant fort proche, on peut supposer que les conclusions de cette étude lui soient largement étendues .