DOSSIER PRATIQUE SUR LES TECHNIQUES D’OPTIMISATION DES SÛRETES : LES PIEGES A EVITER. LES DILIGENCES A RESPECTER

La refonte du droit OHADA des sûretés, à n’en pas douter, ne laisse de susciter des contributions théoriques d’une vive intensité. Les enjeux y relatifs sont d’une telle importance qu’ils justifient, inévitablement, les profondes réflexions doctrinales consacrées au nouvel Acte Uniforme portant organisation des sûretés.

Des séminaires ne sont pas en reste. Ils signalent à travers tout l’espace OHADA si ce n’est pas au-delà (Europe, Amériques…) des animations de haute facture. Fora, conférences, ateliers, colloques, journées d’études, au cours desquels, praticiens des sûretés, banquiers, notaires, universitaires, avocats… procèdent à une mise en abîme des lignes de force et de faiblesse du droit OHADA des sûretés.

La préciosité des approches théorique, la richesse des analyses académiques pour ne pas dire universitaires, ne doivent point occulter l’impérieuse démarche pratique. Depuis loin, les sûretés ont pour vocation d’être constituées, conservées gérées et réalisée. Elles s’insèrent dans un processus à l’intérieur duquel les aspects dits pragmatiques ne le cèdent en rien aux questions tenues pour théoriques.

Raison pourquoi, il nous paraît de bonne méthode, en complément des explications scolastiques, de mener des travaux centralement axés sur les modalités d’optimisation des sûretés.

A ce titre, par manière d’illustration, deux aspects à mettre en exergue. D’abord, seront exposées les conditions dans lesquelles les banques peuvent souffrir la perte des garanties non affectées à la couverture du solde débiteur du compte courant et le moyen d’y remédier (Premier aspect).

Ensuite, seront déclinés les conseils pratiques susceptibles de servir aux professionnels travaillant sur la matière des sûretés propriété (Second aspect).

PREMIER ASPECT : LA PERTE DES SURETES NON AFFECTEES A LA COUVERTURE DU SOLDE DEBITEUR DU COMPTE COURANT

La matière des garanties bancaires signale un champ de techniques sécuritaires éprouvées, de mécanismes de couverture des engagements d’une finesse assurée. L’explication est à rechercher dans cette sorte de magique aptitude des banquiers à innover. Notamment quand il s’agit, pour eux, de sauvegarder leurs intérêts. Ce qui est de bonne guerre.

Aussi loin qu’il est permis de remontrer dans le temps, les banquiers, particulièrement les LOMBARDS, ont démontré cette compétence à imaginer et mettre en œuvre des sûretés propres à sécuriser leurs financements. Souvent fois les garanties en usage empruntent aux figures du Droit romain tel que rapportées dans les compilations de l’Empereur Justinien : Le Digeste, le Noveles, par exemple.

Où il ressort que les garanties dont est cas, au détour d’une apparence de modernité, émargent aux Institutions du fond des âges. A l’image du VIN, cependant, elles se qualifient, se bonifient en vieillissant. Ces traits de caractère dont elles sont empreintes impriment, fortement, les contours des problèmes dérivés de leur application. Ceux là, parfois, ne sont point simples. S’essayant à leur résolution, les banquiers y perdent, tantôt, de l’argent ; ensuite de la « disparition » des garanties non affectées à la couverture du solde débiteur du compte courant.

Il faut exposer les faits à l’origine du problème. Le banquier qui est en relation d’affaire avec un client consent à ce dernier un crédit à moyen terme par exemple.

Ce crédit est garanti par une hypothèque. Il peut arriver aussi que le bénéficiaire du crédit sollicite le cautionnement solidaire d’un tierce personne ou son engagement en qualité d’avaliste.

Notamment, le dirigeant de la société peut s’engager comme caution envers le banquier, pour la garantie d’un crédit à moyen terme octroyé à sa société. Par la suite, la banque et son client ouvrent un compte courant devant régir l’ensemble de leurs rapports d’obligation.

Seulement, le banquier omet de réserver là où les sûretés qui lui sont accordées à la garantie du solde débiteur du compte courant. Cette omission, selon la jurisprudence, lui fait perdre le bénéfice de ses sûretés. Ces dernières sont frappées d’extinction en raison de l’effet novatoire qui s’attache à l’entrée d’une créance en compte ; mais aussi, en raison de l’effet de règlement qui résulte du mécanisme du compte courant.

Lorsqu’une créance, entre en compte, le créancier étant réputé désintéressé, les sûretés réelles ou personnelles qui garantissent cette créance, de même que les privilèges s’éteignent automatiquement dès son inscription au compte courant.
Deux arrêts de la cour d’appel de Dakar se prononcent ferme en ce sens. Ces deux arrêts sont les suivants :

• CA, N°358, du 5 juin 1997, Hussein YASSINE C/SGBS ;
• CA, N°661, du 26 Décembre 1997, SGBS C/Hussein YASSINE.

La rigueur des solutions ci-dessus commande un ajustement de pratique bancaire. Les banques ont intérêt à ne pas contester l’extinction de leurs garanties dans la mesure où il est avéré qu’elles n’ont pas procédé au report de ces dernières aux fins de couverture des soldes débiteurs de comptes courants.

Ce serait là, un moyen d’éviter les contentieux inutiles. Il convient de noter que les solutions du droit sénégalais sont à l’identique de celles françaises.

ORIENTATIONS DU DROIT COMPARE

En droit français, la perte de sûreté par voie d’extinction est prononcée dans les mêmes termes (Cour de cassation, chambre civile, 12 juin 1936, Dalloz Hebdomadaire 1936, p.441 – Chambre Commerciale 10 juin 1949, JCP, 1949, II 5106 notes Henri Cabrillac – Cambre commerciale, 19 Mars 1980, JCP 1980 Editions commerce industrie, 1,8816).

SECOND ASPECT : CONSEILS PRATIQUES EN MATIERE DE SURETES PROPRIETE

Les conseils portent, tour à tour, sur la réserve de propriété, la cession de créance à titre de garantie d’un crédit, le transfert fiduciaire de somme d’argent.
A. CONSEILS PRATIQUES EN MATIERE DE RESERVE DE PROPRIETE

Concours en trois temps : les stades de la constitution de la garantie, de sa conservation et de sa réalisation.

1. Conseils au stade de la réalisation de la garantie

• Conseiller à la banque la rédaction de la clause de réserve de propriété dans un acte dédié ou son insertion dans des Conditions générales de vente ou de prestation de service. Ce faisant, la banque pourra ainsi procéder en répercutant les conseils à ses clients emprunteurs qui sont fournisseurs et qui ont vocation à lui céder des créances à titre de garantie des financements octroyés.
• Insister sur le fait que la clause de réserve de propriété est à convenir au plus tard au jour de la livraison.
• Le Conseil doit rédiger la clause de réserve de propriété en veillant à l’appliquer aux seuls biens mobiliers.
• Sur le terrain du conseil, le notaire, par exemple, s’appliquera à faire voir aux banques l’importance de la propriété réservée en corrélation avec la qualité qu’elles peuvent revêtir comme cessionnaires à titre de garantie de créances dans les termes des articles 80 à86 du nouvel Acte uniforme sur les sûretés. Il n’est pas un hasard si les dispositions relatives à la cession de créance à titre de garantie d’un crédit viennent juste après celles régissant la clause de réserve de propriété. Le banquier cessionnaire de la créance, à titre de garantie, acquiert par l’effet translatif de ladite cession les accessoires de la créance ; au rang desquels la propriété réservée.

2. Conseils au stade de la gestion et de conservation de la garantie

• Si par exemple le Conseil est un notaire, le clerc aux formalités s’appliquera d’ordre du notaire à inscrire la sûreté au Registre du commerce et du crédit mobilier.
• Le clerc aux formalités procédera au renouvellement de l’inscription.
• Préciser aux banques le report de réserve de propriété sur des biens de même espèce et de même quantité au cas de revente suivie d’une reconstitution du stock.
3. Conseils au stade de la mise en œuvre de la clause de réserve de propriété

• Préciser le contenu du droit à revendication du banquier bénéficiaire de la propriété réservée :
– Revendication du bien
– Revendication du bien incorporé à un autre bien
– Revendication du prix du bien en cas de revente dudit bien
– Report de la réserve de propriété sur l’indemnité d’assurance en cas de destruction ou de perte du bien
– Revendication du bien en cas de procédure collective ouverte contre le débiteur
• Préciser le sort de l’excédent : hypothèse de la valeur du bien supérieure au montant de la créance restant dû
• Informer et conseiller les banques sur les solutions au cas de résistance à une demande en restitution diligentée par ces dernières : injonction de restituer, saisie revendication, saisie appréhension,
• Le Conseil est appelé à identifier et conseiller relativement aux conflits auxquels le banquier créancier bénéficiaire de la propriété réservée à vocation à s’exposer :
– Conflit banquier créditeur bénéficiaire de la réserve et fournisseur du commerçant (emprunteur auprès du banquier susdit). Le fournisseur a vendu au commerçant avec clause de réserve de propriété. Le commerçant qui est client de la banque revend le bien acquis cependant qu’il avait déjà cédé ses créances futures au dit banquier par la convention cadre de crédit par cession de créance ; le banquier prétend être cessionnaire du la créance de prix de revente alors que le fournisseur entend appliquer sa réserve de propriété sur le prix de revente par le mécanisme du report.
– Conflit banquier bénéficiaire de la réserve de propriété et bailleur d’immeuble invoquant le privilège redoutable du bailleur d’immeuble de l’article 184 du Naupos.

NB : les Conseils doivent aider à la clarification de la nature de l’action du bénéficiaire de la propriété réservée contre le sous acquéreur : action réelle ou action personnelle ?

B. CONSEILS PRATIQUES EN MATIERE DE CESSION DE CREANCE A TITRE DE GARANTIE

Seront examinés les trois niveaux du concours : au stade de la constitution de la garantie, au stade la conservation et de la réalisation.

Conseils pratiques au stade de la constitution de la sûreté

• Le Conseil est censé indiquer aux banquiers que la cession de créance à titre de garantie d’un crédit est une opportunité notamment pour les acquéreurs immobiliers qui peuvent ainsi céder leurs créances de loyers résultant de la location d’immeubles acquis sur financement bancaire.
• Le Conseil se fait fort d’attirer l’attention des banques sur le fait que la cession de créance à titre de garantie peut être l’idéal complément, à défaut de se substituer, de la délégation de débiteur de loyers, du nantissement de créance de loyers.

Le Conseil doit apporter son concours en aidant à identifier les risques attachés à ce mécanisme de garantie. Ces risques sont multiples. Les uns sont communs, les autres spécifiques.

1.1. Les risques communs

Il est des risques naturels à la cession de créance à titre de garantie qui résultent des exceptions ayant vocation à être opposées par le débiteur cédé au banquier cessionnaire de la créance.

A côté des risques naturels, existent des risques accidentels : risque d’annulation de la cession intervenue en période suspecte. En droit comparé français, la jurisprudence valide les cessions en garantie d’une dette antérieure à la période suspecte. La jurisprudence française retient que les cessions Dailly échappent aux nullités facultatives soit qu’elles ont été consenties en application d’une convention cadre de crédit par cession de créance conclue hors période suspecte soit qu’elles ont eu lieu en garanties de dettes antérieures. Il convient de noter que la loi Dailly ne vise que les seuls paiements. – risque d’extinction de la créance pour défaut de production à la procédure collective du débiteur cédé. Pour autant, la production au passif du cédant présente aussi un intérêt certain pour le banquier cessionnaire qui entend profiter de la garantie solidaire du cédant ou obtenir le règlement de sa créance de restitution. – risque d’inopposabilité des droits du cessionnaire à la procédure entraînant son exclusion des répartitions de dividendes. Dans ces circonstances (inopposabilité), un recours contre une caution serait intéressante laquelle ne peut opposer l’exception tirée de l’inopposabilité qui est personnelle au débiteur cédé.

1.2. Les risques spécifiques

• Le défaut d’accomplissement des formalités (l’écrit à peine de nullité, l’inscription de la sûreté au Registre du commerce et du crédit mobilier sous peine d’inopposabilité aux tiers, la notification de la cession au cédé ou son intervention à l’acte sous peine d’inopposabilité de la cession à ce dernier).
• Le risque de double mobilisation d’une même créance : Ce qui fait naître notamment un conflit entre banquier cessionnaire et un porteur de la lettre de change émise par le cédant postérieurement à la cession et acceptée par le débiteur cédé. En principe, le banquier cessionnaire devrait avoir la préférence mais faute par lui de notifier la cession au cédé, ce dernier se libère valablement entre les mains du porteur de la lettre de change ; sous réserve de prouver l’antériorité de l’acceptation de la traite. Application de la maxime « Prior tempore potior jure ».

2. Conseils pratiques au stade de la conservation de la sûreté

Deux diligences recommandées : aider à prévenir les risques et informer sur les garanties pouvant permettre de limiter les risques.

2.1. La prévention des risques

• Respect du formalisme légal pour écarter les risques d’invalidité et d’inopposabilité de la cession de créance à titre de garantie.
• Produire dans les délais au cas de procédure collective en vue d’éviter la sanction de la forclusion.
• Amener les débiteurs cédés à accepter les clauses de renonciation à invoquer des exceptions.
• Privilégier l’acceptation de la cession par le débiteur cédé ou son intervention à l’acte de cession de créance à titre de garantie. L’acceptation doit impérativement avoir lieu par un Acte d’acceptation de cession de créance à titre de garantie respectant strictement le formalisme de l’article 85 du Naupos. Faute de quoi, l’acceptation ne sort point effet. (voir en droit comparé français, Cour de cassation, chambre commerciale, 29 octobre 2003, Jcp, 2004, G., II, 784, note C. Maleki).

2.2. La garantie des risques

• Le cédant est garant du paiement de la créance.
• Le transfert du risque de non paiement sur le chef d’un tiers notamment la caution des loyers du locataire ou la caution du cédant.

3. La prévention des conflits

• Conflit banquier cessionnaire de la créance et banquier réceptionnaire du montant de la créance. NB : problème du paiement à autrui de la créance cédée à titre de garantie.
• Conflit banquier cessionnaire de la créance et créancier bénéficiaire de la clause de réserve de propriété. NB : problème du conflit de prétentions autour de la créance du prix de revente du bien ayant fait l’objet d’une vente initiale avec réserve de propriété.
• Conflit banquier cessionnaire de la créance et sous traitant au titre de la part sous traitée du marché.

A. Conseils pratiques en matière de transfert fiduciaire de somme d’argent

Le concours se décline sur trois phases : phase de constitution de la sûreté, phase de conservation de la sûreté, phase de réalisation de la sûreté.

1. Conseils pratiques au stade de la constitution de la sûreté

Le Conseil est appelé à expliquer ce qu’est une Garantie fiduciaire. Ce qui implique qu’il soit en maîtrise des mécanismes fiduciaires : notamment fiducie sûreté, fiducie gestion, fiducie gestion de sûreté, fiducie libéralité, aliénation fiduciaire, cession fiduciaire……….

• Insister sur la nécessité d’un écrit à peine de nullité du transfert fiduciaire de somme d’argent.
• Insertion dans l’acte constitutif de toutes les mentions requises par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés notamment l’identification du compte bloqué.

2. Conseils pratiques au stade de la conservation de la sûreté

• Veiller à ce que les fonds objet du transfert fiduciaire soient portés dans un compte ouvert au nom de la banque créancière. De sorte que la clause qui énonce que le constituant ou ses créanciers ne peuvent retirer les fonds ou qu’une procédure collective ne remet pas en cause la garantie, est inutile.
• Recommander vivement la notification du transfert fiduciaire à l’établissement teneur du compte logeant la somme objet de la sûreté ; si ce dit établissement n’est pas la banque créancière.
• Le transfert fiduciaire de somme d’argent n’est pas soumis à la formalité de l’inscription au Registre du commerce. Au regard des tiers, c’est une sûreté occulte. Pour les créanciers notamment banquiers, cela réduit les coûts de constitution en conséquence ceux de transaction.

NB : le banquier teneur de compte en même temps créancier au titre, par exemple, d’un crédit à moyen terme, peut il être bénéficiaire du transfert fiduciaire ? Les rédacteurs du nouvel Acte uniforme ont répondu positivement au Séminaire de Porto Novo ; spécialement le Professeur Pierre Crocq.

Sur ce point précis, nous avons interrogé le Professeur Pierre Crocq de l’Université de Paris II, rédacteur du Naupos, lors du Séminaire sur la réforme du droit des sûretés OHADA et le droit commercial général OHADA, organisé à Porto Novo, Cotonou, par la Banque Mondiale et l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature du 12 au 16 juillet 2011. Durant les travaux du jeudi 15 juillet 2011, à notre question de savoir si un banquier qui tient le compte d’une personne à qui il consent un crédit peut bénéficier de la part de cette dernière d’un transfert fiduciaire de somme d’argent en garantie du crédit accordé, le Professeur Crocq a répondu oui en précisant que pendant la rédaction du Naupos, il n’était pas dans l’intention des membres de la commission de rédaction d’exclure une telle possibilité.

3. Conseils pratiques au stade de la réalisation de la sûreté

Le concours à ce stade a vocation à s’articuler autour des points suivants :

• Informer les banques que faute de paiement et huit jours après que le constituant en a été averti, elles peuvent se faire remettre les fonds objet du transfert fiduciaire.
• Préciser aux banques que leurs propres créanciers sont habiles à diligenter saisie sur lesdits fonds car elles en sont bénéficiaires. Cependant, un saisissant, ne saurait avoir plus de droit que son débiteur en sorte que la saisie ne produira effet que si à l’échéance les fonds dont s’agit sont remis a à la banque bénéficiaire de la garantie.