L’état de droit pénal des affaires dans l’espace OHADA

Introduction

Le droit pénal est l’un des domaines dans lesquels l’Etat est particulièrement jaloux de sa souveraineté. C’est l’une des branches du droit qui réside « au cœur même du sanctuaire de la souveraineté »1. L’intrusion du droit international en la matière ne peut que s’en trouver gênante.

Pourtant, le besoin d’assainissement de l’environnement économique mondial, les enjeux de protection des droits de l’homme et de la moralité de la société internationale justifient le développement du droit pénal international et, corrélativement, le recul de l’absolutisme des souverainetés étatiques.

En droit pénal, toutefois, l’ordre international avance avec beaucoup de précaution car malgré tout, le pouvoir de répression est reconnu comme reflet de l’identité nationale et la législation en la matière reste fortement marquée de l’empreinte de l’exercice interne de la souveraineté étatique.

Généralement, au sein des ensembles intégrés ou à l’échelle mondiale, des directives peuvent être adressées aux Etats dans le sens de la pénalisation de certains agissements ; mais les Etats – nationaux ont toujours su rester maître en la matière, en rejetant toute idée de transfert du pouvoir de législation pénale aux institutions ou organisations internationales. La Cour de Justice des Etats membres de l’Union Européenne a eu l’occasion d’approuver cette option en décidant à plusieurs reprises que cette législation relève de la compétence des Etats membres2.
La décision d’harmoniser le droit des affaires en Afrique rendait inévitable cette délicate rencontre entre le droit pénal et le droit communautaire3. L’enjeu d’une protection pénale uniforme ouvrait le choix entre l’élaboration du droit pénal OHADA dans l’ordre supranational, en conjurant la souveraineté des Etats parties, et la sauvegarde de l’entièreté de ladite souveraineté, en éloignant le droit pénal du champ du droit communautaire.

Ce choix était difficile : d’une part, parce que l’OHADA n’est qu’un instrument juridique dont la vocation avouée n’est pas l’intégration politique ou économique ; mais aussi, d’autre part, parce que le droit pénal est un complément nécessaire à l’efficacité des normes uniformes, ce que l’on pourrait traduit en disant que « la loi OHADA ne vaut que la mesure de la sanction…pénale ». L’option était pourtant obligatoire.

Les organisations africaines d’intégration devancières de l’OHADA lui proposaient une ligne de conduite mitigée. Les droits communautaires de l’OAPI4, de l’UEMOA5 et de la CEMAC6, qui regroupent l’essentiel des Etats membres de l’OHADA, n’ont pas fait de choix radical.

Dans certaines hypothèses, ils ont accompagnés leurs Actes de dispositions pénales en termes d’incriminations et de quanta de peines.
A titre d’exemples, le règlement CEMAC N° 02/03/UMAC signé le 04 avril 2003 à Yaoundé organise complètement le régime du chèque en se substituant à toutes dispositions nationales, mêmes pénales, en la matière ; Il fixe un quantum de peine qui est seul applicable7 ; le code de la CIMA8 contient également des dispositions d’incriminations pénales assorties de sanctions en ses articles 333 et 545.

Dans d’autres cas, ces Organisations ont laissé aux législateurs nationaux le soin de formuler des infractions réprimant l’inobservance des prescriptions communautaires. C’est le cas, par exemple, du Règlement portant système comptable Ouest Africain (SYSCOA), dans le cadre de UEMOA, qui a choisi de définir simplement les infractions, en s’interdisant d’en fixer les sanctions.

Cette dernière technique est une pratique courante car, assez souvent, lorsque les Etats ont pu concéder à une organisation internationale une compétence normative en matière pénale, ils se sont limités à lui reconnaître le droit d’incriminer, c’est-à-dire d’énoncer des normes de comportement répréhensible, en se réservant le pouvoir de fixation des peines9.

C’est ce régime qui a été retenu par les Etats membres de la communauté OHADA. L’article 5(2) du Traité fondateur10 dispose que « Les Actes uniformes peuvent inclure des dispositions d’incrimination pénale, les Etats parties s’engagent à déterminer les sanctions pénales encourues ».

Ainsi, s’est forgé un partage de rôles entre l’OHADA qui définit les éléments matériels et moraux de l’infraction, et les Etats parties qui déterminent les sanctions pénales que leurs auteurs encourent.

Le droit pénal des affaires OHADA se trouve donc éclaté en deux champs de compétences : Une compétence d’édiction des normes de comportements punissables qui relève de l’ordre supranational, et une compétence complémentaire d’élaboration des normes de répression qui demeure dans les ordres juridiques nationaux.

Cette parturition édulcore le principe de la légalité criminelle, spécialement lorsqu’après avoir fixé les incriminations, le législateur OHADA renvoie pour les sanctions applicables aux textes préexistants11. Cet effritement l’est davantage, lorsqu’en course de cohésion ou d’efficacité, la loi OHADA outrepasse son pouvoir d’incrimination pour s’intéresser à la fixation des peines. Les hypothèses ne sont pratiquement pas rares.

En effet, le droit matériel révèle que le législateur OHADA refuse assez souvent de se limiter à la définition des infractions punissables et qu’il s’occupe parfois à édicter des peines complémentaires ou accessoires, voire des quanta de peines principales12.

C’est ainsi que les articles 199 et 246 de l’Acte uniforme portant sur l’organisation des procédures collectives d’apurement du passif établissent des peines d’affichage et de publication aux frais des condamnés, ainsi que la privation du droit de vote. L’article 203 du même Acte arrête même un plancher (trois ans) et un plafond (dix ans) de peine applicable à la faillite personnelle. Des dispositions similaires se retrouvent dans les articles 10 et 11 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.

Parallèlement, certaines législations nationales vont au delà de la fixation des peines complémentaires des incriminations communautaires pour élaborer des normes de comportements interdits. Ainsi en est-il des lois camerounaises et centrafricaines prises en exécution du droit uniforme. Nous y reviendrons.
Il apparaît, en effet, que la répartition des compétences pénales dans le cadre de l’OHADA est toute originale mais de mise en œuvre embarrassante. La traduction pratique du régime pénal OHADA se montre donc problématique.

Dès lors, l’étude concrète de l’état du droit pénal dans la zone suppose une mise au clair de cette construction inédite (section 1). Cette approche générale rendra explicite les deux champs de compétence pénale en présence ; elle sera suivie d’une approche spécifique qui définira le champ panoramique des infractions opérationnelles (section 2).

… Lire l’intégralité dans le fichier joint !

Article « L’état de droit pénal des affaires dans l’espace OHADA »