Le nouvel Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés : Propos introductifs autour d’une refonte d’envergure du droit des sûretés

Les sûretés ont cette redoutable vocation d’exposer les biens des constituants, débiteurs ou tiers non tenus à la dette, aux poursuites des créanciers pour ne pas dire à leur appétit.

S’engager en qualité de garant, affecter à la sécurité du cocontractant un bien meuble ou immeuble n’est point chose vénielle. Depuis loin, pour formuler comme Dimitri Houtcieff, la constitution de sûreté a pu susciter l’effroi, nourrir des appréhensions voire générer des interdictions parfois sur un mode métaphysique.

Le droit Ohada des sûretés se ressent fondamentalement de ces représentations qui remontent du fond des âges. Précisément, constituer une sûreté est un acte empreint de gravité.

S’agissant notamment du cautionnement, le Livre des Proverbes renferme d’après la tradition juive les maximes de conduite articulées par le Roi Salomon. La caution imprudente est celle qui s’est engagée et à laquelle le Roi Salomon implore de se dégager ou de ne point toper, en somme de ne pas se lier suivant le rite formaliste du Toper là en vigueur chez les anciens (extraits du Livre des Proverbes, 6.15 « Mon fils si tu t’es porté garant envers ton prochain, si tu as topé dans la main en faveur d’un étranger, si tu t’es lié par les paroles de ta bouche, si tu es pris aux paroles de ta bouche, fais donc ceci mon fils pour te tirer d’affaire , puisque tu es tombé aux mains de ton prochain : Va prosterne –toi, importune ton prochain, n’accorde ni sommeil à tes yeux ni repos à tes paupières, dégage-toi , comme du filet la gazelle, ou comme l’oiseau de la main de l’oiseleur » ).

Les contraintes auxquelles peuvent être confrontés les garants justifient à suffire la recherche d’un équilibre dans la préservation des droits des parties. Il est question de ne pas sacrifier les intérêts des créanciers tout en sauvegardant ceux des constituants. Ces préoccupations étaient déjà au cœur de la tragédie shakespearienne quand le marchand Shylock, créancier de Bassanio sollicita l’exécution de l’engagement d‘Antonio, la caution, sur sa chair (William Shakespeare, le marchand de Venise, acte IV, scène 1, œuvres complètes, édition Ramboro books, 1993, pages 172 à 173).

Les rédacteurs du nouvel Acte uniforme se sont inscrits dans une dynamique d’équilibre dont la compréhension commande d’exposer d’une part les considérations générales sur la réforme (Première partie) avant que de signaler les implications de la dite réforme pour les établissements de crédit (Seconde partie).

PREMIERE PARTIE : CONSIDERATIONS GENERALES SUR LE NOUVEL ACTE UNIFORME PORTANT ORGANISATIONS DES SURETES

Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés a été adopté le 15 décembre 2010 à Lomé. Il est entré en vigueur le 16 mai 2011 et a abrogé l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 17 avril 1997 signé à Cotonou.

Le nouveau dispositif emprunte aux récentes codifications du Droit français et aux préconisations du Guide CNUDCI sur les opérations garanties. (I) Ce qui explique qu’il porte en son sein des sûretés qui ne figuraient pas dans l’ancien Acte uniforme ainsi que des critères actualisés de règlement des conflits de titularité sur une même sûreté..
Par quoi il est permis de soutenir que le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés introduit des garanties (II) lors même qu’elles ne sont pas nouvelles.

I. L’EMPRUNT AUX CODIFICATIONS RECENTES DU DROIT FRANÇAIS ET AUX PRECONISATIONS DU GUIDE CNUDCI SUR LES OPERATIONS GARANTIES

Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés que nous désignons par l’acronyme Naupos, s’inspire notamment des textes français suivants dont les dispositions ont été insérées dans le Code civil : ordonnance française n° 2006-346 du 23 mars 2006 réformant le droit des sûretés, loi n° 2007-211 du 19 février 2007 sur la fiducie, ordonnance n° 2009- 112 du 30 janvier 2009.

Les rédacteurs du Naupos ont aussi emprunté aux propositions de la Commission Grimaldi de réforme du Droit français des sûretés ainsi qu’aux préconisations du Guide de la CNUDCI sur les opérations garanties (publié en 2008).
La réforme a pour ambition d’offrir un dispositif attractif et concurrentiel de sécurisation des droits des créanciers au rang desquels les investisseurs et les bailleurs de fonds. Elle s’inscrit dans un cadre plus global de facilitation du climat des affaires dans l’espace Ohada (Investment Climate Facility for Africa de la Banque Mondiale).

Le Naupos s’articule autour de 5 titres : Sûretés personnelles, Sûretés mobilières, Hypothèques, Distribution des deniers et classement des sûretés, Dispositions transitoires et finales.

Le nouvel Acte uniforme intègre de réelles innovations qui modifient de manière très forte l’architecture des mécanismes de sécurisation des droits des créanciers notamment les établissements de crédit.

II. LES INNOVATIONS PRINCIPALES DU NOUVEL ACTE UNIFORME PORTANT ORGANISATION DES SURETES

Une des premières innovations à relever est l’institution de l’agent des sûretés dont la vocation est de jouer un rôle central dans la gestion des sûretés notamment en matière de crédits consortiaux, de financements structurés, de financements internationaux de projets.

Les régimes du cautionnement et des garanties autonomes sont réaménagés. Les règles relatives à l’inscription des sûretés mobilières au Registre du commerce et du crédit mobilier sont déclinées de manière plus cohérente.

S’agissant précisément des sûretés mobilières, les innovations ne manquent pas : le domaine du droit de rétention est redéfini ainsi que ses conditions d’exercice, des sûretés sont introduites (réserve de propriété, cession de créance à titre de garantie d’un crédit, transfert fiduciaire de somme d’argent, nantissement de compte bancaire tenu pour un nantissement de créance, nantissement de compte de titres financiers, nantissement des droits de propriété intellectuelle). Il est vrai que sous l’empire de l’ancien Acte uniforme, le nantissement sur solde de compte bancaire pouvait être constitué dans les termes des articles 44 à 50 – 1 selon que les avoirs monétaires en compte étaient considérés comme des biens corporels ou une créance de restitution du titulaire du compte contre le banquier.

Le régime du gage – qui ne conçoit plus qu’en matière de meuble corporel – subit un changement non négligeable de paradigme en ce sens que la dépossession n’est plus une condition constitutive dudit gage. Le gage n’est plus un contrat réel. Il peut porter sur des choses futures.

Le pacte commissoire est consacré dans les limites fixées par le nouvel Acte uniforme. Il trouve à s’appliquer à tous les nantissements sauf en matière de nantissement de fonds de commerce. La seule modalité de réalisation au cas de nantissement de fonds de commerce étant la vente judiciaire dans les conditions prévues par les dispositions organisant les voies d’exécution. L’attribution judiciaire du fonds de commerce n’est pas possible en application de l’article 178 alinéa unique paragraphe 2 du Naupos.

Concernant les garanties hypothécaires, des innovations sont aussi à signaler notamment l’hypothèque de biens futurs, le réaménagement de l’hypothèque de bien indivis, l’attribution judiciaire de bien sous hypothèque, la consécration du pacte commissoire en matière hypothécaire. La résidence principale (au cas d’attribution judiciaire) ou la maison d’habitation (en cas de mise en œuvre du pacte commissoire) du constituant échappe à ces deux modes de réalisation.

L’histoire du le pacte commissoire est symptomatique des raisons et des contextes qui commandent la consécration ou la prohibition de tel ou tel mécanisme juridique. Son interdiction emblématique remonte à l’Empereur romain Constantin en 326 après J.C. Après les invasions barbares, le pacte commissoire fit son retour jusqu’à son interdiction encore une fois par le Pape Innoncent III en 1198. Cette interdiction passée dans l’ancien Droit dès le 16ème siècle fut consacrée dans le Code civil français.(Sur l’histoire du pacte commissoire,V.J.-Ph. Lévy, Coup d’œil historique d’ensemble sur les sûretés réelles , Conférence prononcée à Lausanne en 1986, Diachroniques, éd., Loysel, 1995, p.169 et s. adde., Georges Wierderkhehr, Pacte commissoire et sûretés conventionnelles, Mélanges Alfred Jauffret, 1974, page 663).

Inspiré par le droit français des sûretés, le Naupos n’est pas jusqu’à introduire des mécanismes comme la lettre d’intention, l’hypothèque rechargeable, le gage immobilier ou antichrèse (pouvant être assorti d’un bail pour donner l’antichrèse-bail), la réserve de propriété immobilière, la cession d’immeuble à titre de garantie, le prêt viager hypothécaire.

Est-ce la « peur » de trop bouleverser une matière extrêmement sensible ou la volonté de réformer à pas comptés ?

En tout état de cause, le Naupos appelle des débats techniques, des réflexions poussées sur ses finalités ainsi que les enjeux auxquels il est censé répondre.

La réforme qui maintient le cautionnement légal et judiciaire, les privilèges généraux et spéciaux, les hypothèques légales et judiciaires, doit être analysée sous l’angle de son efficience : efficience économique du doit des sûretés personnelles, efficience économique du droit des sûretés réelles dans la ligne des récentes contributions du Professeur Philippe Dupichot.

Le Naupos est à mettre en relation, en cohérence avec d’autres réformes même si elles concernent l’espace Uemoa :

– Décision n°397/12/2010 portant règles, instruments et procédures de mise en œuvre de la politique de la monnaie et du crédit de la Bceao. Guichet de prêt marginal pour la mise en pension des titres et effets.
– Articles 31 à 41, (Cession temporaire de titres) Règlement 15/2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002 portant sur les systèmes de paiement dans l’UEMOA.
– Règlement n° 03/2010/CM/UEMOA relatif aux obligations sécurisées dans l’Uemoa du 30 mars 2010.
– Règlement n° 02/2010/CM/UEMOA relatif aux fonds communs de titrisation de créance et aux opérations de titrisation dans l’Uemoa, du 30 mars 2010.
– Instruction n° 37/2009 du 23 novembre+ 2009 relative aux conditions d’exercice de l’agence de notation sur le marché financier régional de l’Uemoa.
– Instruction n°38/2009 du 23 novembre 2009, relative à l’approbation des garants dans le cadre des opérations d’appel public à l’épargne sur le marché financier régional de l’Umoa.
– Directive n° 02/2010/CM/UEMOA du 30 mars 2010 portant harmonisation de la fiscalité applicable aux valeurs mobilières dans les états membres de l’Uemoa.

S’agissant du Sénégal et touchant précisément au droit hypothécaire, la mise en cohérence doit se faire avec la loi n° 07/2011 du 22 février 2011 portant transformation des permis d’habiter et titres similaires en titres fonciers.

Tous ces dispositifs participent, au même titre que le Naupos, de la consolidation des cadres attractifs des investissements dans nos espaces régionaux.

SECONDE PARTIE : LES IMPLICATIONS DE LA REFORME DU DROIT OHADA DES SURETES POUR LES ETABLISSEMENTS DE CREDIT

A titre liminaire il convient de partir des observations de Lionel Yondo Black, spécialiste appui au secteur privé du Département Climat des Investissements du Groupe Banque Mondiale.

« Les lois ainsi que l’infrastructure juridique et administrative sur laquelle elles s’appuient permettent d’évaluer les risques du crédit avec un degré élevé de prévisibilité et avec la certitude qu’en définitive les prêteurs obtiendront la valeur économique des biens mis en garantie en cas de non-paiement du débiteur. Pour parvenir à cet équilibre, une étroite coordination entre le régime applicable aux garanties du crédit et celui relatif à l’insolvabilité, notamment des dispositions relatives au traitement des sûretés en cas de redressement ou de liquidation d’une entreprise, est indispensable.

En d’autres termes, les garanties facilitent l’accès au crédit en réduisant les pertes potentielles dues au risque de non-paiement que pourrait subir le prêteur. En ce sens, le droit des sûretés favorise la confiance, clé de voûte des activités de crédit. Il va donc sans dire que les garanties du crédit contribuent au développement du secteur privé :

– en augmentant le niveau de crédit: dans des pays où les créanciers peuvent se fier aux procédures de recouvrement et aux règles de priorité précises en cas de défaut de paiement et/ ou de procédure collective, le volume des crédits représente environ 60 % du PIB contre seulement 30 % pour les pays n’ayant pas de système de protection efficace du prêteur (voir, M. Safavian, H. Fleisig et J. Steinbuks, Unlocking Dead Capital : How Reforming Collateral Laws Improves Access to Finance. Private Sector Development Viewpoint, the World Bank, Washington DC, mars 2006, n° 307.) ;

– en réduisant les coûts de crédit : dans les pays industrialisés, les emprunteurs offrant une garantie fiable obtiennent des crédits dont le volume est neuf fois supérieur à celui de ceux n’offrant aucune garantie. Leurs périodes de remboursement sont onze fois supérieures et leur taux d’intérêt est 50 % inférieur. Il est relevé que les taux d’intérêts réels pratiqués dans la zone CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) pour les PME dépassent généralement les 15 % (FMI 2006, b).

Plus précisément, les sûretés contribuent au développement du secteur financier :
– En permettant une gestion plus efficiente du risque par la diversification des portefeuilles de prêts des établissements bancaires ;
– En réduisant les phénomènes de concentration dans le système financiers ;
– En renforçant la sécurisation des portefeuilles de prêt des établissements de crédit ;
– En permettant aux autorités de réglementation et /ou de contrôle de mieux analyser les risque des portefeuilles des banques. Malgré le poids des PME dans les économies de la zone OHADA et en dépit de leur rôle moteur en termes de développement économique, les PME ont un accès très limité au marché des financements. D’une part, le taux de pénétration bancaire dans les pays membres de l’OHADA est très faible – le total des prêts au secteur privé ne s’élève qu’à 18 % du PIB en moyenne, selon un rapport de la Banque mondiale de 2006 ; d’autre part, ce sont principalement les grandes entreprises qui bénéficient de la majorité des financements.

Nombre d’études ont montré que les difficultés d’accès aux financements sont le premier obstacle au développement des PME en Afrique, notamment clans la zone OHADA, loin devant les problèmes de corruption, de déficience des infrastructures ou de fiscalités abusives. En moyenne, dans les États membres de l’OHADA, 64 % des entreprises identifient l’accès au financement comme étant un obstacle majeur aux activités économiques. Cette situation diffère d’un État à un autre (73,2 et 79,8 % au Bénin et au Burkina Faso, 49,2 % au Sénégal), mais partout elle constitue une barrière importante au développement économique ». (In ., Enjeux économiques de la réforme de l’Acte uniforme Ohada portant organisation des sûretés : un atout pour faciliter l’accès au crédit, Droit et Patrimoine, n°197, novembre 2010, pages 47 et 48).

Dans la même veine, Boris Martor, Nanette Pilkington, David Sellers et Sébastien Thouvenot sous la rubrique « Sûretés et investissements en Afrique » exposent dans leur ouvrage les éléments suivants : « L’Acte Uniforme portant Organisation des Sûretés régit de nombreuses garanties utiles à la protection des créanciers pour sécuriser l’exécution des obligations souscrites par leurs débiteurs. Cet Acte Uniforme constitue une pièce maîtresse de la législation communautaire OHADA dans le contexte du développement des affaires en proposant des sûretés modernes et communes aux investisseurs et à leurs créanciers qui permettent de mettre en œuvre leurs projets et de les financer plus aisément. Ces différentes formes de sûretés sont essentielles pour faciliter les opérations de crédit liées aux grands projets et aux financements structurés en Afrique, investissements en matière d’énergie, d’infrastructures, de télécommunication ou de transport, dans lesquels les banques requièrent couramment la prise de garanties sur les biens et/ou les créances durant la période d’opération. Il faut toutefois noter que l’Acte Uniforme dépasse largement le cadre du droit des affaires en proposant certains types de sûretés qui ne sont pas limitées aux commerçants ou au contexte des opérations commerciales. L’Acte Uniforme a en effet été élaboré afin d’accorder aux créanciers une meilleure protection, en particulier en prévoyant l’inscription de certaines sûretés auprès du RCCM, devant permettre aux tiers d’être informés tant sur la sûreté constituée elle-même que sur le degré d’endettement de la personne physique ou morale débitrice. Cette protection dépendra naturellement de l’efficacité du RCCM et il doit être espéré en ce sens, que la mise en œuvre du système d’harmonisation et d’informatisation du registre du commerce soit opérée dans l’ensemble des Etats membres ». (In. Le droit uniforme des affaires issu de l’OHADA, édition Lexis Nexis, Litec, 2004, page 193).

Il apparaît que les implications de la réforme du Droit Ohada des sûretés peuvent ressortir sous des angles de vue très généraux qui restent tout à fait instructifs.

Cependant, ces implications sont déclinables par un examen approfondi et ordonné des dispositions du nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés. Elles sont d’ordre quantitatif (I) et qualitatif (II).

I. LES IMPLICATION D’ORDRE QUANTITATIF

Elles tiennent notamment dans la suppression à bas bruit du cautionnement réel (A) et l’introduction de sûretés dans le nouvel Acte uniforme (B).

A. La suppression du cautionnement réel

La suppression du cautionnement réel est empreinte d’avantages (2) avec des raisons (1) qu’il convient d’exposer d’abord.
La précision doit être faite que le mécanisme subsiste qui consiste pour une personne, autre que le débiteur, à affecter en garantie un bien lui appartenant.
Cela est considéré dorénavant comme une sûreté réelle. En conséquence, la suppression porte sur les concepts de caution réelle, de cautionnement hypothécaire ainsi que sur les effets induits, en termes de régime juridique, de pareils concepts.

1. Les raisons de la suppression du cautionnement réel

– Les rédacteurs du Naupos ont travaillé dans la ligne des solutions jurisprudentielles et législatives françaises. L’ordonnance française du 23 mars 2006 de réforme des sûretés a supprimé toute référence à la notion de cautionnement réel. La réforme est en conformité des solutions jurisprudentielles françaises (Voir, Cass., Chambre mixte, 02 décembre 2005, recueil Dalloz, 2006, Cahier Droit des affaires, page 61. Cass. Civ., 1ere, 07 février 2006, Dalloz, 2006, Cahier Droit des affaires, page 1543. Cass.Com., 27 février 2006, Cahier Droit des affaires, page 1543). Il s’évince d ces décisions que ce qui était appelé cautionnement réel n’impliquait aucun engagement personnel du constituant.

NB : concernant les discussions doctrinales en droit comparé français (voir notamment, François Grua, le cautionnement réel, jcp, 1984, ed.gén., I, 3197 – M. Mignot, nature du cautionnement réel, quand la volonté de la Cour de casssation l’emporte sur celle des parties, RLDC , janvier 2006, n°954 – P. Simler, le cautionnement réel est réellement –aussi- un cautionnement, jcp 2001, I, 367- B. Beignier, Bicentenaire d’Austerlitz, le Trafalgar du cautionnement réel, Dr. Fam. 2006, n°13).

– Le régime juridique du cautionnement réel était d’une complexité affreusement byzantine.

2. Les avantages de la suppression du cautionnement réel

– La clarification du mécanisme qui consiste pour une personne autre que le débiteur à donner en garantie son bien.
– La simplification du régime juridique du mécanisme qui n’est au fond qu’une sûreté réelle avec toutes les conséquences attachées à telle simplification.

B. L’introduction de sûretés

Les rédacteurs du Naupos ont procédé par un élargissement de l’assiette des sûretés. Ils ont consolidé l’offre de garanties. Ont été introduits des nantissements (1°) ainsi que des sûretés- propriété (2°).

1. L’introduction de nantissements

Les nantissements suivants ont été introduits :
– nantissement de compte bancaire
– nantissement de compte de titres financiers
– nantissement des droits de propriété intellectuelle

2. L’introduction de sûretés – propriété

Les sûretés assises sur la propriété qui ont été introduites dans le Naupos sont la traduction d’une volonté d’aller à pas comptés vers un dispositif global sur la Fiducie, à l’exemple de la loi française du 19 février 2007 codifiée en droit constant dans le Code civil sous les articles 2011et suivants.

Les sûretés – propriété introduites dans le Naupos sont :
– la réserve de propriété,
– la cession de créance à titre de garantie,
– le transfert fiduciaire de somme d’argent.

Il est certain que les sûretés propriété signalent des garanties d’une redoutable efficacité. Elles sont notamment des instruments de contournement des procédures collectives d’apurement du passif des débiteurs. Raison pourquoi, la pratique les désigne sous l’expression savoureusement imagée de « sûretés d’évitement ». Tout de même, il serait téméraire d’en inférer qu’elles sécurisent absolument les droits des créanciers. A preuve, le créancier réservataire de propriété a vocation à entrer en conflit avec le bailleur d’immeuble adossé à son antique privilège (article 184 du Naupos), avec le risque de se voir sacrifier aux intérêts dudit bailleur.

Le banquier cessionnaire de la créance à lui transmise à titre de garantie, se trouvera sans doute en confrontation avec le banquier – du cédant -réceptionnaire du montant de la créance cédée payé dans ses livres par le débiteur cédé tenu dans l’ignorance de la cession.

L’établissement de crédit cessionnaire de la créance cédée est appelé à se disputer la créance du prix de revente de la marchandise vendue avec réserve de propriété. Il aura contre lui le fournisseur de son correspondant en compte bancaire, lequel correspondant en compte après lui avoir cédé ses créances présentes et futures au vu d’une convention – cadre de crédit par cession de créance procède à la revente du bien acquis du fournisseur réservataire de propriété.

L’établissement de crédit cessionnaire de créance à titre de garantie peut aussi souffrir les prétentions du sous- traitant sur le montant de la créance correspondant à la part sous traitée du marché exécutée par ce dernier.

Où il ressort qu’il n’est pas de sûreté conférant une absolue sécurité. Ce qui ne saurait signifier que la réforme manque d’implications qualitatives.

II. LES IMPLICATIONS D’ORDRE QUALITATIF

Les établissements de crédit sont appelés à voir deux types d’implications. Celles à caractère institutionnel (A) et celles à caractère matériel ((B).

A. Les implications à caractère institutionnel

Elles s’ordonnent autour de la consécration de l’Agent des sûretés (1°) et du renforcement des fonctions de la publicité au Registre du commerce et du crédit mobilier (2°).

1. La consécration de l’Agent des sûretés

L’article 5 du Naupos porte que « Toute sûreté ou autre garantie de l’exécution d’une obligation peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée par une institution financière ou un établissement de crédit, national ou étranger, agissant, en son nom et en qualité d’agent des sûretés, au profit des créanciers de la ou des obligations garanties l’ayant désigné à cette fin ».

Les établissements de crédit en application de la loi bancaire du 28 juillet 2008 sont les banques et les établissements financiers à caractère bancaire.

NB : l’instruction n° 011 – 12 de la Banque Centrale de Etats de l’Afrique de l’Ouest du 13 décembre 2010 entrée en vigueur le 1er janvier 2011, procède en son article 3 au classement des établissements financiers à caractère bancaire en cinq catégories : les établissements financiers de prêts, les établissements financiers de crédit bail ou de location avec option d’achat, les établissements financiers d’affacturage, les établissements financiers de cautionnement, les établissements financiers de paiement

Cette consécration s’inscrit en droite ligne des modes contemporains de gestion des garanties notamment dans le cadre des financements internationaux de projets, des crédits consortiaux, des financements structurés.

L’Agent des sûretés du Droit Ohada emprunte au Sécurity Trustee du droit anglo – américain, au Treuhander du droit allemand, au représentant fiduciaire du droit belge, au fiduciaire du droit suisse. L’Institution puise ses racines dans la Fiducia cum amico du droit romain et le Salman du moyen âge européen.

L’Agent des sûretés du droit Ohada est un métisse juridique. Il peut être investi en qualité de mandataire ou à titre de fiduciaire.

2. Le renforcement des fonctions de la publicité des sûretés

Un principe de généralisation des inscriptions a été retenu sauf pour le nantissement de compte de titres financiers et le transfert fiduciaire de somme d’argent qui restent des garanties occultes.
La publicité est un élément d’information des tiers, d’opposabilité et de règlement des conflits de titularité entre créanciers sur une même sûreté dans le cadre d’un régime réaménagé.

B. Les implications à caractère matériel

Il importe de relever tour à tour, le réaménagement des conditions de constitution des sûretés (1) et la refonte du formalisme (2).

1. Le réaménagement des conditions de constitution des sûretés

– En matière de sûretés personnelles : pour le cautionnement, la mention manuscrite devient une formalité probatoire alors que la garantie et la contre garantie autonomes ont lieu suivant les modalités convenues par les parties.

– En matière de sûretés réelles : les garanties peuvent porter sur des biens futurs ainsi que sur des biens en remploi. Ce qui autorise par exemple le gage sur valeur.

2. La refonte du formalisme

– Le formalisme informatif en matière de cautionnement porté à six mois.

– La généralisation de l’écrit à peine de nullité pour les garanties autonomes et les sûretés réelles.

– Elargissement de la publicité exception faite du nantissement de compte de titres financiers et du transfert fiduciaire de somme d’argent.

B. L’introduction de modalités de réalisation des sûretés réelles

L’extension de l’attribution judiciaire en matière d’hypothèque. L’introduction du Pacte commissoire ou attribution conventionnelle pour toutes les sûretés réelles sauf en matière de nantissement de fonds de commerce.

Ces innovations sont de nature à faciliter la réalisation des garanties réelles par les établissements de crédit dans l’espace Ohada.

Il demeure que la clause de voie ou via parata (vente préparée d’avance) en droit romain demeure prohibée. La clause de voie parée autorise le créancier impayé à vendre l’objet de la garantie, en dehors des formalités légales, pour assurer son remboursement.

L’offre de sûretés dans l’espace Ohada a été consolidée par les rédacteurs du nouvel Acte uniforme.
Plus qu’une réforme, il s’agit d’une refonte de la matière ordonnée à des changements significatifs de paradigmes.

Le Droit Ohada en introduisant en codification constante les sûretés – propriété invite à s’inscrire doucereusement dans une dynamique de consécration globale de la Fiducie. (Fiducie – sûreté, fiducie – gestion des sûretés, fiducie – gestion générale et pourquoi pas fiducie – libéralité).

Sur le terrain spécifique du droit des sûretés, une telle consécration participerait d’une conception renouvelée des Garanties envisageant ces dernières sous les prismes de l’efficience économique et les ordonnant, sous forme codifiée ou autrement, comme dispositifs d’attraction des investissements. (Sur l’efficience des garanties, M. Bourassin, L’efficacité des garanties personnelles, Lgdj, 2006. – Philippe Dupichot, l’efficience économique du droit des sûretés personnelles, l’efficience économique du droit des sûretés réelles, 24 mars 2010. Conférences dispensées dans le cadre ders Chaires de droit continental créées par la Fondation pour le droit continental au sein de l’Ecole de droit de Kéio de Tokyo et de l’Université Diégo Portales de Santiago du Chili).