LES ENJEUX DE L’EXTENSION DE L’ACTE UNIFORME RELATIF AUX PROCÉDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF AUX ENTREPRISES INFORMELLES AFRICAINES : ENJEUX JURIDIQUES ET ÉCONOMIQUES

Définies comme étant des entreprises économiques regroupant des petites unités de production et de distribution de biens et de services implantées dans les zones urbaines et dans les zones non urbaines , les entreprises informelles africaines au cours des dernières décennies, ont joué et jouent encore un grand rôle en Afrique en matière de création d’emplois. De ce fait, l’une des caractéristiques la plus marquée des entreprises informelles ou populaires ou encore de survie , C’est qu’elles se développent en dehors du cadre juridique établi par l’Etat. Ce sont donc des entreprises qui n’ont pas d’existence légale au sens juridique du terme. Mais, bien que n’ayant pas d’existence légale, les entreprises informelles africaines font vivre de milliers de famille qui sont en réalité des exclues du modèle de développement économique des Etats africains ou plutôt d’un modèle venu d’ailleurs. La raison la plus plausible, parmi tant d’autres, qui pourrait expliquer cette situation est que les Etats africains sont incapables de créer les emplois ou encore de s’occuper des populations pauvres. C’est ce qui justifie, sans nul doute, le développement exponentiel des entreprises informelles ou de survie sur tout le continent africain. Paradoxalement, le développement des entreprises informelles constitue une perte de revenus financiers pour les Etats africains.

En effet, depuis trois décennies la part des entreprises informelles a connu des évolutions, notamment dans le secteur de l’auto-emploi non agricole. A l’échelle mondiale, ce dernier est passé de 22, 6% dans les années 1970 à 28% dans les années 1990 de la population active non agricole. Mais c’est l’Afrique qui a connu la plus grande évolution, celle-ci passant de 28% en 1970 à 55% en 1990 .

Dans la même optique, il faut noter que la contribution des entreprises informelles au PIB, c’est-à-dire au produit intérieur brut, est, quant à elle, inférieure à sa part en emploi : dans les années 1990, en Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud), la contribution des entreprises informelles dans le PIB non agricole est de 39, 4% et de 25, 9% dans le PIB total. D’où l’intérêt que nous lui portons dans ce sujet, et nous regrettons par la même occasion son exclusion totale par le législateur de l’OHADA dans ses différents Actes Uniformes. Il résulte donc de ce qui précède que les entreprises informelles, même si elles n’ont pas été prises en compte par le législateur des pays membres de l’OHADA, joue un rôle prépondérant dans les économies africaines dans la mesure où il apparaît, nous l’avons déjà dit, comme palliatif aléatoire aux insuffisances des programmes du développement économiques des Etats africains.

Comme toute entreprise, l’entreprise informelle africaine rencontre également de difficultés. En effet, la plupart des petites et moyennes entreprises du secteur informel africain sont souvent fragiles. Elles sont constamment menacées de faillite à cause de plusieurs facteurs, notamment : la fuite des employés, la sous-capitalisation, la concurrence des grandes entreprises et d’autres petites entreprises.

Bien que « les entreprises informelles » africaines soient le « moteur du développement » économique en Afrique, elles n’ont pratiquement pas été prises en compte par le législateur de l’OHADA lors de l’élaboration des Actes uniformes. Il en résulte que le cadre juridique mis en place est inadapté aux entreprises informelles. Or, pour que l’intégration économique africaine (l’un des objectifs majeurs du droit de l’OHADA) réussisse, il est nécessaire de prendre en compte tous les acteurs de la vie économique. Pour cette raison, il nous paraît indispensable d’envisager ici l’extension des procédures collectives aux entreprises informelles africaines. Cette extension des procédures collectives aux entreprises informelles africaines devrait avoir pour enjeu fondamental non seulement de protéger les entreprises informelles en difficulté, et surtout les emplois qui y sont attachés, mais aussi et surtout de contrôler les flux financiers que ce secteur génère et qui échappent au contrôle de l’Etat. En cela, l’Acte Uniforme relatif aux procédures collectives d’apurement du passif serait considéré ici comme une « technologie du changement » dans la mesure où il devrait créer les conditions d’existence juridique des entreprises informelles africaines. A vrai dire, l’extension des procédures collectives aux entreprises informelles africaines est un véritable défi pour le droit de l’OHADA.

L’enjeu majeur de l’extension de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif consisterait à faire de l’entreprise informelle africaine un sujet de droits et d’obligations. Sujet de droit, parce qu’elle n’a pas d’existence juridique. Et à ce titre, elle ne bénéfice pas de la protection juridique lorsqu’elle est confrontée à des difficultés. Ainsi, l’extension de cet Acte uniforme permettrait à l’entreprise informelle d’avoir un statut juridique, donc d’être protégée juridiquement en cas de difficulté. Il s’agit là d’un enjeu juridique majeur (I).

Par ailleurs, il convient de noter que l’entreprise informelle n’est pas non plus un contribuable imposable au même titre que l’entreprise moderne, en raison de ce qu’elle n’existe pas légalement. En d’autres termes, elle n’est donc pas un sujet d’obligations. Par conséquent, elle échappe à tout contrôle de l’administration fiscale en termes de paiement d’impôts. Ainsi, pour faire en sorte que l’administration fiscale puisse avoir une main mise sur les flux financiers que ce secteur génère, il serait souhaitable que l’entreprise informelle puisse avoir une certaine organisation comptable car, c’est sur cette seule base que l’administration fiscale pourrait lui réclamer le paiement d’impôts. C’est dire que l’extension de l’Acte uniforme a également un enjeu économique non négligeable, puisqu’elle permettrait d’accroître relativement la contribution des entreprises informelles au Produit Intérieur Brut des pays membres de l’OHADA (II).

I. L’ENJEU JURIDIQUE DE L’EXTENSION DE L’ACTE UNIFORME PORTANT ORGANISATION DES PROCEDURES COLLECTIVES D’APUREMENT DU PASSIF AUX ENTREPRISES INFORMELLES AFRICAINES

En Afrique, les entreprises informelles ou de survie se déploient dans tous les domaines de la vie sociale, et plus spécialement dans le secteur de la vente intermédiaire, notamment : la maçonnerie, cordonnerie, la boulangerie, l’artisanat etc. D’aucun parlent, à juste titre, du règne des entreprises informelles en considérant que même les activités jadis propres aux entreprises modernes ont basculé dans l’économie informelle ou populaire. Tel est, par exemple, le cas des boulangers et des cliniques médicales. Aussi, ces entreprises informelles soutiennent la structure économique des Etats africains. Elles jouent donc un rôle non négligeable en ce qu’elles résorbent le taux du chômage quasiment endémique qui mine le monde du travail africain. Car, c’est l’incapacité des Etats africains de répondre aux besoins fondamentaux de la population dans les domaines de l’emploi, de la santé, du logement et de l’éducation qui est à l’origine du foisonnement des entreprises informelles. En dépit de leurs parts contributives dans le développement du continent africain, les entreprises informelles n’ont pas été intégrées dans le cadre juridico-institutionnel du droit de l’OHADA et de l’économie moderne. Alors même qu’elles jouent un rôle important en Afrique et sont souvent très fragiles et menacées constamment de faillite.

Ainsi, il est donc important, pour redynamiser ce secteur créateur d’emplois et surtout de richesse, que le droit s’y intéresse en apportant sa protection aux entreprises informelles qui seraient en difficulté financière ou économique. Mais, pour que le droit puisse s’intéresser aux entreprises informelles, pour lesquelles nous avons dit qu’elles n’ont pas d’existence légale, il faut avant tout qu’elles puissent avoir un statut juridique, c’est-à-dire, l’aptitude à être sujet de droits et d’obligations. Il ne s’agit pas ici de transformer l’entreprise informelle en entreprise formelle, mais plutôt de leur donner juste un statut juridique. En droit uniforme, il s’agirait de l’enregistrement de ces entreprises dans un registre, et non de leur transformation en entreprise moderne. L’extension de l’Acte Uniforme relatif aux procédures collectives aux entreprises informelles sera analysé sous deux angles, à savoir l’évaluation du nouveau statut de l’entreprenant mis en place par le législateur africain , statut qui révèle déjà plusieurs lacunes (A) et l’attribution d’un véritable statut juridique aux entreprises informelles africaines, statut qui serait conforme au mode de fonctionnement de ces entreprises (B).
A. L’EVALUATION DU NOUVEAU STATUT DE L’ENTREPRENANT MIS EN PLACE PAR LE LEGISLATEUR DE L’OHADA LE 15 DECEMBRE 2010 : UN MONSTRE JURIDIQUE INEFFICACE

Dans le but de favoriser la formalisation des entreprises informelles africaines, le législateur de l’OHADA a réformé l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général en y insérant un nouveau monstre juridique : l’entreprenant. L’interprétation de l’article 30 de cet Acte nous enseigne que « L’entreprenant est un entrepreneur individuel, personne physique qui, sur simple déclaration prévue dans le présent Acte Uniforme, exerce une activité professionnelle civile, commerciale, artisanale ou agricole ». Il ressort de ce vient d’être dit qu’en apparence, ce statut conviendrait au mode de fonctionnement des entreprises informelles. Il s’agirait donc d’une structure juridique d’accueil appropriée aux entreprises informelles. Mais, l’analyse objective des dispositions de cet Acte Uniforme semble démentir toute idée de triomphalisme. Puisque ce statut juridique s’avère comme un statut intermédiaire entre l’entreprise individuelle qui n’a pas été consacrée par le législateur africain et l’entreprise constituée sous forme de société commerciale.

Dans le même ordre d’idées, il convient de noter la lecture de l’alinéa 2 de l’article 30 de cet Acte nous révèle que la conservation de ce statut est lié à l’évolution du chiffre d’affaires de l’entreprenant. Ainsi, lorsque ce chiffre d’affaire augmente, l’entreprenant perd son statut d’entreprenant au profit d’un autre statut que le législateur s’est bien gardé de dire. Une fois encore, la création de ce monstre juridique rencontrerait plusieurs difficultés d’application. Et son attractivité est, d’ores et déjà, remise en cause.

Pour une meilleure utilité du statut de l’entreprenant, il serait important que le critère du chiffre d’affaires soit remplacé par celui de la taille de l’entreprise ou encore du nombre de salariés de l’entreprise. Puisqu’une entreprise, aussi petite soit-elle est appelée à se développer. Ce qui suppose vraisemblablement l’augmentation de son chiffre d’affaire. Dès lors, conditionner l’existence d’un statut juridique à l’absence de l’augmentation du capital social de l’entreprise, fût-elle informelle, est une vraie aberration juridique. A la lumière de cette analyse, il apparait que les dispositions relatives à l’entreprenant et celles relatives à l’application du système minimum de trésorerie sont en contradiction en ce que le législateur africain pense que le critère du chiffre d’affaires est un critère objectif qui correspond au mode de fonctionnement des entreprises informelles. Ce qui ne semble pas être le cas au vu de la réalité du terrain.

En outre, le législateur africain a réformé l’Acte Uniforme portant sur le droit commercial général sans pour autant envisager de réformer l’Acte Uniforme portant sur la comptabilité des entreprises. Il ressort de cette réforme un statut de l’entreprenant déconnecté de la réalité du terrain, dont l’existence est liée à la stagnation du capital social.

En l’état actuel des choses, nous pensons que ce statut ne correspond pas au mode de fonctionnement des entreprises informelles africaines. Aussi, nous ne comprenons pas pourquoi est-il si difficile, pour le législateur africain, de légiférer en faveur des entreprises informelles africaines. Alors qu’elles sont considérées de nos jours comme les seules structures économiques qui créent des emplois et la richesse en Afrique. Il serait donc opportun de leur accorder un véritable statut juridique, fondé sur des critères objectifs et clairs. Ainsi, tout entrepreneur individuel ou non individuel qui emploierait au minimum cinq salariés, aurait non seulement le statut de l’entreprenant mais aussi et surtout serait obligé de tenir une comptabilité.
B. L’ATTRIBUTION D’UN VERITABLE STATUT JURIDIQUE AUX ENTREPRISES INFORMELLES AFRICAINES

D’une manière générale, il faut dire que l’attribution d’un statut juridique aux entreprises informelles est un acte qui serait destiné à donner une existence légale aux entreprises qui vivent en marge de la légalité. En d’autres termes, il s’agirait de favoriser leur passage à une économie souterraine vers une économie formelle ou fiscalisée. Ainsi, l’attribution d’un statut juridique aux entreprises informelles africaines devrait se faire, soit dans le cadre d’un Code des différents Etats membres de l’OHADA, soit dans celui d’un Acte Uniforme. A l’évidence, il apparaît que l’attribution d’un statut juridique aux entreprises informelles à travers un Acte Uniforme, nous paraît beaucoup plus plausible, que l’attribution par le Code. En effet, l’attribution d’un statut juridique par Acte Uniforme renforcerait, à coup sûr, l’harmonisation ou l’unification du droit de l’OHADA que ne le ferait un Code d’un des pays membres. Il ne faudrait pas, par exemple, que le statut d’artisan varie d’un Etat à l’autre. Il faut qu’il y ait une unification ou harmonisation du statut de l’entreprise informelle. En effet, le Burkina Faso fait partie des rares pays africains qui ont modernisé le statut d’artisan. Pour s’en convaincre, il n’est que de voir les rencontres ou les foires qui sont organisé par Burkina Faso en faveur d’artisans.

L’objectif de la création de cet acte uniforme consisterait à donner une existence légale aux entreprises informelles africaines afin de mieux les identifier. Cette identification est capitale dans la mesure où elle permettrait aux autorités compétentes de pays membres de l’OHADA de contrôler plus ou moins leurs activités, fonctionnement, et surtout les flux financiers de ces entreprises.

Il serait également important, par la même occasion, de modifier les structures juridiques d’accueils des entreprises informelles en droit de l’OHADA. En effet, le législateur n’a pas consacré l’existence des entreprises unipersonnelles à proprement parler. Ainsi pour faciliter l’insertion des entreprises informelles africaines qui sont par principe des entreprises unipersonnelles, il serait opportun de créer une gamme très étendue de structures juridiques pour y loger les entreprises informelles. Sur ce point, on estime que la création de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée répondrait à des nombreuses aspirations des entrepreneurs informels, d’une part, en limitant leurs responsabilités à due concurrence de leurs apports, et d’autre part, en leurs apportant une couverture juridique fiable.

Ceci est d’autant plus évident que les entreprises informelles africaines recouvrent des activités diverses : production, service, distribution. Comme le souligne un auteur , il s’agit de « l’auto-emploi, qui comprend divers groupes réparations mécaniques et électriques, sans oublier les activités de commerce et surtout celles de transport inter-urbains ».

L’attribution d’un statut juridique aux entreprises informelles consisterait donc à faciliter leur enregistrement soit au Greffe du tribunal de commerce, soit pour faire encore plus simple à la Chambre de métiers et de l’artisanat, une institution à mettre en place dans les pays membres de l’OHADA. En effet, pour se faire enregistrer, l’entrepreneur devrait juste donner le nom de son entreprise et surtout sa carte d’identité. Mais là encore, beaucoup d’efforts restent à faire, dans la mesure où certains africains n’ont jamais eu de carte d’identité. Comme on peut le constater, la formalisation des entreprises informelles exigerait de réformes administratives importantes en Afrique noire francophone.

En droit uniforme, l’immatriculation ou l’enregistrement est le seul mode d’acquisition de la personnalité juridique des sociétés instituées par le législateur africain . Mais, les motifs souvent évoqués par les entrepreneurs des entreprises informelles, pour justifier leur non immatriculation, sont : le coût, l’attente exagérée, la crainte d’être repéré et harcelé par l’administration fiscale. A cela s’ajoutent tout naturellement la complication et la méconnaissance des procédures d’enregistrement.

De ce qui précède, on constate la méfiance et le fossé qui existe entre les entrepreneurs des entreprises informelles et l’Etat. Ne faudrait-il pas conserver la discrétion de fonctionnement des ces entreprises en favorisant leurs immatriculations à la Chambre de métiers et de l’artisanat ? Nous pensons que cette solution serait la moins pire dans la mesure où l’Etat pourrait enfin organiser l’enregistrement de ces entreprises et les entreprises informelles, quant à elles, conserveraient leur mode de fonctionnement qui est axé sur la discrétion et l’anonymat. Il est admis que le mode de fonctionnement des entreprises informelles africaines ressemble plus ou moins à celui des sociétés anonymes. La discrétion et l’anonymat y sont considérés comme des principes fondamentaux. Ainsi, pour protéger leur originalité, il serait opportun que leur enregistrement se fasse à la chambre de métiers et de l’artisanat, puisque ces entrepreneurs préfèrent rester dans l’ombre, c’est-à-dire gérer leur entreprise dans toute la discrétion possible.

Plus fondamentalement, l’attribution d’un statut juridique aux entreprises informelles africaines serait un motif légitime de la protection de celles-ci par le droit des entreprises en difficulté ou dans le cas d’espèce à l’Acte Uniforme relatif aux procédures collectives d’apurement du passif.

A coté de l’enjeu juridique de l’extension de l’Acte Uniforme relatif aux procédures collectives aux entreprises informelles africaines, il y a aussi un enjeu économique. Celui-ci consisterait à faire des entreprises informelles africaines des personnes imposables au même titre que les entreprises modernes. Ce qui augmenterait, à juste titre, leur contribution au PIB. Mais avant tout, il faut qu’elle tienne une comptabilité, c’est sur cette seule base que leurs résultats comptables seraient imposables.

II. L’ENJEU ECONOMIQUE DE L’EXTENSION DE L’ACTE UNIFORME RELATIF AUX PROCEDURES COLLECTIVES AUX ENTREPRISES INFORMELLES AFRICAINES

En économie, le produit intérieur brut est défini comme étant l’ensemble de richesses créé par les entreprises. Or, en Afrique, dans le calcul du PIB, on ne tient pas compte de la richesse créée par les entreprises informelles en raison de ce qu’elles n’existent pas légalement. Alors que ces entreprises créent véritablement des emplois et de richesses, mêmes s’ils ne sont pas dans des proportions importantes. C’est ce qui fait, sans nul doute, que la part de contribution de l’Afrique à la production mondiale stagne à 1% contre 25% pour l’Asie où les entreprises informelles, qui sont sous le contrôle de l’administration, jouent un rôle important. C’est dire que la problématique de la formalisation des entreprises informelles africaine est une question qui concerne véritablement le droit économique, c’est-à-dire le droit de l’organisation économique des pays africains. Ainsi, pour tenter de prendre en ligne de compte la richesse créée par les entreprises informelles africaines, il serait opportun, comme on vient le voir, que les entreprises informelles puissent tenir une comptabilité (A). Car, c’est sur cette seule base que l’administration serait fondée à leur réclamer le paiement de l’impôt. Ce qui augmenterait la manne financière des pays membres de l’OHADA. (B).
A. LA MISE EN PLACE DRUNE ORGANISATION COMPTABLE SOUPLE ET SIMPLIFIEE POUR LES ENTREPRISES INFORMELLES

Parce qu’elles sont occultes et souterraines, les entreprises informelles africaines ne tiennent pas de comptabilité, fût-elle rudimentaire. Il en résulte donc qu’elles ne peuvent pas prétendre bénéficier de la protection des procédures collectives en cas défaillance. Il serait donc indispensable que les entreprises informelles africaines, pour prétendre bénéficier des procédures collectives, établissent un système minimum de trésorerie, c’est-à-dire un minimum d’organisation comptable fiable, destinée à l’information externe comme à leur propre usage. Cette organisation comptable souple serait fondée sur le critère de la taille de l’entreprise ou encore de celui du nombre des salariés. Ainsi, une entreprise informelle appliquerait le système minimum de trésorerie si elle dispose de plus de cinq salariés, ou encore, si elle a une taille assez conséquente, c’est-à-dire une taille qui l’oblige à avoir des rapports économiques avec d’autres entreprises.

L’organisation comptable des entreprises informelles africaines reposerait sur une comptabilité de trésorerie (Recette-dépense) en respectant les règles de la partie double. Le système minimum de trésorerie impliquerait la production d’un compte de résultat très succinct de la situation ou bilan de fin d’exercice, de la variation de l’avoir net au cours de l’exercice. Ce système, comme on peut le constater, répond aux exigences d’existences des entreprises informelles africaines. C’est-à-dire la discrétion et l’anonymat. Il ne s’agit donc pas ici de leurs imposer une comptabilité très lourde et onéreuse, mais plutôt de mettre en place un système comptable très souple et simple.

Cette comptabilité comporterait donc deux parties, à savoir : une Partie Recette et une autre Dépense. La partie recette devrait contenir tous les avoirs et les recettes journalières de l’entreprise, tandis que la partie dépense, comporterait toutes les dettes et les dépenses liées au fonctionnement de l’entreprise informelle. Formellement, l’entrepreneur pourrait bien tenir sa comptabilité dans un cahier qui serait divisé en deux parties. Plus fondamentalement, ce système sera conçu pour permettre aux nombreuses micro-entreprises du secteur informel d’accéder à un minimum d’organisation comptable aux fins de pouvoir bénéficier d’un statut officiel dans le monde des affaires et particulièrement auprès des banques. Toutefois, il faut signaler que la mise en place de l’organisation comptable des entreprises informelles africaines exigerait fondamentalement la formation des dirigeants de ces entreprises. Cette formation serait financée en partie par l’Etat et une contribution de l’organisme des entrepreneurs.
B. ENTREPRISES INFORMELLES : ENTREPRISES IMPOSABLES

Plusieurs avantages peuvent résulter de la mise en place de la comptabilité en faveur des entreprises informelles. Ils concernent aussi bien l’Etat que lesdites entreprises elles-mêmes. En effet, la mise en place de la comptabilité en faveur des entreprises informelles africaines devrait permettre aux Etats membres de percevoir les Impôts et taxes que ces entreprises ne paient pas. Puisqu’il n’y a que les documents comptables qui peuvent servir de base de calcul à l’impôt. Cet impôt devrait être un impôt forfaitaire et variable en fonction de la situation financière de l’entreprise. Là encore, pour de raisons de discrétion de ces entreprises, le paiement de cet impôt forfaitaire devrait se faire à la chambre de métiers et de l’artisanat, dans un service dirigé par un fonctionnaire des Impôts. Ainsi, lors de l’enregistrement de l’entreprise à la chambre de métiers et de l’artisanat, chaque entrepreneur devrait avoir un nouvel identifiant fiscal (NIF). Cet identifiant permettra aux services des impôts de taxer forfaitairement les bénéfices ou recettes annuels réalisés par ladite entreprise. Cet impôt devrait être modulable en fonction des bénéfices réalisés par l’entreprise informelle. Le pari est difficile, mais il pourrait être gagné moyennant une volonté tenace de l’administration et une logistique adéquate. Du point de vue financier, les pays membres de l’OHADA ont plutôt intérêt à inciter les entreprises informelles à la formalisation dans la mesure où ils vont percevoir les impôts de toutes ces entreprises.

Et pour les entreprises informelles africaines, elles devront légaliser leurs activités et dans la mesure du possible afin de solliciter des crédits bancaires. Au regard de ce qui vient d’être dit, il faut noter que la légalisation juridique des entreprises informelles devrait produire des effets positifs sur le développement du continent africain, puisqu’il est de notoriété publique que ces entreprises sont pourvoyeuses d’emplois et créatrices de richesses.

Plus fondamentalement, le paiement de l’impôt par des entreprises informelles africaines aurait des effets macroéconomiques certains. En effet, le paiement de l’impôt augmenterait relativement la part de contribution des entreprises informelles au produit intérieur brut des pays africains, puisque le PIB est considéré comme l’ensemble de richesses crée par les entreprises. Ce qui ne serait pas négligeable, du point de vue économique, au moment où le continent africain se mondialise et fait face à son endettement abyssal.