L’AFFAIBLISSEMENT DU DROIT PRÉFÉRENTIEL DE SOUSCRIPTION DES ACTIONNAIRES EN DROIT OHADA

INTRODUCTION

L’actionnaire est généralement perçu en Afrique comme un capitaliste snob, différent de par sa condition, de celle de la grande masse populaire, et qui a obtenu par sa position sociale et son investissement, une place dans un milieu qui lui semble plus distingué, plus original, en raison des dividendes périodiques venant gonfler son épargne. Cette vision caricaturale de l’actionnaire est révélatrice du sous-développement de l’actionnariat dans nos sociétés en même temps qu’elle fait soupçonner les difficultés que peuvent éprouver les populations africaines avec ce concept venu d’ailleurs. Au surplus, elle laisse péniblement imaginer que l’actionnaire, outre les retours sur investissements, dispose de droits spécifiques qui lui ont été aménagés pour sa protection. Au nombre de ceux-ci, le droit préférentiel de souscription (DPS) qui fait partie de ces droits subjectifs, sur lesquels la lumière est moins portée que d’autres droits de l’actionnaire, en raison non seulement de sa manifestation occasionnelle, mais aussi de son cloisonnement dans les rapports entre la société et ses associés. A la faveur des récentes crises économiques et financières dans les pays occidentaux, on a vu apparaître au grand jour dans la finance internationale la pratique de tests dits de crédibilité encore appelés « stress test ». Il s’agit de rien moins qu’un exercice consistant à simuler des conditions économiques et financières extrêmes mais plausibles afin d’en étudier les conséquences sur les banques et mesurer leur capacité de résistance à de telles situations. Cet exercice qui n’est pas nouveau , a abouti à des recommandations des contrôleurs auprès des banques qui subissent ces tests qui sont de renforcer leurs capitaux propres. L’augmentation du capital social participe de ce renforcement et le DPS en est à la fois l’instrument et l’obstacle.

Le capital d’une entreprise est l’élément de base de financement de son activité. Elle ne peut pas fonctionner exclusivement avec des capitaux d’emprunt. Elle doit avoir des capitaux propres pour supporter le risque économique que les prêteurs n’accepteraient pas d’assumer. Le premier de ces capitaux propres dans l’ordre chronologique, c’est le capital social. Il est juridiquement « le gage des associés », mais aussi la source de ses droits et pouvoirs dans la société . Il est apporté par les associés à la constitution de la société, mais aussi au besoin pendant la vie sociale. Dans ce dernier cas, le capital initial ou existant, fait alors l’objet d’une augmentation. L’appel aux actionnaires et l’utilisation par ceux-ci de leur DPS en est la manifestation, car en effet, ce droit leur permet de souscrire en priorité aux actions nouvelles émises aux fins de cette augmentation . Laquelle donne ainsi l’occasion aux actionnaires de recevoir des bulletins de souscription sur lesquels il est imprimé des formules comme « souscription à titre irréductible » et « souscription à titre réductible », suivies chaque fois du nombre d’actions qui peuvent être souscrites. Si ces expressions sont compréhensibles pour certains, on peut douter de leur facile accessibilité à tous les actionnaires des sociétés africaines, qui comptent parmi eux de nombreux commerçants, la plupart peu lettrés.

Pour essayer de jeter quelque lumière sur ce droit particulier de l’actionnaire que constitue le DPS, il faut d’abord relever le fait qu’il n’a été légalement reconnu qu’à l’actionnaire de la société anonyme et rappeler, que la société anonyme est celle dans laquelle les actionnaires ne sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et dont les droits des actionnaires sont représentés par des actions . La société anonyme est donc une société par actions. Le droit OHADA n’en compte pas d’autres. La société anonyme constitue le seul type de société par actions réglementé par l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSC), le texte de loi qui régit les sociétés dans les pays composant cet espace. Les sociétés en commandite par actions, qui existaient avec l’ancienne législation, n’ont pas survécu à la réforme qui a conduit les pays de OHADA à s’approprier leur droit des sociétés en l’allégeant de types de sociétés dont le moins qu’on puisse dire, est qu’elles n’ont pas connu les faveurs du monde des affaires, n’ont eu aucun succès et sont restées figuratives dans les textes. La société anonyme assure donc désormais tout son rayonnement, sans concurrence d’aucune sorte dans la catégorie des sociétés de capitaux, des sociétés par actions dont elle constitue le seul prototype.

Les titres émis par cette forme de société sont à la fois particuliers et avantageux par rapport à ceux émanant d’autres formes régies par l’Acte uniforme de l’OHADA sur les sociétés commerciales. Particuliers en ce qu’ils constituent non pas seulement des droits d’associés, mais aussi et surtout des valeurs mobilières . Ils peuvent ainsi faire l’objet de cotations sur les marchés boursiers avec cette faculté combien séduisante, de changer de titulaires plusieurs fois dans une même journée. Cette double nature leur confère une ascendance certaine sur d’autres titres créés par les sociétés commerciales en contrepartie des apports de leurs associés, notamment les parts sociales. Ils présentent en outre des avantages que n’offrent pas les autres titres. Si comme les parts sociales émises par les autres formes de sociétés commerciales, les actions confèrent à leurs titulaires certains droits (droit aux bénéfices, aux actifs nets, participation et vote aux assemblées d’associés), elles trouvent toute leur attraction sur les premières dans les prérogatives dont elles sont auréolées par la loi et notamment les articles 751 et suivants de l’AUDSC. Il s’agit du droit de vote simple conféré aux actions et qui peut être double dans certaines conditions , du droit au dividende pouvant donner lieu à la perception d’un premier dividende et même à des dividendes cumulatifs en cas de création d’actions de priorité , du droit préférentiel de souscription, du droit de négocier les actions qui est selon la jurisprudence « de l’essence des sociétés anonymes » , et même de les négocier après la dissolution de la société . Au droit de négocier librement les actions, s’ajoute celui de les transmettre librement. A ces nombreux avantages de l’action, il faut ajouter accessoirement sa valeur de moyen de paiement permettant d’acquérir des titres émis par d’autres sociétés en cas d’offre publique d’échange ou de fusion . Il rémunère aussi certains personnels notamment à travers ce qu’on appelle aujourd’hui les stocks options .

Le droit préférentiel de souscription (DPS) constitue le substrat des souscriptions à titre irréductible et réductible des actions. Il a été garanti par la loi aux actionnaires des sociétés anonymes, mais on le retrouve parfois sinon bien souvent à être utilisé dans d’autres formes de société commerciales proches comme la SARL. Si cet emploi est le fait de la pratique et sans aucune consécration légale, il faut accuser le fait qu’il n’a pas été jugé non plus illégal par la jurisprudence dans ce type de société . De sorte que la société anonyme n’a plus aujourd’hui le monopole de cet instrument crée au profit de ses actionnaires.

Le DPS est lié à l’action et profite à l’actionnaire actuel qui en est propriétaire. Si avant l’augmentation de capital l’action a changé plusieurs fois de mains, c’est au dernier détenteur que le droit appartiendra. Toutefois, il y a un départ à faire entre la capacité de jouir du DPS acquis à l’actionnaire dès qu’il devient propriétaire de l’action, et sa capacité d’exercice qui ne peut se manifester que lorsqu’il aura rempli les conditions définies par le législateur et notamment, l’obligation de libérer totalement les actions détenues. C’est là une différence notable avec les autres droits de l’actionnaire puisque ceux-ci peuvent s’exercer sans cette condition, du moins avant le délai d’appel à libération du solde non versé. En outre, les autres droits de l’actionnaire comme les droits aux bénéfices, aux actifs nets, à la participation et au vote dans les assemblées d’associés ainsi que celui de négocier son titre s’exercent tout au long de la vie sociale et ont par conséquent un caractère permanent. En revanche, l’exercice du droit préférentiel de souscription attaché aux actions émises par les sociétés anonymes est marqué par sa temporalité. Son exercice est ad’ hoc. Il ne peut se manifester que lorsque la société prend la décision de modifier son capital social dans le sens de son augmentation.

Les raisons qui motivent la décision d’augmenter le capital sont financières et économiques. Le but des initiateurs est d’accroître les capitaux propres et crédibiliser ainsi la société à l’égard de ses partenaires. Cette opération se traduit par l’appel à de nouvelles souscriptions d’actions. La préoccupation des dirigeants sociaux, c’est l’absorption de la totalité du montant de l’augmentation capital afin de leur permettre d’atteindre l’objectif qu’ils se sont fixés. Le but visé a une très grande importance, disons même une résonnance considérable, car c’est justement lui qui est à l’origine de l’affaiblissement observé dans le droit préférentiel de souscription que le législateur a incontestablement reconnu à l’actionnaire . En effet, les aléas liés à la souscription des actions émises dans le cadre de cette augmentation sont tels que le dessein poursuivi risque de ne pas être atteint. Les actionnaires invités à souscrire aux actions nouvelles peuvent se désintéresser de l’opération pour des raisons de négligence ou de moyens ou même y renoncer expressément . En ce, le DPS que la pratique avait imaginé pour protéger les actionnaires et qui a été ensuite consacré par le législateur devient un véritable obstacle pour la bonne fin de l’opération d’augmentation de capital. Il ne reste à la société d’autres issues que de le supprimer par le biais de l’Assemblée Générale des actionnaires (AGE), qu’ironiquement, le doyen RIPERT qualifiait en son temps de « merveilleux instrument du capitalisme » . Cet organe social, auquel la loi confère le pouvoir de supprimer le DPS qu’elle a pourtant lui-même octroyé aux actionnaires, s’est rarement fait prier pour s’exécuter lorsque les intérêts généraux de la société, compris comme sa recapitalisation sont menacés. Qu’importe que la décision soit prise par quelques personnes au nom de la multitude. L’essentiel est qu’elle ait les apparences de la légalité. La grande masse restera éternellement impuissante, et ce n’est pas semble-t-il les dénonciations des juristes qui feraient bouger le législateur .

Le législateur de l’OHADA, à l’instar de son homologue français qui constitue par tradition, sa source d’inspiration juridique, a cru devoir conférer aux actions anciennes détenues dans la société ou si l’on veut, à leurs titulaires, une prérogative à l’image de celle connue en droit commun, à savoir le droit de préférence. Le DPS doit être néanmoins distingué du droit de préférence de droit commun qui est le « droit pour un créancier d’obtenir son paiement, sur le produit de la vente d’un bien appartenant au débiteur, avant les autres créanciers (en général, créanciers chirographaires) » . Le DPS consiste dans le privilège de souscrire en priorité avant tout autre, aux actions nouvelles émises, lors de l’augmentation du capital social des sociétés anonymes. Cette prérogative accordée à l’actionnaire lui permettra ainsi de conserver dans la société la même proportion de capital, donc les mêmes droits, avant et après l’opération, s’il souscrit . C’est le sens de ce droit qui se présente sous les deux modalités que nous avons visées plus haut, à savoir la souscription à titre irréductible et la souscription à titre réductible. On parle de souscription irréductible lorsque l’actionnaire souscrit aux actions nouvelles émises en numéraire sans possibilité de réduction de celles-ci, par rapport à la proportion des anciennes actions détenues. La souscription devient réductible s’il a souscrit un nombre d’actions nouvelles excédant celui auquel il a droit, et le trop souscrit pouvant lui être attribué dans la limite de sa demande avec possibilité de réduction. L’attribution de ce droit à l’actionnaire a semblé si capital au législateur qu’il sanctionne pénalement les dirigeants sociaux qui, lors d’une augmentation de capital « n’auront pas fait bénéficier les actionnaires, proportionnellement au montant de leurs actions, d’un droit préférentiel de souscription des actions de numéraire lorsque ce droit n’a pas été supprimé par l’Assemblée Générale et que les actionnaires n’y ont pas renoncé » .

Le DPS n’existait pourtant pas à l’origine dans la première législation consacrée aux sociétés anonymes notamment dans la loi française de 1867 anciennement applicable aux pays d’Outre-mer dont certains sont aujourd’hui dans l’OHADA. Néanmoins, la pratique était courante dans les sociétés anonymes. Seul le droit allemand l’a consacré très tôt, puisque dès 1897, la loi allemande sur les sociétés par actions édicte qu’« il doit être conféré à chaque actionnaire, à sa demande, un nombre d’actions correspondant à sa participation au sein du capital de la société » . C’est bien plus tard en 1935 que le législateur français a créé au profit des actionnaires, un droit préférentiel de souscription . L’objectif visé dès le départ a été de maintenir l’actionnariat d’origine dans les mêmes proportions dans le but de protéger les actionnaires contre les prédateurs à l’occasion de l’augmentation de capital. Cette opération ne doit pas constituer une opportunité pour d’autres actionnaires d’augmenter leur part dans le capital au détriment de leurs pairs ou offrir l’occasion aux tiers non associés de prendre des participations dans le capital social. Il faut en effet éviter que l’augmentation de capital vienne déséquilibrer le rapport d’origine ou qu’elle introduise dans l’actionnariat des tiers qui, par ce biais acquerront des droits au détriment des anciens actionnaires. Ce qui aurait eu pour corollaire une diminution mécanique du taux de participation des anciens actionnaires, une dilution de leurs droits. Le DPS est donc un droit de protection, visant à assurer l’égalité entres actionnaires, il a « une fonction égalitaire » . Pour certains, parce que le nombre d’actions conditionne le poids de l’actionnaire lors des assemblées, le DPS peut être analysé comme un droit politique . Il est dans tous les cas destiné « à permettre aux actionnaires en place de demeurer entre eux en même proportion et de conserver pour leur profit les réserves et plus-values latentes accumulées » . Au surplus, le législateur lui a attaché la propriété d’être cédé en le rendant négociable. Le produit de cette cession servira à compenser financièrement la dilution en droits pécuniaires (quote-part de l’actif net revenant à chaque action et dividende) et en droits de vote à laquelle s’exposent les actionnaires qui n’ont pas souscrit à l’augmentation de capital . Il est d’après certains, la traduction légale du droit qui appartient à l’actionnaire sur l’actif social . Que l’actionnaire exerce lui-même directement son DPS ou qu’il le cède, dans les deux cas, il en tire profit. On a aussi analysé le DPS comme un dédommagement. Il aurait pour objet de dédommager les actionnaires, au moment d’une augmentation de capital, en raison dit-on, « des droits que vont acquérir les nouveaux actionnaires sur les réserves de la société lorsque l’émission des actions nouvelles est faite au pair ou que la prime d’émission est inférieure à celle qui aurait dû être demandée » . Parler ici de dédommagement paraît singulièrement impropre et le raisonnement qui le sous-tend excessif. Le dédommagement suppose un préjudice causé par un fait ou un comportement qui peut être de nature fautive. Peut-on sérieusement considérer comme fautif, le fait éventuel et incertain pour des personnes autres que les actionnaires d’acquérir des actions mises en vente pour entrer dans le capital d’une société? Si même faute il y avait, c’est aux acquéreurs des actions mises en vente qu’elle serait imputable ? Quel est ce type de dédommagement qui est octroyé avant même que le préjudice ait existé ?

Le DPS, on l’a constaté, n’est pas absolu. L’intérêt de la société émettrice des actions d’augmentation du capital, conduit à en réduire la portée en raison de l’impératif de son financement. Il ne présente d’intérêt véritable que si l’actionnaire est capable de faire face aux défis qui se présentent à la société. Son exercice est donc conditionné par la capacité financière de l’actionnaire qu’il vise à protéger (ou au cessionnaire), de réponde positivement à la demande de financement qui lui est adressée. A quoi bon reconnaître à un actionnaire un DPS à des actions nouvelles émises pour augmenter le capital social aux fins de son développement, si celui-ci fait défaut aux sollicitations de la société alors même que d’autres actionnaires ou même des tiers sont prêts à débourser les sommes nécessaires ? C’est sans doute ce raisonnement qui a conduit le législateur de l’OHADA à faire un savant dosage entre les droits somme toutes légitimes de l’actionnaire et la nécessité de prospérité de la société avec l’injection de nouvelles ressources.

Deux mécanismes principaux ont été utilisés. Il s’agit de la possibilité pour l’actionnaire de négocier ou céder son droit préférentiel de souscription et du droit qui lui est reconnu d’y renoncer individuellement ou collectivement par l’entremise de l’Assemblée des actionnaires. Et parce que cette renonciation au droit par l’actionnaire ou sa suppression dans le cadre de l’organe faîtière de la société peut se faire au profit de bénéficiaires dénommés, on aboutit à ce phénomène étrange consistant dans le déplacement du droit de souscription vers des personnes pour qui il n’est pas créé à l’origine. Il échappe alors volontairement ou involontairement à l’actionnaire qui en était l’attributaire d’origine. Cession et renonciation (ou suppression) du droit fragilisent ainsi sérieusement la position de toute puissance que le DPS pouvait conférer à l’actionnaire. L’objectif initial consistant à instituer au profit des actionnaires un droit à la souscription prioritaire des titres émis, afin de permettre d’absorber par leur seule souscription, à l’augmentation du capital, se trouve ainsi effrité par tous les instruments mis en place pour affaiblir ce droit. En dépit de l’utilisation de ces mécanismes prévus par la loi et permettant ainsi à des tiers d’entrer dans le capital des sociétés anonymes, l’évolution des marchés fait apparaître dans le monde une insatisfaction évidente, surtout dans les pays du Nord, où ce droit subit de plus en plus d’assauts tendant à le faire purement et simplement disparaître. Certains législateurs, sous la pression des milieux financiers ont commencé à édicter des règles dans ce sens . Une certaine doctrine accompagne d’ailleurs ce mouvement pour souligner l’inutilité de son maintien . En effet, comme l’écrit avec une certaine pointe de réalisme le Professeur DAIGRE, « L’esprit de fermeture qui préside au DPS est directement contraire à l’esprit d’ouverture qui imprègne les marchés financiers, de sorte que le DPS est particulièrement gênant pour les sociétés cotées et, plus largement, pour les sociétés de croissance » .

Paradoxalement, ce sont les acteurs des marchés boursiers eux-mêmes qui ont relevé l’intérêt de protéger les actionnaires par cet instrument lorsque le débat se faisait de plus en plus pressant de le supprimer à la fin des années 80 et au début des années 90. L’opinion de la Commission des Opérations de Bourses (COB) en France dont nous rapportons ici quelques extraits, est édifiante à ce propos : « la commission considère, conformément au principe qui fonde l’existence d’un droit préférentiel de souscription à leur profit, …que les actionnaires anciens ne doivent pas, sauf cas exceptionnel dûment justifié par les circonstances, subir un appauvrissement du fait des opérations sur le capital réalisées par leur société…. Le maintien du droit préférentiel des actionnaires constitue, en droit comme en fait, le moyen le plus complet de protection des actionnaires dans les opérations affectant leurs droits…. Cette solution (du maintien du droit) doit donc être privilégiée» , En outre, le mécanisme du droit préférentiel de souscription garantit…les intérêts des actionnaires qui ne souhaitent pas souscrire en leur offrant un droit de souscription négociable en contrepartie de la dilution que l’émission peut provoquer à leur égard .

Incontestablement, il existe des risques à procéder aux augmentations de capital sans DPS aussi bien pour la société que pour les actionnaires. Pour la société, il réside dans l’échec de l’opération d’augmentation de capital, notamment si le prix fixé pour les actions nouvelles émises est élevé. Et s’il est bas, le risque est pour les actionnaires qui se trouveront ainsi spoliés par la dilution de leur participation dans le capital. C’est pourquoi, la pratique (consacrée par la loi dans certains pays) , a imaginé le recours à un « délai de priorité » ou (droit de priorité) en substitution au droit préférentiel de souscription ou d’autres mécanismes . Ce droit permet aux actionnaires, en cas de suppression du DPS d’accéder prioritairement aux nouveaux titres proportionnellement à leurs droits dans le capital, tout ou partie de l’augmentation qui leur est proposée, pendant une période de temps généralement plus courte que la période de souscription du DPS . Il présente toutefois l’inconvénient de n’être pas négociable puisqu’il a été considéré comme un « délai » là où certains y ont vu un « droit » . Il faut ajouter à cet outil, d’autres pratiques non consacrées par le législateur et permettant aux actionnaires d’accéder cette fois-ci à postériori à des titres équivalents à ceux mis sur le marché. Il s’agit de l’attribution gratuite à leur profit de bons de souscription .

La pratique au sein des sociétés anonymes de l’OHADA, même celles qui ont accédé au marché réglementé et qui sont cotées à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) semble n’avoir pas encore révélé ces évolutions en raison certainement du peu d’effervescence de l’activité boursière . Cependant, le DPS a été maintenu en faveur de l’actionnaire dans le droit OHADA, même si le législateur, après avoir fait mine de le valoriser, l’a affaibli par des mécanismes visant à l’en dépouiller, notamment quant il est irréductible. Lorsqu’il est réductible, il souffre particulièrement de sa marginalisation de sorte que la question de son maintien ne peut être éludée. On tentera d’aborder ces sujets dans la première partie consacrée aux droits préférentiels de souscription à titre irréductible et réductible (I). Puis, on essayera dans la deuxième partie de cette étude, de montrer à travers la mise en œuvre de ces droits (II), que le législateur de l’OHADA a eu plus le souci d’aboutir à la réalisation concrète de l’augmentation, que celui de privilégier l’un ou l’autre des protagonistes, à savoir l’actionnaire qu’il entend protéger et le tiers investisseur qu’il ne veut pas délaisser.

I. LE DROIT PREFERENTIEL DE SOUSCRIPTION A TITRE IRREDUCTIBLE ET REDUCTIBLE

Figurant en bonne place parmi les prérogatives des actionnaires, le DPS n’a pourtant pas eu à priori les faveurs de la loi, ni des auteurs. La section 3 de l’AUDSC, qui traite des « Droits et obligation attachés aux titres » n’en a pas fait mention. Aucune étude spécifique ne semble lui avoir a été consacrée pour l’instant en Afrique. Dans les ouvrages généraux relatifs aux sociétés commerciales, il n’a pas toujours été l’objet d’un traitement à la mesure de son importance . Le motif peut-être recherché en premier lieu dans le fait qu’il apparaît pour beaucoup, comme un droit évident de l’actionnaire. On imagine mal un actionnaire sans DPS, même si cette certitude se trouve de plus en pus ébranlée par le développement des marchés aujourd’hui. L’autre raison, c’est qu’il pêche par le fait qu’il n’est pas exercé d’une manière permanente comme les autres droits. C’est seulement à l’occasion des augmentations de capital social qu’il vient à la lumière. On constate en outre, qu’il est inégalement considéré sous ses deux modalités. Valorisé si la souscription est à titre irréductible (A), le droit est marginalisé lorsque la souscription est à titre réductible (B).
A. LA VALORISATION DU DROIT DE SOUSCRIPTION A TITRE IRREDUCTIBLE

La pratique consistant dans les sociétés anonymes à réserver à leurs seuls actionnaires le droit de souscrire par priorité aux actions nouvelles émises par elles pour augmenter le capital social, n’a été récupérée par le législateur qu’en 1935, bien après la loi de 1867 sur laquelle était assise l’organisation des sociétés anonymes. Seuls les statuts des sociétés concernées légitimaient cette pratique. Désormais consacré dans l’AUDSC de l’OHADA, ce droit de l’actionnaire tire directement son fondement de la loi (1), ce qui lui donne une certaine valeur, même si cette même loi contribue à son anéantissement par ailleurs (2).

1. Fondement légal du droit de l’actionnaire

L’AUDSC a traité doublement du DPS en raison de sa nature à la fois de droit d’associé et de valeur mobilière. Sous l’angle de droit d’associé, le législateur a réservé au DPS, trois sessions dans le Sous-titre IV de l’AUDSC consacré à la Modification du capital. Sous celle de valeur mobilière, le DPS, a été envisagé dans un paragraphe inséré dans le titre consacré aux valeurs mobilières. Il ressort des textes objets de ces subdivisions, que les actions nouvelles émises par les sociétés anonymes pour augmenter leur capital social, sont souscrites par principe à titre irréductible. L’irréductibilité est donc le caractère fondateur du DPS, mais il en revêt d’autres moins prononcés (a). Ensuite, c’est une prérogative attribuée par le législateur à des bénéficiaires déterminés (b).

a. Les caractères du droit préférentiel de souscription à titre irréductible

Avant de les aborder, il convient de relever que le législateur de l’OHADA n’a pas défini le DPS. La section sous laquelle il est présenté dans l’AUDSC, n’a pas de rubrique « Définition » et aucune autre disposition de l’AUDSC ou d’autres Actes Uniformes n’en contient. L’article 573 de l’AUDSC dans son premier alinéa, a simplement rattaché ce droit aux actions : « Les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital ». Dans un second alinéa, il désigne les titulaires du droit, rejoint en cela par l’article 577 de l’AUDSC, qui reprend le texte précédent in extenso : « Les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital ». Il s’agit d’une disposition qui sert généralement de définition au DPS en doctrine avec des constructions diverses, du genre « Toute augmentation de capital en numéraire ouvre aux actionnaires, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions nouvelles » ou que « la loi accorde aux actionnaires le droit de souscrire par préférence aux actions nouvelles » . La formulation est parfois présentée un peu plus habilement : « En cas d’augmentation du capital en numéraire, les actionnaires en place ont un droit de priorité pour souscrire aux actions nouvelles, proportionnellement au montant de leurs actions » . La définition qu’en donne Gérard CORNU dans son Vocabulaire Juridique est la suivante : «Droit accordé aux actionnaires de souscrire, par préférence et proportionnellement au montant de leurs actions, des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital ». Pour la doctrine en Afrique, « Il s’agit du droit reconnu aux actionnaires, en cas d’augmentation du capital de la société, d’acquérir de nouvelles actions proportionnellement au montant de leurs actions initiales » .
On remarquera dans toutes ces constructions qui ne sont pas différentes les unes des autres, qu’est récurrente l’idée de « proportionnalité ». C’est elle qui traduit l’ »irréductibilité » qui colle à la peau de ce droit comme s’il ne peut être autrement qu’irréductible. Proportionnalité et irréductibilité apparaissent en l’occurrence comme des mots synonymes. C’est pourquoi on a pu écrire, et de notre point de vue à tort, que « Le droit préférentiel de souscription est, en principe, un droit proportionnel de souscription » . S’il est vrai qu’à l’article 573 de l’AUDSC, le législateur a indiqué que les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital, c’est pour ajouter immédiatement que « ce droit est irréductible ». Si le DPS se confondait au DPS à titre irréductible, son caractère d’irréductibilité n’aurait pas été souligné par le législateur. En indiquant que ce droit est irréductible, l’art. 573 al. 2 de l’AUDSC veut dire qu’il ne peut pas être réduit. L’actionnaire a ainsi le droit de souscrire aux actions nouvelles destinées à augmenter le capital, proportionnellement au montant des actions détenues par lui dans le capital existant. Le caractère d’irréductibilité semble se confondre avec le droit lui-même. C’est sa caractéristique fondamentale. C’est pourquoi on a des difficultés tant dans la loi qu’au niveau de la doctrine à trouver une définition séparée du DPS et du DPS à titre irréductible. L’irréductibilité est un caractère mais aussi une modalité d’exercice du droit. En effet, il est aussi réductible. Un droit ne peut être irréductible par définition et devenir encore réductible. Le droit préférentiel de souscription n’est-il pas simplement le droit de souscrire prioritairement, par préférence aux actions de numéraire émises pour augmenter le capital ?

En raison de son caractère irréductible, le droit est considéré comme d’ordre public . Non seulement l’actionnaire ne peut en être privé, mais encore il ne peut être contraint de souscrire aux actions nouvelles en-deçà de sa quote-part dans le capital existant. Aucune clause, même des statuts ne peut imposer cette restriction. Elle serait considérée comme non écrite . C’est là qu’apparaît le caractère d’ordre public de ce droit. Une clause réputée non écrite est une clause nulle, c’est comme si elle n’existait pas. Aussi, les tribunaux ne tolèrent-ils pas un simple fractionnement de ce droit de l’actionnaire. Ainsi a été annulée, la clause des statuts qui substitue un droit de préférence partiel et fractionné par genre d’actions au droit de préférence général attaché à chaque action selon sa quote-part dans le capital initial . Le DPS est aussi sélectif, et négociable.

Le DPS est sélectif parce qu’il discrimine. Il n’est accordé que pour la souscription des actions « en numéraire » ou « de numéraire » émises pour augmenter le capital social dans la société anonyme à l’exclusion d’autres types d’actions. Les actions de numéraire selon l’article 758 de l’AUDSC, « sont celles dont le montant est libéré en espèce ou par compensation de créances certaines, liquides et exigibles sur la société, celles qui sont émises par suite d’une incorporation au capital de réserves, bénéfices ou primes d’émission, et celles dont le montant résulte pour partie d’une incorporation de réserves, de bénéfices ou de primes d’émission et pour partie d’une libération en espèces ». En conséquence, l’actionnaire ne peut faire usage de son DPS pour souscrire des actions émises pour augmenter le capital par apport en nature, les actions dites d’apport, celles qui représentent des apports autres que du numéraire. Mais l’application qui est faite de cette disposition ou de disposition similaires, peut sembler curieuse. Par exemple, les juges ont écarté l’utilisation du DPS pour souscrire des actions émises destinées à incorporer les réserves dans le capital d’une société . Dans cet arrêt de rejet rendu sur pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 juin 1968, la Cour de cassation juge que « la Cour d’appel a estimé, exactement et sans contradiction, que la création des actions nouvelles attribuées aux porteurs de parts (parts de fondateurs) ayant été opérée par virement du compte réserves au compte capital, il n’y avait eu ni souscription d’actions en numéraire ni apports en nature ». Alors même que le pourvoi soutenait qu’« une augmentation de capital réalisée par incorporation de réserves et qui aboutit à la création d’actions de numéraire rentre dans le champ d’application du décret du 8 août 1935 qui a créé au profit des actionnaires un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital ». Aussi, l’exercice du DPS est-il écarté et même jugé impossible, lorsqu’il s’est agi d’augmenter le capital par compensation de créance. C’est ce que semble avoir entendu la Cour de cassation lorsqu’elle a confirmé un arrêt de la Cour d’appel en ces termes « qu’en faisant ressortir que l’assemblée générale avait prévu la possibilité pour le conseil d’administration de réaliser intégralement l’augmentation de capital ainsi décidée par l’émission d’actions a souscrire et à libérer par compensation et en retenant que cependant n’ont pas été observées les formalités exigées par les articles 5, 6 et 7 du décret du 8 aout 1935 applicable à la cause, pour la renonciation des actionnaires à leur droit préférentiel de souscription, impossible à exercer en cas d’augmentation souscrite intégralement par compensation, la cour d’appel qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a répondu aux conclusions alléguées » . Ceci ne devrait plus être le cas depuis l’article 267 de la loi N° 66-537 du 27 juillet 1966 (article L. 228-7 du Code de commerce) qui est le correspondant en droit français de l’article 758 de l’AUDSC ci-dessus énoncé. Pourtant, une doctrine récente a fait valoir que, bien que la loi ne le prévoie pas expressément, les droits qui appartiennent aux actionnaires sur l’actif social justifient la reconnaissance à leur profit d’un droit préférentiel d’attribution aux actions nouvelles qui peuvent être créées (pour incorporer les réserves). Il faut tout de même reconnaître que les actions émises par suite d’une incorporation au capital de réserves ne peuvent justifier l’exercice d’un DPS par les actionnaires à qui les actions sont gratuitement attribuées et qui du reste, ne sont pas en concurrence avec des tiers.

Un autre trait caractéristique du DPS et qui fait son attraction, c’est sa négociabilité. L’actionnaire qui ne veut pas l’utiliser peut le négocier. L’article 757 de l’AUDSC, souligne que le DPS « est négociable dans les mêmes conditions que l’action elle-même pendant la durée de la souscription ». La négociabilité, trait bien connu des actions et qui les distingue singulièrement des parts sociales, n’a fait l’objet d’aucune définition légale en droit OHADA. Il ne semble pas non plus que le Code de commerce français en contienne une, de sorte qu’en raison de cette carence, la tendance a été de faire la confusion en doctrine entre « la négociation » et « la négociabilité ». Pour Daniel OHL, la négociation est l’opération juridique qui exige l’entremise d’un tiers ou, selon le néologisme en usage, une intermédiation. On dit ainsi parfois qu’une cession de valeurs cotées est une opération « intermédiée » . Quant à la négociabilité, certains auteurs indiquent que la notion est synonyme de libre cessibilité et antonyme d’inaliénabilité . Mais pour le courant dominant en doctrine, la négociabilité est l’aptitude de certains titres, dont le caractère de lien de droit personnel est absent ou très atténué, à circuler sans avoir à respecter le formalisme de la cession de créance ordinaire de l’article 1690 du Code civil (à savoir la signification au débiteur cédé ou son acceptation dans un acte authentique) . C’est dans ce sens que semble l’entendre à notre avis les rédacteurs de l’AUDSC de l’OHADA. La négociabilité est donc le trait fondamental qui distingue l’action de la part sociale et la caractérise en tant que valeur mobilière. C’est par ce caractère que l’action se transmet librement et peut être cédée par son détenteur, soit à titre onéreux soit à titre gratuit sans formalités particulières. Le droit de négociation des actions est d’ordre public. Le fait que le DPS épouse ce caractère, le renforce considérablement et il peut être ainsi librement négocié même après la dissolution de la société et jusqu’à la clôture de la liquidation. Mieux, si les titres sont réguliers en la forme, l’annulation de la société ou de l’émission des actions n’entraîne pas la nullité des négociations intervenues antérieurement aux décisions d’annulation . Néanmoins, pour que le DPS soit négociable, il faut qu’il soit « détaché d’actions elles-mêmes négociables » . En effet, il peut arriver que les actions et par conséquent les DPS qui leur sont attachés ne puissent faire l’objet de négociation. Notamment, si les actions auxquelles le DPS est attaché n’ont pas été entièrement libérées ou si l’inscription de la mention modificative n’est pas faite à la suite de l’augmentation de capital . Même si la négociation desdites actions n’est pas possible, elles pourraient faire l’objet d’une cession de même que les DPS qui leur sont attachés selon les modes de droit civil. Cette solution a d’ailleurs été retenue par la jurisprudence .

La négociabilité du DPS ne présente pas pour l’actionnaire nécessairement un avantage à tous points de vue. Sa mise en œuvre est conditionnée par l’intérêt que l’acquisition du droit a pour son cessionnaire. L’achat de DPS n’est intéressant pour le cessionnaire que s’il offre pour lui un avantage par rapport à l’acquisition directe des actions sur le marché. C’est l’une des faiblesses de ce qui peut apparaître à première vue comme favorable. Une autre réside dans le fait que certains DPS spéciaux ne peuvent être négociés. En France par exemple, les actions des dirigeants sociaux au cas de redressement ou de liquidation judiciaire de la société, celles attribuées aux salariés au titre de la participation aux fruits de l’expansion et les actions souscrites ou achetées par les salariés ou qui leur sont distribuées gratuitement ne pouvant être négociées , les DPS qui leur sont attachées ne pourront l’être non plus. Dans notre droit, la transmission des actions s’opérant pour les sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne par transfert sur les registres de la société si elles sont nominatives et par simple tradition si les actions sont au porteur, les DPS négociés se transmettront selon les mêmes formes.

Quant aux sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne, on sait que l’article 764-2 de l’AUDSC, leur offre, outre l’option pour les modalités ci-dessus, la possibilité de transmettre les actions par virement de compte à compte si elles sont représentées par une inscription en compte Le DPS négocié sur de telles actions se transmettra aussi par virement de compte à compte. Sur les marchés français, des mécanismes autonomes de sa transmission ont d’ailleurs été créés . Un marché des droits existe aussi à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières des pays de l’UEMOA . L’inscription en compte a pour fonction non seulement de permettre l’identification du propriétaire des titres ou des droits, mais encore de rendre opposable à l’émetteur et aux tiers, le transfert de propriété qui résulte de la cession . En doctrine et en jurisprudence, même si la controverse demeure sur la force probatoire de la présomption attachée à la propriété du compte , il faut affirmer qu’en l’absence d’inscription en compte, le prétendu actionnaire, acquéreur non inscrit, ne peut bénéficier d’aucune présomption de propriété. Mais il peut, « par les moyens de droit commun, rapporter la preuve de son droit de propriété » . Si la preuve est faite de sa propriété sur le compte, c’est à lui que seront attribués les DPS attachés aux actions qui y figurent.

b. Les Attributaires du droit

Le DPS a été créé au profit des actionnaires actuels de la société anonyme, qu’ils soient propriétaires d’actions en pleine propriété, ou en nue-propriété ou en usufruit sous certaines conditions. C’est eux qui sont les titulaires du droit. Si d’autres peuvent avoir des velléités à exercer le DPS, en l’occurrence les cessionnaires, leur droit ne peut venir que des actionnaires bénéficiaires de la protection que la loi a organisée à leur profit, pour que leur position au sein de la société ne soit pas ébranlée par l’arrivée de nouveaux actionnaires. Les actionnaires, avant d’être titulaires du DPS sont d’abord les propriétaires des actions auxquelles ce droit est attaché. Il faut donc avoir cette qualité particulière pour prétendre au droit et l’exercer dans le cadre d’une augmentation de capital social ou pour entreprendre des actions pour sa reconnaissance. La Cour suprême de NIAMEY (Niger) l’a rappelé il y a quelques années: « En l’état d’une augmentation de capital souscrite par des personnes non reconnues comme actionnaires par les dirigeants de la société, c’est à tort que la Cour d’appel de Niamey reconnaît aux souscripteurs la qualité d’associés pour recevoir, en référé, leur demande aux fins de valider leurs souscriptions et reconnaître des nouvelles actions souscrites » .

Qu’est-ce qu’un actionnaire ? La réponse paraît tellement évidente qu’il n’a pas paru utile au législateur de l’OHADA d’en délivrer une définition franche. C’est donc par déduction des dispositions de l’article 385 de l’AUDSC sur la définition de la société anonyme que l’on retient que « les actionnaires ne sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et leurs droits « sont représentés par des actions ». Avec les évolutions, la notion d’actionnaire s’est étendue à des catégories sociales spécifiques. L’actionnaire traditionnel qui est acteur de la société anonyme apparaît, comme un personnage particulièrement original parmi l’ensemble de la communauté des associés parce qu’il est d’abord associé, remplissant préalablement en tant que tel les critères . Porteur de titres facilement négociables, il se singularise par rapport à l’ensemble des associés porteurs de simples parts sociales des autres sociétés commerciales . Son originalité ne se résume pas simplement à la détention de titres que ne possèdent pas les autres associés . Il réside aussi dans le fait que les titres dont il est détenteur peuvent aussi bien émaner de sociétés cotées sur un marché réglementé que de sociétés non cotées, même si pour l’essentiel, les droits de ces deux catégories d’actionnaires sont identiques. On note aujourd’hui, qu’à la faveur non seulement de l’évolution des marchés, mais aussi de la constitution de grands groupes d’intérêts et du développement des droits sociaux, l’actionnaire traditionnel cède de plus en plus de place à des types d’actionnaires un peu particuliers. D’abord l’actionnaire anonyme, celui qui se cache derrière des mandataires puissants constitués par toutes sortes de fonds ou de sociétés écrans qui ont pour activité principale l’investissement, mieux la spéculation. Certains pays comme la France ayant pris des textes à connotation financière pour encadrer le phénomène en protégeant l’actionnaire comme investisseur, on s’est inquiété d’une instrumentalisation du droit des sociétés, ce droit devenant plutôt un outil au service du marché qu’un droit véritable au service des actionnaires. On a parlé d’un statut juridique de l’actionnaire réduit pour l’essentiel à un statut de l’investisseur . L’autre phénomène, c’est l’apparition du salarié actionnaire qui est la conséquence de la multiplication des politiques de développement de l’actionnariat salarié dans les pays du Nord de sorte que la frontière entre l’actionnaire et le salarié tend à devenir poreuse . Le droit des sociétés s’est ainsi trouvé perturbé par le droit social et la singularité de l’actionnaire s’est affaiblie considérablement . En France, un décret a même permis aux salariés de disposer librement des droits de souscription détachés des actions qui leur ont été attribuées au titre de la participation aux résultats de l’entreprise, même pendant la période d’indisponibilité de ces actions .

Au sein des pays de l’OHADA, l’article 640 al.1 de l’AUDSC, prévoit que l’Assemblée générale extraordinaire des actionnaires peut autoriser le Conseil d’administration ou l’administrateur général, selon le cas, à acquérir par dérogation à la règle de l’article 639 du même texte (qui interdit à la société d’acquérir ses propres actions, soit directement soit indirectement), un nombre déterminé d’actions pour les attribuer aux salariés de la société. Ce sont des sortes de stocks options . Mais si l’actionnariat salarié se développe en Afrique , c’est moins par le fait de politiques bien pensées de ce phénomène que le résultat des privatisations d’entreprises, où, sous la pression des syndicats, les Gouvernements de ces pays intègrent dans les accords de cession des titres publics aux groupes privés, locaux ou étrangers, des clauses permettant la formation d’un actionnariat salarié, conditions nécessaires bien souvent de ces privatisations. Ceci a pour résultat d’aboutir parfois paradoxalement à l’incapacité des travailleurs à faire face aux charges déduites des concessions à eux faites. Cet extrait d’un journal malien à propos de la privatisation de la société malienne de télécommunication SOTELMA est suffisamment révélateur du phénomène : « depuis la privatisation de la société, reprise par le groupe Maroc-Telecom (51% de ses actions), les travailleurs de la Sotelma ont exigé que 10% des actions sur les 49% que l’Etat malien a décidé de garder, leur soient concédées. Plus d’un an après, la bonne nouvelle tombe. A la faveur du Conseil des ministres du mercredi dernier, le gouvernement a officiellement décidé de céder 10% sur les 49% des actions dont il dispose aux salariés de la Sotelma. Ce qui fait la bagatelle de 32 milliards de nos francs. L’énormité de ce montant inquiète déjà les travailleurs de la société qui doutent de leur capacité à mobiliser toute la somme demandée » .

En outre, si tous les actionnaires sont titulaires de DPS, c’est parce que toutes les actions créées dans le cadre de l’AUDSC le portent également. Ainsi sont porteurs de DPS, les actions ordinaires, c’est-à-dire celles qui ne procurent pas d’avantages spécifiques par rapport aux autres . Se trouvent ensuite les actions auxquelles « un droit de vote double de celui conféré aux autres actions, eu égard à la quotité du capital qu’elles représentent » a été octroyé par les statuts ou l’Assemblée Générale Extraordinaire. Il en est ainsi pour les actions nominatives entièrement libérées pour lesquelles il est justifié d’une inscription nominative depuis au moins deux ans au nom d’un même actionnaire . Les actionnaires titulaires de ces actions bénéficient comme les premiers, de DPS proportionnel au montant de leurs actions sans qu’aucun obstacle juridique, ne puisse en empêcher l’exercice. Viennent enfin, les détenteurs d’actions de priorité c’est-à-dire des actions créées et jouissant d’avantages par rapport à toutes les autres actions, comme par exemple une part supérieure dans les bénéfices ou le boni de liquidation, un droit de priorité dans les bénéfices ou des dividendes cumulatifs . Ils ont eux aussi droit de souscrire par préférence aux actions nouvelles émises pour augmenter le capital social, que les actions nouvelles émises soient des actions ordinaires ou de priorité. Si la société émettait des titres du genre certificats d’investissement , leurs propriétaires pourront pareillement bénéficier du DPS

La loi fait bénéficier du DPS au nu-propriétaire et à l’usufruitier lorsque les actions anciennes sont grevées d’usufruit . Si le droit est acquis à ces catégories d’actionnaires, son exercice obéit à une démarche particulière liée à la singularité de leur situation. C’est d’abord sur une base consensuelle que le législateur a souhaité régler la question d’exercice du DPS. Il leur donne la faculté de « régler comme ils l’entendent les conditions d’exercice du droit préférentiel et l’attribution des actions nouvelles » . Ce n’est qu’à défaut d’accord entre eux (ou dans le silence des parties en cas d’attribution d’actions gratuites), que le DPS appartiendra au nu-propriétaire. C’est là une solution ancienne retenue par la jurisprudence et que consacre l’article 582 de l’AUDSC. Si le nu-propriétaire l’exerce, les actions nouvelles appartiendront au nu-propriétaire pour la nue-propriété et à l’usufruitier pour l’usufruit . S’il néglige de l’exercer, « l’usufruitier peut se substituer à lui pour souscrire aux actions nouvelles ou pour vendre les droits de souscription » . En droit comparé, un arrêt récent a d’ailleurs confirmé le droit de vote accordé par les statuts à l’usufruitier, pourvu qu’il ne soit pas dérogé au droit du nu- propriétaire de participer aux décisions collectives, même s’il a suscité quelques commentaires .

Dans un régime matrimonial, en fonction de la nature du régime, les actions anciennes bénéficiant du DPS peuvent appartenir à l’un ou l’autre des époux ou bien aux deux. Dans le régime légal de séparation des biens en vigueur au Bénin par exemple, aucune difficulté particulière ne se pose si les époux n’ont pas opté pour un autre type de régime. Chaque époux exerce le DPS afférent aux actions qui lui appartiennent en propre : « Chacun des époux conserve dans la séparation de biens l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens… » . En revanche, lorsque les époux sont communs en biens, il y a une distinction à faire. Si les actions anciennes appartiennent en propre à l’un des époux, et qu’on se trouve dans le régime conventionnel de communauté réduite aux acquêts par exemple, le DPS sera exercé par l’époux à qui appartiennent les actions. En raison du caractère accessoire du DPS, les nouvelles actions seront considérées comme des biens propres de cet époux. Dans ce type de régime, « les biens des époux, qu’ils possèdent à la date de leur mariage ou qu’ils acquièrent postérieurement au mariage par succession ou donation, demeurent leur propriété personnelle » . Toutefois, si ce sont les deniers communs qui ont servi à acquérir les nouvelles actions, l’époux bénéficiaire devra récompense à la communauté à la dissolution de celle-ci. Si les actions anciennes ont été acquises dans ce régime de communauté par l’un ou l’autre des époux après le mariage, les biens étant communs, le DPS pourra être exercé par l’un ou l’autre d’entre eux sans l’accord de l’autre en vertu de l’article 202 du Code des Personnes et de la famille (CPF) qui leur donne une égale compétence dans ce domaine . Les actions nouvelles seront des biens communs. L’acte posé par l’un est opposable à l’autre, sauf s’il est prouvé qu’il y a fraude. En revanche, s’il ne s’agissait pas d’acheter les actions nouvelles mais de vendre celles existantes, l’accord de l’un ou de l’autre des époux aurait été sollicité si le titre est inscrit en son nom. L’accord des deux époux est nécessaire pour « aliéner des titres inscrits au nom du mari ou de la femme » . Cette solution légale avait déjà été envisagée en doctrine avant le Code des Personnes et de la Famille de 2004.

Lorsque les titres anciens ont fait l’objet d’un nantissement au profit d’un créancier, celui-ci peut-il exercer les droits préférentiels de souscription attachés à ces titres ? La question n’a pas été abordée dans l’Acte uniforme sur les sociétés pas plus que dans le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés . Mais la réponse devrait être négative car, bien que nantis, les titres demeurent la propriété du débiteur et il sera seul habilité à souscrire aux nouvelles actions . Sa qualité d’actionnaire ne disparaît pas du fait de la garantie. Le créancier n’a ni qualité pour exercer les droits de souscription attachés aux actions nanties, ni aucun droit pour s’opposer à leur exercice par le débiteur . Dans l’Acte uniforme sur les sociétés, les titres nantis ne sont pas remis au créancier nanti. Ils sont virés sur un compte spécial ouvert au nom du titulaire et tenus par la personne morale émettrice ou un intermédiaire financier. Une attestation de constitution de gage est simplement délivrée au créancier gagiste .

Le DPS, nous l’avons vu, est un droit négociable transmissible sans formalité particulière. Mais il est aussi un droit cessible, c’est-à-dire transmissible selon un formalisme plus rigoureux . La négociation ou la cession faite par un actionnaire de son DPS peut être motivée par le fait qu’il ne dispose pas de ressources suffisantes pour acquérir les actions nouvelles émises ou que le nombre de titres dont il est titulaire est insuffisant pour acquérir un ou plusieurs nouveaux titres. Dans l’un ou l’autre cas un tiers, actionnaire ou non, en devient cessionnaire. Le cessionnaire peut avoir la volonté de compléter ses propres titres pour souscrire aux actions nouvelles ou simplement, celle de spéculer sur l’augmentation de capital. Il faut comme on l’a déjà souligné, que le cessionnaire ait un intérêt à l’acquisition du droit par rapport à l’acquisition directe des actions sur le marché. Auquel cas, il pourra accéder aux actions nouvelles émises dans les mêmes conditions que le cédant, sauf si l’accessibilité auxdites actions est soumise à des restrictions comme l’agrément du cessionnaire . Il est en effet largement admis , que le caractère d’ordre public du droit de négociation ne s’oppose pas à ce que le droit de négocier le titre ou le droit qui lui est attaché soit limité par une clause d’agrément dont la jurisprudence a admis depuis longtemps la validité . L’AUDSC de l’OHADA, tout en l’admettant comme une exception au principe de la libre transmissibilité des actions, permet aux statuts de stipuler des limitations à la transmission des actions mais uniquement sous certaines conditions. Notamment, les clauses d’agrément ne sont valables que si elles sont stipulées dans les statuts des sociétés dans lesquelles toutes les actions sont nominatives, ou lorsqu’elles concernent les tiers étrangers à la société. Elles ne s’appliquent donc pas dans les cessions entre actionnaires . De même, ces clauses ne peuvent être valables en cas de succession, liquidation de communauté de biens entre époux ou de cession à un conjoint, un ascendant ou un descendant . L’AUDSC reste silencieux sur l’admission de ces clauses dans les sociétés cotées en bourse. La rapidité des transactions boursières reste en tout cas incompatible avec les délais nécessaires à l’obtention de l’agrément par le cessionnaire . Ceci préfigure les difficultés à l’expression du DPS à titre irréductible, lequel peut se trouver paralysé par des mécanismes qui empêchent son libre exercice par l’actionnaire au profit duquel il a pourtant été créé.

2. Les mécanismes d’anéantissement du droit de souscription irréductible

Le DPS reconnu à l’actionnaire par le législateur, n’a d’autre objet que de permettre à celui-ci de maintenir sa position dans l’actionnariat en cas d’augmentation du capital pour ne pas voir diluer ses droits par l’entrée de nouveaux actionnaires. C’est une prérogative dont l’intensité s’accroît avec le montant de la participation de l’actionnaire dans le capital social. Mais on a comme l’impression, en parcourant les textes soigneusement arrimés autour de ce droit, que ce que cache cette générosité, c’est l’anéantissement de ladite prérogative. Tout est fait pour la reprendre à l’actionnaire. Ce qui lui est accordé d’une main, se trouve arraché de l’autre. La renonciation est le mécanisme utilisé pour encourager l’actionnaire à abandonner volontairement le droit dont il est titulaire soit à titre individuel (a), soit dans un cadre collectif (b).

a. La renonciation individuelle de l’actionnaire à son droit

Le DPS est un droit mobilier pouvant se séparer de l’action qui le porte. Il est cependant un complément du droit constaté par l’action . Il est aussi un droit subjectif. La théorie des droits subjectifs a été développée par AUBRY et RAU au XIXème siècle et elle fait apparaître que ce droit est soit réel soit personnel. Si dans le premier cas un rapport immédiat et direct est créé entre une chose et la personne au pouvoir de laquelle elle se trouve soumise, dans la second, le titulaire a le droit d’exiger d’un autre sujet de droit, l’accomplissement d’une obligation de donner, faire ou ne pas faire. C’est dans cette dernière catégorie qu’il convient de classer le DPS, qui permet à l’actionnaire d’exiger de la société émettrice des titres qu’il détient, le droit de souscrire par préférence aux nouveaux titres émis en numéraire pour augmenter le capital. Le DPS est classé par la doctrine et la jurisprudence parmi ces droits qui sont dits « propres » à l’actionnaire, en raison de ce qu’il est une prérogative dont il ne saurait être dépossédé de par sa condition . Mais l’actionnaire peut s’en déposséder. Et la loi l’encourage expressément à le faire : « Les actionnaires peuvent renoncer, à titre individuel, à leur droit préférentiel de souscription… ». La renonciation c’est l’abandon volontaire par une personne d’un droit déjà né dans son patrimoine . Ce n’est qu’exceptionnellement qu’il peut être interdit au titulaire d’un droit subjectif d’y renoncer, même pour les personnes publiques. Ceci a par exemple été le cas pour lutter en France contre la corruption dans les marchés publics . De même, une loi française déclare «illégales les décisions et délibérations par lesquelles les communes renoncent soit directement, soit par une clause contractuelle, à exercer toute action en responsabilité à l’égard de toute personne physique ou morale qu’elles rémunèrent sous quelque forme que ce soit » . Mais les tribunaux restent très sourcilleux de la liberté du titulaire du droit. Par exemple, le Conseil d’Etat a estimé que les dispositions de cet article qui dérogent à la liberté contractuelle, devraient s’interpréter strictement et n’empêchaient nullement d’insérer dans les contrats des clauses de renonciation partielle .

En droit privé, le DPS constitue, avec le droit successoral , l’un des droits subjectifs dont la loi organise expressément les conditions de renonciation. Nécessité fait loi dit-on. En effet, la renonciation au DPS par l’actionnaire est organisée à dessein par les dispositions des articles 593 et suivants de l’AUDSC. Puisque le droit de se déposséder d’un droit subjectif dont on est titulaire fait déjà partie intégrante dudit droit, nul n’était besoin de lui consacrer un corps de règles. Le but visé est ailleurs, faire en sorte que la renonciation de l’actionnaire permette à d’autres d’acquérir facilement les actions nouvelles. L’argument le plus couramment avancé pour justifier la mise en place de règles spéciales de renonciation au droit, c’est la célérité de l’opération d’augmentation de capital, aux fins de la clôturer par anticipation . Il faut voir au-delà de ces arguments car la renonciation de l’actionnaire fait partie intégrante du plan d’anéantissement du DPS pour les fins ci-dessus spécifiées.

Les raisons qui peuvent conduire un actionnaire à renoncer à son droit sont variées (défaut de moyens pour souscrire aux nouvelles actions, faible valeur du droit sur le marché, désintéressement des investisseurs etc.). Le législateur a sciemment anticipé l’attitude de l’actionnaire renonçant en prévoyant les deux cas de figure possibles. Soit il renonce en faisant bénéficier des personnes dénommées des droits auxquels il a renoncé, soit il renonce sans indication de bénéficiaires. La loi recommande que la décision soit notifiée à la société avant l’expiration du délai d’ouverture de la souscription aux nouvelles actions émises. D’après l’article 594 de l’AUDSC, la notification doit se faire par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. C’est dire qu’elle doit être écrite pour que la preuve en soit facilement faite. Cependant, la loi reste silencieuse sur le sort réservé au non respect de cette prescription. Notamment, si le renonçant fait connaître sa décision verbalement en s’adressant directement à l’organe représentatif de la société d’une manière informelle ou par téléphone, ou en utilisant des moyens de communication modernes (fax, télex, sms, mail) ou encore en adoptant une attitude complètement indifférente en n’extériorisant pas sa décision de renonciation. A notre avis, la solution devrait être différente selon les cas. Si la renonciation est portée à la connaissance de l’organe représentatif de la société verbalement, d’une manière informelle ou par téléphone, aucune conséquence juridique ne devrait en être tirée si la société n’a pas la preuve formelle de la renonciation. Il est d’ailleurs probable que l’interlocuteur du renonçant attire son attention sur la nécessité de confirmer sa décision de renonciation par écrit. Au cas où les moyens modernes de communication ci-dessus envisagés auraient été utilisés, on pourrait attacher aux messages qui y sont contenus, un statut de commencement de preuve par écrit conformément à l’article 1347 al.2 du Code civil qui qualifie ainsi « tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué », quitte à le parfaire par des éléments extérieurs, comme l’exigent les tribunaux . Mais étant dans un domaine commercial, et la preuve se faisant en général par tous les moyens, il nous paraît admissible d’envisager ici, une présomption simple de réception par la société de la renonciation et mettre à sa charge la preuve du contraire. Ce qu’il faille privilégier, c’est moins la forme de la notification que l’objectif visé par le législateur qui est la connaissance par la société de la renonciation.

Le cas le plus difficile à solutionner, c’est l’attitude indifférente du renonçant qui ignore complètement les procédures légales de notification de sa décision. Faut-il le sanctionner ? D’autant plus que c’est une obligation impérative mise à sa charge par le législateur : « L’actionnaire qui renonce à son droit préférentiel de souscription doit en aviser la société… ». Or, en dépit du ton impératif utilisé, le défaut de notification à la société de la décision de renonciation de l’actionnaire, n’est assortie d’aucune sanction. On voit d’ailleurs mal quel type de sanction aurait pu être envisagé dans un tel contexte. Seul ici, la date de clôture des souscriptions pourrait permettre à la société d’avoir tacitement connaissance de la renonciation de l’actionnaire. C’est pourquoi, le législateur a pris soin d’exiger la notification de la renonciation « avant l’expiration du délai d’ouverture de la souscription » . La renonciation tacite ainsi manifestée par l’actionnaire s’apparente à une renonciation sans indication de bénéficiaire, qui constitue avec la renonciation au profit de bénéficiaires dénommés les deux modalités de renonciation réglementées, chacune étant soumise à un régime juridique différent.

Lorsqu’il est renoncé au droit de souscription sans indication d’aucun bénéficiaire à qui il doit profiter, le législateur oblige l’actionnaire renonçant à joindre à la lettre par laquelle il avise la société, un certain nombre de documents destinés manifestement à faire preuve de la propriété des actions bénéficiant des droits de souscription préférentiels. Il s’agit notamment des coupons correspondant aux actions au cas où l’actionnaire détenait des titres au porteur. Concernant les titres dématérialisés, une attestation du dépositaire qui est généralement l’intermédiaire financier, doit être produite. Celui-ci devra attester que l’actionnaire a effectivement renoncé à l’exercice de son droit de souscription. Ce qui suppose une démarche préalable de ce dernier vers le dépositaire à qui il manifestera son désir de renoncer à l’exercice de son droit. L’actionnaire titulaire de titre dématérialisé se trouve ainsi conduit à faire une double démarche. L’une vers le gestionnaire de ses titres, même si on peut concevoir que cette approche peut être informelle, et l’autre vers la société en respect des dispositions de l’article 594 de l’AUDSC. Il serait souhaitable de simplifier la procédure en permettant à l’intermédiaire financier d’agir directement en direction de la société en lui adressant l’attestation de renonciation de son mandant. La double formalité imposée à celui-ci alourdit inutilement le processus de renonciation sans désignation de bénéficiaire.

On constatera qu’il n’a pas fait cas à l’article 595 de l’AUDSC, des actions nominatives. La société émettrice est en principe censée détenir dans ses livres la preuve des titulaires desdites actions puisque le transfert se fait par inscription sur les registres sociaux par ses propres soins . La négligence de cette formalité peut cependant être source de conflits et notamment dans les sociétés familiales. Dans une espèce jugée en 2009 en France, un fils se prétendant propriétaire d’un certain nombre d’actions pour les avoir acquises de sa mère assigne ses frère et sœur afin de faire reconnaître son droit de propriété sur les actions et les faire échapper à la succession ouverte de leur mère alors qu’aucun compte d’inscription n’était tenu par la société au moment de la vente et aucune inscription en compte du prétendu acheteur n’avait donc pu être prise, la société était dépourvue de registre de mouvements de titres. Cette situation ressemble à celle qu’on pourrait banalement retrouver dans nombre de sociétés en Afrique où il est souvent fait peu de cas des formalités consécutives aux cessions de parts ou d’actions. Le demandeur n’a pu s’en sortir qu’en rapportant à la Cour d’appel des témoignages que confirmaient des faits de possession réalisés en présence de sa mère sans contestation de celle-ci comme la participation à des assemblées générales de la société, la perception et déclaration à l’administration fiscale de ses dividendes. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi interjeté en ces termes « Mais attendu qu’après avoir constaté qu’aucun registre des transferts de titres n’avait été tenu au sein de la société lors de la cession des titres litigieux, ce dont il résultait qu’aucune présomption de propriété de titre ne pouvait être retenue en faveur de M. K, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la Cour d’appel a retenu que ce dernier avait établi sa possession de bonne foi des actions litigieuses avant le décès » L’enseignement qu’il faut tirer de la décision de cette Cour, c’est qu’en l’absence d’inscription en compte, l’actionnaire ne bénéficie d’aucune présomption de propriété de titre. Il faut que les preuves qui restent naturellement à sa charge, la force de ses arguments, puissent convaincre le juge de sa propriété sur les titres revendiqués. Ce qui n’est pas le plus simple. Le plus simple étant de faire respecter par la société les formalités consécutives aux cessions intervenues en son sein. La preuve de la renonciation individuelle de l’actionnaire détenteur de titres nominatifs résultera simplement du respect des dispositions de l’article 594 de l’AUDSC, ou du silence observé par lui jusqu’à la clôture du délai de souscription. Les actions nouvelles auxquelles les actionnaires ont renoncé sans indication de bénéficiaires, profiteront aux autres actionnaires ou au public dans les conditions définies par l’article 596 de l’AUDSC. Ce qui n’est que la conséquence de la paralysie du droit de l’actionnaire.

Une question mérite d’être soulevée, celle de savoir si l’actionnaire renonçant sans bénéficiaire dénommé peut revenir sur sa décision avant la clôture des souscriptions. La loi reste silencieuse. En doctrine, on penche pour le fait que l’actionnaire ne peut revenir sur sa renonciation à partir du moment où celle-ci a été notifiée à la société. On justifie cette position par le fait que le formalisme de la lettre recommandée avertit l’auteur de la renonciation de l’importance de sa décision et permet, en conséquence, de considérer qu’il s’est définitivement engagé . L’argument est peu convaincant. Le formalisme de la lettre recommandée n’est pas destiné à rendre un pli important ou moins important, mais à le sécuriser. De plus, le renonçant peut utiliser un autre mode de notification de sa décision qui est la lettre au porteur contre récépissé. Peut-on sérieusement soutenir que la décision serait moins importante dans ce dernier cas ? A notre avis, rien ne devrait s’opposer à un revirement du renonçant tant qu’il reste dans les délais de souscription. Ce qui ne serait pas le cas lorsque la renonciation a été faite au profit de bénéficiaires dénommés.

La renonciation au droit au profit de bénéficiaires dénommés est la deuxième possibilité envisagée par le législateur pour accélérer la souscription à l’augmentation de capital. Le formalisme ci-dessus visé de l’art. 594 de l’AUDSC doit aussi être observé ici, avec cette différence que « La renonciation faite au profit de bénéficiaires dénommés doit être accompagnée de l’acceptation de ces derniers » . Cet élément supplémentaire est de nature à changer complètement la nature juridique de l’acte de renonciation. Autant la renonciation de l’actionnaire sans indication de bénéficiaire apparaît sous le jour d’un acte juridique unilatéral, autant la renonciation au profit de personnes dénommées a toutes les allures d’un contrat, acte bilatéral par excellence. Parce que la renonciation au profit de personnes dénommées doit être acceptée par le bénéficiaire, on dit qu’elle est considérée comme irrévocable à partir de la notification . La réalité c’est qu’elle l’est déjà bien avant, depuis l’acceptation de l’offre du renonçant par le bénéficiaire . Elle le sera probablement à l’égard de la société à compter de la notification si on considère en quelque sorte que celle-ci fait office de « publicité à l’égard des tiers ». Là encore, rien n’interdit aux parties de revenir sur leur accord dans les délais de souscription. Surtout pas l’article 1134 al.2 du Code civil qui consacre le principe de la révocabilité des conventions par le consentement mutuel des parties. Tant qu’une nouvelle notification n’est pas faite à la société pour l’informer de leur revirement, celle-ci devrait à notre avis sur la foi de la première notification, considérer que l’actionnaire a renoncé à son droit au profit du bénéficiaire désigné.

En doctrine, la renonciation au profit de personnes dénommées est analysée comme une cession de droit préférentiel s’il y a eu versement d’une contrepartie. A défaut, elle est vue comme une libéralité . La qualification ne peut être à notre avis fixée sur la base du seul critère de contrepartie ou non, versée par le bénéficiaire. L’acte intervenu entre les parties doit être analysé dans toutes ses dimensions pour lui conférer la qualification la plus appropriée. Contrairement à l’actionnaire renonçant sans indication de bénéficiaire dont le DPS peut être réparti entre les actionnaires ou attribué au public, celui de l’actionnaire qui renonce à son DPS au profit de personnes dénommées, est exclusivement réservé à ces personnes qui y souscrivent à titre irréductible, et, le cas échéant, à titre réductible . Dans le cadre d’une renonciation non plus individuelle de l’actionnaire, mais collective, les bénéficiaires des droits, disposent de prérogatives similaires.

b. La renonciation au droit dans un cadre collectif

La renonciation de l’actionnaire au DPS dont il est le titulaire, peut aussi s’exprimer dans le cadre de l’Assemblée Générale des actionnaires dont il est membre. La renonciation dans un cadre collectif, c’est ce que la loi désigne par « suppression du droit préférentiel de souscription » par l’Assemblée Générale des actionnaires. Cette expression est aussi reprise par beaucoup en doctrine. De notre point de vue, d’abord elle paraît autoritaire et brutale, d’autant plus qu’elle s’accommode mal du caractère contractuel de la société. Certes, la société a aussi un caractère institutionnel justifié par les organes dont elle est dotée par la loi. Mais les associés s’approprient par leur convention ces organes et tout se passe comme s’ils les ont eux-mêmes prévus, établi les règles les gouvernant et doté de leurs attributions. C’est pourquoi, il nous a paru plus convenable de retenir ici l’expression « renonciation dans un cadre collectif » au lieu de « suppression du droit préférentiel de souscription ». Certains auteurs ne s’y trompent d’ailleurs pas, utilisant indifféremment les expressions « renonciation » et « suppression » . Ensuite, il faut admettre que l’actionnaire, par son vote, s’exprime dans tous les cas individuellement par rapport à un droit qui lui appartient personnellement. En fait, écrit Camille JAUFFRET-SPINOSI, « les droits des actionnaires sont purement individuels. Les actionnaires n’ont aucune conscience de leurs intérêts communs, et la satisfaction de ces droits individuels ne requiert pas forcément leur réunion en assemblée générale, mais cette réunion peut être un moyen d’en assurer le respect » . Un autre qualifiera le droit de l’actionnaire de « droit social à vocation individuelle » et M. JAUFFRET-SPINOSI de s’interroger « Inversant la formule ne peut-on dire que l’actionnaire n’a qu’un droit individuel à vocation sociale ? » .

Les articles 586 et 839 al. 1 de l’AUDSC donnent pouvoir à Assemblée Générale des actionnaires respectivement dans les sociétés anonymes ne faisant pas appel public à l’épargne et dans celles qui y font, de supprimer le DPS. Sa décision s’impose à tous les actionnaires . Sur la forme et au regard des règles liées au parallélisme des formes, l’on peut tout de même s’interroger pour savoir si il est juridiquement fondé qu’un droit accordé par la loi, soit supprimé par un simple organe social ? On nous objectera certainement que cette suppression est faite en vertu d’un mandat législatif. S’il en est ainsi, la théorie des droits acquis ne s’oppose-t-elle pas à ce que soit ainsi anéanti le droit qui a déjà été octroyé? Le cadre restreint de cet article ne permet pas d’en discuter plus avant.

Les raisons qui sous-tendent ce zèle du législateur ont déjà été évoquées. En donnant à l’Assemblée Générale des actionnaires pouvoir de supprimer le DPS, il offre un terrain favorable au refinancement de la société. D’autres causes liées à la diversification de l’actionnariat « pour mettre en place un réseau défensif dans la perspective d’une attaque inamicale » expliquent accessoirement la nécessité de supprimer le DPS. L’intérêt individuel de l’actionnaire se trouve ainsi sacrifié au profit de celui de la société. L’expression « suppression » que le législateur emploie, dénote aussi d’un certain mépris pour la volonté individuelle de l’actionnaire.

Dans les sociétés ne faisant pas publiquement appel à l’épargne, cette suppression peut être opérée pour la totalité de l’augmentation de capital ou pour une ou plusieurs tranches seulement de cette augmentation. Cette distinction n’a pas été faite pour les sociétés faisant publiquement appel à l’épargne, de sorte qu’il faut supposer que le législateur, conscient de l’incommodité du maintien de ce droit de l’actionnaire pour les marchés, permet ainsi tacitement à l’Assemblée des actionnaires de supprimer la totalité du DPS dans les sociétés de ce type. C’est cette même logique qui l’a conduit à laisser la faculté aux sociétés faisant appel public à l’épargne, de désigner nommément ou non les bénéficiaires des droits supprimés alors qu’il impose à l’Assemblée dans les sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne, de les désigner nommément. Cependant, dans l’un ou l’autre type de société, pour des raisons évidentes d’impartialité et d’égalité entre actionnaires, les bénéficiaires des DPS ainsi supprimés, lorsqu’ils sont des actionnaires, ne prennent pas part au vote ni pour eux-mêmes ni comme mandataires. Au surplus, leurs actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité requis pour le vote de suppression des droits. Le non respect de cette disposition est sanctionné par la nullité de la délibération . La question de l’Assemblée compétente pour délibérer sur ce point ne se pose pas, puisque les articles 586 et 839 de l’AUDSC, donnent compétence à « l’assemblée générale qui décide ou autorise une augmentation de capital », à savoir, l’Assemblée Générale Extraordinaire des actionnaires, seule compétente en cette matière .

Si même on ne va pas jusqu’à affirmer comme certains, que « les assemblées en tant que lieu de discussion et d’expression de la volonté des actionnaires sont un simulacre » , les règles de quorum et de majorité les gouvernant permettent au groupuscule détenant la quote-part la plus élevée du capital social, de supprimer sans nuance le DPS appartenant à leur pair. Leurs lieutenants, qui dirigent généralement la société sont habiles à tirer prétexte de la loi pour aboutir à leurs fins. Ainsi, les Assemblées Générales, sont comme il a été écrit, « un exemple, peut-être l’un des plus frappants, de l’inadéquation qui existe souvent entre la réalité économique et sociologique et les textes juridiques » . Il est vrai que pour éviter des abus de la part de l’Assemblée, le législateur a pris soin d’encadrer les conditions dans lesquelles la décision doit être prise. L’article 758 de l’AUDSC est emblématique de cette volonté. Il fait valoir notamment que l’application des dispositions attributives du DPS à l’actionnaire ne peut être écartée que par l’Assemblée Générale statuant aux conditions de quorum et majorité d’une Assemblée Extraordinaire. Ensuite il est permis à tout actionnaire d’être suffisamment éclairé, par des informations utiles et indispensables à un discernement conscient. A cette fin, deux rapports sont communiqués aux actionnaires. Même si un arrêt récent a semblé, notamment en France, remettre en cause le droit à l’information de l’actionnaire en affirmant que l’Assemblée peut statuer valablement en l’absence du rapport du Conseil d’administration (sous réserve il est vrai, qu’il n’a pas été rendu dans le cas spécifique de la suppression du DPS, et que la Cour a visé une disposition qui n’imposait pas que l’Assemblée statue sur la base d’un rapport).

L’un des rapports exigés ici doit émaner du Conseil d’Administration ou de l’Administrateur Général selon le cas. Il indique le montant maximal et les motifs de l’augmentation de capital proposée, les motifs de la proposition de suppression du DPS et le nom des attributaires des actions nouvelles, le nombre de titres attribués à chacun d’eux et le prix d’émission. Au cas où l’Assemblée a fixé elle-même toutes les modalités de l’augmentation de capital, le rapport doit mentionner l’incidence de l’émission proposée sur la situation des actionnaires, notamment leur quote-part des capitaux propres à la clôture du dernier exercice . Le second rapport émane du Commissaire aux comptes qui donne son avis sur la proposition de suppression du DPS, le choix des éléments de calcul du prix d’émission des nouvelles actions et sur son montant, ainsi que sur l’incidence de l’émission sur la situation des actionnaires appréciée par rapport aux capitaux. Il vérifie et certifie la sincérité des informations tirées des comptes de la société sur lesquelles il donne cet avis. Il faut relever ici que dans la pratique, les choses ne se déroulent pas aussi clairement. Les Commissaires aux comptes établissent la plupart du temps des rapports de carence dans lesquels ils font état de l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent du fait même de la non fixation du prix d’émission, de donner un avis sur les conditions de l’opération et, par voie de conséquence, sur la proposition de suppression du droit préférentiel de souscription . Il est difficile dans ces conditions de leur reprocher une faute car à l’impossible nul n’est tenu. Mais on ne peut pas s’empêcher de soupçonner une fuite de responsabilité ou une réticence fautive. Un Commissaire aux comptes en a fait les frais dans un arrêt de la Cour de cassation datant de 2000 .

En outre la réalisation des émissions d’actions nouvelles dans les sociétés faisant appel public à l’épargne a été soumise à des contraintes spécifiques selon que ces émissions confèrent ou non des droits égaux aux actions anciennes et à celles nouvelles. L’émission sans DPS d’actions nouvelles qui confèrent à leurs titulaires les mêmes droits que les actions anciennes, doit être réalisée dans un délai de trois ans à compter de l’Assemblée qui l’a autorisée, et le prix des titres doit suivre les règles techniques établies à l’article 837 de l’AUDSC. Pour ce qui est de l’émission par appel public à l’épargne sans droit DPS d’actions nouvelles qui ne confèrent pas à leurs titulaires les mêmes droits que les actions anciennes, elle doit être réalisée dans un délai de deux ans à compter de l’Assemblée qui l’a autorisée, le prix des titres doit être déterminé sur le rapport du Conseil d’Administration et celui spécial du Commissaire aux comptes . Il faut indiquer que les rapports sur la base desquels les actionnaires ont pris la décision de renoncer collectivement à leurs droits de souscription ne doivent pas contenir des informations inexactes. Les dirigeants sociaux qui sciemment auront donné ou confirmé des indications inexactes dans les rapports présentés à l’Assemblée Générale appelée à décider de la suppression du DPS encourent une sanction pénale (art.895 de l’AUDSC). Le texte vise uniquement les dirigeants sociaux. Ce qui est tout de même incompréhensible dans la mesure où les informations qu’ils communiquent aux actionnaires sont contrôlées par le Commissaire aux comptes qui en principe les confirment où les infirment (art.591 de l’AUDSC). Les incriminations basées sur la mauvaise foi des dirigeants n’excluent pas la mise en cause de leur responsabilité civile et même du Commissaire aux comptes pour le préjudice subi par l’actionnaire qui a voté la renonciation sur la base d’informations inexactes.

Certains actionnaires reprochent parfois aux dirigeants sociaux de les avoir conduits à voter sans qu’ils n’aient mesuré suffisamment la portée de leur vote. En Afrique, compte tenu du relatif illettrisme de bon nombre d’actionnaires, le risque est grand pour les dirigeants d’encourir ce reproche. Si dans l’ordre du jour de la convocation de la réunion de l’AGE, l’attention de l’actionnaire a été attirée sur le fait que son vote supprimera son DPS, les dirigeants seront absous. En effet, pour la jurisprudence, « des actionnaires sont avertis de la nécessaire portée du vote qui leur est proposé lorsque l’ordre du jour d’une AGE, convoquée pour décider une augmentation de capital réservée à des souscripteurs étrangers à la société, précise que le DPS se trouvera, en cas de vote de la résolution présentée, et par le fait même de ce vote, supprimé. Cette assemblée n’encourt pas la nullité » . Il peut arriver qu’au cours d’une Assemblée ayant décidé d’une augmentation de capital au profit des tiers, que les actionnaires aient omis de prendre une résolution sur la renonciation à leur DPS. Pour les juges, l’irrégularité consécutive à l’absence de renonciation par les actionnaires à leur DPS est susceptible d’être couverte par leur renonciation ultérieure devant notaire . En revanche, la suppression du DPS par l’Assemblée ne doit pas être obtenue de manière détournée, par exemple, pour priver certains actionnaires de l’exercice de leur DPS. Il a été jugé qu’une augmentation de capital à libérer complètement par compensation serait nulle dès lors que du fait de ce mode de libération, tous les actionnaires ne pourraient exercer leur DPS . De même, le maintien apparent du DPS peut se révéler frauduleux s’il a été dicté par la volonté de faire payer aux nouveaux souscripteurs une prime élevée qui n’est pas en rapport avec la situation de la société, sans avoir à justifier ni de l’exactitude ni de la sincérité des bases de calcul retenues. Il a été jugé irrégulière comme entachée de fraude, l’augmentation de capital qui prévoit un prix d’émission des actions nouvelles égal à vingt-cinq fois le nominal des actions anciennes alors que ce prix n’est justifié ni par les réserves inexistantes d’ailleurs, ni par la prospérité de la société . Visiblement, l’intention inavouée était d’anéantir complètement le DPS à titre irréductible de l’actionnaire, sans pour autant sortir le DPS à titre réductible de la marginalisation qui semble constituer sa marque de fabrique.

B. LA MARGINALISATION DES SOUSCRIPTIONS A TITRE REDUCTIBLE

Il arrive parfois, comme nous l’avons déjà décrit, que certains actionnaires se désintéressent du DPS qui leur a été accordé en raison de la faiblesse de leur valeur sur le marché, du peu d’avantages que peut leur offrir l’acquisition de nouveaux titres ou simplement du défaut de moyens pour en acquérir. Les nouvelles actions non souscrites sont attribuées aux actionnaires « qui ont souscrit un nombre d’actions supérieur à celui qu’ils pouvaient souscrire à titre irréductible et, en tout état de cause, dans la limite de leur demande » . C’est donc une souscription à caractère supplémentaire, qui vient s’agréger à la souscription principale, de principe que constitue le droit de souscription à titre irréductible. D’où le peu de considération dont elle est l’objet dans la loi. Laquelle, non seulement laisse le soin aux organes sociaux de l’attribuer (1) mais ne s’est pas préoccupée de la question de sa transmissibilité de sorte qu’on se demande s’il est encore utile de le maintenir dans l’ordonnancement juridique de l’OHADA (2).

1. Fondement social de l’attribution du droit préférentiel de souscription
Alors que l’exercice du DPS à titre irréductible par l’actionnaire ou autres attributaires tire sa légitimité de la loi, celle-ci ne contient aucune disposition conférant directement à l’actionnaire le DPS à titre réductible. C’est aux organes sociaux qu’elle donne compétence pour l’attribuer aux actionnaires. La décision émanera alors de l’Assemblée Générale Extraordinaire (a). Il est même possible que le Conseil d’Administration par son intervention accidentelle dans l’attribution du droit à l’actionnaire contribue d’avantage à affaiblir celui-ci (b).

a. L’attribution du DPS réductible par l’Assemblée Générale des actionnaires

Le DPS à titre réductible ne peut exister que grâce à la générosité de l’Assemblée Générale des actionnaires. Il ne rentre dans le patrimoine de l’actionnaire que grâce à cet organe : « Si l’assemblée générale le décide expressément, les actionnaires ont également un droit préférentiel de souscription à titre réductible des actions nouvelles qui n’auraient pas été souscrites à titre irréductibles » (art. 575 de l’AUDSC). Alors que l’actionnaire ne peut être privé du DPS à titre irréductible que si l’Assemblée Générale des actionnaires le décide, c’est sur la décision de cette même Assemblée qu’il peut prétendre au DPS à titre réductible. L’attribution du DPS réductible se retrouve inversement proportionnelle à la suppression du DPS irréductible par cet organe. Son intervention à un stade ou à l’autre des deux droits est révélatrice de la considération que le législateur accorde à chacun. La doctrine n’a d’ailleurs pas cessé de reprocher à ce droit son faible intérêt .

En dépit de la place secondaire qui lui est concédée, le DPS réductible n’est pas sans intérêt. Il contribue à l’absorption de la totalité de l’augmentation de capital par la souscription des actions nouvelles non souscrites, même si son exercice ne garantit pas la souscription totale des nouvelles actions émises. Les actions nouvelles ne sont attribuées à titre réductible aux actionnaires que s’ils ont souscrit un nombre d’actions supérieur à ce qu’ils pouvaient souscrire à titre irréductible. Il faut donc que des actionnaires aient suffisamment de moyens pour demander plus d’actions nouvelles qu’ils n’en ont droit et que préalablement, d’autres actionnaires aient renoncé à exercer leur DPS à titre irréductible sans indication de bénéficiaires. C’est le sens des dispositions de l’art. 596 de l’AUDSC selon lesquelles les actions nouvelles auxquelles l’actionnaire a renoncé sans indication de bénéficiaires, peuvent être souscrites à titre réductible par ceux des actionnaires qui ont souscrit au-delà de leur limite. Les actions nouvelles peuvent être également souscrites à titre réductible au cas où les renonciations de certains à leur DPS ont été faites au profit de personnes dénommées et que ces bénéficiaires ont souscrit à titre irréductible au-delà des limites auxquelles ils ont droit . Les cessionnaires des DPS ont aussi le droit, dans les mêmes conditions que les actionnaires cédants, de souscrire à titre réductible au-delà des limites réductibles auxquels ils ont droit. Il faut faire observer que l’article 575 de l’AUDSC qui donne compétence à l’Assemblée Générale pour décider expressément d’accorder un DPS à titre réductible aux actionnaires, ne précise pas la nature de l’assemblée qui doit prendre la décision .Il est souhaitable que la décision prise par l’Assemblée pour autoriser ces souscriptions réductibles intervienne en même temps qu’est prise celle qui autorise l’augmentation de capital même si aucune assurance n’existe sur d’éventuelles renonciations au DPS des actionnaires. Ceci, pour éviter qu’une autre réunion de l’Assemblée ne soit convoquée après qu’ont été constatées d’éventuelles renonciations et des souscriptions supplémentaires. Auquel cas, c’est l’Assemblée Générale Extraordinaire seule compétente pour décider ou autoriser une augmentation de capital , qui pourra statuer sur le droit de souscription réductible éventuel à accorder aux actionnaires. On observe au surplus que l’Assemblée peut autoriser le Conseil d’administration à réaliser une augmentation de capital. On se demandera alors si le Conseil peut se servir de ce pouvoir pour accorder accidentellement le DPS à titre réductible ?

b. L’intervention accidentelle des organes d’administration de la société

Le législateur de l’OHADA, on vient de le mentionner, donne compétence expresse à l’Assemblée Générale pour accorder aux actionnaires le droit de souscrire à titre réductible aux actions nouvelles émises pour augmenter le capital social. En rapprochant l’article 575 de l’AUDSC qui l’indique, des dispositions de l’article 564 du même Acte, donnant pouvoir à l’Assemblée Générale Extraordinaire des actionnaires, de décider ou d’autoriser une augmentation de capital, la question reste posée de savoir si l’autorisation donnée par exemple au Conseil d’administration pour augmenter le capital peut impliquer celle de conférer le DPS à titre réductible aux actionnaires ?

Pour certains, l’Assemblée Générale étant seule compétente pour autoriser les souscriptions à titre réductible, le Conseil d’Administration ne peut, lorsqu’il procède à une augmentation de capital sur délégation de l’Assemblée, prévoir de telles souscriptions que s’il y a été expressément autorisé par cette Assemblée . Mais on peut s’interroger sur la solidité de l’argumentation notamment au cas où la réalisation de l’augmentation de capital est déléguée au Conseil d’administration. En effet, et ceci est contenu à l’article 568 de l’AUDSC, l’Assemblée Générale peut déléguer au Conseil d’Administration ou à l’Administrateur Général, selon le cas, « les pouvoirs nécessaires à l’effet de réaliser l’augmentation de capital en une ou plusieurs fois, d’en fixer tout ou partie des modalités, d’en constater la réalisation et de procéder à la modification corrélative des statuts ». En pratique, les sociétés ne se privent pas d’user de cette faculté . Dans ces conditions, il nous semble que le Conseil pourrait décider des souscriptions réductibles sans que l’Assemblée l’y autorise expressément dans la mesure où pouvoir lui est donné pour « fixer tout ou partie des modalités » de l’augmentation de capital qu’il doit réaliser. La fixation des modalités de l’augmentation implique à notre avis cette faculté de décider d’accorder ou non aux actionnaires le droit de souscrire à titre réductible. Les dispositions de l’article 575 peuvent être ainsi contournées et l’Assemblée ne se trouverait pas obligée de prendre une décision expresse pour permettre aux actionnaires de souscrire à titre réductible. La décision du Conseil pourra ainsi fonder la souscription réductible dont la marginalisation se trouve de ce fait renforcée autant par le fait que son bénéfice à l’actionnaire est l’œuvre des organes sociaux et non de la loi, que du fait de l’indifférence observée quant à sa transmissibilité.

2. Transmissibilité et suppression du DPS à titre réductible

Le législateur qui a pris soin de régler la question de la transmissibilité du DPS irréductible, a ignoré celle du DPS réductible qui ne l’a pas préoccupée outre mesure (a). D’où une fois encore la marginalisation de ce droit dont on se demande s’il ne faut pas en décider la suppression pure et simple de l’ordonnancement juridique de l’OHADA (b).

a. La Transmissibilité du DPS à titre réductible

La question de la transmissibilité du DPS réductible se pose dès lors qu’on observe le silence du législateur dans les textes régissant le DPS. Aucune disposition n’a été consacrée à la possibilité ou non de transmettre le DPS à titre réductible. La faculté reconnue à l’Assemblée de décider expressément d’un DPS réductible au profit des actionnaires ne vient dans l’ordre des articles sur la question qu’après qu’ont été posées les règles relatives à la négociation et à la cessibilité du DPS irréductible. Et les termes utilisés par le législateur prouvent que les dispositions relatives à la négociation et à la cessibilité du DPS irréductible ne concernent pas le DPS réductible. Après l’affirmation que les actionnaires ont un DPS réductible, quels sont les prérogatives qui lui sont attachées. Aucune n’a été mentionnée. C’est donc au droit commun qu’il faut ici faire recours en attachant au DPS réductible, les prérogatives qui s’attachent à tous types de droit subjectif et pas plus que ça. En conséquence, il ne peut être rendu négociable comme le DPS irréductible, même si l’action est négociable. La raison est simple, il n’est pas attaché automatiquement à l’action. Il faut qu’il soit expressément accordé par l’Assemblée pour que l’actionnaire en soit bénéficiaire. Il pourra simplement être cédé comme n’importe quel droit, selon les règles du Code civil. Mais des difficultés peuvent se poser.

La première difficulté de cession du DPS réductible, naît du peu d’intérêt qu’il présente pour le cessionnaire. Si le cessionnaire est un actionnaire, il dispose déjà lui-même de ce droit, on ne saurait comprendre en vertu de quelle logique il chercherait à acquérir ce droit auprès d’un autre actionnaire. La loi lui ayant donné la possibilité de se faire attribuer les actions nouvelles à titre réductible lui aussi, s’il a souscrit un nombre d’actions supérieur à celui qu’il pouvait souscrire à titre irréductible . Même s’il n’a pas eu la présence de souscrire au-delà du nombre qu’il pouvait souscrire à titre irréductible, tant que le délai de souscription n’est pas expiré, il peut toujours souscrire à titre réductible. En revanche, si le cessionnaire est un tiers, il trouvera quelque intérêt à acquérir ce droit auprès d’un actionnaire, notamment, au cas où les souscriptions irréductibles n’absorbaient pas la totalité de l’augmentation de capital. Mais les difficultés de cession ne disparaissent pas pour autant. La seconde difficulté vient ici de la valeur de cession du droit. En réalité, il s’agit d’un droit dont l’exercice est hypothétique. Le tiers cessionnaire ne pourrait pas l’exercer automatiquement. Il devrait attendre de voir si les souscriptions irréductibles ont ou non absorbé la totalité de l’augmentation de capital. C’est dans la deuxième hypothèse qu’il espérera exercer son droit, pour se faire attribuer lui aussi les actions nouvelles. En pareille occurrence, la valeur d’acquisition du droit s’en trouvera nécessairement impacté. L’actionnaire ne le cédera qu’à une valeur moindre. Ce qui est de nature à le décourager. Enfin, une troisième difficulté provient du fait que le cessionnaire trouverait plus intérêt à acquérir les actions sur le marché que d’acheter un droit dont l’exercice n’est pas évident. Ceci renforce encore plus la marginalisation de ce droit dont il faut se demander s’il ne faille pas le supprimer purement et simplement.

b. Faut-il supprimer le DPS à titre réductible ?

Il a déjà été remarqué que le DPS à titre réductible ne porte que sur une part infime de l’augmentation de capital et qu’il alourdit inutilement la procédure. Il faut traiter les ordres de souscription et établir les barèmes de répartition. En conséquence, il retarde inutilement la réalisation définitive de l’augmentation de capital. Il faut le concéder, c’est un droit qui n’a pas une utilité absolue. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le législateur n’a pas voulu lui conférer un caractère impératif comme il l’a fait pour le DPS à titre irréductible. Sa relative utilité explique sans aucun doute sa marginalisation. Il est peut-être souhaitable de le supprimer purement et simplement, au lieu de maintenir dans l’ordonnancement juridique un droit qui crée plus de problèmes qu’il n’en résout. Les souscriptions réductibles étant complémentaires aux souscriptions irréductibles, on peut se demander quel serait le sort de l’augmentation de capital au cas où les souscriptions irréductibles se révéleraient insuffisantes. La réponse à cette question n’est pas difficile à trouver. Au cas où les souscriptions irréductibles ne couvraient pas la totalité de l’augmentation de capital, il faut revenir aux solutions des points 2 et 3 envisagées par l’article 579 de l’AUDSC. A savoir, répartir librement les actions non souscrites entre les actionnaires et s’ils n’ont pas les moyens de les acquérir, céder le reste des actions nouvelles non souscrites sur le marché purement et simplement. Ce sont là des solutions que bien évidemment seule, la mise en œuvre des souscriptions permettra de concrétiser.

II. LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT PREFERENTIEL DE SOUSCRIPTION

La mise en œuvre du droit préférentiel de souscription que le législateur a établi au profit des actionnaires et de leurs ayants droit, est précédée d’un certain nombre de conditions sans le respect desquelles le droit ne peut se manifester. Après les avoir envisagées (A), on se penchera sur la réalisation concrète du droit préférentiel de souscription (B).
A. LES CONDITION DE MISE EN OEUVRE

Le DPS ne se manifeste pas dans n’importe quelle circonstance. Nous avons déjà souligné que même acquis à l’actionnaire, il ne peut s’exercer que lorsque l’occasion se présente. Il n’a pas vocation à se manifester d’une façon permanente comme les autres droits de l’actionnaire. Il n’est possible que lorsque la société décide d’augmenter son capital social. C’est la principale condition de fond, mais il y en a d’autres sans lesquelles il ne peut valablement s’exprimer (1). Après les avoir évoquées, nous examinerons les conditions de forme et de publicité préalables à la mise en œuvre du droit (2).

1. Conditions de fond

Le DPS ne peut s’exercer que dans le cadre d’une augmentation du capital social (b). Il faut néanmoins que les bénéficiaires aient préalablement libéré les actions auxquelles il est attaché. Laquelle libération induit automatiquement celle du capital social que l’on envisage d’augmenter (a).

a. Libération des actions bénéficiaires et du capital initial

Il serait incompréhensible qu’une société prétende augmenter son capital social par l’émission de nouvelles actions alors même que ses actionnaires restent lui devoir de l’argent parce qu’ils n’auraient libéré que partiellement les titres qu’ils détiennent. C’est une règle de bon sens . C’est pourquoi le législateur impose que soit préalablement libérée la totalité des actions souscrites par eux auprès de la société. Le défaut de libération immédiate de la totalité desdites actions par leurs propriétaires n’est pas nécessairement un comportement fautif de ceux-ci. La loi, on le sait, leur a elle-même donné la possibilité de libérer les actions partiellement, du moins lorsqu’elles représentent des apports en numéraire : « Les actions représentant des apports en numéraire sont libérées, lors de la souscription du capital, d’un quart au moins de leur valeur nominale » La libération du surplus doit intervenir dans un délai qui ne peut excéder trois ans à compter de l’immatriculation de la société au registre de commerce et du crédit mobilier. C’est dire qu’aucune augmentation de capital ne peut être faite pendant ce délai sauf si avant ces trois années, la totalité du capital a été libérée ou que l’augmentation envisagée est réalisée par des apports en nature . Le manquement est triplement sanctionné comme nous le verrons ci-dessous.

Rappelons que le capital social est la résultante des apports faits en numéraire ou en nature par les actionnaires. Il n’y pas et il ne peut y avoir d’autres types d’apport dans une société anonyme où le patrimoine social est le seul gage des créanciers .Dans ce type de société, le capital social doit être entièrement souscrit avant la date de la signature des statuts ou de la tenue de l’Assemblée Générale constitutive . C’est une disposition que la société anonyme a en commun avec d’autres formes de société comme la société à responsabilité limitée. Mais elle a sur cette dernière, comme nous venons de l’indiquer, l’avantage d’offrir à ses actionnaires la possibilité de libérer les actions représentant des apports en numéraire, seulement du quart de leur valeur nominale lors de la souscription; là où les associés de la société à responsabilité limitée doivent libérer la totalité de leur part dès la souscription . Ce privilège doit rester exceptionnel. C’est pourquoi, le législateur a exigé que les actions représentant des apports en numéraire non intégralement libérées restent sous la forme nominative . C’est encore pourquoi il a limité dans le temps cet avantage en exigeant que la libération du surplus intervienne dans un délai qui n’excède pas trois ans à compter de l’immatriculation de la société au registre du commerce et du crédit mobilier. De cette faveur qui n’est qu’une exception, les actionnaires et les dirigeants sociaux tendent parfois à en faire une règle où négligence et mauvaise foi s’entremêlent. Aussi, lorsque des évènements importants dans la vie sociale comme une augmentation de capital font jour, les règles dont l’observance a été négligée se rappellent à leur souvenir, puisqu’une telle opération est inenvisageable sans la libération intégrale des actions souscrites.

La règle visant à la libération préalable du capital est applicable autant dans l’hypothèse d’une augmentation de capital par majoration du montant nominal des actions que dans celle d’une augmentation par émission d’actions nouvelles en numéraire. Or, on constate que l’article 572 de l’AUDSC ne retient que cette dernière hypothèse de manière à laisser supposer que même si le capital n’est pas entièrement libéré, l’augmentation pourrait intervenir par majoration du montant nominal des actions. Cette interprétation n’a pas été validée . En effet, selon ce texte, « Le capital doit être intégralement libéré avant toute émission d’actions à libérer en numéraire, à peine de nullité de l’opération». En dépit de sa clarté quant à la libération intégrale des actions souscrites, certains ont voulu en faire une interprétation tout à fait erronée en estimant qu’un simple appel de fonds pouvait valoir une telle libération . Les tribunaux ont dû en repréciser le sens en jugeant que « la libération intégrale du capital suppose un versement effectif des fonds, le capital destiné à être augmenté doit être totalement versé et non simplement appelé » . Ce jugement qui fait une application exacte de la loi, a été rendu à l’issue des délibérations d’une Assemblée Générale Extraordinaire qui décidait simultanément la libération des trois quarts dus du capital, et une augmentation de capital subséquente et conditionnelle à la réalisation de la libération intégrale du capital ancien. On mesure facilement dans ce contexte, les acrobaties que le défaut de libération des actions dans les délais prescrits, peut amener les actionnaires à faire, au moment même où la nécessité d’augmenter le capital se fait le plus impérieusement sentir. C’est pourquoi la sanction dont il est assorti peut se trouver justifiée. Le défaut de libération du capital découle mécaniquement de celui de libération des actions dont il est constitué. Toutefois, en matière de sanction, il a paru utile au législateur de faire une distinction en fonction de son destinataire même si la portée de certaines sanctions reste limitée. Le défaut de libération du capital avant son augmentation se trouve sanctionné à un triple niveau : pénalement, politiquement et civilement.

Pénalement, ceux qui encourent des sanctions, ce ne sont pas les actionnaires débiteurs ou défaillants, mais les dirigeants sociaux qui n’ont pas recouvré la dette actionnariale et se sont permis d’émettre des actions ou des coupures d’actions. Ils ont été précisément indexés par l’article 893 de l’AUDSC : « Encourent une sanction pénale, les administrateurs, le président du conseil d’administration, le président-directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint d’une société anonyme qui, lors d’une augmentation de capital, auront émis des actions ou coupures d’actions :…3°) sans que le capital antérieurement souscrit de la société ait été intégralement libéré ». Toutefois, force est de regretter que l’incrimination n’est pas assortie des peines pouvant l’accompagner, laissées à la discrétion des Etats de l’OHADA eux-mêmes . Ces personnes ont été ciblées par le législateur parce qu’il leur a donné les moyens de recouvrer les sommes dues. En effet, l’article 775 de l’AUDSC souligne qu’en cas de non paiement des sommes restant à verser sur les actions non libérées, aux époques fixées par le Conseil d’Administration, la société adresse à l’actionnaire défaillant une mise en demeure. Si un mois après, celle-ci reste sans effet, la société poursuit de sa propre initiative la vente de ces actions. C’est donc en réalité, la négligence des dirigeants que le législateur sanctionne, voire leur mauvaise foi. Cependant, il n’est pas fréquent de voir un dirigeant social dont la désignation même dépend de l’actionnaire, adresser à celui-ci une mise en demeure pour non libération de ses actions et se donner le courage de vendre les actions de l’actionnaire défaillant. Si une telle initiative est concevable théoriquement, pour les sociétés pluripersonnelles, on voit mal comment dans une société unipersonnelle, l’Administrateur Général peut oser cet affront à l’égard de l’actionnaire unique dont il est l’émanation. Bien que ce soit l’actionnaire même qui aura décidé d’augmenter le capital social, l’Administrateur Général usera toujours de voies plus consensuelles, moins brutales, pour aboutir à ses fins mais en prenant le risque d’encourir paradoxalement des sanctions s’il ne recouvrait pas le capital souscrit.

La condition édictée de libérer préalablement le capital social ne se limite pas à la société. Elle est imposée aussi à l’actionnaire dans son individualité. Le législateur de l’OHADA pose comme préalable au bénéfice du DPS, la libération de toutes les actions qu’il a souscrites. Le droit à lui reconnu par les articles 573 et 757 de l’AUDSC de souscrire par préférence aux actions nouvelles émises en vue de réaliser une augmentation de capital, restera suspendu s’il n’a pas libéré les anciennes actions qui avaient été souscrites. A l’expiration du délai d’un mois après la mise en demeure évoquée ci-dessus, « le droit au dividende et le droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital attachés à ces actions sont suspendus jusqu’au paiement des sommes dues » . Avec la simple suspension des droits, la porte reste encore ouverte à l’actionnaire défaillant pour rattraper ses manquements, même si cette suspension n’a pas une portée véritable. En effet, ce droit ne peut exister que dans le cadre d’une augmentation de capital et celle-ci ne pourrait être décidée sans libération intégrale du capital ancien. Si la totalité du capital social n’a pas été libérée, c’est qu’un ou plusieurs actionnaires ont failli à leurs obligations contractuelles. Il paraît donc normal de ne pas leur conférer les prérogatives attachées aux actions qu’ils possèdent. On ne possède réellement la qualité d’actionnaire que si l’on a payé les actions achetées. On ne peut pas se prétendre totalement actionnaire alors qu’on reste débiteur de ce qui confère cette qualité, à savoir, le paiement effectif des titres. La Cour d’appel de NYAMEY l’a rappelé il y a quelques années à propos d’une SARL: « Seule la souscription au contrat de société par la libération des parts sociales donne droit à la qualité d’associé » .C’est pourquoi, à juste titre et d’ailleurs à notre avis à bon droit, le législateur prive en plus l’actionnaire défaillant de son droit politique au vote: « A compter du même délai, les actions pour lesquelles les versements exigibles n’ont pas été effectués cessent de donner droit à l’admission aux votes dans les assemblées d’actionnaires et elles sont déduites pour le calcul du quorum et des majorités » . Qui plus est, les actions non libérées peuvent être mises en vente dans les conditions définies aux articles 776 et suivants de l’AUDSC, avec le risque de voir l’actionnaire perdre une partie de ses actions, donc de ses droits.

Outre les sanctions envisagées contre les dirigeants et l’actionnaire défaillant, sur le plan civil, le sort d’une augmentation de capital intervenue sans libération intégrale du capital social est sanctionné par la nullité . La sanction est radicale. Quel que soit le niveau du processus d’augmentation du capital, l’opération devra être annulée comme si elle n’avait jamais commencée. De quelle nullité s’agit-il, relative ou absolue ? Aucune précision n’est apportée par l’article 572 de l’AUDSC. En considérant la distinction classique entre nullité absolue et nullité relative, il faut bien pencher pour une nullité absolue. Il ne s’agit pas ici de protéger des intérêts particuliers, mais bien l’ordre public des sociétés en général. Dans le régime des « nullités de la société et actes sociaux », organisé par les dispositions des articles 242 et suivants de l’AUDSC, la distinction entre nullité absolue et nullité relative faite par la doctrine civiliste du XIXème siècle n’a pas été opérée. Aussi, conviendrait-il ici de se demander si la nullité édictée par le législateur OHADA en l’espèce peut être couverte? Une réponse positive devrait s’imposer, notamment au regard des dispositions de l’article 246 de l’AUDSC : « L’action en nullité est éteinte lorsque la cause de nullité a cessé d’exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur le caractère illicite de l’objet social ». Mieux, le tribunal saisi d’une action en nullité peut, même d’office, fixer un délai pour permettre de couvrir cette nullité. Il ne peut pas la prononcer moins de deux mois après la date de l’exploit introductif d’instance. Et si, pour couvrir une nullité, une Assemblée doit être convoquée et s’il est justifié d’une convocation régulière de celle-ci, le tribunal accorde par un jugement , le délai nécessaire pour que les associés puissent prendre une décision. C’est seulement lorsqu’aucune décision n’a été prise à l’expiration du délai prévu ci-dessus, que le tribunal statue à la demande de la partie la plus diligente . Si les dirigeants sont assez efficaces dans le recouvrement des actions souscrites non libérées, ils pourront ainsi éviter l’annulation de l’opération d’augmentation du capital dans le seul contexte duquel s’exerce le droit préférentiel de souscription.

b. Augmentation du capital

La seconde condition de fond, nécessaire à la mise en œuvre des souscriptions irréductibles ou réductibles, c’est l’existence d’un creuset d’expression du DPS. Le DPS ne peut s’exprimer que lorsqu’il a été décidé d’augmenter le capital social. On sait déjà que c’est le besoin de financement des entreprises qui justifie généralement la décision d’augmenter le capital d’une société. Le capital initialement souscrit s’avère bien souvent insuffisant pour affronter les défis qui se présentent dans la gestion d’une entreprise, notamment dans un environnement concurrentiel. Les bailleurs de fonds on l’a évoqué, se montrent parfois réticents pour apporter leurs concours ou exigent avant toute intervention, un effort aux actionnaires. L’augmentation de capital apparaît alors aux créanciers comme une alternative rassurante, notamment lorsque la société s’apprête à faire un emprunt obligataire. On peut augmenter aussi le capital juste pour attribuer des actions aux salariés afin de leur permettre d’entrer dans le capital social. Pour toutes ces raisons, la volonté d’augmenter le capital peut émaner librement des actionnaires. Elle est dans ce cas volontaire. Ils prennent eux-mêmes l’initiative de débourser des fonds pour les raisons ci-dessus spécifiées. Mais ils peuvent aussi être contraints de prendre la décision d’augmenter le capital social. C’est le cas lorsque du fait des pertes constatées, les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié du capital social. Ceci ressort des dispositions combinées des articles 664 et 665 de l’AUDSC.

La contrainte n’est pas seulement législative, elle peut avoir une origine administrative ou corporative. Auquel cas, l’augmentation du capital est imposée par l’autorité réglementaire pour satisfaire à des politiques publiques. Ceci a été le cas pour les assurances et les banques en Afrique de l’Ouest récemment pour le relèvement de leur capital minimum . Pour les autorités bancaires, cette augmentation s’inscrit «dans l’optique de la promotion d’un système bancaire et financier sain et solide, susceptible de contribuer efficacement au financement du
développement économique des Etats membres de l’UMOA » . Quelles que soient ses motivations, l’augmentation du capital social reste dans l’Acte uniforme de l’OHADA sur les sociétés, une décision de la compétence exclusive des actionnaires eux-mêmes dans le cadre d’une Assemblée Générale Extraordinaire. Cet organe social est seul compétent pour décider ou autoriser l’augmentation de capital . La décision est prise ou l’autorisation est donnée sur la base des deux rapports, du Conseil d’administration et du Commissaire aux comptes dont nous avons déjà fait mention plus haut. L’Assemblée ne peut déléguer cette compétence au Conseil d’Administration ou à l’Administrateur Général : « Est réputée non écrite toute clause contraire conférant au Conseil d’administration ou à l’Administrateur Général, selon le cas, le pouvoir de décider l’augmentation de capital » . Cette disposition est compréhensible d’autant plus qu’il ne doit pas revenir aux organes d’exécution de mettre à la charge de leurs mandants des obligations autres que celles découlant de leur gestion. En revanche, les organes d’administration peuvent agir sur délégation pour réaliser l’augmentation de capital . Auquel cas, les conditions de forme et de publicité en vue des souscriptions pour absorber cette augmentation, doivent être observées par le délégataire.

2. Conditions de forme et de publicité

La mise en œuvre du DPS est aussi précédée par des conditions de forme et de publicité qui se résument dans l’information des actionnaires (a), mais aussi dans celle du public (b).

a. L’information individuelle des actionnaires

Il est difficile d’imaginer une société décidant d’augmenter son capital et s’enfermer sur sa décision pour voir se réaliser cette augmentation. Elle doit émettre les actions nouvelles objet de cette augmentation et les porter à la connaissance de ses actionnaires, notamment dans les sociétés anonymes ne faisant pas appel public à l’épargne. S’il est vrai que dans la pratique, les actionnaires sont généralement tenus informés des grandes lignes de l’augmentation et des modalités de sa réalisation à la faveur de la décision d’augmentation qu’ils ont été amenés à prendre, il n’en demeure pas moins que la plupart du temps, c’est au Conseil d’Administration que revient la mise en œuvre concrète de la décision prise par eux. Au surplus, certains actionnaires pour des raisons qui leur sont propres, ne participent pas toujours aux réunions de l’Assemblée. Ce qui a fait dire que ces Assemblées ne sont « qu’un procès-verbal établi par un employé dans son bureau » . Même si la présence de tous les actionnaires n’est pas indispensable, d’autant plus que, seuls ceux qui représentent les trois quarts des actions pourront utilement voter, le législateur de l’OHADA, a jugé nécessaire d’informer autant que faire se peut, tous autant qu’ils sont de l’émission des actions nouvelles et des conditions dans lesquelles les souscriptions devront s’opérer. Au demeurant, le DPS appartient à tous les actionnaires sans exception, même au détenteur d’un seul titre.

L’information est faite sous forme d’avis contenant toutes les informations indispensables dont l’actionnaire a besoin pour prendre en toute connaissance de cause sa décision de souscrire ou non aux actions nouvelles émises. Il s’agit notamment des informations classiques d’identification de la société (dénomination, forme, montant du capital, adresse du siège social, le numéro d’immatriculation au Registre de commerce et du crédit mobilier (RCCM)). Se trouvent ensuite celles spécifiques sur l’opération envisagée à savoir : le nombre et la valeur nominale des actions et le montant de l’augmentation de capital – le prix d’émission des actions à souscrire et le montant global de la prime d’émission , le cas échéant – les lieux et dates d’ouverture et de clôture de la souscription- l’existence au profit des actionnaires, d’un DPS – la somme immédiatement exigible par action à souscrire – l’indication de la banque ou du notaire chargé de recevoir les fonds – le cas échéant, la description sommaire, l’évaluation et le mode de rémunération des apports en nature compris dans l’augmentation de capital, avec l’indication du caractère provisoire de cette évaluation et de ce mode de rémunération .

Sur la forme, cet avis est porté à la connaissance des actionnaires par lettre au porteur ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, six jours au moins avant la date d’ouverture de la souscription. Même s’il est possible à la société de faire cette démarche bien avant les six jours (ce dont on peut douter en raison de la lenteur souvent observée), ce délai paraît tout de même un peu court. Il ne peut être considéré comme un délai raisonnable pour informer une personne qui doit être amenée à prendre une décision dont la conséquence serait de débourser de l’argent. Parfois, le montant des souscriptions à opérer en vertu du DPS dont on est titulaire est tellement élevé que donner six jours seulement de réflexion à l’actionnaire, n’est pas toujours approprié. Cet avis est diligenté par les mandataires du Conseil d’Administration ou de l’Administrateur Général ou toute autre personne mandatée à cet effet. Bien souvent le Conseil mandatera le directeur général à l’effet de faire porter l’avis aux actionnaires. Il peut choisir aussi l’un d’entre les membres du Conseil pour cette tâche. En tout état de cause, la responsabilité qui découlerait du défaut d’information de l’actionnaire incombera au Conseil.

L’objet de cette information restreinte aux actionnaires, on s’en doute, est de leur permettre d’exercer le DPS dont ils sont titulaires. C’est pourquoi, l’obligation incombant à la société d’informer l’actionnaire se trouve écartée lorsque l’Assemblée Générale a décidé de supprimer le DPS des actionnaires . L’obligation imposée à la société dite de « publicité préalable » , ne présenterait aucun intérêt pour un actionnaire qui ne dispose plus d’un DPS et qui se trouve sur le même pied d’égalité que n’importe quel investisseur. On comprendrait mal, pourquoi on lui offrirait une information privilégiée alors qu’il ne dispose d’aucun privilège. Sa seule appartenance à la société ne saurait justifier que l’on engage des frais de communication dont on ne récolterait d’ailleurs aucun avantage, dans la mesure où, la suppression du DPS vise plutôt à faire venir dans la société des ressources que les actionnaires actuels ne sont pas capables de produire. L’information du public est donc indispensable pour atteindre cet objectif.

b. L’information du public

Elle se justifie autant en cas de suppression du DPS pour les actionnaires dans les sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne que pour l’émission d’actions nouvelles dans les sociétés faisant appel public à l’épargne. Les actionnaires et les investisseurs sont informés de l’émission des actions nouvelles et de ses modalités de deux façons. Si les actions sont au porteur, par un avis inséré dans une notice revêtue de la signature sociale publiée dans les journaux habilités à recevoir les annonces légales dans l’Etat du siège de la société et les autres Etats dont le public est sollicité. Au sein de l’OHADA, la dimension régionale de la publicité est privilégiée en raison de la communauté des textes applicables. Si les actions sont nominatives, les actionnaires sont informés par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception . Aucun délai spécifique n’a été édicté pour porter à la connaissance des futurs souscripteurs l’information, de sorte que le délai de six jours avant l’ouverture des souscriptions indiqué pour les sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne devrait être retenu en application des dispositions de l’article 823 de l’AUDSC qui soumettent les sociétés faisant appel public à l’épargne à la fois aux dispositions générales relatives aux sociétés anonymes et spécifiques sur les sociétés faisant appel public à l’épargne.

Les mentions figurant dans les avis à l’endroit des actionnaires et de la notice pour le public portent globalement sur la dénomination sociale, la forme de la société, l’objet social sommaire, le montant du capital, l’adresse sociale, le numéro d’immatriculation de la société au registre de commerce et du crédit mobilier, la date d’expiration normale de la société, le montant de l’augmentation de capital, les dates d’ouverture et de clôture de la souscription, l’identification du dépositaire des fonds issues de la souscription, les catégories d’actions émises et leurs caractéristiques, la valeur nominale des actions à souscrire en numéraire, et le cas échéant le montant de la prime d’émission, les sommes immédiatement exigées par action souscrite, l’existence au profit des actionnaires du droit préférentiel de souscription aux actions nouvelles ainsi que les conditions d’exercice de ce droit. Il est évident que cette dernière information concerne les sociétés faisant appel public à l’épargne qui n’ont pas supprimé les DPS au profit de leurs actionnaires. Les avantages particuliers stipulés par les statuts au profit de toute personne, le cas échéant les clauses statutaires restreignant la libre cession des actions, et les dispositions relatives à la distribution des dividendes, à la constitution des réserves et à la répartition du boni de liquidation. Ensuite devront être portées les informations sur le montant non amorti des autres obligations antérieurement émises et les garanties dont elles sont assorties, le montant, lors de l’émission, des emprunts obligataires garantis par la société, ainsi que le cas échéant, la fraction garantie de ces emprunts, la description sommaire, l’évaluation et le mode de rémunération des apports en nature compris dans l’augmentation de capital avec l’indication du caractère provisoire de cette évaluation et de ce mode de rémunération. Enfin, une copie du dernier bilan certifiée conforme par le représentant légal de la société, doit être annexée à la notice. Si la publication du dernier bilan avait déjà été faite dans les journaux d’annonces légales, l’indication de la référence de cette publication suffirait. Si aucun bilan n’a encore été établi la notice en fait mention. D’autres supports viennent compléter la notice. Notamment, des circulaires informant le public de l’émission d’actions. Elles reproduisent les énonciations de la notice et contiennent la mention de son insertion dans les journaux d’annonces légales avec référence au numéro où elle est publiée . Les affiches et annonces dans les journaux reproduisent aussi les mêmes énonciations ou au moins un extrait des énonciations de la notice avec référence aux journaux dans lesquelles elle est publiée.

Les responsables doivent veiller à fournir des informations justes et crédibles aux souscripteurs, investisseurs ou actionnaires, au risque de voir annuler l’opération. Peut ainsi être déclarée nulle pour dol, la souscription à une augmentation de capital d’un actionnaire « dont le consentement a été surpris par des informations fausses sur les résultats de la société et par des énonciations mensongères dans la notice publiée » . La tentation de tromper le souscripteur sur la réalité des informations bilancielles est élevée. C’est pourquoi la jurisprudence sanctionne sans état d’âme par la nullité, les informations inexactes portées à la connaissance des investisseurs. Il a été jugé que « La souscription à une augmentation de capital d’une société n’ayant été obtenue que par la communication de bilans et comptes d’exploitation qui présentaient une situation inexacte de la société-compromise au point que l’apport de nouveaux capitaux n’était pas de nature à la rétablir-encourt la nullité, dès lors que les signataires du contrat ont été trompés sur les qualités substantielles des actions souscrites » . Il s’agit donc d’informations qui ont pu déterminer le souscripteur à contracter. Une large information est ainsi organisée par la loi à l’intention des souscripteurs qui disposeront de ce fait, non seulement d’éléments suffisants d’appréciation, mais aussi d’éléments crédibles avant de passer à la phase de réalisation concrète de la souscription.

B. REALISATION CONCRETE DES SOUSCRIPTIONS

Si toutes les conditions de fond, de forme et de publicité ci-dessus spécifiées sont réunies, l’on passe à la phase de la réalisation des souscriptions. Une fois informés de l’émission des actions nouvelles, les actionnaires ont le libre choix d’user ou non de leur DPS. Ils peuvent y renoncer. Ils peuvent aussi céder leur droit. S’ils disposent de moyens suffisants pour souscrire aux actions nouvelles dans les conditions précisées dans les lettres qui leur ont été envoyées, ils signeront le contrat de souscription (1). Mais si les souscriptions faites par eux à titre irréductible et même réductible s’avéraient insuffisantes pour couvrir ou absorber l’augmentation de capital, un certain nombre de dispositions sont prises par le législateur pour éviter que l’opération ne soit un échec. Mais à l’analyse, il s’agit de véritables pis-aller (2).

1. Le Contrat de souscription

Le contrat de souscription conclu à l’occasion d’une augmentation de capital social doit être distingué de celui intervenant lors de la création de la société . Il peut être défini comme l’acte juridique par lequel une personne s’engage à acquérir les actions proposées pour augmenter le capital d’une société anonyme, selon les modalités et dans les conditions définies par celle-ci. Avec l’évolution du concept d’actionnaire aujourd’hui, faire partie de la société n’est plus nécessairement le but visé par l’acquéreur des actions . Pourtant, c’est par un engagement contractuel et non unilatéral qu’il manifestera sa volonté de souscrire aux actions nouvelles émises pour augmenter le capital social. Ce qui suppose un « Accord de volontés faisant naître des obligations » . On s’interrogera ici sur la manière dont un tel accord se forme (a) avant d’en dégager les effets (b).

a. Formation du contrat et délai de souscription

Le « contrat de souscription est constaté par un bulletin de souscription… » . Ce qui suppose qu’il est formé par le consentement des parties. Ce bulletin vise à constater l’engagement pris par le souscripteur de participer à l’augmentation de capital et de verser les fonds correspondant à sa souscription . Il n’est pas fréquent de voir un bulletin qui est, « un billet écrit sur une feuille volante, contenant des mentions simplifiées » constater un contrat. Le contrat est en général constaté formellement par un document en bonne et due forme, contenant les droits et obligations des contractants et signé régulièrement par eux. Mais comme l’écrit le professeur Laurent LEVENEUR, le contrat est « ce formidable instrument de régulation sociale, d’organisation de la circulation des biens et de la prestation de services, qui s’adapte constamment à la vie des affaires » . C’est ainsi qu’une valeur contractuelle a été reconnue par la jurisprudence à des documents publicitaires, notamment lorsqu’ils comportent des informations suffisamment précises et détaillées sur les caractéristiques de l’objet du contrat ou à des Conditions Générales du contrat détachées complètement de conditions particulières. Ce qu’il convient de retenir ici, c’est cette faculté d’adaptation de l’instrument dont il s’agit. Le bulletin de souscription trouve son fondement dans les dispositions de l’article 601 de l’AUDSC en tant que support aux souscriptions d’actions nouvelles dans le cadre d’une augmentation de capital social. Les bulletins souscrits à la création d’une société anonyme sont établis par les fondateurs (art. 390 de l’AUDSC). En cours de vie sociale, bien que la loi ne le précise pas, on imagine que le bulletin devrait être établi par les organes sociaux chargés de la réalisation de l’augmentation. On peut ici se demander si les responsables de la société peuvent s’affranchir de l’établissement des bulletins de souscription et faire souscrire aux actions nouvelles créées autrement. La réponse devrait être négative. Même si à un certain moment la jurisprudence n’y trouvait pas à redire parce qu’aucun texte n’imposait une forme particulière , aujourd’hui, les choses ont changé. La loi exige que la souscription soit constatée par un bulletin de souscription. Pour la doctrine, les formes étant destinées à protéger le consentement, il ne serait même pas admissible que le bulletin de souscription soit suppléé par un autre mode de preuve . En conséquence, la nullité de l’engagement irrégulier, fait en dehors des formes imposées par la loi peut être évoquée . Mais elle ne peut l’être que par le souscripteur, gardant ainsi un caractère relatif. Elle ne peut entraîner la nullité de la société et est d’ailleurs susceptible d’être couverte . Précisons ici que les établissements de crédit connus généralement sous la dénomination de banques, et les prestataires de services d’investissement désignés au sein de l’UEMOA sous le sigle SGI pour Société de Gestion et d’Intermédiation sont parfois sollicités pour servir de relais pour le placement dans le public des actions émises par les sociétés ou les Etats. Aussi, se pose la question de savoir si ces établissements doivent au préalable procéder à des souscriptions de bulletins auprès des sociétés émettrices. Le droit français a résolu le problème très clairement en indiquant que « le bulletin de souscription n’est pas exigé des établissements de crédit et des prestataires de services d’investissement qui reçoivent mandat d’effectuer une souscription à charge pour ces mandataires de justifier de leur mandat ». En droit OHADA, la réponse est moins évidente. Aucune disposition n’affranchit ces établissements de l’obligation de souscrire auprès de la société émettrice avant de redistribuer dans le public les actions souscrites. Toutefois, il faut de notre point de vue admettre que ces établissements qui ne sont que de simples mandataires ne devraient par se voir obligés de souscrire aux actions émises auprès de la société émettrice avant leur redistribution. Pour éviter des confusions, ils doivent bien évidemment disposer d’un mandat clair des sociétés émettrices.

Le contenu du bulletin est défini par la loi (curieux accord de volontés !). Il doit mentionner la dénomination sociale suivie le cas échéant du sigle de la société, sa forme, le montant du capital social, l’adresse du siège social, le numéro d’immatriculation au registre de commerce et du crédit mobilier, le montant et les modalités de l’augmentation de capital (nominal des actions, prix d’émission), le cas échéant le montant à souscrire en actions de numéraire et le montant libéré par les apports en nature, le nom ou la dénomination sociale et l’adresse de la personne qui reçoit les fonds, les nom, prénoms et domicile du souscripteur et le nombre de titres qu’il souscrit, l’indication de la banque ou du notaire chargé de recevoir les fonds, celle du notaire chargé de dresser la déclaration de souscription et de versement, et enfin la mention de la remise au souscripteur de la copie du bulletin de souscription.

La formalisation de la souscription qu’elle soit à titre irréductible ou réductible s’opère par la mention de la date et la signature du bulletin par le souscripteur ou son mandataire qui écrit en toutes lettres le nombre de titres souscrits. Le législateur qualifie la souscription de « contrat », et d’après la jurisprudence, il est même synallagmatique . Il se présente schématiquement sous la forme d’une pollicitation de la société que vient rencontrer une acceptation du souscripteur. Cette acceptation résulte de la signature du bulletin. Mais on estime que c’est la remise du bulletin qui la rend définitive. Le souscripteur ne pouvant plus se rétracter dès qu’il s’est dessaisi du bulletin qu’il a signé. Toutefois, son consentement pouvant être affecté par les vices que le Code civil permet de relever dans les contrats (violence, erreur ou dol ), il pourra exiger l’annulation de son engagement .

Concernant la capacité, la question se pose de savoir si l’incapable, mineur non émancipé par exemple, peut souscrire aux actions nouvelles créées pour augmenter le capital social. La réponse dépend de la nature juridique de l’acte de souscription. La majorité de la jurisprudence et de la doctrine reconnaît dans l’acte de souscription d’actions un acte de commerce depuis longtemps . On estime au surplus que si on analyse l’acte comme l’adhésion à une société de commerce, cette solution s’impose . En conséquence, au regard de notre droit, le mineur ne peut signer un acte de souscription d’actions puisque selon l’article 7 al. 1 de l’AUDCG « Le mineur, sauf s’il est émancipé, ne peut avoir la qualité de commerçant ni effectuer des actes de commerce ». Pourtant, d’après la doctrine, « Il ne faut pas en conclure à l’impossibilité pour le mineur ou le majeur en tutelle d’effectuer un apport en argent à une société anonyme » . En effet, la jurisprudence a reconnu au représentant de l’incapable le droit de placer les capitaux de celui-ci par l’acquisition d’actions, en respectant les conditions prescrites pour la vente des valeurs mobilières .

Une interrogation sur la nature contractuelle de la souscription de l’actionnaire aux actions nouvelles n’est pas inopportune. Ne perdons pas de vue ici que l’actionnaire souscripteur est titulaire d’un droit préférentiel de souscription à titre irréductible et/ou réductible. Or, l’offre que lui fait la société est moins une offre destinée à recueillir son consentement en vue d’un contrat, qu’une demande de confirmation de l’utilisation de son DPS. Le bulletin signé apparaît alors comme la preuve que l’actionnaire, a usé de son droit qui est déjà dans son patrimoine. Dans un contrat, l’offre qui est faite n’est pas dans le patrimoine de son destinataire, c’est l’acceptation qui l’attire dans son patrimoine et en fait un droit dont il peut poursuivre l’exécution. En revanche, si le bulletin de souscription est adressé à un souscripteur qui n’est pas actionnaire, la qualification de contrat pourrait se justifier pour la souscription. Une offre en bonne et due forme existe alors et une acceptation vient l’épouser pour en faire un contrat entre ce souscripteur et la société dont il devient du coup un actionnaire. La doctrine confirme que l’analyse de la souscription en un contrat est beaucoup plus plausible lorsqu’une société adresse au public une offre de souscrire à une augmentation de capital que lors de la constitution .

Si la souscription aux actions nouvelles doit être analysée en un contrat, ce contrat est consensuel et non solennel. Le bulletin de souscription vient simplement le constater comme l’indique la loi. Le bulletin présente en quelque sorte au souscripteur l’offre que lui fait la société. La loi exige que le souscripteur accepte cette offre en apposant la date et sa signature sur le document. Cette exigence de signature du bulletin n’est requise que du souscripteur, elle n’est pas imposée à la société émettrice. Au surplus, une partie de la formalité de « Bon pour » doit figurer sur l’acte puisque le souscripteur ou son mandataire doit écrire en « en toutes lettres le nombre de titres souscrits ». D’ailleurs, en pratique, il est souvent mentionné sur les bulletins de souscription la formule « Bon pour souscription de (tel nombre) d’actions » pour faire preuve du nombre de droits attribués à tel actionnaire ou d’actions à tel investisseur. Il faut reconnaître que formellement, par cette présentation le bulletin a l’aspect extérieur d’un contrat unilatéral ou d’un acte juridique unilatéral qui ne lui ôte nullement sa force obligatoire. En effet, le principe dominant ici, c’est le consensualisme. Le contrat se forme valablement par le seul échange des consentements sans qu’il soit nécessaire de respecter des conditions de forme. Le fait que les mentions apposées sur le bulletin soient préétablies et émanent d’une seule partie, en l’occurrence la société émettrice des titres à souscrire, ne peut les priver de leur force obligatoire. Laquelle est subordonnée à leur connaissance et à leur acceptation par le souscripteur . Cette acceptation s’opère par la signature du document. Il peut arriver que la force obligatoire des mentions contenues sur le bulletin et établies par la société émettrice toute seule, soit contestée. Il en serait notamment ainsi si ces mentions étaient illisibles ou dissimulées. La jurisprudence dénie dans ces conditions la réalité du consentement du souscripteur .

Le bulletin de souscription est établi en deux exemplaires, l’un pour la société et l’autre, non pour l’autre partie au contrat, mais pour le notaire chargé de dresser la déclaration notariée de souscription et de versement. Le souscripteur ne reçoit qu’une copie de ce bulletin sur papier libre. Or, dans un contrat synallagmatique, l’instrumentum doit être établi en autant d’originaux qu’il y a de parties au contrat. C’est d’ailleurs pourquoi, pour les tribunaux, le contrat de prêt, qui n’impose d’obligation qu’à l’emprunteur, n’a pas de caractère synallagmatique et n’implique donc pas qu’il soit établi en autant d’exemplaires que de parties . Ici, le législateur ne tire pas toutes les conséquences de la qualification retenue en ne destinant pas un des deux exemplaires du bulletin au souscripteur qui se contente d’«une copie …établie sur papier libre » . En principe, seul l’original signé fait preuve et une simple copie peut être contestée. Il a été jugé que « Les copies d’actes sous seing privés, même certifiées conformes, n’ont par elles-mêmes aucune valeur juridique et ne peuvent suppléer au défaut de production de l’original dont l’existence est déniée » . Une évolution sur cette solution classique est remarquée dans la jurisprudence où il est de plus en plus admis que les juges de fond sont libres, faute de trace de falsification, de tenir une photocopie pour une copie sincère et fidèle .

Les souscripteurs doivent agir dans un délai déterminé par les dispositions de l’article 577 de l’AUDSC. Il ne peut être inférieur à vingt (20) jours à compter de la date d’ouverture de la souscription à moins d’être clos par anticipation. C’est le cas si tous les droits de souscription à titre irréductible et dans le cas échéant réductible ont été exercés, ou que l’augmentation de capital a été intégralement souscrite après renonciation individuelle à leur droit préférentiel de souscription, par les actionnaires qui n’ont pas souscrit. Ce délai devrait s’appliquer aussi bien pour les sociétés faisant publiquement appel à l’épargne qu’à celles qui sont fermées. La non observation de ce minimum est pénalement sanctionnée « Encourent des sanctions pénales, les dirigeants sociaux qui, lors d’une augmentation de capital…2) n’auront pas fait réserver aux actionnaires un délai de vingt jours au moins, à dater de l’ouverture de la souscription, sauf lorsque ce délai a été clos par anticipation » .

Il faut prendre garde à ce que le délai fixé pour la souscription ne soit pas trop long en dépassant six (6) mois par exemple. Il n’y a en soi rien d’illégal. Seulement, le risque de voir un souscripteur retirer ses fonds six mois après sur la base de l’article 617 de l’AUDSC ne peut être écarté. Au demeurant, il faut convenir que le délai minimum de vingt jours fixé par le législateur peut à certains égards paraître un peu trop long . Si une société initie une augmentation de capital, c’est parce qu’elle est dans le besoin et celui-ci est bien souvent pressant compte tenu de la concurrence. Au surplus, il ne nous paraît pas indispensable de laisser à l’actionnaire qui doit exercer son DPS tout son temps alors et surtout qu’il a déjà reçu auparavant l’avis ou lu la notice l’informant de l’émission d’actions nouvelles. S’il doit souscrire ou non, il le sait déjà, sa conviction est faite depuis ce moment de sorte qu’il n’est vraiment plus opportun à notre avis, de lui laisser un délai minimum de trois semaines pour souscrire. Surtout qu’il ne faut pas perdre de vue que ce délai étant plancher, le délai de souscription réel peut s’étendre sur des mois en fonction de la fourchette retenue par les initiateurs. Si on compare ce délai avec celui de cinq jours fixé dans certaines législations , on se demande l’intérêt réel de son maintien en droit OHADA. Surtout qu’il est aussi applicable aux sociétés faisant publiquement appel à l’épargne. La rapidité des transactions aujourd’hui et le développement accéléré des moyens modernes de communication commandent que l’on écourte ce délai. Même si les pays de l’OHADA semblent être en retard dans nombre de domaines, ils n’ont pas moins vocation à s’insérer dans le concert des nations où leurs sociétés commerciales doivent être tout aussi compétitives que celles des autres. L’actionnaire ne doit pas avoir l’impression qu’en Afrique les choses vont plus lentement, ceci porte un coup à l’image de notre législation et de nos sociétés commerciales en y dégageant une impression « déceptive » .

On note par ailleurs que la mention du délai de souscription ne figure pas dans les énonciations que doit contenir le bulletin de souscription. S’il est vrai que l’avis ou la notice préalable à la souscription contient déjà l’énonciation de la date d’ouverture de la souscription et celle de sa clôture, il nous semble que le rappel de cet élément fondamental sur le bulletin de souscription ne serait pas superfétatoire car, l’actionnaire n’est pas toujours susceptible de conserver et consulter tous les documents qu’il reçoit. On comprend mal que le législateur de l’OHADA, passe sous silence cet élément dans le bulletin d’autant plus que la souscription hors délai est susceptible de priver le souscripteur de l’exercice de son droit, surtout lorsqu’il est actionnaire. Cette omission n’empêche cependant pas le contrat de souscription de produire tous ses effets.

b. Les Effets du contrat de souscription

C’est pour faire produire au contrat de souscription d’actions, des obligations à la charge des deux parties à savoir, la société émettrice des titres à souscrire et l’actionnaire (ou l’investisseur), que la jurisprudence l’a qualifié de contrat synallagmatique. Selon l’article 1102 du Code civil, « Le contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres ». L’AUDSC de l’OHADA qui qualifie la souscription aux actions nouvelles émises de « contrat », n’a pas dégagé spécifiquement les obligations qui incombaient aux parties contractantes, pas plus d’ailleurs qu’il n’a désigné qui étaient les parties contractantes. Si au moment de sa création, c’est le fondateur de la société qui contracte avec le souscripteur, en cours de vie sociale ce sont les organes sociaux habilités qui agissent au nom et pour le compte de la société qui a décidé d’augmenter son capital social. C’est l’organe représentatif de la société qui, en son nom et pour son compte, envoie le bulletin de souscription au souscripteur. Bien que la société elle, ne soit pas assujettie à la formalité de signature , il n’y a pas de doute que les deux parties contractantes sont constituées de la société et du souscripteur qui peut être ou non un actionnaire de celle-ci.

Par sa signature sur le bulletin, preuve de son acceptation des mentions qu’il porte, le souscripteur s’engage à acquérir les actions de la société émettrice aux conditions que celle-ci a spécifiées. Plus précisément, « le bulletin de souscription a pour objet de constater l’engagement par le souscripteur de participer à l’augmentation de capital et de verser les fonds correspondant à sa souscription » . Le contrat met ainsi à la charge du souscripteur l’obligation le libérer les actions souscrites. A contrario, s’il n’a pas la qualité requise, il ne peut agir pour faire reconnaître par la société les actions souscrites. Jugé qu’ « En l’état d’une augmentation de capital souscrite par des personnes non reconnues comme actionnaires par les dirigeants de la société, c’est à tort que la Cour d’appel de Niamey reconnaît aux souscripteurs la qualité d’associés pour recevoir, en référé, leur demande de désignation d’un administrateur provisoire pour convoquer une assemblée générale aux fins de valider leurs souscriptions et reconnaître la libération des nouvelles actions souscrites » Mais, conformément aux règles de la société anonyme où la totalité des actions souscrites n’est pas immédiatement libérée, seule une partie des souscriptions sera versée. L’article 604 de l’AUDSC rappelle que « Les actions souscrites en numéraire sont obligatoirement libérées lors de la souscription d’un quart au moins de leur valeur nominale,… ». La sanction court à l’encontre des dirigeants qui auront émis des actions ou coupures d’actions sans cette libération . Les seules exceptions admises par la loi, sont d’une part, le versement de la totalité de la prime d’émission à la souscription lorsque ces actions sont assorties de telles primes , et d’autre part, la libération de la totalité des actions dont la souscription en numéraire résulte pour partie de versement d’espèces et pour partie d’une incorporation de réserves, de bénéfices ou de primes d’émission . En tout état de cause, ainsi que l’a rappelé le Tribunal Régional de Niamey (Niger), « La libération des actions ayant fait l’objet d’une souscription est une exigence légale » dont le défaut peut faire perdre à l’actionnaire comme on l’a déjà indiqué, son droit à l’admission au vote dans les Assemblées d’actionnaires.

Quant à la société, ses obligations, bien que non expressément précisées sur le bulletin, en découlent néanmoins tacitement tout en tirant leurs sources des dispositions législatives notamment des articles 573 et 576 et 757 de l’AUDSC. De la combinaison de ces dispositions, il résulte que la société doit attribuer aux actionnaires à titre irréductible et réductible les actions nouvelles émises en numéraire pour augmenter le capital social. Ce qui du reste n’est que la mise en œuvre du DPS dont ceux-ci sont titulaires. Quant aux souscripteurs non actionnaires, l’obligation de la société de leur attribuer les actions nouvelles émises, résulte soit de la cession ou de la renonciation à leur profit, de leur DPS par les actionnaires en vertu des dispositions des articles 574 et 593 de l’AUDSC, soit de leur désignation en qualité de bénéficiaires de ces droits par l’Assemblée Générale Extraordinaire après suppression du DPS des actionnaires (art. 586 et 758 de l’AUDSC). A défaut pour la société de remplir ses obligations après que la souscription aux actions nouvelles émises a été régulièrement faite, elle engagera sa responsabilité contractuelle sur la base de l’article 1142 du Code civil « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur ». L indemnité, venant réparer selon l’article 1149 du Code civil la « perte » qu’elle a engendrée ou plus exactement, le « gain » dont le souscripteur a été privé. Une évolution du contenu doit être relevée ici tenant à ce que la responsabilité civile ne vient plus seulement protéger les atteintes contre le patrimoine du créancier. Elle tend de plus en plus à « réparer » les dommages extra-économiques comme les « peines et souffrances », les atteintes portées aux «sentiments et aux affections », avec en sous main, l’idée de « consolation » ou de « satisfaction » de la victime, même si celle-ci ne s’applique que lorsque l’indemnisation au sens strict est impossible .

Comme à la constitution de la société, les fonds provenant de la souscription d’actions de numéraire doivent être déposés par les dirigeants sociaux dans les huit jours à compter de leur réception, dans une banque pour le compte de la société contre un certificat du dépositaire attestant le dépôt. Les dirigeants sociaux doivent scrupuleusement remplir ce mandat et ne pas destiner les fonds recueillis à une autre activité même si c’est dans l’intérêt de la société. La jurisprudence sanctionne ce manquement considéré comme un abus de confiance . Mais il ne peut être considéré comme un abus de biens sociaux tel que l’entend l’article 891 de l’AUDSC. Pour le tribunal de Dakar en effet, « Le délit d’abus de biens sociaux prévu à l’article 891 de l’AUSGIE suppose un acte d’usage des biens de la société contraire aux intérêts de celle-ci et commis de mauvaise foi à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle le dirigeant était directement ou indirectement intéressé » . Mais cette incrimination semble être celle qui est la plus invoquée dans la mise en jeu de la responsabilité des dirigeants en droit OHADA .

Ensuite se trouve le constat par un notaire de la déclaration de souscription et de versement des dirigeants sociaux sur présentation des bulletins de souscription et du certificat du dépositaire. Cet acte notarié a en principe comme tout acte émanant de cet officier public, la force probante attachée aux actes de l’autorité publique. Mais il perd cette force au cas où il a été établi sans libération effective des actions. Ainsi a jugé la Cour d’appel d’Abidjan : « L’acte notarié de déclaration de souscription et de versement ne saurait avoir la force probante attachée aux actes authentiques de droit commun, c’est-à-dire faire foi jusqu’à inscription de faux, dès lors que les actions sociales n’ont pas été effectivement libérées » . Le retrait des fonds provenant des souscriptions ne peut être fait auprès du dépositaire, qu’après la réalisation de l’augmentation de capital. Laquelle augmentation doit intervenir dans le délai de trois ans à compter de l’Assemblée Générale qui l’a décidée ou bien autorisée . Toutefois, à la date de l’établissement de la déclaration notariée de souscription et de versement, l’augmentation de capital est réputée réalisée . Et pour les sociétés faisant appel public à l’épargne, l’augmentation de capital est réputée réalisée, lorsque les établissements de crédit qui sont chargés du placement des actions ont garanti de manière irrévocable sa bonne fin . Il en est notamment ainsi lorsque ces établissements s’engagent à souscrire toutes les actions qui n’auraient pas trouvé preneur au terme de la procédure de souscription . La loi confère néanmoins au souscripteur la faculté de retirer ses fonds si, six (6) mois après leur versement, l’augmentation de capital n’est pas réalisée . C’est une disposition qui met la pression sur les dirigeants pour finaliser les formalités de réalisation de l’augmentation pour laquelle les fonds été versés. Dans une espèce jugée en 2003, il a été ordonné la restitution à un actionnaire des sommes versées par lui pour une augmentation de capital. Laquelle n’avait pas abouti. Pour la cour, la société n’élevait pas une contestation sérieuse en soutenant qu’elle avait affecté ces sommes à une autre augmentation de capital. L’actionnaire n’ayant pas signé de bulletin de souscription pour cette autre augmentation de capital et ayant expressément refusé d’y participer . Mais le défaut de réalisation de l’augmentation de capital est le plus souvent justifié non par le détournement des fonds versés, mais par l’insuffisance des souscriptions pour lesquelles des solutions, véritables pis-aller ont été trouvées par le législateur.

2. Les pis-aller contre l’insuffisance des souscriptions

Il n’est pas exclu que même après l’exercice des DPS à titre irréductible, complété par des souscriptions réductibles, l’effet attendu, qu’est l’absorption de l’augmentation du capital ne soit pas atteint, en raison de l’insuffisance des souscriptions due généralement aux aléas attachés à ce type d’opérations. Que faut-il faire, arrêter purement et simplement l’opération, cette solution ne semble pas avoir toutes les faveurs du législateur. Limiter l’opération aux souscriptions obtenues, la loi pose des conditions dans cette hypothèse. Etendre l’opération aux non actionnaires qui ne disposent pas d’un DPS, cette alternative n’a pas été écartée.

a. Limitation légale du montant des souscriptions

Il est possible de considérer l’augmentation de capital social comme réalisée alors même que toutes les actions émises par la société n’ont pas été souscrites. C’est notamment l’hypothèse où les souscriptions reçues des actionnaires, à la suite de l’exercice de leur droit préférentiel de souscription à titre irréductible et réductible, n’ont pas été suffisantes pour absorber l’augmentation de capital et en dépit de cette insuffisance, le montant de l’augmentation de capital reste limité au montant des souscriptions. C’est une alternative envisagée par l’article 579-1 de l’AUDSC. Cette souplesse du législateur de l’OHADA, si elle a, à l’évidence pour objet de favoriser la réalisation de l’opération d’augmentation de capital et par conséquent d’éviter son blocage, reste néanmoins le résultat d’un savant dosage entre le but visé et la nécessité de préserver l’exercice au profit des actionnaires du DPS qui leur est reconnu pour assurer leur protection, et éviter ainsi que des personnes étrangères à la société viennent s’assurer de positions confortables en son sein. La société qui décide d’augmenter son capital a un besoin de financement pour se renforcer. Elle ne doit pas en être privée en raison d’une insuffisance de souscription qui n’est, il faut le reconnaître pas si faible que cela, 25%. En conséquence, par l’exercice de leur droit préférentiel de souscription, les actionnaires doivent se manifester par un niveau de souscription raisonnable qui épuise toute leur capacité de souscription. C’est pourquoi la première condition que la loi pose pour la limitation de l’augmentation de capital au montant des souscriptions réalisées, c’est que celui-ci atteigne les trois quarts (3/4) au moins de l’augmentation prévue par l’Assemblée Générale des actionnaires qui a décidé ou autorisé l’augmentation . Une seconde condition vient doubler celle qui a été évoquée et elle est relative au consentement des actionnaires eux-mêmes à cette limitation. Ainsi, la faculté de limitation des souscriptions doit avoir été prévue expressément par la collectivité des actionnaires réunie au sein de l’Assemblée Générale extraordinaire lors de l’émission. Il faut en d’autres mots une autorisation de l’Assemblée. L’Exécutif social qui est chargé de réaliser l’augmentation ne peut donc prendre l’initiative de la réduire. Aucune différence de régime n’a été faite dans les textes de l’OHADA par rapport aux sociétés faisant appel public à l’épargne et à celles qui n’y font pas. Ce qui est remarqué plutôt, c’est que la limitation du montant de l’augmentation de capital semble être réservée uniquement au cas où le DPS des actionnaires est exercé, à l’exclusion de celui ou il est supprimé. Cette faculté de limitation du montant de l’augmentation a également pour conséquence de laisser à la société une marge de manœuvre qui n’est pas négligeable.

C’est dans ce même registre qu’il faut inscrire l’alternative offerte par le législateur à la société pour combler l’insuffisance des souscriptions. Il s’agit de la possibilité donnée au Conseil d’Administration de répartir librement les actions non souscrites entre les actionnaires sans tenir compte des allocations proportionnelles liées au DPS irréductible ou réductible. Ceci constitue un véritable exutoire pour la société dans la mesure où le Conseil peut agir sans une autorisation de l’Assemblée, à moins que celle-ci en décide autrement. Laquelle se trouve d’ailleurs renforcée par le pouvoir donné au Conseil d’Administration de limiter d’office, et dans tous les cas, l’augmentation de capital au montant atteint, lorsque les actions souscrites représentent 97 % de l’augmentation de capital. Il n’est même pas permis au Conseil lui-même d’écarter cette prérogative, « Toute délibération contraire du Conseil d’administration est réputée non écrite » . A notre avis, rien ne devrait s’opposer à ce que les actionnaires décident en Assemblée Générale Extraordinaire que l’augmentation de capital ne serait réalisée que si 100% des actions sont souscrites. Ce qui devrait d’ailleurs être favorisé par l’extension des souscriptions.

b. Extension des souscriptions au public

Dans les hypothèses qui viennent d’être examinées, et sous les réserves exprimées, l’augmentation de capital sera réalisée en dépit de l’insuffisance des souscriptions des actionnaires. Le législateur a par ces moyens, facilité la réalisation des augmentations de capital faites sans suppression du DPS des actionnaires. Ce qui va dans le sens du maintien de l’actionnariat et de sa protection. Ailleurs, on a parfois pensé que cette limitation devrait aussi s’appliquer aux augmentations de capital faites avec suppression du DPS. Notamment, à la faveur de l’ordonnance française de 2004 , le Professeur DAIGRE s’est posé la question de savoir « Pourquoi une augmentation de capital sans DPS ne pourrait-elle pas être réduite aux 3/4 … ?» La réponse nous paraît évidente en ce qu’il ne s’agit là que de la manifestation de la protection que la loi a primitivement accordée aux actionnaires. Pourquoi veut-on qu’une telle faveur soit accordée dans le cas de la suppression du DPS alors même que la loi donne la possibilité d’offrir au public les actions non souscrites, même si elle assortit cet avantage de la condition que l’Assemblée des actionnaires a admis cette possibilité. Cette extension des souscriptions au public est déjà une réponse à l’égalité de droits qu’on veut insinuer entre actionnaires et non actionnaires. Le DPS des actionnaires, bien que non supprimé n’empêche pas le public d’accéder aux actions nouvelles émises. Mieux, aucune hiérarchie n’a été établie par le législateur entre les différentes modalités visant à limiter le montant des souscriptions ou à étendre celles-ci au public. Le Conseil d’Administration, « peut utiliser, dans l’ordre qu’il détermine, les facultés prévues… » . Que veut-on de plus ? Parce ce qu’il a la latitude d’user des facultés offertes de la manière qui lui convient lorsque les souscriptions faites à titre irréductible ou réductible par les actionnaires sont insuffisantes, le Conseil d’Administration peut directement s’adresser au public pour lui offrir les actions non souscrites. Mais de quel public s’agit-il ? La question reste discutée en doctrine. On s’est s’interrogé sur le sens de l’expression « offertes au public ».Pour certains, l’ouverture au public équivaut à un appel public à l’épargne, et seules les sociétés qui y sont habilitées peuvent y recourir. Selon eux, raisonner autrement, c’est amener des sociétés non réputées faire appel public à l’épargne, dans le champ des sociétés faisant appel public à l’épargne avec les contraintes qui vont avec . Notamment dans notre contexte, un capital minimum de 100.000.000 de FCFA, deux commissaires aux comptes, assujettissement aux obligations d’informations du public etc.

Pour d’autres au contraire, « en l’absence de précision contraire, la possibilité d’offrir au public les actions non souscrites est ouverte à toutes les sociétés, qu’elles soient cotées ou non, qu’elles fassent ou non publiquement appel à l’épargne » et l’ouverture au public n’entraîne pas automatiquement appel public à l’épargne . Cette dernière opinion nous semble la plus fondée. En effet, l’appel public à l’épargne suppose de la part des sociétés non cotées le recours pour le placement de leurs titres, à des intermédiaires financiers (établissements de crédit ou autres) ou à des procédés de publicité quelconque, ou encore au démarchage, ou à la diffusion des actions au-delà d’un cercle de 100 personnes . Si la société n’accomplit aucun de ces actes visant à rechercher des souscripteurs et se borne à recevoir des souscripteurs que les actionnaires ou des tiers font venir d’une manière informelle, elle ne saurait être considérée comme faisant appel public à l’épargne pour être obligée de se soumettre aux contraintes qui l’accompagnent. En outre, il n’y a pas à distinguer là où la loi elle-même n’a pas jugé utile d’apporter une précision. L’expression devrait donc être largement entendue et n’importe quelle société anonyme, doit pouvoir offrir librement à tout public les actions non souscrites sans aucune contrainte ni formalités particulières.

CONCLUSION

De ce qui précède, on retiendra que les nécessitées liées au renflouement des capitaux des sociétés anonymes et à leur développement, semble justifier pour le législateur de l’OHADA, l’affaiblissement du droit préférentiel de souscription qu’il a pourtant lui-même expressément reconnu à l’actionnaire. Il a mis insidieusement des obstacles à son plein exercice pour les raisons que nous venons de rappeler. Les intérêts particuliers de l’actionnaire se trouvent alors sacrifiés sur l’autel des intérêts généraux de la société. C’est là certainement une noble idée, mais dans le contexte des pays de l’OHADA, on peut s’interroger sur la pertinence du choix qui a été ainsi opéré.

S’il est vrai que le développement des entreprises est une préoccupation majeure des pouvoirs publics, il n’en demeure pas moins que l’actionnariat des sociétés de l’espace OHADA, n’a pas encore été consolidé. Ainsi que l’ont relevé des auteurs, « Le développement des sociétés est…moins marqué dans les pays dits en voie de développement. Les capitaux privés susceptibles d’être placés en société sont plutôt rares, et cette rareté se répercute sur l’existence de grandes sociétés privées » .

Autant on se plaint dans cette région d’un faible taux de bancarisation, autant ce reproche vaut pour l’actionnariat des sociétés. Celui-ci est encore très faible et des instruments comme le DPS devraient servir à encourager son renforcement. Si on vide cet outil de sa substance au profit de prédateurs qui n’ont aucune conscience de la chose sociale, préoccupés qu’ils sont par la rentabilité immédiate et la spéculation, quand veut-on avoir un jour un actionnariat africain stable au sein de nos sociétés ? Il faut reconnaître que c’est ici que le droit rendu applicable à nos sociétés commerciales a parfois ses limites. Il paraît ennuyeux que dans le contexte de pays où l’actionnariat est encore balbutiant, où la culture de l’investissement reste encore à consolider, au lieu de chercher, par des mécanismes de protection de l’actionnaire, à favoriser son développement, les sociétés commerciales soient régies par un droit calqué purement et simplement sur celui de pays ayant atteint une maturité éprouvée, tant dans le développement de l’actionnariat des sociétés que dans celui de leur encadrement juridique. C’est vrai que pour certains, «Il est évident qu’une approche strictement nationaliste du droit des sociétés commerciales n’a plus de sens aujourd’hui », et qu’ « Il est, en effet, difficile d’imaginer que l’on puisse avoir une certaine conception de la société à Paris, une autre à Londres, à New York, à Tokyo, à Mexico, au Caire,.etc. » .
Même s’il n’est pas nié que le droit des sociétés a vocation à s’insérer dans un processus de mondialisation , on ne peut sérieusement faire une impasse sur le fait que c’est un droit qui doit se construire avec les peuples, leur culture, leur compréhension des choses, leur rythme. Le fait que les sociétés financières, industrielles, commerciales ou de prestations de services se ressemblent singulièrement au-delà de toutes les frontières, ne peut nous amener à obérer cette réalité. Les hommes se ressemblent aussi au-delà de toutes les frontières, ceci ne fait pas moins d’eux des êtres différents par leur culture et façon de voir et d’évoluer. En réalité, comme il a été écrit, « A chaque période sa préoccupation, tenant aux circonstances du moment mais également à l’évolution des esprits. Celle du jour est de favoriser le financement des grandes entreprises, pour des raisons d’environnement (mondialisation), d’ambiance intellectuelle (le libéralisme) et de nécessité (le financement des investissements). Peut-être quelque grande affaire provoquera-t-elle demain une réaction sur tel ou tel point, tant le droit économique devient aussi volatil que l’économie et les idées qui l’imprègnent » .