Résumé
La présente étude propose une réflexion critique et pratique sur le nouvel agent des sûretés issu de la réforme de l’Acte uniforme sur les sûretés de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Elle vise à relever pour tenter d’y répondre, les questionnements soulevés par la doctrine et les praticiens au sujet de l’introduction de cette nouvelle technique de gestion des sûretés en droit de l’OHADA.
Afin d’y parvenir, l’étude clarifie d’abord ce qu’est un agent des sûretés à la lumière stricte des textes le régissant. Elle précise ensuite la nature et le régime juridiques de cette institution sui generis en les comparant aux mécanismes et institutions similaires connus en droit français (agent des sûretés, mandataire), américain (security trustee, parallel debt), québécois et suisse (fiducie, patrimoine d’affectation). L’article analyse enfin sa réelle praticabilité au regard des ambitions du législateur et des réalités de la pratique des sûretés et autres garanties dans l’espace OHADA.
Plan
Introduction 1
1.La difficile appréhension de l’institution juridique d’agent des sûretés 2
1.1.La clarification de l’agent des sûretés OHADA 2
1.2.La singularité déroutante du statut juridique de l’agent des sûretés 2
1.3.L’hybridité déconcertante du régime juridique de l’agent de sûretés 3
2.La praticabilité discutable de ce gestionnaire des sûretés de l’OHADA 4
2.1. Une institution efficace en théorie 4
2.2. Des ambitions en pratique déconnectées des réalités africaines actuelles 5
Pour ne pas conclure 7
Introduction
Les plumes les plus autorisées ont salué sans ambages les réformes opérées dans l’environnement juridique de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) notamment celle survenue à propos de l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés (AUS). Dans ce contexte, une réflexion critique sur le nouvel AUS peut paraître malavisée à l’image d’un coup d’épée doctrinal dans l’océan paisible du nouveau droit des sûretés OHADA. Heureusement, les vingt (20) ans de l’Organisation célébrés il y a quelques mois autorise en premier lieu, la remise en question critique de la réforme. En second lieu, l’aspect pratique que nous avons essayé de donner à cette étude vise à renouveler l’intérêt de la discussion autour du nouvel AUS. En effet, le but de cette recherche n’est pas de revenir sur toutes les innovations de l’AUS. Elle vise plus modestement à relever pour tenter d’y répondre, certains questionnements soulevés par la pratique au sujet de l’introduction de la nouvelle technique de gestion des sûretés que constitue « l’agent des sûretés » en droit de l’OHADA.
C’est l’article 5 de l’AUS reprenant en partie le droit français, qui présente cette institution en ces termes :
« Toute sûreté ou autre garantie de l’exécution d’une obligation peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée par une institution financière ou un établissement de crédit national ou étranger, agissant, en son nom et en qualité d’agent des sûretés, au profit des créanciers de la ou des obligations garanties l’ayant désigné à cette fin. ».
Véritable « innovation fondamentale » , l’agent des sûretés apparaît comme une singularité institutionnelle censée conduire la destinée des sûretés depuis leur constitution jusqu’à leur extinction. Elle est une nouveauté qui, de l’avis des rédacteurs de l’Acte uniforme concerné, est dictée par la « pratique des crédits syndiqués » ! Et comme nouveauté, elle bouleverse d’abord les acquis et certitudes académiques et fait de tous, des ignares de par sa complexité à nulle autre pareille surtout que ces crédits syndiqués ne sont pas l’apanage du commun des juristes africains de l’OHADA. Mais ensuite, et c’est là le réel problème, elle fait douter de sa praticabilité ou plutôt de son efficacité sous un double aspect. Le premier étant celui des objectifs généraux du législateur de l’OHADA couplés à ceux spécifiques de l’AUS qui présentent un bilan en demi-teinte. Le second étant la compatibilité des règles régissant cette institution sui-generis avec les réalités socio-économiques africaines et les pratiques des banques et autres institutions de micro-finance de l’espace qu’elle est censée régir .
Ces préoccupations feront l’objet de développements tout au long de nos écrits. Mais avant de nous prononcer sur la praticabilité de cette institution de l’agent des sûretés, il convient de renseigner nos lecteurs sur qui il est vraiment et comment le nouvel AUS le définit. Ensuite, nous nous préoccuperons de clarifier comment il est censé effectuer sa mission et comment l’AUS encadre et veille au bon accomplissement de cette mission professionnelle de gestion des sûretés par l’agent des sûretés. En langage juridique, quelle est la nature juridique de l’agent des sûretés et quel est le régime juridique à lui applicable? Ces deux interrogations constituent la trame de fond de nos développements.
1. La difficile appréhension de l’institution juridique d’agent des sûretés
Appréhender, du latin apprehendere signifie ‘comprendre’, ‘saisir’ ; et le moins qu’on puisse dire est que la compréhension de cette nouvelle institution est difficile pour deux raisons majeures. L’agent des sûretés emprunte des éléments fondamentaux à des institutions diverses, à des droits nationaux dont les options législatives sont parfois contradictoires et qui appartiennent à des systèmes juridiques différents. Il est un « métisse juridique » , une institution sui generis c’est-à-dire de nature singulière.
a. La clarification de l’agent des sûretés OHADA
L’Agent des sûretés est un mandataire qui agit en son nom, mais au profit du créancier en constituant la ou les garanties. Il est ainsi fait appel au concept de mandat . Le même concept de mandat revient plus loin encore puisque la responsabilité de l’agent des sûretés s’apprécie comme celle d’un mandataire salarié . Il existe cependant des différences notoires entre le mandataire et l’agent des sûretés OHADA. Il est clair que l’agent des sûretés agit « en son nom propre » alors qu’on sait que le mandataire agit plutôt en principe « au nom du mandant ». Aussi, dans un contrat de mandat classique, il ne s’opère aucun transfert de propriété du bien objet de la garantie au mandataire alors que l’agent des sûretés bénéficie d’un tel transfert à travers l’affectation d’un patrimoine spécifique dont il peut disposer. L’agent des sûretés a ainsi des pouvoirs plus étendus qu’un simple mandataire. Il s’en différencie ainsi fondamentalement mais, ce faisant, il opère une gestion plus stable, plus efficace à priori !
De part cette fonction de mandataire et en faisant une interprétation restrictive du texte, on peut faire le parallèle entre autres, avec la fonction de notaire à laquelle il semble se substituer dans ce rôle . En effet, avant cette institution, ce rôle était essentiellement dévolu à cet officier public et ministériel pour ce qui est notamment des sûretés immobilières. Plus loin, dans la procédure de constitution et de réalisation de la garantie, l’agent des sûretés peut aussi se charger de la conservation et de la réalisation de cette dernière pour le compte du créancier ; en cela devra-t-il se substituer et aux avocats et aux juges, de même qu’aux notaires une fois encore? En principe non mais une lecture libre du texte pourrait laisser entendre cela .
b. La singularité déroutante du statut juridique de l’agent des sûretés
L’agent des sûretés fait appel à la solidarité active et nous fait penser à la parallel debt . Loin de s’en tenir à ces figures juridiques, il se rapproche également du trust ayant conduit à la fiducie , du contrat de commission, et d’autres encore. Nous ne tenterons pas de démêler cet imbroglio juridique que la doctrine avant nous a clarifié à la lumière du droit français essentiellement .
Pour traiter spécifiquement de la nature juridique de l’agent des sûretés, il faut commencer en soulignant que suivant une interprétation concordante et contextuelle de l’article 5 de l’AUS, on retient que l’agent des sûretés ne peut être qu’une personne morale . Certains auteurs ont retenu que la lettre de l’article 10 alinéa 1er de l’AUS permettait de comprendre qu’une personne physique pouvait faire office d’agent des sûretés. Qu’il nous soit permis de nous inscrire en faux contre cette interprétation car l’article 10 alinéa 1er n’est en rien une exception à l’article 5 mais il s’inscrit dans sa continuité directe. La délégation de tâche par substitution à une personne tierce, prévue par cet article n’emporte pas exception à l’exigence de personnalité morale, condition sine qua non de la qualité d’agent des suretés OHADA. Le praticien retiendra donc simplement que pour être agent des sûretés OHADA, il faut être une personne morale autorisée à effectuer des opérations bancaires notamment, un établissement de crédit ou une institution financière. L’argument de légistique formelle qui étaye cette position qui est la nôtre est encore l’exigence à titre de mention obligatoire dans l’acte constitutif de l’agent des sûretés de son « siège social » et pas de son domicile ; le siège social n’étant possible que pour une personne morale et jamais physique.
Aussi, à toutes les étapes de la procédure, non content d’interférer dans les compétences et attributions de nombreuses professions juridiques légales, l’agent des sûretés semble pousser l’outrecuidance en empruntant différents chapeaux contractuels et mécanismes juridiques.
Cantonnons-nous pour l’heure, une fois encore, au parallèle avec le mandat. L’agent des sûretés bénéficie d’un pouvoir de représentation large des créanciers dans leur relation avec les débiteurs, leur garant, ainsi que les personnes ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Aux termes du même article 8 de l’AUS, le pouvoir de représentation de l’agent des sûretés va jusqu’à la possibilité pour lui d’intenter toute action y compris en justice au nom et pour les intérêts de ses mandants . Fort du pouvoir d’ester en justice qui lui est conféré par ces mandants, que fait le législateur de l’exclusivité réservée, sauf exception, en cette matière de devoir ester en justice par ministère d’avocat ? Que fait-on des exigences par exemple du Code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes du Bénin ainsi que de nombreuses autres lois de procédure nationales des pays membres qui ont des exigences en ce sens pour certains types d’actes réservés à certaines professions libérales réglementées ? Dans le silence du texte, on peut trouver simple pour l’agent des sûretés de directement ester en justice ; cependant pour la sécurité juridique et judiciaire chère à l’OHADA, il est impératif que cette institution se conforme aux édictions nationales en matière de procédure qui relèvent toujours quant à elles, de la souveraineté nationale.
L’AUS précise que la seule indication qu’il intervient en sa qualité d’agent des sûretés est suffisante et la seule limite est l’étendue des pouvoirs qui lui ont été conférés par les créanciers. Il va de soi qu’en absence de stipulation expresse, il dispose de pouvoirs illimités tant qu’il agit dans l’intérêt de ses mandants. Il est permis de penser qu’il peut cependant être révoqué ad nutum tel que prévu pour le mandataire . On peut une fois encore, se perdre facilement quand on sait que le législateur emprunte beaucoup au mécanisme de la fiducie pour l’agent des sûretés or il est par principe impossible de procéder à une révocation ad nutum du fiduciaire : le législateur OHADA semble encore une fois avoir innové sur ce point avec l’agent des sûretés dont le régime de révocation s’apparente à celui du mandataire, par interprétation!
Un autre élément fondamental de la singulière nature juridique de l’agent des sûretés est la notion de patrimoine d’affectation qui nous fait penser à la fois à la propriété fiduciaire de droit belge , à la fiducie bancaire de droit luxembourgeois , à la fiducie québécoise , française , au trust envisagé en droit louisianais , en droit suisse , en droit anglais et qui soulève bien des interrogations en droit africain des affaires. Selon les dispositions de l’AUS, lorsque la constitution ou la réalisation d’une sûreté entraîne un transfert de propriété au profit de l’agent des sûretés , ou nécessite des paiements, le ou les biens transférés ou sommes payées forment un patrimoine affecté à sa mission et doivent être tenus séparés de son patrimoine propre . Le droit africain des affaires ne connaît pas à proprement parler cette notion de patrimoine d’affection . C’est donc naturellement que les juristes africains peinent à saisir comment un mandataire peut devenir propriétaire des biens garantis auprès de lui à charge de les réaliser ou des sommes à lui confiées, qui plus est, parfois, sans qu’un mécanisme de cession de créance ne survienne. Mais là se trouve à notre avis l’amalgame à ce propos. En effet, le patrimoine d’affectation n’entraîne pas la pleine propriété des biens affectés et bien malin qui pourra expliquer cette fiction juridique qui se justifie par les besoins de la pratique . Le professeur Michel Grimaldi confirmera sans doute cette position qui est la nôtre, lui qui affirmait récemment en parlant du patrimoine d’affectation de la propriété fiduciaire qu’il ne crée pas une propriété ordinaire, classique, du moins complète! Il faut néanmoins souligner que la doctrine n’est pas unanime à ce propos car notre position est en cela contredite par le professeur Pierre Crocq , maître d’œuvre de la réforme des sûretés OHADA, pour qui la propriété fiduciaire est une pleine propriété avec tous les attributs. Il va jusqu’à rejeter catégoriquement qu’il s’agirait d’une propriété temporaire : ce qui peut surprendre à plusieurs égards!
Sur cette nature déroutante, retenons simplement que l’agent des sûretés OHADA c’est un peu tous ces contrats différents et fonctions diverses à la fois sans se limiter à aucun d’entre eux en particulier . Mais là ne s’arrête pas la déroute, elle s’étend aux règles régissant le fonctionnement de cette institution singulière.
c. L’hybridité déconcertante du régime juridique de l’agent de sûretés
Le caractère hybride pour ne pas dire extrêmement flou de ce ‘‘mutant juridique’’ pose évidemment d’énormes difficultés du point de vue de sa praticabilité quotidienne.
Il faut éviter pour ce qui est d’une réforme juridique de mettre la charrue avant les bœufs. Même si à ce propos, deux conceptions du droit s’affrontent , en général, il ne sert à rien pour un texte nouveau, de rester trop déconnecté des réalités sociologiques au risque de créer un droit savant, pour intellectuels et complètement déconnecté des justiciables ou autres acteurs du droit et de la vie des affaires.
Il faut en plus noter que l’article 5 ne se réfère pas qu’aux seules sûretés réelles mais à toutes les sûretés et même, plus généralement, aux garanties de l’exécution d’une obligation, ce qui va permettre à l’agent des sûretés de gérer de la délégation de créance jusqu’à la réalisation de l’hypothèque. A cet égard, dans l’optique unique semble-t-il de favoriser davantage les investissements importants réalisés par des pools bancaires et autres mécanismes de crédits syndiqués ou consortiaux, le projet de réforme de l’AUS a consacré expressément l’institution d’agent des sûretés. On pourrait y voir un avantage mais en réalité n’embrasse-t-il pas trop ? Ne risquerait-il pas de mal étreindre finalement parce qu’il se serait vu conférer trop de prérogatives et que son escarcelle juridique serait trop pleine et déborderait au détriment de la qualité du service offert ? Le législateur a-t-il effectivement mesuré l’ampleur des prérogatives ainsi octroyées à l’agent des sûretés au détriment des autres acteurs qui excellaient à différentes étapes dans la formalisation, l’organisation et le suivi des sûretés ?
Les fonctions de l’agent des sûretés sortent du champ de l’AUS pour s’étendre à celui de l’Acte Uniforme sur le Droit commercial Général , de celui sur les Procédures Simplifiées de Recouvrement et les Voies d’Exécution et de l’Acte Uniforme sur les Procédures Collectives d’Apurement du Passif .
Ensuite, la qualité d’agent des sûretés est ici réservée aux seules banques ou institutions financières nationales ou étrangères, c’est-à-dire à des institutions créancières dont l’activité fait l’objet d’un agrément. Quels sont les mécanismes prévus par l’OHADA afin de mieux contrôler l’effectivité de ces règles alors qu’à ce jour ce sont les commissions bancaires qui effectuent le contrôle des établissements de crédit?
Mieux, les acteurs se demandent s’il doit s’agir uniquement de personne morale de droit privé ou celles de droit public peuvent être concernées ? On se rendra aisément compte que, sous une forme interrogative se cache à travers ces lignes, une critique non moins acerbe de prévisions législatives supranationales ne tenant point compte de la réalité institutionnelle, notamment bancaire du terrain en Afrique.
Enfin, la désignation de l’agent des sûretés telle qu’envisagée par le nouvel Acte Uniforme sur les sûretés n’est pas obligatoirement faite dans l’acte qui constate l’obligation garantie: elle peut être effectuée postérieurement . Sachant qu’il peut agir au profit de ses mandants ou en son nom, il est encore plus impérieux pour les tiers de savoir à quel titre ce dernier intervient . Quelles sont les sanctions possibles lorsqu’il ne se conforme pas à ces édictions ? Qui devra prononcer lesdites sanctions éventuelles ? De quelle nature sera cette sanction : pénale, financière, civile, administrative, incitative?
A l’épreuve des faits, on a du mal à se contenter de l’effet possible de ces actions qui risqueraient de ne pas être opposables aux tiers ainsi floués. Les risques encourus sont trop énormes pour que l’on doive se contenter de si peu. Surtout que l’on sait que lorsque les conditions sont remplies, les tiers pourront se fier à l’apparence de pouvoirs de l’agent des sûretés grâce à la présomption de pouvoir permettant aux tiers de considérer que l’acte accompli par l’agent des sûretés entre bien dans les pouvoirs qui lui ont été conférés.
Dans la continuité, l’article 8 alinéa 2 permet à l’agent des sûretés de ne pas avoir à justifier d’un mandat spécial chaque fois qu’il veut exercer une action en justice . N’y a-t-il vraiment aucun tempérament à ces nombreuses prérogatives ?
Autant de questions qui restent en suspens et nous font dire, dans une relation de cause à effet, que la praticabilité de l’agent des sûretés OHADA est discutable.
2. La praticabilité discutable de ce gestionnaire des sûretés de l’OHADA
Il est permis de penser sous l’angle de la légistique , c’est-à-dire de la théorie législative, que l’institution de l’agent des sûretés est pertinente, efficace et en théorie praticable en droit OHADA. Cependant, une analyse plus pointue révèle une déconnexion manifeste entre la théorie et les réalités africaines c’est-à-dire en l’espèce les pratiques bancaires et de micro-finance de l’espace OHADA.
2.1. Une institution efficace en théorie
Le législateur de l’OHADA avait sans doute de louables intentions à travers sa réforme du droit des sûretés. On peut sans risque de se tromper, prétendre que la réforme du droit des sûretés de l’OHADA poursuit un double objectif :
– Le premier consiste en l’accroissement de la sécurité juridique des différents Etats et acteurs économiques. Cet objectif passe notamment par le renforcement des garanties des investissements et par l’intérêt prononcé pour la diffusion légale (publicité) à peine d’inopposabilité des sûretés, surtout celles réelles .
– Le second recherche une simplification des sûretés qui n’occulte pas leur efficacité dans le tissu économique africain. Les innovations introduites notamment, l’institution de l’agent des sûretés procède de cette volonté affichée du législateur.
Ces ambitions étaient déjà poursuivies en général par le premier Acte uniforme sur les sûretés de 1997 qui s’est avéré incapable de satisfaire les besoins pratiques des usagers tant emprunteurs que prêteurs de la zone OHADA .
L’institution de l’agent des sûretés procède de la volonté du législateur de permettre la relance économique en favorisant un meilleur accès au crédit, aux prêts. Améliorer l’efficacité des garanties disponibles, encadrer les prêts en organisant des collectivités de créanciers est l’un des axes choisis à cet effet. Surtout que les difficultés d’accès au financement et celles de recouvrement du crédit en Afrique seraient, un des obstacles majeurs au développement des PME qui feraient défaut. Ceci est par conséquent un frein important au développement économique. C’est pourquoi le législateur envisage cette réforme comme un vecteur du développement du secteur privé et de stabilité du secteur financier. Les établissements de crédit contribuent dans une large mesure au développement économique par leurs activités de financement des entreprises et des ménages. Sécuriser le crédit bancaire dans l’espace OHADA est l’un des objectifs primordial de ce nouvel Acte uniforme sur les sûretés.
Mais s’il est possible de tresser une couronne de laurier au législateur en général, il faut relever qu’au-delà de la singularité antérieurement démontrée quant à la nature et au régime juridique de l’agent des sûretés, quelques lacunes théoriques peuvent être relevées !
En grande partie, elles gravitent autour des obligations administratives, comptables et fiscales de l’agent des sûretés ! Un éventuel contradicteur en nous lisant, aura tôt fait de nous rappeler que l’OHADA ne régit point le droit fiscal encore moins le volet administratif d’une telle institution de gestion des sûretés OHADA. C’est le lieu de proposer une réorientation de l’œuvre législative OHADA. Il n’est pas inopportun qu’au tournant des vingt années d’existence de l’Organisation, elle pense à confirmer, consolider ses acquis, mais aussi réorienter, réadapter sa méthode législative en recourant à des techniques telles que celle des recommandations ou des lois-types ou lois modèles.
Une loi-type peut être déclinée comme un texte législatif qui est recommandé par une instance communautaire à plusieurs États ou organisations membres. La loi-modèle, sa parente proche, selon Véronique Magnier, est :
« un texte établi et recommandé aux États par un organisme chargé de l’unification ou de l’harmonisation du droit et destiné à terme à remplacer la législation actuellement en vigueur dans les Etats intéressés. [… Elle ] n’a qu’une simple valeur de recommandation ou de persuasion » .
Les recommandations seraient encore plus indiquées d’une part pour inclure des compétences rationae materiae, actuellement en dehors du champ matériel de l’OHADA. D’autre part, elles seraient tout à fait idoines si l’OHADA venait à s’ouvrir à des Etats de tradition juridique autre que civiliste par exemple. Les lois-types ou lois-modèles pourront être utiles pour moderniser et harmoniser les droits des divers Etats dans des matières qui, à cause de leur sensibilité comme le droit du travail, de leur complexité comme le droit fiscal, se prêtent mal à une uniformisation . Les Etats parties pourraient alors s’en inspirer avec une obligation législative de résultat et pas de moyens pour réformer leur législation en la matière.
Toutes les sphères nécessitant une intervention étatique telles que la précision des obligations comptables, administratives et fiscales relatives à la mise en place de l’agent des sûretés pourraient être réglées par le biais de ces procédés moins ambitieux que l’uniformisation mais plus réalistes et efficaces à l’épreuve du temps et des difficultés de légistique.
Au chapitre des lacunes justement de cette réforme il y a ce silence quant au volet fiscal de l’agent fiscal qui le rend efficace uniquement en théorie quand on connait l’importance d’un tel volet pour la gestion des sûretés. De façon plus précise, l’affectation de patrimoine que permet l’agent des sûretés devrait être mieux encadrée fiscalement! L’encadrement strict de cette opération de duplication de patrimoine permet d’éviter des dérives fiscales (évasion fiscale) similaires à celles que l’on a pu constater dans d’autres systèmes grâce à la fiducie . C’est ainsi qu’une trop grande disparité pourrait être à l’origine de la création de ‘‘paradis fiscaux’’ pour les agents des sûretés que les constituants, agissant en pools bancaires choisiraient d’instituer dans certains Etats plutôt que dans d’autres en fonction des avantages fiscaux ainsi offerts. En France par exemple, le législateur s’est abstenu de prolonger fiscalement les objectifs de la fiducie c’est-à-dire que les privilèges et autres avantages relatifs au montage fiduciaire ne s’appliquent pas fiscalement.
Qu’en est-il dans l’espace OHADA ? Non seulement rien n’est prévu à cet effet, mais au demeurant, en droit OHADA, il s’agit d’une question relevant de la souveraineté étatique des pays membres ! Les interrogations suivantes font ainsi jour et demeurent source d’insécurité juridique au sujet de cette réforme :
Est-ce que les parties constituantes du contrat d’agent des sûretés demeurent individuellement propriétaires fiscaux des biens transférés dans le patrimoine de l’agent des sûretés comme en droit français ou l’agent des sûretés est-il le nouveau propriétaire fiscal, ou encore par extraordinaire le future bénéficiaire par reconnaissance d’un droit réel sur la chose d’autrui à son profit ?
Sur quelle(s) assiette(s) fiscale(s) l’agent est-il taxé dans son pays d’immatriculation s’il dispose d’un patrimoine d’affectation ?
Qui sera imposé sur les bénéfices ou revenus issus du patrimoine fiduciaire affecté à l’agent des sûretés OHADA?
Comment doit se faire le suivi des éventuels droits de mutation ou plus values issues du transfert des biens et droits de l’agent des sûretés OHADA?
Autant d’interrogations fiscales qui demeurent en suspens car non précisées dans les articles traitant de l’agent des sûretés et non régies clairement dans les droits nationaux, l’institution étant relativement nouvelle dans son principal mécanisme d’affectation patrimonial qui est inconnu des systèmes juridiques africains civilistes de l’OHADA ! Et quand on sait le temps que mettent les législateurs nationaux pour prendre les textes complémentaires de l’OHADA ou autres textes d’application des prévisions de certains Actes uniformes, on peut affirmer sans risque de se tromper que la réforme est un succès en théorie et qu’à l’épreuve de la pratique, elle est plutôt source d’insécurité juridique pour les acteurs. L’exercice est également possible avec le même résultat quant aux obligations comptables, sociales et administratives de l’agent des sûretés.
Dans le volet moyen d’actions de la réforme, le législateur a ainsi pensé mettre sur pied un « super agent » capable contractuellement de « tout » en matière de sûretés (incluant un mandat ad litem). Il l’a ainsi voulu mieux loti que les institutions similaires en la matière et ce faisant, il a occulté un élément fondamental : la praticabilité de l’institution.
2.2. Des ambitions en pratique déconnectées des réalités africaines actuelles
Le finalité pratique de la réforme n’est pas bien comprise par les acteurs sociaux, juridiques et économiques qui estiment – à tort – que le législateur souhaitait réduire le rôle des notaires, huissiers, avocats et autres acteurs de constitution et de réalisation des garanties avec qui ils mettent en place leurs sûretés. Si l’agent des sûretés peut réaliser des garanties et qu’il est une institution financière ou de crédit, on perçoit une contrariété ou plutôt un conflit d’intérêt dans l’application et la mise en œuvre des garanties.
L’institution pose problème aux acteurs ou du moins, elle suscite quelques interrogations. Comment un agent payé par le créancier et qui plus est, peut être une de ses subdivisions , peut-il être autorisé à réaliser une sûreté sur le débiteur sans la moindre formalité ou tout au moins en faisant intervenir une tierce personne? L’agent des sûretés étant toujours une personne morale, plus précisément un établissement de crédit, donc un professionnel de la finance ou du crédit, les acteurs se demandent s’ils doivent créer une nouvelle personnalité juridique avec ce titre ? Ou plutôt sont-ce les établissements de crédit existants qui doivent créer une branche « agence des sûretés bancaires » ou autres dénominations similaires ? Si tel est le cas, une banque peut-elle être à la fois créancière en octroyant le crédit, agent des sûretés pour constituer la garantie elle-même et ensuite la réaliser ? Le cas échéant, elle serait à certaines étapes de la procédure, juge et partie . Les institutions bancaires en Afrique seraient- elles à même de confier à une institution concurrente, des sûretés à gérer ?
Des acteurs sont même allés jusqu’à soulever des réticences en lien avec le maintien des services internes de recouvrement des banques et autres institutions de crédit. L’agent des sûretés viendrait-il dans la phase de réalisation, remplacer le travail des services internes de recouvrement des créances? Ces services sont-ils appelés à disparaître à long terme?
Certains trouvent une solution partielle dans le mécanisme du patrimoine d’affectation . En effet, le principe du patrimoine d’affectation expliqué à propos de la nature et du régime juridique de l’agent des sûretés permet à une même banque d’avoir son patrimoine propre, d’être créancière d’une garantie et de s’auto-nommer agent de réalisation de cette même garantie. Ceci cependant n’exclut pas les risques de fraude et d’abus possibles. Techniquement, le patrimoine propre de la banque créancière sera distinct et jamais confondu avec celui de l’agent des sûretés qu’elle sera aussi. Ce patrimoine de l’agent des sûretés ne sera pas saisissable , (ce qui est un avantage pour cette banque) car si elle isole certains biens de ce garant dans le patrimoine d’affectation, ils deviennent intouchables et les autres créanciers qui pourraient même détenir des garanties prioritaires sur cette banque ne pourraient pas saisir ce patrimoine d’affectation. En termes techniques, en cas de procédure collective d’apurement du passif à l’encontre de l’agent des sûretés (la banque en l’occurrence), la garantie continuerait à bénéficier aux personnes constituantes destinataires de la sûreté et ne peut en aucun cas être saisie par les créanciers de la banque.
Il y a donc effectivement une meilleure sécurisation et un allègement indirect des formalités des garanties bancaires et par incidence du financement bancaire à travers le statut et le régime juridiques de l’agent des sûretés. Le seul hic étant la complexité des mécanismes y afférents et les risques fiscaux et de fraude créés par les failles du système.
Il semble que le législateur n’ait pas combiné les dispositions lacunaires de la réglementation bancaire UEMOA avec ces prédictions du droit des sûretés? A-t-il recoupé toutes les failles de ce système pour en maîtriser les opportunismes et autres effets de contournement possible? Pour un exemple concret, on sait par exemple que les catégories visées font l’objet d’un agrément et d’un contrôle au niveau de la zone monétaire . Exige-t-on cet agrément pour toute personne voulant effectuer cette activité de gestion des sûretés ? Si la réponse est oui puisqu’il faut nécessairement être un établissement de crédit pour être agent de sûreté, qui se chargerait de la vérification de cette exigence si des banques choisissent un tiers ne respectant pas ce critère ? Certes ceci ne relève pas directement de l’OHADA mais la question mérite d’être posée puisqu’elle est en lien avec le sujet et fait partie des incertitudes soulevées par sa mise en œuvre pratique.
Mieux, si une structure financière détient cet agrément dans une zone mais ne la détient que pour un espace limitatif et qu’elle se fait désigner et accepte de gérer les sûretés dans un autre espace alors qu’elle n’y a pas d’agréments , que se passerait-il ? Autant d’incertitudes qui ne sont pas claires quant à leur régime que l’on a tôt fait de qualifier de précis par comparaison avec celui de l’agent des sûretés français . On oublie l’espace d’un instant qu’il s’agit dans notre cas d’une législation communautaire et que de nombreux aspects relèvent des droits nationaux qui demeurent eux aussi silencieux à cet égard et qu’il faut combiner aux droits communautaires.
Les hypothèses de révocation de l’agent des sûretés prévues par l’Acte uniforme sur les sûretés demeurent vagues et nous craignons que leur libellé imprécis n’ouvre la porte à de nombreux contentieux portant sur la contestation du remplacement de l’agent des sûretés.
Mieux, le régime juridique de la responsabilité de l’agent des sûretés demeure flou au regard du libellé de l’article 11 de l’AUS. Déjà, cette responsabilité est plurielle en ce sens qu’elle peut être à la fois civile, contractuelle , délictuelle et même spécifique à un texte donné . Pour la comprendre, il faut partir de deux postulats complétés le cas échéant par l’évolution jurisprudentielle propre au droit de la responsabilité civile de chaque Etat.
Le premier postulat est conforme à ce qui se fait avec l’article 2026 du Code civil français, l’agent des sûretés devrait répondre de ses actes sur son patrimoine fiduciaire affecté . Le second postulat découle de la responsabilité d’un mandataire salarié , l’hypothèse du mandat à titre gratuit étant exclue en droit OHADA, il faille distinguer entre les actes normaux de gestion conformes à la mission et les fautes de gestion . Et c’est à ce dernier niveau que l’évolution jurisprudentielle peut être appelée à la rescousse. L’un des principaux challenges à revisiter concerne les clauses exonératoires de responsabilité. Sont-elles valables en droit des sûretés OHADA et précisément dans le contrat d’agent des sûretés? L’absence de cause ou mieux le manquement à une obligation essentielle vide-t-elle le contrat de son essence pour permettre de retenir la responsabilité de l’agent des sûretés ?
En principe, après la détermination des obligations essentielles du contrat d’agent des sûretés, un manquement à l’une de ses obligations essentielles viderait le contrat de son essence et autoriserait la rétention à bon droit de la responsabilité de l’agent des sûretés. Mais ceci dit, il est impératif de distinguer selon la victime du manquement essentiel c’est-à-dire à l’égard de qui le manquement est préjudiciable ou par qui cette responsabilité est invoquée.
A l’égard du ou des constituants : c’est le cas typique de l’article 11 de l’AUS qu’on peut rapprocher de la responsabilité du mandataire salarié ayant commis une faute de gestion . La responsabilité de l’agent des sûretés est engagée dans ce cas d’inexécution ou mauvaise exécution de ses obligations.
A l’égard du ou des bénéficiaire(s) : il faut d’abord dire que cette responsabilité est principalement fonction des clauses du contrat d’agent des sûretés. Une des questions qui aurait dû être mieux tranchée par l’AUS à notre avis est celle du droit de suite qui est accordé au tiers sur le patrimoine fiduciaire advenant une dette née de la conservation des biens affectés. Ce droit de suite peut-il être exercé par le bénéficiaire en sa qualité de tiers au contrat d’agent des sûretés ? Le(s) bénéficiaire(s) a-t-il un droit de suite ou un droit de préférence d’office sur les biens du patrimoine fiduciaire ? On peut s’avancer en prétendant que tout ceci, en général, dépend de l’information reçu des tiers incluant le bénéficiaire :
i. Si le contrat prévoit des pouvoirs étendus alors les tiers devraient être protégés et les biens acquis conservés par eux.
ii. Si les pouvoirs étaient limités et les tiers en avaient connaissance ou étaient censés en avoir connaissance alors la substitution est possible car cette aliénation aurait été faite en fraude des droits du bénéficiaire.
Une autre source de vide juridique peut être identifiée à travers les rapports des bénéficiaires entre eux et les rapports entre l’agent des sûretés et les bénéficiaires. Certes le contrat devrait le prévoir mais si ce n’est pas le cas, comment s’apprécierait l’hypothèse dans laquelle l’agent des sûretés OHADA privilégie un bénéficiaire par rapport à un autre ? Quels sont les recours du bénéficiaire lésé ? Doit-il agir seul contre les autres bénéficiaires ensemble dans une sorte de masse fictive ou devrait-il agir individuellement contre chacun? Comment s’apprécierait la responsabilité de l’agent des sûretés à son égard ? Comme un mandataire salarié aussi , ou plutôt selon la logique comme un mandataire non salarié puisque dans ce type de rapport, les bénéficiaires ne rétribuent pas l’agent des sûretés pour ses services mais plutôt les créanciers constituant ? Voilà que l’AUS exclue à priori la responsabilité de l’agent comme mandataire à titre gratuit. Cette exclusion est-elle valable pour tous les types de rapports ou concerne-t-elle exclusivement les rapports entre les créanciers constituants et l’agent des sûretés ? Il serait étrange de devoir analyser les rapports entre les bénéficiaires et l’agent des sûretés comme des rapports de mandataire salarié alors qu’on sait qu’il n’en est rien dans leur rapport. Le texte de l’AUS mérite à ce propos des précisions.
Aussi, avec le quasi-monopole accordé aux institutions financières, on a l’impression que le législateur n’avait dans son viseur que les crédits consortiaux ou crédits syndiqués ; les crédits « tour de tables » ou pools bancaires, au détriment des petites et moyennes opérations de financement qui soutiennent effectivement le tissu économique africain sans utiliser ces montages juridico-financiers sophistiqués et onéreux . La complexité de certains modes de financement notamment, les lourds montages relatifs aux prêts syndiqués pourraient justifier qu’une attention particulière soit accordée aux montages résultant de la constitution de l’agent des sûretés. Les précédentes crises financières doivent tout au moins, servir d’indicateurs à ce propos au système bancaire africain.
Sous un autre angle, au-delà de la réglementation bancaire qui éventuellement pourrait s’appliquer, un trop grand laxisme des législations nationales pourrait avoir des répercussions dramatiques sur cette institution et même le tissu économique de l’espace OHADA. Le législateur aurait été plus en phase avec la réalité et les difficultés des banques africaines en évitant cette situation monopolistique des institutions financières comme agent des sûretés . Ceci d’autant plus qu’il permet à l’agent des sûretés OHADA de réaliser aussi bien des sûretés personnelles que réelles. Le mérite de cette solution que nous proposons est qu’elle ouvre la possibilité aux personnes physiques comme morales de devenir gestionnaire des sûretés pour le compte des banques. L’agent des sûretés serait alors chargé du suivi des sûretés auprès des professionnels habituels. Il sera par exemple clairement titulaire du droit d’ester au nom des créanciers qu’il représente mais lui-même obligé de se faire représenter par ministère d’avocat pour agir devant les tribunaux avec des prérogatives contractuelles étendues en ce sens dans le suivi du processus. Ce faisant, le législateur aurait réellement permis aux banques créancières de trouver un moyen efficace de constitution et gestion de leurs sûretés et de ce fait de les disposer davantage certainement, à financer en toute sécurité l’économie africaine. Enfin, nous ne pouvons conclure ces écrits sans nous prononcer sur la simplicité et l’efficacité générale de cette institution contractuelle . L’institution n’est pas aussi simple qu’elle devrait l’être pour ‘‘booster’’ les garanties. Elle est conditionnée par un formalisme lourd institué à peine de nullité. Le régime juridique du patrimoine fiduciaire affecté est complexe et les obligations comptables, administratives, fiscales et autres sont peu précises. Toutefois, l’agent des sûretés a des pouvoirs très étendus possibles, ce qui favorise une bonne gestion autonome et centralisée. Les créanciers constituants quant à eux peuvent se targuer de bénéficier d’une absence de concours avec les autres créanciers, ce qui met leur patrimoine fiduciaire à l’abri sauf fraude ou dettes issues de la conservation des biens affectés.
Au final, l’agent des sûretés est sûrement efficace mais uniquement pour les opérations de grosse envergure financière qui ne sont pas monnaie courante en Afrique. Gageons justement que le législateur a donc anticipé sur une multiplication de ces types d’opérations qu’il prévoit réglementer sûrement et que l’agent des sûretés aura le mérite d’être déjà là quand on aura effectivement besoin de lui dans un futur proche.
Pour ne pas conclure
De manière prémonitoire, M. Likillimba concluait son article consacré à l’agent des sûretés OHADA, en craignant que les suites suivantes lui soient réservées :
« … il est alors à craindre que l’agent des sûretés ne soit traqué faute d’avoir été bien compris; et si l’agent des sûretés est traqué injustement, c’est le crédit dans l’espace OHADA qui continuera d’être détraqué ».
Oui, l’agent des sûretés n’est pas bien compris et ce n’est point injustement mais, en partie, à juste titre car l’institution concourt à sa propre perdition par sa nature et son régime juridiquement flou et mutant. N’oublions pas que les lois sont faites pour des peuples et non des peuples pour les lois. En ce sens, il ne suffit pas qu’une loi nouvelle soit la plus innovante, moderne et sophistiquée pour être fonctionnelle; il lui faut prendre en compte le milieu socio-économique qu’elle est censée régir. Pour l’heure, nous confirmons que l’institution crée de nouvelles avenues aux praticiens et espérons qu’ils pourront se l’approprier dans un futur proche et en constituer entre eux afin de faire ressortir d’autres failles pratiques à corriger. Espérons que ces lignes quelque peu critiques aiguilleront les acteurs, étatiques comme les particuliers, dans la recherche des bonnes solutions et actions idoines pour un droit des sûretés OHADA plus attractif et efficace dans la pratique.