Les enjeux de la société coopérative : évolution et perspectives

La crise financière de 2008 dite des « subprimes » marquée par la chute de la banque Lehman and Brothers qui se poursuit aujourd’hui par la crise des banques européennes nous interpelle sur la pérennité du système « tout capitaliste ». Les difficultés actuelles rencontrées par le système économique obéissant aux lois du marché, et à une course au profit, n’est pas la fin du système mais le signe d’une mutation profonde du capitalisme et le révélateur d’un processus démocratique qui se cherche un nouveau souffle .

En effet les termes d’économie plurielle, d’économie alternative sont de plus en plus avancés pour caractériser les changements actuels de l’économie. A la course effrénée aux profits et aux dividendes de nouvelles valeurs, de nouveaux projets de société apparaissent. Dans cette pluralité économique le modèle coopératif ressurgit.
Après avoir été décriées, notamment dans les années 1970, les sociétés coopératives sont aujourd’hui vues avec faveur par les pouvoirs publics, notamment dans le cadre européen . Ainsi, la Commission a publié le 23 février 2004 une communication sur la promotion des sociétés coopératives en Europe , mettant en exergue leur dynamisme et leur capacité à faire face à la morosité ambiante grâce à leur capacité d’adaptation et d’innovation.
Dans le cadre de ce mouvement de faveur le Conseil des ministres de l’OHADA a adopté le 15 décembre 2010 à Lomé (Togo), l’Acte uniforme portant droit des sociétés coopératives.

Le mouvement coopératif et mutualiste est un acteur économique tant au plan local, régional qu’international qui compte plus de 800 millions de membres répartis dans plus de cent pays. Les trois cents plus grandes coopératives et mutuelles mondiales constituent, à elles seules, une puissance économique équivalant à la 10ème économie mondiale. On estime à trois milliards le nombre de personnes concernées directement par les entreprises coopératives. Les Nations Unies estiment que la vie de la moitié de la population de la planète dépend significativement des entreprises coopératives.
Dans le secteur bancaire, les banques coopératives et mutualistes jouent un rôle majeur dans les économies de l’Union Européenne. Elles interviennent dans la vie quotidienne de presque 160 millions de citoyens. Elles comptent quatre mille organisations locales et banques régionales, approximativement soixante mille agences, quarante-neuf millions d’associés ou sociétaires. Elles emploient sept cent cinquante mille personnes, créent douze mille emplois chaque année et consacrent en moyenne 4% des charges de personnel à la formation.
En Afrique, ce n’est pas en termes de chiffres d’affaires, ou de part dans le PIB que nous devons établir la place de la coopérative. En effet ces chiffres ne sont pas significatifs de la réalité. Il faut tout d’abord relever que le mode de la coopération est un mode traditionnel de gestion de la terre. Elle n’appartient pas à une personne, mais à une famille. Ce principe de coopération se trouve encore dans la législation foncière issue de la loi du 17 juin 1964 plaçant 95% des terres sous le régime du domaine national. Le système communautarise est un mode de pensée traditionnel des groupements familiaux, professionnels, artisanaux dont la réussite passe avant tout par l’émergence du groupe avant la réussite individuelle.

A la différence de l’entreprise classique de capital fondée sur la répartition des bénéfices, la coopérative et le mutualisme ont pour soubassement l’entraide, la coopération et la démocratie. Contrairement à la société de capital qui est enfermée dans le dilemme développement social/profit, la coopérative, met en œuvre une logique économique orientée sur la dimension collective de l’entreprenariat. La coopérative répond à la pluralité économique de plusieurs façons.
Sa dimension plurielle se manifeste dans la grande variété de ses formes qui viennent renforcer une dynamique continue d’innovations organisationnelles. Son engagement local en fait une partie prenante de la dynamique du développement local dans lequel interviennent une pluralité d’acteurs dans des objectifs eux-mêmes pluriels et irréductibles au seul motif de profit.

Enfin, la coopération n’est pas seulement une conception de l’entreprise. Elle porte aussi une conception de l’économie fondée sur le respect de l’être humain et sur la volonté de vivre et d’agir ensemble. Par l’ensemble de ces dimensions, la coopération met ainsi en œuvre l’idée de l’économie plurielle.

Les premières civilisations étaient à caractère collectif. Certaines le restent encore de nos jours. Dans ces sociétés, l’individu trouvait dans le groupe protection et moyens matériels de vivre. Mais peu à peu la rigueur de ces structures collectives va s’atténuer laissant place à l’individualisme qui devient la pensée dominante au XIXème siècle.
C’est à cette période qu’apparaît la révolution industrielle entraînant un départ massif des paysans vers les villes. Leurs conditions de vie très difficiles développent en eux un besoin de rapprochement et d’entraide. Vont ainsi apparaître les coopératives ouvrières et les coopératives agricoles. La spécificité de la coopérative et de la mutuelle c’est sa diversité. En effet les attentes des regroupements du monde paysan sont à l’opposé de celles du monde ouvrier. La coopérative agricole regroupe des producteurs agricoles qui vont se mettre ensemble afin d’optimiser la vente de leur production.

Le regroupement des ouvriers va aller dans le sens de l’entraide et du soutien mutuel dans un esprit de fraternité. Mais au-delà de cette diversité, les coopératives développent des valeurs communes basées sur l’entraide et la solidarité.

L’idéologie coopérative classique apparaît en Europe au début des années 1800 sous l’influence de deux facteurs. D’une part, la classe ouvrière qui vit dans des conditions d’extrême pauvreté va rechercher dans la solidarité du groupe une amélioration de ses conditions d’existence. D’autre part la population ouvrière influencée par la pensée du socialisme utopiste prône l’épanouissement économique et social de l’individu par l’organisation collective et égalitaire de la société.

Fortement marquée par la pensée socialiste, les sociétés coopératives ou mutuelles ont continué à se développer et à prospérer dans les économies libérales. Les coopératives sont nées dans tous les domaines de l’activité économique du secteur primaire au secteur tertiaire des services.

Il faut s’interroger sur les succès de cette forme spécifique de l’entreprise qui prône l’intérêt du groupe tout en conciliant les libertés de la personne, conquête de l’individualisme, avec le retour au collectif héritage de la pensée socialiste .

Le droit nous apporte un début de réponse. Par une analyse comparative entre la société de capitaux et la société coopérative on sait que la société de capitaux vise la recherche des bénéfices en vue de les partager entre les propriétaires de parts ou actions sociales alors que la coopérative place l’homme au cœur de son développement, elle ne fait pas le partage des bénéfices sa finalité.
Le modèle coopératif est un modèle qui recentre l’économie sur les besoins sociaux. Il ne répond pas à la logique du tout profit mais à une logique de satisfaction des besoins du groupe, pour son mieux être.
Dans un contexte marqué par la recherche d’un nouvel équilibre, prenant mieux en compte les exigences de développement durable, de préservation de l’environnement mais aussi du développement social, la coopérative peut être une réponse pour le développement d’une économie alternative .

Face à cette évolution des économies de l’Ouest en quête d’un nouvel équilibre, il faut s’interroger sur la place que l’Afrique va donner à ce changement. Quelle va être sa réceptivité face à ce mouvement démocratique et solidaire.

La zone OHADA a depuis le milieu des années 1990 outillé les acteurs économiques d’instruments juridiques visant à relancer et à renforcer les investissements des entrepreneurs. L’ensemble du dispositif juridique répond à la logique économique du capital et du retour sur investissement. Il est bien loin le socialisme africain du Président L.S.Senghor qui se voulait être une voie moyenne entre le libéralisme et le communisme . Mais face à ces entreprises de capital, le tissu économique africain fait apparaître l’existence de structures regroupant des hommes et des femmes en quête d’un mieux être social. Ainsi, à côté des entreprises de capitaux gérées par l’Acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE), il existe un tissu économique pluriel. Parmi ces acteurs, nous devons relever la présence des coopératives et mutuelles. Ces coopératives sont répandues dans l’ensemble du tissu économique. Elles se sont déployées dans un premier temps dans le monde rural par la mise en place de coopératives agricoles et d’élevage mais la coopérative est peu à peu devenue un outil de développement et de promotion sociale. On a assisté à la création de coopératives d’habitats, d’établissements de micro-finance, ou de coopératives d’encadrement et de promotion de l’activité artisanale.
En termes de chiffres la Confédération Sénégalaise des Sociétés Coopératives et Mutualistes (CSCM) regrouperait 923 597 membres , mais toutes les coopératives ne sont pas membre de cette Confédération.

En dehors des organisations membres de la CSCM, il existe également d’autres structures coopératives, dont notamment l’Union nationale des coopératives d’exploitants forestiers (UNCEFS), l’Union Nationale des coopératives de consommation, l’Alliance de Crédit et d’Épargne pour la Production (ACEP), la coopérative laitière CIPPAM …
La coopérative au Sénégal est une réalité économique, financière et humaine. Dans la même logique que les premiers Actes uniformes, l’OHADA a senti la nécessité d’élaborer un Acte uniforme sur les sociétés coopératives. Cet Acte répond avant tout à un souci d’harmonisation des législations dans les dix-sept Etats membres.
Mais au-delà de cet aspect purement technique, l’avènement de l’AUSCOOP est aussi un changement dans la pensée économique. La coopérative s’inspire de la pensée socialiste pour créer un outil économique solidaire et démocratique. C’est à partir de ces valeurs que nous analyserons les orientations prises par le législateur communautaire ainsi que les outils pour promouvoir ces valeurs.
I. La coopérative une conception différente de l’entreprise
Le système coopératif est généralement considéré comme la voie médiane entre le socialisme et le capitalisme. En effet, la coopérative cherche à « concilier les libertés de la personne, conquêtes de l’individualisme, avec le retour au collectif » qui caractérise notre époque. C’est à travers l’évolution du mouvement coopératif que nous pourrons relever les valeurs qui ont fait de la coopérative une organisation collective au profit du développement de l’individu. Cette quête de valeurs démocratiques est le résultat d’un mouvement endogène des travailleurs pour un mieux être économique et social. La coopérative opère une césure avec l’approche de l’entreprise capitaliste.

Mais en Afrique et notamment au Sénégal, pays qui servira de base à notre réflexion, la coopérative a d’abord été un instrument économique au service du politique.

A. Une approche alternative de l’entreprise

La coopérative trouve ses origines dans le socialisme utopique, mais doit son développement à la consécration de ses valeurs.
a. Le socle de la coopérative : Le socialisme utopique
C’est en Angleterre et en France, au cours des années 1830-1840, là où l’extension de l’industrie produit déjà ses premiers effets sociaux (concentration des ouvriers dans les grandes villes, précarité économique, isolement social, multiplication des accidents du travail et des maladies), que de nouveaux modèles d’organisation vont se développer à l’initiative de la classe ouvrière et paysanne, de la bourgeoisie et de l’Etat. Ces projets sont d’une grande diversité, mais ils convergent vers un objectif commun : améliorer les conditions de la population ouvrière et des paysans.

Ces projets sont développés sous l’influence des socialistes utopistes tels que Owen, Fourier ou Cabet. La doctrine développée par ces auteurs souhaite faire de l’égalité et de la solidarité des valeurs essentielles de la vie sociale, contrairement au libéralisme bourgeois qui défend avant tout la liberté individuelle. Ensuite les utopies sociales convergent dans les solutions avancées pour mettre fin aux injustices de la société industrielle.

Sur un plan général, elles voient la solution aux problèmes d’inégalité dans des réponses proprement économiques et non dans une éventuelle réforme des institutions politiques. C’est en effet la réorganisation plus humaine du système de production et la répartition plus équitable des fruits du travail qui peuvent permettre aux travailleurs de sortir de la précarité sociale. La restructuration de l’économie est donc une question de justice. Il s’agit de permettre à la masse des travailleurs de profiter équitablement des richesses qu’ils contribuent à produire.

Cette pensée, est mise en œuvre par des projets lancés dans les années 1830-1840 qui ont pour objectif de remplacer le libéralisme économique par des solutions communautaires reposant sur l’association volontaire de tous les travailleurs et la mise en place d’une organisation de la production plus collective et coopérative. C’est en effet dans l’association des volontés et la mise en commun de ressources que les auteurs voient la possibilité d’une société industrielle heureuse.

Dès les années 1830, Robert Owen brillant industriel du comté de New Lanark (Ecosse) souhaite améliorer les conditions de ses travailleurs pour leur assurer des conditions de vie décentes et de meilleures conditions de travail. C’est ainsi qu’il améliore les logements de ses ouvriers, permet l’accès aux soins, ou encore diminue le temps de travail et augmente les salaires.

La philanthropie patronale d’Owen est peu suivie par le patronat anglais. Mais sa pensée va inciter les travailleurs à s’organiser afin de défendre leurs droits et d’améliorer leurs conditions de vie.
Dés 1825 les unions de métiers (trade unions) sont légalisées. Le gouvernement consent ensuite le regroupement de tous les ouvriers dans une grande union nationale du travail. Par ailleurs apparaissent les premières coopératives ouvrières de production.
En France, le mouvement coopératif connaît un développement plus limité. Pour la bourgeoisie libérale, la liberté syndicale comporte le risque de voir se former des « coalitions professionnelles ». Dans ce contexte prohibitif, les premiers projets prônant l’organisation de communautés de travail sont le fait d’intellectuels dont le « Phalanstère » de Fourier.

Proudhon va vanter les mérites des « associations ouvrières ». Ces sociétés s’appuient sur un principe d’organisation qui repose sur un échange égalitaire et librement consenti : le mutuellisme.
Le mutuellisme permet aux individus ou aux groupes économiques de développer des actions fondées sur le soutien mutuel entre tous les membres associés. Loin des formules « autoritaire » du capitalisme ou du communisme, l’échange y est garanti par la réciprocité des engagements. Dans un tel système, la responsabilité individuelle n’est pas mise en cause puisque chaque associé reste libre de ses actes et réalise les choix qui lui semblent les plus opportuns. Le mutuellisme de Proudhon est basé sur la recherche de l’utilité commune (contrairement à la pensée libérale fondée sur la quête effrénée du profit individuel). Mais le système n’est possible qu’en préservant l’autonomie et la liberté individuelle .

Les principes de libre adhésion et de solidarité, c’est-à-dire d’action par le groupe pour le groupe vont être les fondements de la coopérative. Ces principes deviennent les valeurs de la coopérative et du mutuellisme.

b. Les valeurs prônées par le mutuellisme

Les coopératives correspondent à un type spécifique d’organisation économique répandu dans le monde entier selon des principes identiques.

Les coopératives présentent des caractéristiques propres. Elles disposent d’un mécanisme de décision – le principe « un homme, une voix »,- qui associe l’ensemble des adhérents à la gestion de l’entreprise. Les coopératives permettent aux PME d’acquérir certains avantages. En particulier, elles assurent des économies d’échelle, facilitent l’accès aux marchés et développent une gestion et une formation de meilleure qualité.

Par référence aux travaux de Charles Gide notamment dans son ouvrage sur les associations coopératives agricoles , la coopérative a des caractères qui lui sont propres. Parmi ces caractères certains retiendront notre attention du fait de leur pérennité dans le temps et leur consécration dans les principes fondateurs de la coopérative.
Le premier caractère et certainement le plus important c’est la solidarité entre les membres. Charles Gide l’a qualifiée « d’épine dorsale ». Que signifie ce principe de solidarité. Par ce principe chaque associé est responsable pour tous de toutes les dettes de l’association. A la constitution des premières coopératives qui sont apparues au milieu du XVIIIème siècle dans la Prusse Rhénane sous l’appellation de caisse rurale Raiffeisen, du nom du donateur des premiers fonds, les prêts des coopératives étaient accordés en faveur des paysans. Or, à l’époque comme de nos jours, on ne prête pas à des pauvres. « Pourtant si chacun de ces pauvres répond pour tous, alors cette chétive solvabilité, multipliée par 50 ou par 100, devient aussi solide et même plus que la responsabilité d’un seul riche ». En plus de cette solidarité générale, il est de règle que l’emprunteur fournisse en outre deux cautions parmi les membres. Ce principe de la caution entre les membres se retrouve dans le système du micro-crédit. Ce principe de la solidarité ouvre un droit naturel de surveillance des uns à l’égard des autres et vice et versa mais aussi un contrôle des membres à l’entrée.
Un autre caractère est le champ d’intervention. Celui-ci est limité dans l’espace. Ce principe se retrouve dans les valeurs de la coopérative d’aujourd’hui qui a un champ d’intervention limité dans l’espace. Ceci explique le maillage sur l’ensemble du territoire national des grandes mutuelles d’épargne et de crédit comme le Crédit Agricole en France ou le Crédit Mutuel au Sénégal.

L’entrée dans la coopérative se fait par l’adhésion contrairement à la société de capitaux qui imposent un apport initial. Ce sont les adhésions qui vont constituer le capital. Dés lors qu’il n’y a pas de capital, il n’y a pas d’action et donc pas de dividendes. De ce fait la non distribution des bénéfices va permettre l’augmentation du capital. Raiffeisen comptait que, si petit que fût ce capital initial, s’accumulant de génération en génération, il ferait la boule de neige pour constituer un gros capital collectif mis au service des membres. Ce principe trouve son illustration dans les mutuelles de santé qui accordent des bonus aux adhérents justifiant d’une certaine ancienneté notamment sous la forme d’une augmentation des forfaits de remboursement des dépenses de santé.

Le dernier caractère de ces coopératives que nous devons relever est son fondement démocratique matérialisé par le principe d’un homme une voix. De ce fait les décisions sont prises par les sociétaires dans l’intérêt des sociétaires et non d’un groupe en particulier.
Ces principes fondateurs des caisses rurales de type Raiffeisen, se retrouvent dans les caractères fondamentaux de la coopérative notamment dans la définition de la coopérative retenue par le Bureau international du travail qui la définit comme « une association de personnes qui se sont volontairement groupées pour atteindre un but commun par la constitution d’une entreprise dirigée démocratiquement, en fournissant une quote-part du capital nécessaire et en acceptant une juste participation aux risques et aux fruits de cette entreprise au fonctionnement de laquelle les membres participent activement » .
Dans son article 1er de la loi du 10 septembre 1947 la société coopérative est définie comme suit : « les coopératives sont des sociétés dont les objets essentiels sont :

1° de réduire, au bénéfice de leurs membres et par l’effort commun de ceux-ci, le prix de revient et, le cas échéant, le prix de vente de certains produits ou de certains services, en assumant les fonctions des entrepreneurs ou intermédiaires dont la rémunération grèverait ce prix de revient ;

2° d’améliorer la qualité marchande des produits fournis à leurs membres ou de ceux produits par ces derniers et livrés aux consommateurs ;

3° et plus généralement de contribuer à la satisfaction des besoins et à la promotion des activités économiques et sociales de leurs membres ainsi qu’à leur formation . »

Au-delà de ces principes de fonctionnement, est venu s’ajouter la formation des adhérents. Le bon fonctionnement de la coopérative exige que son dirigeant soit élu par les membres c’est le principe même de la démocratie. Partant de ce principe, tout membre est un potentiel dirigeant. De ce fait il apparait nécessaire de mettre en place un processus de formation des membres afin de les initier non seulement aux valeurs de la coopérative mais aussi au fondamentaux de la gestion. La formation apparaît donc être un des piliers porteur de la coopérative sans laquelle celle-ci est vouée à la sclérose et à l’obsolescence.

A l’opposé du mouvement coopératif en Europe, le développement de la coopérative en Afrique s’est fait sous l’impulsion de l’Etat. En France la coopérative, notamment la coopérative agricole est venue répondre à un besoin de financement des paysans, mais aussi d’une structuration du circuit de vente. Au Sénégal, la coopérative est d’abord un héritage. Son objectif était non seulement la structuration du circuit de distribution mais on a voulu faire de cet instrument un outil au profit du développement. La coopérative au Sénégal ne répondait pas aux valeurs de base de l’institution mais à un objectif politique.

B. La coopérative au Sénégal

Afin de contrer le circuit de l’arachide des commerçants « blancs », le Sénégal devenu indépendant, a favorisé le développement des coopératives agricoles déjà existantes en les soutenant tant sur le plan financier que sur le plan organisationnel.

a. La genèse de la coopérative

Au Sénégal, c’est dans le monde rural que va apparaître la coopérative. Il faut cependant relever que son développement est largement lié à l’intervention de l’Etat. Dans la vision européenne et Nord américaine notamment québécoise, les sociétés coopératives émanent de l’initiative privée, alors qu’au Sénégal elles sont apparues et se sont développées sous l’impulsion de l’Etat.

Il ressort de l’étude du mouvement coopératif sénégalais trois périodes. Une première période marquée par un encadrement étatique fort, une deuxième de déclin et enfin une période de redynamisation de la coopérative sous l’impulsion de l’initiative privée.

Dans sa première phase, le mouvement coopératif est lié à la construction de l’Etat et à la mise en place d’un circuit de production et d’écoulement de la production agricole essentiellement arachidière. Il résulte des textes fondateurs de la coopérative, que celle-ci dépend d’un système global qui l’encadre et conditionne aussi bien sa vie juridique que son activité économique. Le développement de la coopérative est largement lié d’une part à son héritage colonial et d’autre part à la pensée du socialisme africain. Concernant l’héritage colonial, les expériences menées depuis 1910 ont été nombreuses pour implanter la coopération en Afrique.

Dés l’accès à la souveraineté, l’Etat a pérennisé l’organisation coopérative afin qu’elle se substitue au commerce privé issu de la période coloniale. La coopérative va être un moyen pour l’Etat de maîtriser la filière arachidière, principale ressource économique et financière du pays. Cette orientation au-delà de son aspect économique avait pour objectif politique de promouvoir le développement.

Dès lors, à côté de ces préoccupations économiques, le facteur politique joue un rôle déterminant. Cette orientation a une profonde incidence sur l’organisation coopérative. En effet, le système coopératif sénégalais repose sur l’existence de deux secteurs : le secteur étatique et administratif, appareil planificateur et le secteur coopératif regroupant la population rurale participant au développement.
Ce montage, réunit en un système unique, les coopératives, théoriquement régies par des principes démocratiques et égalitaires, reflets du libéralisme, et l’appareil planificateur représentant l’Etat autoritaire.

Ce compromis, entre promotion de l’individu et recherche de développement, semble avoir omis des paramètres sociaux et notamment la structuration de la société rurale sénégalaise, très hiérarchisée à l’image des monarchies européennes. Ainsi vont s’opposer, les valeurs de la coopérative prônant des règles démocratiques et d’égalité entre les membres, et la société rurale organisée suivant les normes traditionnelles mettant en avant le respect de la parole de « l’Ancien ».

C’est ainsi que va être institué un « système fantôme » obéissant à une logique politique mais sans une réalité sociale. Le système juridique de la coopérative est largement inspiré du droit de la coopération rurale française. Or, celui-ci a été modelé sur l’expérience répondant à des besoins des coopérants.

Tel n’est pas le cas au Sénégal. L’implantation coopérative résulte d’une action persuasive de l’Etat à l’égard des paysans composée à l’époque d’une population en majorité analphabète. L’adhésion à la coopérative s’accompagne non seulement par un appui financier mais aussi d’obligations juridiques qui ne sont ni expliquées ni comprises par les sociétaires. Ainsi, il leur est demandé d’approuver un bilan pour lequel ils vont endosser une responsabilité de gestion alors qu’ils ne sont pas en mesure de participer activement à l’expression démocratique faute de pouvoir comprendre non seulement les documents mais aussi les conséquences de la manifestation de leur expression. Nous devons ainsi relever que le principe du vote égalitaire consacré au sein des assemblées générales entre en opposition avec le droit coutumier qui donne une voix prépondérante aux anciens.
Cette inadaptation au contexte local du statut juridique de la coopérative rurale aux sujets de droit se double d’une inadaptation du rôle économique attendu de celle-ci. Dans la conception classique de la coopérative, elle est un instrument mis au service des coopérants en vue de leur permettre de développer leur activité. La coopérative aide au développement de l’activité du coopérant, mais ce soutien financier ou matériel exige le remboursement du coopérant. La coopérative s’inscrit dans la conception du développement économique, exigeant une production suivie d’une épargne en vue d’un réinvestissement. Or l’économie sénégalaise, et notamment l’économie rurale des années 1960 est une économie essentiellement de subsistance dont l’objectif est la production destinée à la consommation de la « concession ».
Lorsque la coopérative distribue à crédit, des engrais, des machines ou des attelages, les adhérents ne cherchent pas à optimiser leur production avec les moyens qui sont mis à leur disposition. Malgré l’augmentation des outils de production, la conception de la production reste basée sur une production vivrière d’autosuffisance alimentaire. La part destinée à la coopérative pour le remboursement des prêts et les cotisations ne sont pas intégrés dans la production à venir. Ainsi, lorsque la coopérative demande le remboursement des prêts, les paysans ne peuvent y satisfaire faute d’avoir produit plus.
Les moyens consentis par la coopérative sont juridiquement des prêts exigeant le remboursement à terme. Mais les coopérants ont une perception différente de cette aide considérée comme un don. Cette perception différente du soutien de la coopérative s’explique en partie du fait du manque d’information sur la nature juridique des biens mis à la disposition des coopérants mais aussi sur l’absence d’information sur le rôle de la coopérative qui n’est pas considérée comme une entreprise collective mais plus comme un outil de promotion politique et social.

Les fondements de la coopérative telle qu’elle s’est développée en Europe ou au Québec notamment le principe d’égalité représenté par « un homme une voix » ne correspondent pas à l’organisation sociale rurale sénégalaise.

La coopérative en Europe est née d’un besoin de la population ouvrière alors qu’au Sénégal, elle a été prise comme un modèle de développement. Ainsi le principe « d’un homme une voix », va à l’encontre de l’ordre social. Un coopérateur n’a de voix que celle que veut bien lui donner son aîné, père ou frère aîné, mais il ne peut l’utiliser contre celui qui l’a invité à exprimer son avis. Cette même difficulté se retrouve lorsque la coopérative est présidée par un chef religieux.

Au-delà de l’aspect sociologique, la coopérative est un outil économique. Comme toute entreprise d’une économie libérale, la coopérative doit répondre à une logique de rentabilité et de productivité dans l’intérêt des coopérateurs. C’est ici où réside la différence entre la société de capitaux et la coopérative. Dans la société de capitaux, les bénéfices sont distribués alors que dans la coopérative, ils sont redistribués aux coopérants sous diverses formes telles que la diminution des primes, ou une meilleure prise en charge des besoins des coopérants. Mais ce fonctionnement ne peut être pérennisé que dès lors que les coopérants remboursent leurs emprunts et paient les cotisations. Tel n’est pas le cas des coopératives sénégalaises qui sont considérées comme des donateurs et non comme des acteurs économiques. Cette perception s’explique en partie du fait de la générosité de l’Etat qui par l’intermédiaire de partenaire financier essentiellement la Banque Sénégalaise d’Investissement va favoriser le développement des prêts aux coopératives. Mais cet investissement de l’Etat dans la coopérative galvanisme son fonctionnement jusqu’à faire de la coopérative un outil de promotion social pour ses dirigeants au détriment du groupe. Phase à la récession mondiale du début des années 1990, on assiste peu à peu à un désengagement de l’Etat, les coopératives déclinent peu à peu pour retrouver un nouveau souffle émanant insufflé par entrepreneurs sociétaires eux-mêmes.

b. Vers un désengagement de l’Etat

Après les indépendances les gouvernements accordèrent un rôle essentiel aux coopératives, qui devaient jouer un rôle essentiel dans le développement des zones rurales. C’est une époque dirigiste, fortement marquée par la présence de l’Etat dans les coopératives et notamment dans le système d’achat et de commercialisation. Les coopératives sont devenues des outils du gouvernement et des organisations collectives soumises au parti du pouvoir avec ses avantages mais aussi ses inconvénients.

Au Sénégal, on assiste à la création des coopératives par l’État dont l’organisation et le fonctionnement sont fixés par l’Etat. Ce mode de gestion a détourné l’objectif final de la coopérative qui est en principe instituée au service de ses adhérents dans laquelle les coopérateurs justifient en principe d’une double qualité « d’adhérent et de bénéficiaire » qui les conduit à financer et à gérer l’entreprise coopérative dont ils sont en même temps les clients.

Cependant cette double qualité n’est pas respectée dans les coopératives constituées à l’époque. En effet une partie des capitaux ne sont pas apportés par les coopérateurs. Les coopératives jouissent d’une bonne notoriété et ont la faveur de la Banque sénégalaise de développement qui fournit la quasi-totalité des financements de la coopérative sous forme de prêts.

Par ailleurs, le principe de la ristourne, qui consiste à distribuer les excédents en fonction de l’importance des prestations effectuées par les adhérents avec la société, n’est pas appliqué suivant cette règle. En effet, la ristourne est forfaitairement fixée à l’échelon national et ne constitue donc pas une répartition des excédents ni une contrepartie au prorata de la participation du coopérateur.

Pour les paysans, les parts constituent leur droit de bénéficier des avantages de la coopérative et non comme dans les coopératives européennes, où les parts justifient le droit de participer à la vie de l’organisation. La gestion de la coopérative n’est pas faîte dans l’intérêt de ses membres mais dans l’intérêt des représentants de l’Etat et d’un groupe d’initiés. La gestion fondée en principe sur le modèle de la démocratie participative devient une gestion basée sur le clientélisme.
Mais l’introduction des programmes d’ajustement structurel à la fin des années 1980 marqués par un fort désengagement de l’Etat vont permettre de donner un nouveau souffle aux coopératives. Ce désengagement de l’Etat va donner un nouvel visage à la coopérative en lui permettant de remettre les valeurs de la coopérative notamment le principe de la gestion démocratique au cœur du système.
Cependant ces changements restent limités. En effet, l’expression démocratique requiert une compréhension du concept. Or, les coopératives se sont essentiellement développées dans le monde rural marqué à l’époque par un taux d’alphabétisme quasi nul. Cette expression démocratique est ainsi biaisée du fait qu’il n’est pas donné à la population concernée les moyens de son choix. Au delà de l’analphabétisme, les adhérents doivent être informés et formés sur l’exercice de leurs droits.

Ces années marquées par un détournement du pouvoir ont développé des réflexes individualistes qui vont à l’encontre même du système social coopératif. En effet ils ne se comptent plus ces présidents de Conseil d’administration des coopératives qui ont détourné des fonds…
C’est pour promouvoir les valeurs de la coopérative, que le législateur communautaire a offert un cadre juridique à ces groupements qui recherchent l’intérêt et l’épanouissement du groupe. La coopérative, est avant tout une initiative privée pour l’intérêt d’un groupe bien identifié. L’AUSCOOP est la consécration du désengagement de l’Etat dans l’activité économique et essentiellement dans le monde rural. Or, la coopérative s’inscrit dans la continuité et dans son histoire et qui exige donc la mise en place d’un processus de promotion et de valorisation des valeurs coopératives.

La coopérative c’est avant tout une gestion différente de l’entreprise qui exige une grande capacité d’innovation pour faire face aux défis qui lui sont propres. Ce désengagement de l’Etat va nécessiter l’impulsion d’un nouveau mode de management ainsi que la promotion des valeurs propres à la coopérative pour donner à ces groupements leur légitimité sociale.

II. L’avènement de la société coopérative dans l’OHADA

A l’instar des autres Actes uniformes, l’Acte uniforme sur la société coopérative a été élaboré en vue de permettre au monde coopératif d’être soumis à une législation communautaire. Cette exigence d’unification de la législation est venue des acteurs du secteur coopératif eux-mêmes , contrairement aux premiers actes uniformes nés de la volonté des Etats membres. L’AUSCOOP opère une rupture avec la pratique antérieure des coopératives en mettant l’accent sur l’intérêt des coopérants et la pérennisation de la coopérative.

A. Les contours de la coopérative dans l’OHADA

Comme nous l’avons vu précédemment, la coopérative n’est pas une innovation de l’OHADA. Cependant, l’AUSCOOP se démarque des législations précédentes du fait de la rupture qu’elle opère dans l’organisation de son fonctionnement. L’AUSCOOP redonne un sens au principe de solidarité qui gouverne la coopérative, en mettant fin à la tutelle de l’Etat.

Le régime juridique prévu par l’AUSCOOP ne s’applique pas à l’ensemble des sociétés coopératives. En effet, dans le but de favoriser, entre autres, la protection des déposants et la sécurité des opérations, les sociétés coopératives qui ont pour objet l’exercice d’activités bancaires et financières restent soumises à la loi cadre relative aux systèmes financiers décentralisés (SFD). Cette loi adoptée par le conseil des ministres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) en 1993 a fait l’objet d’une inscription dans les ordres juridiques nationaux sous des appellations différentes même si elle est commune aux huit pays de l’union. Cependant, les dispositions de l’AUSCOOP s’appliquent dès lors qu’elles ne sont pas contraires aux dispositions spécifiques de la loi 95-03 du 05 janvier 1995 dite loi PARMEC.

Aux termes de l’article 20 de l’Acte uniforme sur la société coopérative « toute société coopérative a un objet qui est constitué par l’activité qu’elle entreprend et qui doit être déterminée et décrite dans ses statuts ».

La coopérative est définie comme « la société civile ou commerciale qui vise à l’élimination du profit capitaliste par la prise en charge au bénéfice de ses membres des fonctions de production ou d’intermédiaire » .

a. La consécration des principes coopératifs

Cette tutelle directe ou indirecte de l’Etat dans la gestion de la coopérative a paralysé l’épanouissement de la coopérative qui est restée dans certains pays africains, sous la structure d’une autorité rattachée à l’Etat traduisant ainsi une interférence du politique dans la gestion des coopératives. Dans certains cas, les textes de loi conféraient des prérogatives si importantes à l`Etat qu’aucune assemblée générale constitutive ou ordinaire ne pouvait se tenir sans la présence d’un représentant de l’administration. Cette interférence de l’Etat hypothéquait dangereusement l’autonomie du mouvement coopératif au mépris des principes universels de la coopération.
Le nouvel Acte Uniforme rompt avec la tutelle et ne fait aucunement référence à une gestion des coopératives sous le contrôle de l’Etat ni à la représentation de l’autorité étatique aux assemblées. L’AUSCOOP consacre en son article 6 l’organisation et le fonctionnement de la société coopérative communautaire selon les principes universels de la coopérative.

Ainsi l’abandon de la tutelle et la libéralisation de la coopérative entraîne non seulement un changement dans la gestion et le management de la coopérative mais c’est avant tout une prise en main de leur destin déjà préconisée par le Président L. S Senghor dans son rapport de politique générale présenté au congrès extraordinaire du l’UPS à Dakar en décembre 1976 . En effet la coopérative est avant tout un engagement personnel et individuel des coopérants. Aussi l’entrée dans la coopérative est soumise à l’approbation de ses membres. Cet intuitu personae se retrouve dans les conditions d’adhésion à la coopérative précisées à l’article 10 de l’AUSCOOP. Le tiers postulant adresse sa demande d’adhésion à l’organe d’administration de la coopérative. La décision d’adhésion du conseil de gestion ou du conseil d’administration fait l’objet d’un entérinement par l’assemblée générale.

Cette procédure démontre de l’importance attachée à la qualité de l’adhérant et de sa loyauté à l’égard de la coopérative. C’est ainsi qu’il devra préférer vendre à la coopérative au lieu de vendre par un autre circuit. En effet la bonne santé de la coopérative dépend de l’engagement et de la participation effective des adhérents dans le fonctionnement et la gestion de leur entreprise.

La mise en exergue du principe démocratique va à l’encontre de la pratique du système clientéliste développé en marge de la coopérative. Les dirigeants de la société coopérative étant responsables devant l’assemblée générale , ils sont tenus de gérer suivant les principes de transparence. En effet, les coopératives constituent un modèle d’entreprise démocratique fondé sur des valeurs de responsabilité, de solidarité et de transparence. Ce sont des sociétés de personnes ayant pour finalité première de rendre des services individuels et collectifs à leurs membres. Des engagements réciproques et durables se nouent entre la coopérative et ses membres qui sont à la fois associés et clients ou producteurs ou salariés. Du fait de l’exercice de la démocratie, les comportements déviants sont sanctionnés par le vote des adhérents. Mais l’exercice démocratique c’est sortir de la fonction d’assister pour atteindre la qualité de coopérateur . Ce passage exige non seulement des qualités de gestionnaire mais aussi et avant tout la maîtrise des règles démocratiques. C’est pourquoi dans ses principes, la coopérative donne une large place à l’éducation, la formation et l’information.

La coopérative en Afrique n’a pas dans le passé fonctionné suivant les principes organisationnel de la coopérative. Or ce changement dans l’organisation du pouvoir ne peut se faire sans la mise en place d’un processus de formation venant impulser le changement des comportements pour ensuite les consolider.

b. Une gestion placée sous la responsabilité de ses membres

De façon spécifique, on remarque par exemple que dans la société avec conseil d’administration, l’Acte Uniforme donne de manière générale les pouvoirs les plus étendus au conseil d’administration tel que visé aux articles 308 à 314 de l’AUSCOOP. Ce recadrage institutionnel libère les sociétés coopératives de toutes mainmise de l’Etat et leurs donnent en pratique plus de rationalité. Cependant, l’Acte Uniforme n’exclut pas l’idée d’un partenariat basé sur le respect des prérogatives entre l’Etat et les sociétés coopératives.

En constituant une coopérative les coopérants veulent diminuer les coûts des coopérants en diminuant voir supprimant les frais des intermédiaires au bénéfice de ses membres. La coopérative doit permettre de réduire, au bénéfice de ses membres et par l’effort commun de ceux-ci, le prix de revient et, le cas échéant, le prix de vente de certains produits ou de certains services en assumant les fonctions des entrepreneurs ou intermédiaires dont la rémunération grèverait ce prix de revient mais aussi d’améliorer la qualité marchande des produits finis destinés à leurs membres ou de ceux produits par ces derniers et livrés aux consommateurs.

Ainsi quel que soit la finalité de la production, la coopérative a un objectif de rentabilité. Or comme nous l’avons précisé, l’économie rurale reste encore essentiellement une économie vivrière visant une consommation familiale. La logique d’une production intensive exige une augmentation des objectifs de production. Au-delà des moyens matériels apportés par la coopérative, les coopérants notamment les paysans doivent être initiés à une vision économique nouvelle de productivité et de rentabilité.

En effet, nous devons constater que la mise à disposition de moyens est un facteur indispensable à l’augmentation de la production agricole mais à ce facteur il faut y ajouter l’apprentissage à des techniques de gestion en vue d’apporter un changement dans l’approche de la production et productivité agricole.

A cet aspect économique vient s’ajouter l’aspect technique et juridique. C’est par cette dernière approche, l’approche juridique, que la coopérative peut être non seulement un facteur de promotion individuel mais aussi un moteur du développement économique.

B. La coopérative un instrument de promotion individuelle et de développement économique
La promotion de la coopérative s’entend au sens large. En effet dans l’action de promotion s’inscrit d’une part la promotion individuelle des coopérants et d’autre part la promotion de la forme coopérative, comme instrument économique.

a. La coopérative un instrument de promotion individuelle

La spécificité de la coopérative repose sur la démocratie économique. Son développement implique l’organisation d’une démocratie interne pour permettre à la fois la plus large participation des membres à l’activité sociale et assurer par ailleurs une efficacité maximale à leur entreprise. Mais cette démocratie interne ne saurait être effective sans une formation des coopérateurs en vue de leur donner les moyens de créer une vie démocratique réelle et profonde dans l’institution . Cette formation des coopérateurs s’inscrit plus largement dans la promotion collective qui va permettre à l’ensemble des travailleurs d’acquérir la formation économique et sociale nécessaire à l’exercice de responsabilités dans l’entreprise .

Le Sénégal justifie d’une longue tradition démocratique en démontre les dernières élections présidentielles de mars 2012 , qui se sont déroulées dans le calme et dans le respect des résultats des urnes, malgré les tensions qui ont précédées le scrutin. Malgré cet encrage démocratique, nous devons cependant soulever le poids des traditions et la persistance des réflexes culturels parfois contraires à la démocratie. Par ailleurs, l’expression démocratique ne vaut qu’en présence d’une population éduquée et formée en mesure de comprendre les enjeux de société. A défaut l’expression démocratique ne sera que le résultat de la corruption.

L’Acte uniforme sur les sociétés coopératives impose la formation des membres. Cette formation est expressément prévue à l’article 6 de l’Acte Uniforme sur les sociétés coopératives qui précise que la société coopérative est constituée et gérée selon les principes coopératifs parmi lesquels il y à « l’éducation, la formation et l’information ». Mais ce principe de formation doit faire l’objet d’un suivi du Comité de gestion ou du Conseil d’administration . Dans la répartition des résultats, les organes de gestion sont tenus d’affecter une partie du résultat disponible à la formation des associés coopérateurs .
La formation fait parti des obligations de la coopérative. Cette exigence de formation résulte avant tout du principe démocratique qui gouverne la coopérative. En effet les coopérateurs disposent d’un pouvoir de décision par leur participation aux assemblées générales. Cette participation ne peut être qu’effective et réelle que si les coopérateurs sont mis dans la possibilité de juger les résultats. Ce n’est que par la formation que les coopérateurs pourront pratiquer la démocratie de contrôle .

Cette formation doit faire l’objet d’un plan de formation des coopérants. En effet, il ne suffit pas de prévoir la formation et d’en dégager le budget. La formation prévue est non seulement une formation technique mais aussi une formation idéologique sur les valeurs et les enjeux de la coopérative.

Concernant la formation technique, le fondement de la coopérative, comme nous l’avons précisé c’est la démocratie. Tout coopérant peut donc devenir gestionnaire ou contrôleur de la coopérative par son élection soit au comité de gestion ou au conseil d’administration ou à la commission ou encore au conseil de surveillance. Mais l’occupation d’un de ces postes ne vaut que si le coopérateur maîtrise les rouages de la gestion. En effet ces postes exigent la maîtrise d’une certaine technicité notamment en matière de gestion ou de planification stratégique. A défaut, les organes de gestion ou de contrôle risquent de devenir des organes fantômes, laissant la préparation des délibérations à des techniciens de la gestion c’est-à-dire aux « managers ». Le risque qui menace la coopérative c’est que le principe démocratique cède sa place à une gestion suivant les rouages traditionnels de l’entreprise de capital plus préoccupée de technique et de résultats commerciaux. Cette menace est d’autant plus importante que la coopérative se développe et s’informatise .

Cette déviation du principe démocratique peut être évitée ou du moins maîtrisée par la mise en place d’un plan de formation intégrant les techniques du management afin que les documents présentés par les fonctions supports de la coopérative (directeurs financier, directeurs techniques…) puissent être compris par les décideurs. Il est recommandé que la coopérative consacre une partie de son bénéfice à la formation des coopérants tout en élaborant un programme de formation dans la continuité.

Cette méconnaissance des rouages de la gestion et notamment de la gestion d’une coopérative est une réalité. Pour exemple nous devons citer l’affaire du Crédit Mutuel du Sénégal.

Le Crédit Mutuel du Sénégal fait l’objet d’une mission conjointe d’inspection Bceao/Ministère de l’Economie et des Finances en 2008 à la suite de laquelle trente recommandations sont émises. Une deuxième mission de vérification de la mise en œuvre de ces recommandations et sur l’examen de la situation actuelle de l’institution est effectuée du 19 septembre au 20 octobre 2011.
Le rapport de la mission conjointe de la Direction de la réglementation et de la supervision des systèmes financiers décentralisés (Drs/Sfd) et de la Bceao est accablant et dénonce le non suivi des recommandations. Le Ministre des Finances de l’époque dénonce dans une correspondance adressée à l’institution le 1er mars 2012, le manquement des dirigeants à leurs obligations de contrôle au détriment de l’institution et de ses membres .

Suite à ces manquements, le Président du conseil d’administration a estimé avoir manqué de rigueur et sans doute « trop courbé l’échine » devant le directeur du Groupe CMS . Il précise par ailleurs qu’il n’a pas pu voir les éléments qui lui auraient permis de faire correctement son travail. L’affaire du CMS et notamment les propos tenus par son Président mettent en avant la nécessité de formation des coopérateurs qui loin d’être symbolique est une nécessité afin que les responsables puissent faire face aux propositions des « managers » et les acceptées ou non en toute connaissance de cause.

Au-delà de l’aspect strictement technique, la mise en place du principe démocratique exige que soit dépassées des règles issues de la coutume notamment la règle du respect des aînés ou du Chef. Cette résistance de la coutume déjà dénoncée par Marguerite Camboulives dans sa thèse sur l’Organisation coopérative au Sénégal demeure une réalité. Cette difficulté est minime dans les sociétés de capitaux dans lesquelles seule la recherche du retour sur investissement prime. Mais dés lors que c’est le principe démocratique qui est le moteur de l’organisation, les règles coutumières ressurgissent.

Afin d’éviter le détournement de ces règles au profit d’un groupe, les statuts et règlements intérieurs de la coopérative doivent prévoir des mécanismes de fonctionnement interne propres à promouvoir l’expression démocratique. Ainsi sera préféré le vote secret au vote à main levée.

La démocratie exige la rationalité et notamment la gestion du temps. Les organes de gestion doivent faire un travail préparatoire aux assemblées pour que celles-ci se tiennent dans un délai de temps raisonnable. L’assemblée des associés coopérateurs est le lieu d’expression de ces derniers. Mais il ne doit pas devenir un lieu de rencontre où tout sera débattu. Au-delà de la formation technique à la compréhension des documents et du fonctionnement de l’organisation, telle qu’elle a été précédemment précisée, la coopérative doit prévoir des séances d’information sur l’expression démocratique.

Si on se réfère aux chiffres communiqués par les institutions bancaires instituées sous la forme de coopérative en France, 4% du résultat est affecté à la formation. Aussi, le processus de formation des coopérateurs doit faire l’objet d’un programme de formation, avec un suivi individualisé des bénéficiaires afin de la rationaliser.

Au-delà de la formation technique, la coopérative n’est pas la société de capital. Elle a ses spécificités qui doivent non seulement être connues, comprises et renforcées. La coopérative est avant tout un instrument mis à la disposition de ses membres pour ses membres autrement dit c’est le partage équitable de la valeur entre sociétaires, dirigeants, salariés et clients.

La coopérative c’est avant tout le respect des valeurs qui lui sont propres. Ces valeurs énumérées à l’article 6 de l’AUSCOOP défendent le principe d’une gestion transparente, équitable et de proximité dans l’intérêt de ses membres.

L’affaire du CMS met en évidence le manque d’éthique des dirigeants. La bonne santé de la coopérative doit bénéficier aux membres. L’objectif de la coopérative n’est pas de distribuer des profits mais de développer la solidarité entre les membres. Ce principe de solidarité va se faire sentir par la baisse des primes demandées aux membres, ou l’augmentation des avantages qui leurs sont réservés… Cependant si ces valeurs ne sont pas connues ou mal comprises, le pouvoir va revenir aux managers.

Mais si les coopérants sont initiés aux valeurs de la coopérative notamment au principe de la solidarité, ils ne vont pas accepter que les primes soient augmentées alors que les bénéfices après affectation des réserves et du budget formation, restent très élevés. Dans cette hypothèse ils seront en mesure de justifier et solliciter le maintien du niveau des primes en l’état.

L’AUSCOOP prévoit le remboursement des frais avancés par les membres des organes de gestion et de surveillance. Mais ce remboursement ne doit pas être une façon de dissimuler des avantages accordés aux membres dirigeants. Là aussi, la maîtrise des valeurs de la coopérative va justifier le contrôle des remboursements des sommes avancées par les dirigeants.

Ce principe démocratique repose sur l’exigence de formation des sociétaires qui doivent rechercher un équilibre entre adaptation aux exigences d’une économie concurrentielle et aux valeurs de la coopérative.

Le droit coopératif est avant tout pragmatique. Au-delà des principes qui fondent la coopération, la loi intervient tantôt pour protéger les coopérateurs, tantôt pour protéger la coopérative tout en laissant aux coopérateurs le soin de préciser dans leurs statuts et, le cas échéant, leur règlement intérieur, les règles de fonctionnement qui leur apparaissent les plus appropriées pour réussir leur action commune.
Mais au-delà de la promotion individuelle et plus largement de développement de la coopérative, celle-ci peut être devenir un modèle économique alternatif au tout libéralisme. Nous pouvons ainsi relever le soutien récent de certains gouvernements en faveur du développement du mouvement coopératif. Ce soutien passe non seulement par des programmes d’information mais aussi par une évolution de la législation favorisant l’accès à la coopérative.

b. La promotion de la coopérative comme instrument de développement économique

L’année 2012 a été proclamée par les Nations Unies « année internationale des coopératives ». Les 1,4 million de coopératives déclarées à travers le monde prendront part à cette célébration pour montrer comment elles contribuent à construire un monde meilleur.
La résolution des Nations Unies, adoptée le 18 décembre 2009 au nom de la contribution des coopératives au développement socio-économique, est un véritable plaidoyer pour les coopératives. Elle reconnait que « le modèle entrepreneurial coopératif est un facteur de développement économique et social majeur qui soutient la participation la plus complète possible des personnes dans le développement économique et social autant dans les pays développés qu’en développement et qu’en particulier, les coopératives contribuent à l’éradication de la pauvreté ». L’Année internationale de la coopérative a pour objectif principal de mieux faire connaître les spécificités coopératives et plus précisément de montrer comment les entreprises coopératives bénéficient à des millions de personnes à travers le monde, en promouvant une économie au service de l’homme.
Pour reprendre les termes du Secrétaire général de l’ONU « Les coopératives rappellent à la communauté internationale qu’il est possible d’atteindre à la fois la viabilité économique et la responsabilité sociale » . En effet la coopérative développe les valeurs de réciprocité, de responsabilité et d’humanisme. Cette dernière valeur se retrouver dans les priorités de la coopérative qui s’implante, se développe dans un espace géographique donné. La gestion de proximité est un principe que l’on retrouve dans le fonctionnement du Crédit agricole en France. Cet établissement bancaire coopératif s’implante sur un territoire qu’il va faire vivre. Le Crédit Agricole est géré selon le principe de proximité et de développement local. Cette proximité se manifeste entre autre dans la qualité de clientèle qui est une clientèle locale. Le développement local se retrouve notamment au niveau de l’emploi, puisque le Crédit Agricole recrute son personnel dans son environnement proche. Ainsi les centres d’appels sont implantés dans les localités de déploiement des agences et recrutent un personnel local.

Le Crédit Mutuel du Sénégal est à l’origine un établissement de micro-finance de proximité destiné à venir en aide aux populations exclues du système bancaire traditionnel. Il apparaît en 1988 dans la Région de Kaolack et s’appelle Caisses Populaires d’Epargne et de Crédit (CPEC). Le lieu d’implantation n’est pas fortuit puisque la Région de Kaolack est le bassin traditionnel arachidier.

La ville de Kaolack est une création coloniale qui a trouvé sur place le village de Ndagane aujourd’hui vieux quartier de la ville. Kaolack a été et est encore dans une grande mesure un centre important du transit de l’arachide, culture de rente du Sénégal. Autant dire que la ville a été durant longtemps l’une des plus importantes du Sénégal. Du fait de sa situation géographique à 189 kilomètres de Dakar, ce chef-lieu de région est en outre le nœud routier le plus important du Sénégal qui permet de se rendre dans les quatre coins du Sénégal. En effet Kaolack est traversée par les routes de Gambie, de Casamance, de Tambacounda, et de Thiès. Bien que sa clientèle se soit largement développée l’appui aux entrepreneurs du secteur informel demeure une cible privilégiée du CMS.

Cette sensibilisation à la coopérative et à ses valeurs doit se faire au profit de tous et notamment de la jeunesse. Ainsi nous pouvons relever le soutien du Gouvernement français dans les actions menées par l’office central de coopération à l’école et le groupement national de coopération qui œuvrent à la mise en place de la 3ème édition de la semaine de la coopération à l’école. Cette opération vise à mieux faire connaître la coopération aux enseignants ainsi qu’à leurs élèves afin de leur faire prendre conscience du champ de l’économie sociale. Cette action s’inscrit dans la durée. Elle nous rappelle la logique de développement durable à laquelle doivent être initiés les enfants en vue de construire une économie alternative .

La coopérative est d’abord une société de personnes en opposition à la société de capitaux qui place les valeurs démocratiques, de gestion de proximité et de développement humain au cœur de son système. Les principaux enjeux de la coopérative et notamment de la coopérative en Afrique et dans la zone OHADA sont d’arriver à concilier la croissance et la productivité avec la gestion du patrimoine et le développement durable. En effet c’est en partant de son lieu d’implantation que la coopérative va devoir élaborer les axes de son développement afin d’établir un équilibre entre la gestion de proximité et le pilotage centralisé de fonctions de plus en plus nombreuses telles que la stratégie, la gestion des risques et le marketing.

Le mutualisme ne s’inscrit pas dans un mouvement de la pensée politique venant en complément du socialisme ou du capitalisme mais il doit être plus considéré comme une manière différentes de réguler le marché, en établissant les règles de la redistribution plus en amont.